J’ai toujours eu une profonde admiration pour les archéologues qui, voyant un orteil ou un tesson peuvent décrire la vie d’un individu ou le galbe d’une amphore. J’ai l’impression d’avoir joué ce jeu ce soir. Ayant constaté les dégâts causés dans ma cave par l’agonie de bouchons dont le ticket n’est plus valable, je me suis livré ce soir, avec ma fille et mon gendre, à une opération de paléontologie. Il me paraît évident qu’il faut au plus vite inventorier les risques de perdre quelques bouteilles légendaires.
Cherchant en cave des flacons à problèmes, blessés et de niveaux bas, voici ce qui se passa.
Le champagne Mumm Cordon Rouge 1937 a une étiquette comme neuve, protégée qu’elle était par un papier. La capsule paraît rouillée. Le bouchon se cisaille à l’ouverture. Pas de bulle. Le liquide a une couleur grisée qui est un très mauvais signe. Malgré tout, comme un ciel pommelé, le vin délivre quelques coins de ciel bleu qui nous enchantent, l’intellect jouant son rôle. Le Pouilly Fuissé Faye et Cie négociant à Beaune 1943 a plus de ressource et fut l’une des vedettes de cette soirée. Objectivement madérisé, le vin conserve de l’élégance. Il se iode avec des crevettes roses, et s’arrondit avec des fromages. Un vin de grand plaisir. Plaisir d’archéologue sans doute mais plaisir.
Ce ne fut pas le cas du château Latour 1907 dont le bouchon s’était rétréci sans prendre la moindre couleur. Parfaitement lisible, c’est un bouchon d’origine. Là, hélas, pas de question, le vin est mort.
Le Château Léoville Poyferré 1948 a un meilleur niveau et se montre grand sur un turbot accompagné de fenouil et courgettes. Excellent vin dont le goût me persuada que j’y reconnaissais 1948, avec un petit quelque chose de château Margaux par un coté très ensoleillé, plus souriant que Saint-Julien.
J’ai longtemps hésité sur l’année du vin suivant, mais en recoupant avec les étiquettes, les capsules, et ce que je pus lire, c’est sans conteste un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1919. Je lisais très bien le 1, le 9 et le 9, et l’on pouvait hésiter entre 1 et 4 pour le troisième chiffre. Mais la comparaison avec des bouteilles de ma cave des mêmes périodes montra sans ambiguïté que c’était 1919. Le goût aussi. Mon gendre essaya de lui trouver quelque chose, avec un enthousiasme qui n’appartient qu’aux jeunes. Je sentis ici ou là deux ou trois flashes d’existence. Mais le vin était mort. Sans rémission possible.
Lassé de ces expériences de cryptographie, j’ouvris un Tokaji Oremus Aszu 6 puttonyos 1981. J’aurais mieux fait de m’abstenir car ce jus sucré n’était pas inspiré et je trompais mon désespoir dans un verre de Fine Bourgogne du Domaine de la Romanée Conti 1979 qui combla mes papilles tristes. Je suis triste quand je signe des constats de décès.
Je le précise pour qu’il n’y ait pas de mauvaise interprétation, dans mes dîners, je choisis des bouteilles de beaux niveaux, ce qui justifie le taux aussi élevé de réussite (plus de 99%) si l’on accepte évidemment quelques naturelles fatigues.
Là, dans ces expériences chez moi, ce sont des bouteilles que je choisis pour leur niveau bas, car la mortalité inéluctable existe dans ma cave du fait du nombre élevé de bouteilles anciennes. Ce soir, le Pouilly Fuissé fut grand, suivi du Léoville Poyferré 1948 et du champagne Mumm 1937. Les autres bouteilles, mêmes si elles sont légendaires sur le papier : un Latour 1907 et une DRC 1919, ne valaient rien. Pas de regret, sauf de n’avoir pas géré à temps ce patrimoine. Encore un nouveau round pour me persuader des mérites de l’Académie à lancer rapidement. Il faut éviter à beaucoup de caves de se retrouver dans de telles situations.
les vicissitudes de l’achat en salles de ventes samedi, 11 juin 2005
Devant trouver une bouteille pour un prochain dîner, j’ouvre des cartons qui sont en cave depuis novembre 2003. Il s’agit d’un achat dans une vente d’une prestigieuse maison. La description des lots est précise, l’emballage sérieux. Je n’avais pas éprouvé le besoin de contrôler à l’arrivée dans ma cave deux ou trois jours après la vente. Premier carton. Le plastique alvéolé qui entoure la bouteille est très humide. La bouteille a perdu le quart de son volume. Il s’agit de Yquem 1864. Deuxième carton. Même constat. Il s’agit de Château Margaux 1881. Ma cave est de bonne conservation. Pour que deux bouteilles aient connu le même malheur, il a fallu soit un accident (mais où ?), soit une erreur d’expertise. Il se peut qu’un collectionneur, sentant la mort prochaine de ces vins ait voulu passer la patate chaude à un autre amateur moins regardant. L’expert n’y aurait rien vu. Pour de telles bouteilles j’aurais sans doute dû être vigilant. Mais des maisons de vente, comme celle qui est concernée, entreposent leurs lots en dehors de Paris. Consacrer un jour à la visite d’inspection avant la vente et un jour à la vente est difficile. C’est presque irréaliste. On fait donc l’impasse en se fiant aux descriptions d’expert. L’achat des vins très anciens est parfois un exercice périlleux.
Dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 9 juin 2005
Dîner de wine-dinners du 09 juin 2005 au restaurant Taillevent
Bulletin 146
Les vins de la collection wine-dinners
Magnum de champagne Pommery 1988
Rully Premier Cru Suremain 1984
Château Mouton Rothschild 1975
Château Gruaud-Larose 1928
Aloxe Corton Pierre Olivier négociant 1966
Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1949
Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Clos Zisser Domaine Klipfel 1976
Château d’Yquem 1983
Ermitage de Consolation, Banyuls « Hors d’âge »
Le menu créé par Alain Solivérès
Amuse-bouche
Langoustines rôties, barigoule d’artichauts au pistou
Chausson feuilleté de ris de veau
Pigeon farci, roquette et pignons de pin
Foie gras de canard de Chalosse confit
Crêpes craquantes, pêche rôtie a la verveine
dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 9 juin 2005
Un nouveau dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Les bouteilles sont apportées une semaine à l’avance et redressées debout en cave la veille de leur ouverture. Le jeune sommelier Aurélien, en poste depuis six mois dans cette prestigieuse maison va assister à l’ouverture, qui est toujours un prétexte à raconter des histoires de vins et de bouchons. Jean-Claude Vrinat et Valérie viennent me saluer dans le local que l’on a apprêté pour cette cérémonie d’ouverture, clef de beaucoup de plaisirs de boire. Le Gruaud Larose, un Sarget, a un niveau très élevé pour un 1928. Serait-ce un vin rebouché ? La capsule est ancienne, et le bouchon est d’origine, très noir sur la partie supérieure, et bien souple dans sa deuxième moitié. L’odeur est saine. Deux senteurs sont étonnantes de puissance : celle du Rully blanc et celle du Gewurztraminer. Je rebouche vite le Gewurztraminer tant je le sens comme un cheval fougueux. Je ne veux pas qu’il se fatigue trop vite. Le Chambertin est mon champion de ce soir, celui que je veux voir gagner. Je lui trouve un parfum qui me rassure.
Le menu a été créé par Alain Solivérès en liaison avec Marco Pelletier, subtil sommelier : Amuse-bouche / Langoustines rôties, barigoule d’artichauts au pistou / Chausson feuilleté de ris de veau / Pigeon farci, roquette et pignons de pin / Foie gras de canard de Chalosse confit / Crêpes craquantes, pêche rôtie a la verveine. Je suis content des mises au point que nous avons faites, car ce fut un travail d’équipe. J’ai mis en pratique un ordonnancement à l’ancienne qui veut que le foie gras succède aux viandes, comme me l’avait rappelé Jean Frédéric Hugel. Ce fut un bon choix.
Les convives sont quatre couples d’amis d’enfance rassemblés par l’un d’entre eux. C’est un grand bonheur quand on peut être sérieux au moment où l’on découvre un vin ou la subtilité d’un accord et volontiers chahuteur quand on chambre gentiment un ou une amie. Les rires fusèrent fort à notre table jubilatoire.
Le magnum de champagne Pommery 1988 me laissa le temps de donner les consignes de voyage. Il est de bon ton aujourd’hui de vilipender le libéralisme, synonyme, nous clame-t-on, de contrainte et de sauvagerie. Disons que mes consignes sont un peu comme cela : d’un démocratisme dictatorial. On y survit. Le champagne, que je goûtais avec l’un des convives qui en fait un légendaire, est fort agréable, surtout dans ce volume de présentation. Il est sans problème, sans énigme, et se boit avec beaucoup de plaisir. Une très jolie entrée en matière qui se goûte à la cuiller est passée comme le pianiste amnésique et muet échoué sur les côtes anglaises. Elle n’a parlé à personne et n’a même pas amorcé le moindre dialogue avec le champagne. Deux passagers qui s’ignorent. Il n’y avait bien sûr aucune opposition, car le goût était bon, mais aucune ajoute.
Comme à chaque fois, l’accord qui ne se fait pas va renforcer l’accord qui se crée. Le choc n’en est que plus grand. Le Rully Premier Cru Suremain 1984 surprend tout le monde. Ce vin est riche, emplit la bouche de saveurs exotiques élégamment dosées. Il y a à cette table de solides connaisseurs de vin. On commence d’entrée par une surprise. Le Rully est généralement sous-estimé, et 1984 une année copieusement ignorée. Et voilà que ce Rully danse en bouche de folles farandoles. Avec la chair de la langoustine, mais surtout avec la sauce de la langoustine, on se sent transporté. Et l’on note qu’au début, c’est le sel de la sauce qui l’attire comme un aimant, alors que lorsque le palais s’est habitué, c’est le fruité de la sauce qui roucoule avec le vin.
J’ai montré à l’arrivée de chaque assiette, combien l’odeur du vin est indissociable de l’odeur du plat. On ne peut plus dire ce que serait cette senteur dans un milieu neutre, dans une salle d’hôpital, car les fragrances du vin et du plat, comme les tentacules de poulpes en chaleur, s’entrelacent dans une orgie de suçons. Le Château Mouton Rothschild 1975 n’a pas d’odeur propre, il a celle de la sauce. La sauce n’a pas d’odeur, elle a celle du Mouton. Et c’est absolument excitant. Le Château Gruaud-Larose 1928 accompagne lui aussi le ris de veau à la sauce de plomb. L’étonnement est à son comble quand il est impossible de donner 47 ans de plus au Gruaud qu’au Mouton. On dirait deux frères, même si, à l’examen, on voit bien qu’ils sont dans deux phases de vie bien distinctes. Le Mouton qui a capté le plat est un petit peu rétréci par lui quand le Gruaud Larose, d’une immense longueur, est aérien, plein, équilibré, soyeux, faisant patte de velours avec une élégance rare. Je voyais des yeux émerveillés prendre conscience qu’un soin particulier peut conduire à de tels accords, insoupçonnés par leurs papilles jusqu’alors.
La sauce du pigeon, presque aussi dense que celle du ris de veau, joua le même rôle vis-à-vis des deux bourgognes. Comme en une prise de judo sanctionnée d’un ippon, elle renversa les odeurs intrinsèques de ces deux vins pour en faire ses alliés. L’Aloxe Corton Pierre Olivier négociant, 1966 est la définition la plus pure du bourgogne de charme. Il combine à la fois le doucereux et l’amer dans une structure juteuse de redoutable séduction. Le Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1949 est tout simplement éblouissant. C’est le bourgogne accompli, de pleine maturité, aux saveurs lourdes. Avec le pigeon, c’est un duo époustouflant.
Les quatre rouges auront joué des partitions assez identiques sur les deux plats. Il y a deux vins. L’aîné est chaque fois plus accompli que le plus jeune, mais ne joue jamais l’exclusion du jeunet. On a donc une paire de vins qui accompagne divinement chaque plat. Et les deux composantes de l’accord, ce qui est la définition même de son succès, s’enrichissent l’un l’autre, le vin améliorant le plat qui fait vibrer les vins.
Le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Clos Zisser Domaine Klipfel 1976 apparaît à ce moment du repas exactement comme il faut. Le foie gras est un petit morceau de bonheur, fondant en bouche. Et le kaléidoscope des saveurs alsaciennes ensoleille le palais. Encore une combinaison magistrale.
La bouche est idéalement préparée par le gewurztraminer pour accueillir Château d’Yquem 1983. Il était relativement discret à l’ouverture quelque six heures plus tôt. Il l’est encore. La pêche, trop parfumée sans doute, trop forte, écrase le délicat sauternes. Le dernier vin, Ermitage de Consolation, Banyuls « Hors d’âge » qui doit avoir une bonne trentaine d’années arrive très tard, au moment où les papilles, fatiguées d’avoir bissé chacun des vins ont moins envie de battre un nouveau rappel. Je suis amoureux de ces saveurs simples, de pruneau, de quetsche ou de mirabelle. C’est cette entrée en scène presque en tomber de rideau qui explique qu’il fut le seul vin à n’être gratifié d’aucun vote.
Le vin le plus couronné est le Gruaud Larose 1928, suivi du Chambertin Drouhin 1949 et de l’Yquem 1983. Mon vote est le suivant : 1 – Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1949, en 2 – Gruaud-Larose Sarget 1928, en 3 – le Rully premier cru Suremain 1984 et en 4 – Aloxe-Corton Pierre Olivier 1966.
La qualité de la cuisine et des sauces fut exceptionnelle. Le dosage des sauces fut totalement dans l’axe des vins. Nous avons pu ressentir des perfections gustatives d’un rare niveau. Le service d’une joyeuse brigade est légendaire. Jean-Claude Vrinat peut en être fier.
galerie 1933 jeudi, 9 juin 2005
J’aime ces bouteilles qui sont des énigmes, même si je n’ai pas toujours le temps de les résoudre. Il s’agit ici d’un Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1933.
Ce qui est amusant, c’est qu’on met "grand vin de Bourgogne", comme on mettrait pour n’importe quel vin. On indique "Propriété du Comte de Villaine". Le bandeau vertical dit "vin d’origine", et la pastille rouge dit "garanti".
Que c’est amusant !
J’aimerais bien savoir si la salle de ventes aux enchères où j’ai acheté cette bouteille a bien fourni ces explications. Car il s’agit d’un étiquetage de négoce. mais qui avait le droit de le faire ?
Quelle énigme !
Cos d’Estournel 1933 à l’étiquette bien neuve !
Echézeaux J. Faiveley 1933
repas de famille avec des reliques samedi, 4 juin 2005
J’ai créé wine-dinners pour qu’on boive mes vins. C’est un combat contre la montre, car je me suis enfermé dans une logique quasi insoluble : je ne veux pas vendre mes vins, car ce sont mes enfants : j’aurais l’impression de les trahir si je m’en séparais. Mais ma passion me pousse à en acheter et continuer à en acheter à un rythme largement supérieur à ce qui est consommé à la maison ou en dîners, ce qui représente pourtant un volume respectable. Il faut absolument que l’Académie des Vins Anciens se fasse, car la mortalité est par nature trop forte dans ma cave. Dans les dîners, j’ai généralement des bouteilles de belle conservation. Un dîner en famille est au contraire l’occasion d’ouvrir les bouteilles qui me font peur. C’est ainsi que j’avais ouvert une Romanée Conti 1929 de niveau bas qui n’est jamais revenue à la vie (bulletin 89). Au moment où j’écris ces lignes, je viens d’ouvrir des bouteilles, et le verdict sera ce soir. Un magnum d’Ausone 1955, bouteille mythique s’il en est, est vraiment au bas de l’épaule. Le bouchon est noir et gras. Le vin pue gravement. J’ai cru sentir des retours à la vie, mais je n’y crois pas. A cet instant, je l’estime morte. On verra. Un Richebourg 1929 de bas niveau est de provenance inconnue (magnifique étiquette d’un négociant sans indication de domaine). Il a un nez torréfié. Qu’en sera-t-il ? Que vais-je ouvrir d’autre ? Je demande à mon fils de venir inspecter avec moi. Je vois un Cérons Clos du Barrail 1943 dont le bouchon a glissé dans la bouteille. Là, pas de question, c’est fini. Je repère une bouteille de Château Margaux 1947 en mi/bas d’épaule. Je l’ouvre. Là, j’ai espoir. Une bouteille d’un Côtes de Beaune Villages A. Bichot 1947 est basse aussi. Faible espoir, mais espoir. Mon fils me demande : « qu’est-ce qu’il y a dans ce sac plastique ? ». J’ouvre un vilain sac plastique d’un supermarché de second niveau. Dedans, un autre sac plastique. Je vois une bouteille de Château Lafite-Rothschild 1869 de beau niveau. Il faut vraiment faire l’Académie.
Après avoir écrit ces lignes, j’ai quand même carafé le reste du Cérons, car l’odeur me parut sympathique, sans trace de bouchon.
Le dîner commence. Nous ouvrons un champagne Vilmart & Cie de Rilly-lès-Reims 1945, bouteille couleuse et basse. La couleur est d’un joli doré, et, surprise immense, la bulle est active. Oui, active. En bouche, pas la moindre trace de madérisation. C’est un vrai et joli champagne dont la blessure se remarque dans l’acidité de fin de bouche. Ce champagne est bon, au point que le Bollinger Grande Année 1985 ne le met pas sur la touche. L’élégant Bollinger de belle personnalité fait une suite logique et non un repoussoir. Sur un foie gras, la trace intense du champagne le plus jeune apparaît encore plus belle.
Le Cérons Clos du Barrail 1943 est imbuvable. Inutile d’insister. Le Montrachet Robert Gibourg 1992 de beau niveau est sans doute l’un des plus puissants que j’aie bus. Lourd comme le plomb, à la trace intense, il donne des évocations de beurre mais aussi de pâtes de fruits. Un magnifique Montrachet.
Le Château Ausone 1955 en magnum est une des plus grandes surprises de ma vie. En le condamnant à l’ouverture, j’étais sûr de moi. Or voilà un vin qui se montre sans défaut, très saint-émilion, très Ausone, avec une belle puissance et un goût convenable. Mes enfants ont plus aimé que moi, car je trouvais malgré tout qu’il avait à tout instant le goût qu’ont les lies, ces lies que je bois (ou mange) avec confiance quand d’autres n’osent pas. Constatant qu’on me demandait sans cesse d’en resservir, je vis qu’il fut apprécié. Il était bon.
Le Château Margaux 1947 est resplendissant. Charmeur comme l’est Margaux, ensorceleur, joyeux, chantant, c’est un grand Margaux auquel je n’ai pas trouvé de défaut. Il était entre mi et basse épaule. Le temps n’avait pas encore fait son œuvre de flétrissure. Il fut grand. Le Richebourg 1929 de provenance inconnue aurait pu nous intéresser s’il n’y avait que lui. Mais comme les flacons ouverts étaient nombreux, il ne suscita pas d’envie particulière, alors que le Côtes de Beaune Villages A. Bichot 1947 avait un joli goût de soif. Buvable, et plus que buvable, il est fort agréable. Beau témoignage d’une année où la Bourgogne est grande.
Je retiens de cette expérience quelques conclusions provisoires, futures pistes de réflexion. La première est qu’il est urgent que j’inventorie mes caves, pour que j’agisse plus vite que le temps. Comme mes enfants semblent se plaire à ces expériences, profitons-en. Etre traité au Margaux 1947, on connaît de pires punitions. La seconde est que je prétendais être capable de prévoir ce que sera un vin cinq heures avant son service, et cet Ausone 1955 m’a piégé. Il ne faut donc jamais conclure trop tôt. La troisième idée concerne l’Académie. J’avais l’idée de créer au sein de l’Académie une section qui s’appellerait : « le club des bas niveaux », où des collectionneurs mettraient en commun des bouteilles basses qu’il faut boire. Fondée sur une appréciation réaliste des apports, cette section permettrait de consommer des bouteilles rares qui dorment en cave et vont mourir. Ce dîner m’a donné envie d’accélérer et de pousser l’idée pour qu’elle prenne corps.
Mon classement des vins de ce dîner est : 1 – Margaux 1947, 2 – Montrachet Robert Gibourg 1992, 3 – Bollinger Grande Année 1985, 4 – Côtes de Beaune Villages Bichot 1947.
Bâtard Montrachet Domaine de la Romanée Conti lundi, 30 mai 2005
galerie 1934 samedi, 28 mai 2005
Chateau Talbot 1934 et Chateau Latour 1934.
Ce vin de paille Bourdy Père & Fils 1934 se présente comme cela en cave. J’ai demandé qu’on ne colle pas l’étiquette et la contre étiquette, afin de garder une bouteille que je trouve plus belle ainsi. En arrière-plan, des flacons anciens de ma cave, probablement des Banyuls du 19ème siècle.
Chateau Margaux 1934
Un immense Pétrus 1934 bu au restaurant Ledoyen le 18 janvier 2007 en même temps qu’un Margaux 1934 (différent de celui ci-dessus).
Dîner de wine-dinners au restaurant de la Grande Cascade samedi, 28 mai 2005
Dinner on May 28, 2005 by restaurant La Grande Cascade
Bulletin 145
The wine of the wine-dinners collection
Clairette de Die circa 1970
Champagne Salon “S” 1988
Haut-Brion white in magnum 1949 (specially offered by Steve Wolking)
Petrus in magnum 1964
Chateau La Gaffelière Naudes in magnum 1953
Yquem 1940
Cyprus Commandaria 1845
The menu created by Richard Mebkhout
Gressins de jambon serrano, allumettes au parmesan
Pâté en croûte comme à Vieu, recette de Lucien Tendret 1892
Turbot laqué au jus de volaille, pommes de terre rattes
Suprême de pigeonneau rôti, la cuisse confite
Laitue, petits pois et lard croustillant
Tian d’oranges et pamplemousses
Madeleines et macarons réglisse
les vins sont-ils bons quand on est nombreux ? samedi, 28 mai 2005
Je me rends, dans une même journée, le midi dans un cercle parisien et le soir dans un hôtel parisien historique appartenant à une fondation où l’on fait de la restauration. Pourquoi, à partir du moment où une restauration est collective, à coûts partagés, doit-on, au cœur de Paris, subir des cuisines épouvantables et des vins inadmissibles ? Il fut un temps, pas forcément tout à fait révolu, où prendre un croissant dans une gare ou un aéroport était la certitude de mâcher une semelle gommeuse. Cette restauration de lieux chics n’est pas celle de notre pays. J’ai connu des dizaines de petits bistrots animés par des couples. La femme aux fourneaux fait une cuisine familiale chaleureuse. Le cassoulet est du cassoulet ou le bourguignon du vrai bœuf. Et le mari a dégoté un vin authentique, sans prétention, qui raconte quelque chose. Ici, c’est sans imagination, clinquant, sans goût, sur de mauvais achats. Le vin de coupage, d’un hangar où l’on mélange, est imbuvable. Le combat de cette restauration n’est pas le mien. Mais je ne vois pas pourquoi il faudrait accepter le médiocre dans des lieux de légende, quand, au même prix, de vrais artisans réaliseraient des prouesses de générosité souriante. Pourquoi faut-il manger moins bien dès lors qu’on est nombreux ?