dîner de wine-dinners au Carré des Feuillants mardi, 21 juin 2005

Nouveau dîner de wine-dinners au restaurant le Carré des Feuillants où, avec la sympathique brigade, nous sommes maintenant bien rôdés. Le sommelier Christophe est toujours aussi attentif et perfectionniste. Avide d’apprendre les odeurs rares qui se dégagent des bouteilles à peine ouvertes il fera, tout au long du repas, un travail remarquable. Je l’ai vu plusieurs fois s’assombrir pendant le service et je me demandais quelle remarque aurait pu l’attrister. En fait, je m’obstinais à l’appeler Rodolphe – c’était le jour de la Saint Rodolphe – ce qui ne plait pas forcément aux Christophe. Nous en avons ri après le dîner.
Pas de problème à l’ouverture. Le bouchon du Gruaud Larose 1918 est léger, colle aux parois et sortira en miettes, mais il a joué son rôle comme il convenait. La bouteille soufflée est lourde et belle. L’odeur du « Y » est moins exubérante que celle que j’attendais. Les senteurs du Margaux, du Vosne Romanée et du Grands Echézeaux sont particulièrement belles.
Un jeune entrepreneur tonique et volontaire, déjà fidèle de mes dîners, avait réuni autour de sa ravissante épouse et lui-même des amis qui partagent tous la passion des chevaux. Au moins trois possesseurs de haras et des cavaliers titrés qui allaient s’affronter aux championnats de France de saut d’obstacles. Blagueurs, décontractés, ils avaient moins de discipline pour suivre mes indications que n’en ont leurs chevaux quand ils doivent franchir d’impressionnantes constructions de bois fragiles. Les femmes toutes ravissantes et bronzées ne cessaient de quitter la table pour téter de nécessaires cigarettes. Les champs de tabac de Virginie s’en essoufflent.
Le menu composé par Alain Dutournier est un kaléidoscope de maîtrise et de complexité : Crevette sauvage tiède dans sa « crème de tête », billes de melon en chutney et gaspacho safrané / Le bouillon parfumé du pêcheur de perles / Gelée d’écrevisses, foie gras et ris de veau, artichaut poivrade râpé, truffe d’été et févettes / L’asperge blanche des landes, les mousserons, et l’œuf en coque d’asperges / Turbot sauvage « vapeur », marinière de palourdes, lasagne printanière et tomates confites / Paleron de bœuf confit dans son jus, barigoule d’artichauts poivrades et carottes fanes / Jubilé de cerise burlat «façon forêt verte ». La mise au point du menu s’est faite sans que nous en parlions, ce que je regrette toujours. Je suis juste intervenu pour intervertir deux plats pour la logique des vins, ce qui fut un bon choix.
Le champagne Ruinart Brut est fort agréable pour se mettre en bouche. C’est l’échauffement du coureur de cent mètres, indispensable avant le jaillissement des starting-blocks. Coulant fort bien en bouche, il nous prépare bien. Le champagne Bollinger grande année 1985 montre une structure vineuse percutante. Il annonce le ton de la suite, et la crevette lui va bien, quand les autres saveurs du plat, qui iront souvent par trois presque pour chaque assiette, l’effarouchent.
Le bouillon complexe et délicieux n’appelle pas le vin. Le « Y » d’Yquem 1985 me parait nettement moins rayonnant que le souvenir que j’en ai. Il avait capté cette année-là des grains de raisin d’Yquem et je m’attendais à ce qu’un botrytis l’ait encanaillé. Or en fait ce blanc sec, fort bon, est sérieux. Et voici soudain qu’avec la truffe d’été, il devient splendide. C’est un accord de rêve. La bouche gardera longtemps avec le Y une forte mémoire de truffe. Le foie gras et ris de veau fort goûteux dansent bien avec l’Y mais la truffe est le bon mariage.
Le Montrachet Guy Amiot 1992 est un solide Montrachet rassurant. Ce n’est sans doute pas le plus puissant, mais il est bon. Le plat est goûteux. L’asperge et l’œuf sont réellement divins. On commence par se dire que le plat ne joue pas avec le vin. Et comme en diplomatie, en trouvant les mots qui rassurent, c’est-à-dire en lustrant ses papilles dans le bon sens, on arrive à ce qu’ils se parlent.
Le château Margaux 1966 et le château Gruaud Larose 1918 (Faure Bethmann) sont associés au même plat. La chair du turbot est sublime et va évidemment bien avec les deux rouges, mais c’est la palourde et surtout le jus de palourde qui fait du « dirty dancing » avec ces vins de légende. Le Margaux 1966 a le nez archétypal du château Margaux. Il en a aussi le charme. Le Gruaud Larose joue une partition d’un niveau encore supérieur. On est en face d’un vin remarquablement épanoui, structuré, sobrement beau. Une trace élégante qui sera couronnée dans les votes. Décidément la palourde est l’amie des vins rouges car nous avions eu une expérience aussi excitante chez Patrick Pignol.
Le délicieux paleron accueille trois vins, et non des moindres. Le Vosne Romanée Bouchard Père & Fils 1971 dont le nez à l’ouverture était délicieusement bourguignon, nous a joué un insolent jeu de charme. C’est un petit Vésuve en bouche. Alors que le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1988 s’en tient à son nez. Il n’y a pas de plus beau nez que ce nez là. Mais en bouche, il paresse. Il attend qu’on l’aime. Ou bien il se dit que sa puberté peut se prolonger. Le Opus One, Napa Valley California 1985 m’a surpris. Elégant, raffiné, il n’a aucune des exagérations des vins californiens. On sent qu’il n’est pas bordelais, on sent qu’il n’est pas bourguignon, et l’on succombe à son charme certain. C’est un vin bien fait, de belle race.
Les cerises, sur le papier, m’avaient laissé perplexe. En fait, astucieusement domestiquées par le talent du chef, elles s’accordent bien au château Filhot, Sauternes 1975. Le reste de l’assiette ne l’attire pas, mais croquer cette cerise ferme sur un Filhot est un bel exercice. Il faut de ces audaces quand le produit est bien traité. Je sentais que chacun s’impatientait, prêt à bousculer le Filhot tant l’Yquem était attendu. Magnifique château d’Yquem 1931 que j’ai trouvé moins sec que ce que j’imaginais. On avait en bouche une belle définition du Yquem historique où la mangue, le thé, le fruit délicatement caramélisé forment un éventail de saveurs à la persistance sans limite.
On vota bien sûr et les votes furent toujours aussi dispersés. Le Gruaud Larose 1918 fut le plus couronné, ce qui, on en conviendra, est un de mes motifs de fierté. Les plus votés ensuite furent le Vosne Romanée Bouchard 1971, le Montrachet Guy Amiot le Yquem 1931 et le Château Margaux 1966. Mon vote fut le suivant : Yquem 1931, Vosne Romanée Bouchard 1971, Gruaud Larose 1918 et Montrachet Amiot 1992.
Alain Dutournier vint nous saluer et évoquer, avec sa langue qui s’exprime d’un verbe coloré, chantant et diablement argumenté, les chemins qu’il suit pour créer des plats pour les grands vins. Il fut complimenté pour ce festival de saveurs. Ce que je voudrais signaler, car je compte bien en discuter de nouveau avec lui, c’est une remarque incidente qu’il glissa dans son propos. Il nous dit : «vous savez, quand on est entre copains et qu’on ouvre une grande bouteille, on ne fait que des plats simples. Une saveur, un point c’est tout ».
Je suis persuadé qu’il a raison, et il doit pouvoir le faire dans le cadre de ces dîners, car la démonstration de son talent n’en souffrira pas. Revenir aux racines du plat, à la saveur la plus proche du vin, c’est le cœur de ce que je souhaite. Nous sommes en effet dans un exercice très particulier où le plaisir sera magnifié si une saveur du plat colle parfaitement au vin. Alors, tous les chemins de traverse sont à éviter. La saveur primaire, voilà le secret. Et si c’est ce que fait tout naturellement Alain Dutournier, grand gourmet devant l’éternel, quand il est avec ses copains, c’est ce qui doit être fait. Les convives ont été subjugués par le brio et le talent. Ils le seront tout autant si la trame essentielle du plat les renverse de bonheur quand le vin et le plat s’enlacent de façon lascive.
Christophe fut un sommelier expert, la cuisine fut distinguée et belle de réalisation. L’ordonnateur de l’événement me téléphona le lendemain pour me faire part de la satisfaction des convives. Ce fut un grand 56ème dîner.

fabuleux dîner de l’association des grands crus classés au chateau d’Yquem dimanche, 19 juin 2005

Un événement aura lieu à Yquem. Il se prépare très tôt. Un long bain en piscine est destiné à rafraîchir mon corps pour pouvoir revêtir un smoking plus adapté au Groenland qu’au Mali. Il fait en effet très chaud. Mais une bonne fée veille sur cette soirée car la température fut clémente, ce qui permit à chacun de profiter de cet instant unique dans les meilleures conditions. La grille toujours ouverte de l’accès au château d’Yquem est aujourd’hui fermée. A un carrefour quatre gendarmes nous orientent vers un parking aménagé dans les bois au sommet de la colline d’Yquem. Des voiturettes électriques en noria nous mènent à la porte d’entrée. Des hôtesses, toutes plus belles les unes que les autres, nous accueillent et nous indiquent le numéro de table pour le dîner.
Plus protocolairement, le Président des Grands Crus Classés, le Président de Moët Hennessy et le souriant Pierre Lurton donnent à chacun, par de larges accolades, l’impression qu’il est important. Un bouquet d’arbres nous offre une ombre fort utile, où des stands de dégustation sont installés pour que l’on puisse comparer certains des plus grands Sauternes et Barsac des années 1998 et 1999. De délicieux petits toasts préparés par un grand chef brillent avec ces liquides dorés. Une musique de chambre en plein air, d’un orchestre de plus de vingt musiciens nous fait aimer ces vins chaleureux. Je déguste le Climens 1999 avec la propriétaire de ce château qui voulait faire ma connaissance car elle avait appris que Climens 1923 avait été le déclic de mon amour des vins anciens. Nous nous sommes promis de nous revoir. Nous retrouvons de nombreux convives de la magnifique fête de Pichon Longueville Comtesse de Lalande, dont May Eliane de Lencquesaing et Gildas d’Ollone souriants de la réussite de leur fête d’hier. Mon épouse discute avec une charmante jeune chinoise, écrivain du vin, fort spirituelle. Je salue avec plaisir les plus grands sommeliers du monde, des journalistes qui comptent et des propriétaires de grands vins.
Une armée de vigiles cerne nos vagabondages. Le vrombissement d’un hélicoptère annonce une personnalité. Est-ce Bernard Arnault et son épouse ou bien Philippine de Rothschild qui arrivent par la voie des airs sous les claquements des flashes des innombrables photographes ? Ils répondent, comme certains personnages importants du vin, aux interviews. Je suis présenté à Bernard Arnaud qui me gratifie de propos de circonstance. Je ne regarde que son épouse tant sa beauté fascine. Sa fille promène son fiancé qu’elle épousera ici en septembre (on en saura plus dans Voici ou Gala). Albert Frère me reconnaît car nous avons un passé commun du temps où il était dans l’acier. Mais on ne parle ici que de vins.
Une photo va immortaliser les producteurs de vins présents. Corinne Mentzelopoulos me remercie de mes mots aimables du bulletin 143. Ce sont mes amis du restaurant Laurent qui m’ont « trahi » en lui faisant lire. Elle est venue avec sa fille d’une rare beauté. Le long des remparts du château les sujets de conversation et les motifs de rencontres ne manquent pas. Valérie Lailheugue gère tout son monde d’un talkie-walkie autoritaire. La musique s’arrête et l’on nous prie de rejoindre le lieu du dîner. Longeant le château, avec la vue sublime sur les vignes et la vallée, on descend vers une halle métallique immense de belle ferronnerie où tout va se passer.
Je ne peux m’empêcher de penser qu’en ce jour de l’année qui est le jour le plus long, j’ai regardé les mêmes vignes avec Alexandre de Lur Saluces avec cet éclairage magique où le soleil de 21 heures envoie des rayons rasants sur les vignes et les colore de façon inimitable. Les feuilles deviennent diaphanes, rosissent et dégagent une vibration unique. En marchant j’essaie de faire passer cette émotion à une convive que je ne connais pas. Elle a dû se demander qui est ce doux rêveur qui poétise devant ces vignes. J’ai pensé que cet éclairage unique, je ne le verrai plus avec le Comte. Mais j’en garderai la grâce. Pour lui, et pour l’histoire d’Yquem dont mon palais a lu de nombreux chapitres.
Nous sommes à la table de Charles Chevallier, l’homme qui fait Lafite, et son épouse. Nous retrouvons Emmanuel Cruse et son père, propriétaires d’Issan, le sémillant propriétaire des Caves Legrand, une ravissante journaliste de Munich et Emmanuel cache à mes yeux un américain dont je ne découvrirai qu’à la fin du repas un incroyable point commun : nous nous parlons virtuellement depuis longtemps sur un même forum de vins.
Bernard Arnault fait un discours fort volontaire où la langue de bois est absente. J’ai déjà entendu ses propos en d’autres lieux. Il ne mâche pas ses mots. J’aime ces propos toniques car notre pays en a besoin. M. Castéja, le président des crus classés, fait un discours plus adapté à la circonstance. Bernard Arnault a sobrement et délicatement mentionné Alexandre de Lur Saluces. Ce fut bien.
Le menu est élaboré par trois chefs, Michel Guérard, le chef de Potel & Chabot, et Michel Trama. Autant dire que la qualité est au rendez-vous. Ce fut tout simplement superbe. Le premier service des vins se fait avec Château d’Issan 1999 et Duhart-Milon 1996. Nous disons en riant que ceux qui les ont faits étant à notre table, les vins sont forcément excellents et en fait ils le sont. Le Issan est bien agréable alors que le Duhart Milon est strict comme un clergyman. Leurs aînés les suivent peu après, Issan 1989 et Duhart Milon 1989. L’épanouissement est spectaculaire et ces deux vins sont manifestement fort bons. Servis longtemps avant que le plat n’arrive et contingentés par un serveur qui refusait de faire ce que veut dire son nom, c’est-à-dire servir, ces deux vins agréables eurent un goût de trop peu sur une viande délicieuse. J’attendis pour la finir qu’on commence à servir la série de prestige.
Imaginez cinq verres en cercle devant vous (la photo vous y aide). Cinq vins rouges. Ce sont : Margaux 1983, une délicatesse, un charme redoutable. Mouton-Rothschild 1982, une structure d’une rare précision, un vin de grande définition. Lafite-Rothschild 1979 en magnum, servi un peu frais et d’une année plus austère, on reconnaît Lafite, mais un Lafite discret. Château Latour 1978, un prodige de distinction et de raffinement. Des journalistes avaient voulu créer une sensation en se demandant si le vin de Latour serait représenté car son propriétaire n’est pas véritablement l’ami du tycoon qui nous reçoit. C’eût été une faute de goût de ne pas l’inclure en ce jour. Je suis sûr que la question ne s’est même pas posée. Haut-Brion 1975 en magnum, un nez inimitable d’un raffinement unique. Mais en bouche une petite déception que ne connaîtront pas des tables voisines. En d’autres circonstances, j’aurais délivré un classement de ces cinq vins. Je l’ai d’ailleurs fait sur l’instant. Mais ne serait-il pas convenable de ne pas les classer ce jour là ? Avoir en face de soi cinq vins de génie, n’est-ce pas un cadeau qui ne se divise pas. Ils furent grands, tous ensemble. J’aurais évidemment préféré les avoir sur la viande plutôt que sur un fromage. Mais qu’importe !
L’orchestre berçait nos émerveillements et soudain le ton se fit impératif. Une armée de cinquante serveurs, chacun portant une bouteille de Yquem 1967 pourfendit les allées. Les flacons jetaient des ors plus beaux les uns que les autres. Un orange profond et des variations de l’un à l’autre. Quand l’armée fut en place, un feu d’artifices perça le ciel pour ponctuer cet événement impensable : servir lors d’un même dîner cinquante bouteilles d’Yquem 1967, le plus grand Yquem depuis 1950.
La différence incroyable qu’il y a entre Yquem et ses cousins du précédent service, c’est qu’on ne se pose aucune question. Pour le Lafite, pour le Haut-Brion on peut se demander : est-il en forme, est-il à maturité, se montre-t-il sous son bon jour ? Avec Yquem, pas de ces questions. Il est parfait, idéal en toutes circonstances. Et ce soir il est éblouissant. Alors que les fruits rouges sont proscrits, voilà que des fraises des bois légères, grâce à une gelée délicieuse et adaptée, s’offrent le luxe d’embellir Yquem. Quel tour de magie de Michel Trama ! La crème de l’étage du dessous plaisait aussi à l’Yquem qui bouda la mangue au coulis trop sucré.
Raffinement suprême, quand le crépitement du feu d’artifices cessa, à travers le nuage gris qui retombait, le château fut percé par l’éclairage de toutes les fenêtres, d’un ton orange strictement de la couleur du Yquem 1967. Si c’était voulu, c’est un magistral clin d’œil. Eblouis par les saveurs intenses de ce sublime repas on cherchait autour de soi avec qui partager ses impressions. Michael Broadbent était tout sourire, Philippine de Rothschild était aux anges. Une coupe de Dom Ruinart rosé 1990 allait préparer le retour vers nos voitures dans des allées où des torches remplaçaient les rosiers qui ponctuent les rangs de vignes.
De tout cet émerveillement, le collectionneur que je suis retiendra surtout les cinquante Yquem 1967. Mais, déguster ensemble cinq premiers grands crus classés, comme le suggère la photo à laquelle il ne manque que la palette des parfums, est aussi une grande rareté. La chaleur des rencontres de gens passionnants est la cerise sur le gâteau de cet événement inoubliable.
Un nouveau dîner de wine-dinners m’attendait. C’est le cœur rempli de toutes ces merveilles que je revins à Paris, heureux de cette chance d’avoir vécu le prestige du vin de Bordeaux magistralement honoré.

dîner chez notre logeuse en bordelais samedi, 18 juin 2005

Après la délicieuse garden-party au Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande sous un soleil de plomb, l’appel de la piscine de notre maison d’hôtes se faisait pressant.
Nous avons dîné avec notre logeuse et ses amis. Le foie gras était un bon foie gras, le poulet un fort bon poulet. On me propose un vin de pêche et je dis non d’instinct, or ce breuvage aux feuilles de pêche était fort bon. Le Château de Cugat 2002 « Cuvée Fleur » blanc vieilli en fût de chêne, qui s’appelle Bordeaux est assez douloureux à mon palais car il appartient à cette cohorte de vins qui veulent bien faire et en font trop. Alors qu’à l’inverse le même Château de Cugat mais Entre-deux-mers 2004, qui a évité le supplice du chêne est fort plaisant. Un vin de pays des Côtes de Gascogne, domaine Tariquet, gros manseng 2001 ne figurera pas forcément dans la liste des vins qu’il « faut » que j’acquière. La fraîcheur de la piscine et la sérénité de l’érable abritant notre dîner auront contribué à une fort agréable soirée.

Garden party à Pichon Longueville Comtesse de Lalande samedi, 18 juin 2005

Nous partons vers la garden-party organisée au Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande pour les 80 ans de May Eliane de Lencquesaing. Le thème est : chapeaux à fleurs. Des femmes ravissantes, aux bibis fleuris, égayent le magnifique jardin du château. Des mimes en échasses, bigarrés et insolites, une abeille, un paon, une beauté bleue ou une femme déguisée en vilaine botte de blé (on est encore dans le Magicien d’Oz) surgissent des buissons pour se faire admirer. Des stands aux trésors culinaires tentants malgré l’infernale chaleur, des numéros d’artistes à tous les bosquets. Une jolie trapéziste éprise d’amour pour son ara. Tout fleure bon la fête campagnarde au faste infini. Là-dessus, de très agréables champagnes et parmi de nombreux vins j’ai goûté le Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1993, servi en magnum, fort agréable à boire et le 1996 à la saine et belle structure. Le soleil était de plomb, la chaleur d’un mois d’août transposée en juin portait plus à se soûler d’eau que des vins délicieux servis à profusion. Une belle chorale de jeunes enfants, dont j’observais avec amusement qu’elle chante et vibre au strict diapason de la personnalité de sa conductrice, un pianiste américain aux doigts agiles à la Jacques Loussier et à la gouaille de bateleur, les discours sobres des petits enfants de May-Eliane ponctuèrent une fête splendide et généreuse où le tout Bordeaux du vin et hors du vin, des artistes verriers et amis étrangers, se pressaient pour fêter une merveilleuse femme au dynamisme inépuisable.

dîner d’amis au chateau de Fargues vendredi, 17 juin 2005

Vinexpo approche (il s’agit ici de souvenirs de juin). Nous arrivons à Bordeaux. Déjeuner rapide chez Claude Darroze à Langon. Les branches des platanes nous protègent comme les arbres de la forêt du magicien d’Oz. Ma femme et moi logeons à Saint-Maixant dans une chambre d’hôte, car tout est complet dans les haltes habituelles. Quelle bonne idée ! Notre logeuse est aimable, une piscine nous rafraîchit en cette canicule. Le petit déjeuner vaut tous les palaces du monde. Un vrai bonheur.
A Fargues, une vaste allée de pins parasols conduit au château de Fargues et au domicile d’Alexandre de Lur Saluces. Il reçoit des amis. Le champagne Dom Pérignon 1996 que j’avais, avec quelques grands sommeliers et experts, participé à couronner lors d’une confrontation de très grands champagnes (bulletin 121) a encore plus de charme. C’est un champagne de plaisir, goûteux, au léger fumé. Très agréable.
Nous passons à table et sur un délicieux homard, Fargues 1999 est un bel accompagnement car la sauce lui va bien. Rond, juteux, sans grande longueur du fait des légères épices de la sauce, il est tout à son aise. Alexandre demande à son maître d’hôtel fidèle si l’on a prévu un bouillon, sas indispensable pour passer du liquoreux d’entrée au rouge qui le suit, mais celui-ci tout ennuyé lui avoua qu’il ne l’avait pas prévu. Ce ne fut pas gênant. Je cite ce souvenir pour que l’on n’oublie pas combien le bouillon aide à démarrer un repas par un sauternes.
Je venais il y a seulement trois jours de goûter Talbot 1993. Là, c’est Talbot 1994 qui se présente. C’est un vin de belle qualité, mais qui me donne peu de sensations. Le Yquem 1990 nous élève à d’autres hauteurs. Son nez est magistral. D’une complexité et d’un envoûtement rares. C’est le nez qui me chavire le plus même si la bouche est belle. Lorsque je dis que je le trouve le plus léger de la trilogie (88-89-90), Alexandre me regarde curieusement. Voulait-il me taquiner ? Il faudra que je revisite ces trois mythes. Mais je suis persuadé que le 1988 est de loin le plus puissant, suivi du 1989 et ce 1990 est plus perceptible par son extrême élégance. Un roquefort un peu fort lui allait bien ainsi que de divines mangues au coulis un peu sucré.
Malgré l’imprégnation en bouche du Yquem 1990 qu’il faudrait garder longtemps, je ne peux résister à un cognac Paradis de Hennessy, agréable compagnon de belles discussions avec les amis du Comte, lors d’une des plus belles et longues soirées de juin.

je suis membre d’un jury de soutenance de thèse mercredi, 15 juin 2005

L’institut supérieur de marketing du luxe me demande d’être examinateur d’une thèse sur les appellations AOC face à la concurrence des vins du monde. C’est amusant puisque le paragraphe ci-dessus de ce bulletin a été écrit avant que l’on ne m’appelle. Comment vais-je réagir devant une étudiante ? Et quelles sont mes idées ? Je retrouve un joyeux jury composé d’amis, Alain Senderens avec qui nous discutons naturellement de ses étoiles, Jean Castarède, grand producteur d’armagnac, Nicolas de Rabaudy, écrivain, deux enseignants et moi. Nous avons tant à nous dire que la jeune étudiante dégourdie a du mal à placer un mot. Notre consensus est évident sur la nécessité de s’appuyer sur notre force fondamentale, le terroir et la qualité, et de développer un marketing actif. La thésarde sera reçue. Nous aurons discuté entre amis de joyeuse façon.

déjeuner d’amis au Polo de Bagatelle mercredi, 15 juin 2005

Déjeuner au Polo de Bagatelle un jour de pluie. Mes amis se félicitent d’un Château Talbot 1993 alors que je le trouve bien amer. On me le reproche presque, mais la deuxième bouteille me donne raison. Voilà un vin rond, joyeux quand la première était austère. Une troisième vient se positionner entre les deux premières. Un agréable champagne Taittinger bien frais conclut un déjeuner d’amis où l’on a toujours un événement ou un prétexte à fêter.

Dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol mardi, 14 juin 2005

Dîner de wine-dinners du 14 juin 2005 au restaurant de Patrick Pignol
Bulletin 147

Les vins de la collection wine-dinners

Magnum de champagne Bollinger Brut Spéciale Cuvée NM vers 1990
Chablis Premier Cru Vaucoupins Bichot 1988
Chevalier Montrachet Grand Cru Georges Deleger 1994
Château Magdeleine saint-émilion 1986
Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1919 (ME)
1/2 Pommard Réserve de Vernhes 1966
Corton Grancey Louis Latour 1970
La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 1980
Chateauneuf du Pape Delas 1947
Château Loubens, Sainte Croix du Mont 1937
Château Gilette, crème de tête 1949

Le menu créé par Patrick Pignol

Amandine de foie gras de canard, petite salade d’herbes
Tourteau et sardine de Bretagne, marinés aux agrumes et vinaigre balsamique
Pétoncles à la truffe d’été de Carpentras
« plat » de girolles de Sologne et moules de Bouchot, saisis à la minute, jus terre et mer
Ris de veau caramélisé
Pigeon de Touraine cuit en cocotte, aux épices et dragées caramélisées
Fromage de l’Aubrac, le « Laguiole »
Tagliatelles chocolat, abricots caramélisés et leur coulis aux senteurs de basilic frais

déclin du vin français dans le monde mardi, 14 juin 2005

Il arrive que dans des dîners on me demande : « que pensez-vous du déclin du vin français dans le monde ? ». Je réponds : « ce n’est pas mon problème, c’est le problème de ceux qui le font ». Le vin est un produit de consommation. Même s’il a une valeur émotionnelle dans le cœur des français, il doit répondre aux critères de tout produit qui affronte un marché. Si le produit est bon et son prix justifié, il se vendra. Si on veut traiter le vin comme un produit agricole (surproduction, primes, subventions, destructions de récoltes, vandalisme), alors je n’ai pas d’avis. C’est politique. Si on veut faire pour lui l’équivalent d’un Plan Calcul, alors on le tuera. Si les vignerons ont une démarche qualité, des rendements réalistes, des surfaces raisonnables, un marketing de combat, alors, ils ont autant sinon plus de chances que les autres, car la France peut ajouter ce petit plus culturel et hédoniste. Les grands vins n’auront jamais de problème d’écoulement, car la demande va exploser du fait de marchés émergents. Les petits vins ont comme premier problème celui d’être bons. Et ce n’est certainement pas en assouplissant les critères de la qualité qu’on les aidera.