Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes Paul Avril 1937. Sera bu le 30/01/07 en Belgique.
dîner de wine-dinners au restaurant de l’hotel Bristol dimanche, 24 avril 2005
Un dîner particulier va s’organiser dans le cadre de wine-dinners un dimanche ! En ce jour, beaucoup de restaurants sont fermés, sauf ceux des hôtels. Les chefs n’y sont pas. Comme nous sommes rodés avec Eric Fréchon, tout se passera bien, même en son absence. La mise au point de la table et de la liste des vins fut assez complexe, l’initiateur de l’événement devant lui aussi apporter deux flacons. De riches collectionneurs de voitures historiques vont participer à un Tour de France avec quelques compétitions amicales sur circuits. J’ai fait cela aussi en d’autres temps. Mais il s’agit ici de voitures plus légendaires que les miennes.
Virginie, compétente et ravissante sommelière, ce qui ne gâte rien, m’accueille avec le sourire. Nous ouvrons les flacons. Le Pavie est magnifique d’odeur, ainsi que le Chambertin au bouchon très imbibé et de belle qualité. Stupeur, le bouchon du Pontet est presque complètement descendu. Il tient encore au goulot, il ne nage pas, mais un souffle le ferait tomber. J’arrive à trouver un point d’accroche pour la mèche de mon tirebouchon et j’extrais entièrement un bouchon dont une moitié a horriblement souffert, alors que la partie inférieure est encore souple et saine. Mais tout ceci sent la terre et le vin a grise mine. L’incertitude est totale sur ce qui se passera. L’odeur la plus belle est celle du Vouvray d’origine 1929, présenté en boîte bois cloutée, bouteille sans étiquette ni capsule, dont le bouchon porte la seule indication : « mis en bouteille à la propriété ». Ce qui est intéressant, et j’écris ces lignes avant le dîner, en attendant mes convives, c’est que j’ai ouvert le même Vouvray, de la même origine, mais daté de 1921 lors d’un dîner aussi au Bristol avec Eric Fréchon (bulletin n° 73). Et Eric Fréchon avait alors proposé le même plat ! Et, en sentant le vin ce soir, sans me souvenir du passé, je me demande s’il acceptera le plat pour lequel il est prévu. Virginie me regarde pensif, et veut savoir quelle tempête naît sous mon crâne. Je ne vois pas l’accord possible entre le Vouvray et les macaronis et entre le Pouilly Fuissé et les langoustines. Or voilà qu’en relisant mes notes, juste après l’ouverture, je retrouve mon ancienne analyse : le Vouvray ne va pas avec les macaronis. J’informe l’équipe du restaurant : on va changer l’ordre prévu. On fit bien.
Mes convives arrivent, et, attendant les plus tardifs, nous entamons le Champagne Moët & Chandon en magnum 1973. Le nez de ce champagne est époustouflant. Ce nez signe définitivement l’année 1973. Le lecteur que vous êtes pourra à ce stade se demander : qu’est-ce qui permet à François Audouze de dire qu’un champagne a les caractéristiques de l’année 1973. En quoi est-ce si reconnaissable ? Je répondrai à cette question qui ne m’est pas posée que la mémoire des vins est extrêmement sélective. On peut passer à coté de beaucoup de choses, et être marqué par d’autres. Je raconte celles qui me marquent. L’émotion de l’année 1973, que j’ai ravivée il y a moins d’une semaine dans la cave de Diebolt-Vallois, me permet de situer ce que cette année 1973 a de spectaculaire. Grandissime champagne où l’odeur domine plus que le goût que je connais.
Autour de moi des convives de Hong-Kong, de Singapour, des Etats-Unis, possèdent les voitures qui m’ont fait rêver lorsque j’allais chercher l’adrénaline que l’on récolte sur les circuits automobiles. Demain la presse va les suivre sur des parcours où ces monstres uniques vont exprimer des sonorités d’un autre temps, celui où l’automobile était un objet de rêve, et d’un rêve utilisable.
Voici le menu préparé par Eric Fréchon pour cette vivante assemblée : tranches de langoustines mi-cuites, bouillon de têtes parfumé « citronnelle et gingembre » / Macaronis truffés farcis d’artichaut et de foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan / Pigeon bressan laqué au miel et brisures de macarons, compoté d’oignon au cumin / Comté millésimé 2002 / Calisson glacé d’Aix-en-Provence, ananas caramélisé aux épices. De belles saveurs élégantes.
Le Vouvray d’origine 1929 dont aucune indication ne livre le nom du producteur a une belle couleur dorée qui enchante la ravissante femme d’origine indienne, qui fut mannequin de Yves Saint-Laurent et illumine notre table. Le nez est délicieusement expressif. En bouche, des saveurs énigmatiques où se mêlent le sec et le rond, l’amer et le sucré, le doux et le citronné. Et l’accord avec le plat est exact, tant avec la chair des langoustines qu’avec le délicat bouillon. Mais c’est surtout la gelée qui entoure les langoustines qui brille avec le Vouvray. Mon voisin de Hong-Kong, qui possède l’une des Ferrari les plus rares au monde, s’extasiait de voir comme les senteurs se confondaient entre le plat et le vin. L’inversion des vins est donc pertinente.
J’avais longuement prévenu l’assemblée qu’il ne faudrait pas juger le Pouilly Fuissé, Château de Fuissé, Vincent 1959 comme un Pouilly Fuissé. Il faudrait le recevoir comme il se présente. Et ce vin original, aux accents madérisés mais qui avait su en éviter les défauts se maria comme il convient aux macaronis truffés, plat intense et largement réjouissant. Un curieux pigeon, un peu gêné par l’excès de cumin de la compote d’oignon doucereuse accueillit trois vins rouges très différents, qui permettaient d’analyser les sensations et de sentir les accords.
Le Château Pontet Saint-Emilion 1955, le blessé grave de 17 heures, avait gommé toutes les senteurs désagréables. Il avait même pris les rondeurs d’un 1928. Mais sa remontée à la surface n’avait pas tout effacé. Buvable, acceptable, il souffrait d’un manque d’accomplissement. Il faisait encore plus briller le Château Pavie 1971 que j’ai trouvé comme mes convives extrêmement subtil et passionnant. Ce serait intéressant de goûter ce vin avec Gérard Perse, pour analyser avec lui s’il est nécessaire de prendre les orientations volontiers extrêmes pour faire son vin quand « naturellement » son terroir peut être aussi éblouissant. Les subtilités que l’on a trouvées dans ce 1971 montrent que la question mérite d’être posée. C’est le sujet de réflexion que j’ai eu aussi pour un autre domaine conseillé par le même « flying wine maker » (bulletin 84). Des convives m’avaient un peu plus tôt demandé mes préférences entre Bourgogne et Bordeaux.
Le Chambertin Pierre Damoy 1961 est si éblouissant que l’on désignerait volontiers la Bourgogne. Mais comme je l’expliquai, la question a autant de sens que de dire que Picasso gagne contre Raphaël. Il faut aimer les deux. Dans cette série, le charme envoûtant du Chambertin convainquit chacun des amateurs.
Le Château Chalon Jean Bourdy 1955 fut bien accepté, mieux même que je ne l’espérais. Il n’avait pas l’explosion olfactive du 1953 du 50ème dîner, mais il avait cette grâce que l’on ne trouve que dans les vins jaunes façonnés par l’âge. La noix est belle, on sent la peau de noix toute jeune, et le goût général est arrondi pour un plus grand plaisir.
Sur des avant desserts aux saveurs délicieuses mais égarant volontiers tant on dérive sur mille continents, le Champagne Moët & Chandon magnum, 1964 délivra, au moment où j’en pris connaissance, une émotion qui me combla. Il est saisissant de perfection. Par la suite ce champagne devint plus humain, mais sur l’instant son irréalité divine frôlait l’extase. L’ananas caramélisé aurait sans doute accompagné élégamment le Sainte Croix du Mont que j’avais prévu et abandonné en cours de route. Mais avec le champagne, le combat était trop inégal, l’ananas marquant tous les points. Alors qu’avec le calisson, l’accord était sublime.
Je fis voter et mes hôtes s’y prêtèrent de bonne grâce. Imaginez des amoureux du volant, qui se retrouvent pour un Tour de France de voitures de légende. Ils n’ont qu’une envie, c’est de parler voiture, d’autant plus que nous avions un pilote célèbre, vainqueur de courses disputées à Indianapolis. Ces amateurs, à qui l’on ouvre des Pétrus aussi facilement que de l’eau minérale votèrent en s’amusant. Leurs votes furent très cohérents. Quatre vins sur les huit eurent une place de numéro un. Les vins les plus couronnés furent le Chambertin de très loin, suivi du Vouvray et du Pavie. Mon vote mit dans l’ordre le Moët 1964, le Chambertin 1961, le Château Chalon 1955 et le Vouvray 1929. Je reconnais que le choix du Chambertin eût été le plus pertinent. Mais un vote est un vote. Dans beaucoup de dîners, des convives font part de leur émerveillement. Ce soir, ce fut mon cas.
Voilà une table formée de gens d’origines chinoises, indiennes ou pakistanaises, américaines et françaises. Et tout le monde communie de la même façon à des vins difficiles, inhabituels, et comprend leur message. Le vin semble être l’un des véhicules les plus sûrs de la compréhension mutuelle et du plaisir. Bonne nouvelle !
dîner de wine-dinners au restaurant de l’hotel Bristol dimanche, 24 avril 2005
Dinner on April 24, 2005 by the restaurant of Hotel Bristol
Bulletin 139
The wines of the wine-dinners collection
Champagne Moët & Chandon magnum, 1973 (offered by Jean Berchon)
Pouilly Fuissé, Château de Fuissé, Vincent 1959
Vouvray d’origine 1929
Château Pavie 1971
Château Pontet Saint-Emilion 1955
Chambertin Pierre Damoy 1961
Château Chalon Jean Bourdy 1955
Champagne Moët & Chandon magnum, 1964 (offered by Jean Berchon)
The menu created by Eric Fréchon
Tranches de langoustines mi-cuites, bouillon de têtes parfumé « citronnelle et gingembre »
Macaronis truffés farcis d’artichaut et de foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan
Pigeon bressan laqué au miel et brisures de macarons, compoté d’oignon au cumin
Comté millesimé 2002
Calisson glacé d’Aix-en-Provence, ananas caramélisé aux épices
dîner chez ma fille cadette vendredi, 22 avril 2005
Dîner chez ma fille cadette. J’apporte une Côte Rôtie La Turque Guigal 1993. Je suis vraiment déçu. Le vin est un peu amer, sans cette pétulance que l’on a dans le Rhône. Bien sûr il se réveille un peu. Mais malgré un bouchon que je trouve convenable, c’est un vin trop en dedans de ce qu’il devrait être. Ma déception est encore plus grande avec un autre vin que j’avais apporté, un Beaune Cuvée Brunet, Hospices de Beaune 1980. Comme ce n’est pas la première des bouteilles de ce vin qui me déçoit, je soupçonne un expert de m’avoir poussé à enchérir sur des bouteilles mal conservées. Il arrive hélas qu’en ventes aux enchères, des collectionneurs remettent des vins sur le marché, sachant que leur stockage les avait brûlés. Le plaisir vint d’un vin de mon gendre, un Faugères Réserve les Bastides d’Alquier 1998 que j’ai trouvé fort sympathique, car il est authentique. Mauvaise pioche dans ma cave pour un soir. Soirée familiale de grand bonheur.
galerie 1938 vendredi, 22 avril 2005
La Closerie du Grand-Poujeaux 1938. Combien reste-t-il encore de bouteilles de ce vin dans ce millésime ?
A découvrir !
capsule d’Yquem 1938
visite au champagne Diebolt Vallois mercredi, 20 avril 2005
Un ami sommelier, immense expert en champagne m’a ciselé une journée de dégustation. Cela débute à Cramant, chez Diebolt-Vallois, où nous sommes reçus par le propriétaire. Tout ici sent le travail soutenu d’une maison familiale où rien ne sera fait pour essayer de séduire. Mais on sent le sens esthétique, le propriétaire étant fort féru d’art. Dans la cave discrète un ascenseur monte charge nous descend comme à la mine à un niveau où l’on prélève quelques flacons qui font déjà rêver. Au niveau encore inférieur la pioche paraît irréaliste de rareté. Au dernier sous-sol, en une cave voûtée, nous allons boire des merveilles. La cave est à 9°, ce qui est assez frais, et l’usage veut que l’on crache ce que l’on a bu sur la craie des murs. Ce rite n’a créé aucune odeur ni moisissure, signe que la craie digère bien.
Jacques Diebolt ouvre les blancs de blancs. Le 1995 est très jeune. Il sent la mirabelle. Son final est très beau. Ce vin vieillira bien Le 1988 a un nez incroyable de miel. La bulle est forte, les fruits sont jaunes. Le final est brillant. Il s’agit d’un grand champagne. Le 1982 a une couleur d’or pur et un nez de noix. La petite amertume initiale disparaît à l’aération. Il y a des fleurs blanches et des fruits jaunes. C’est un vrai vin. Le 1976 a un nez de morille. L’attaque est franche et belle. On sent le cuir, la raideur, l’acidité. Si le nez est moins beau, c’est surtout un champagne très franc, d’une invraisemblable jeunesse, d’une pureté incroyable.
Vient ensuite un non millésimé, mis en cave en 1983 au nez de pain d’épices, flatteur, très demi-sec, un peu court, un vin fait pour la table. Le 1979 a un nez coincé. En bouche, c’est somptueux. Le miel, la réglisse le poussent à fond. La fin est un peu courte. Un goût de revenez-y appelle un 1982 qui confirme son élégance.
Les vins qui suivent seront dégorgés sur place. Une opportune clé anglaise extirpe le bouchon, la main du vigneron gérant la trajectoire qui libérera la lie à éliminer. Le 1973 est un vin éblouissant. C’est un vin purement prodigieux, qui montre une évolution absolument parfaite. La persistance en bouche est grandiose.
Il fallut plusieurs 1961 pour en trouver un magistral. Vin ensoleillé, très beau, qui, contrairement au 1973 très rectiligne, explore des directions nombreuses de goûts qu’il veut nous suggérer. On est en présence d’un grand champagne. Sauvage, de séduction folle. De quoi se pâmer.
Une bonne version de 1953 a un nez de fleur blanche et des saveurs anisées. C’est de loin le plus noble de tous les champagnes étudiés. L’ordre s’il s’agit de noblesse est 53 / 61 / 73. Si l’on juge l’épanouissement, la plénitude, l’ordre devient 73 / 53 / 61. Cette série de champagnes est un honneur immense qui nous fut fait. L’escapade champenoise se continue au prochain numéro.
déjeuner au restaurant les Berceaux à Epernay mercredi, 20 avril 2005
Apres la dégustation extrêmement rare de champagnes Diebolt-Vallois, où nous fûmes rejoints par une vigneronne de la famille Gonet, un déjeuner nous attendait au restaurant les Berceaux à Epernay. A propos de berceaux, nous avions gardé dans des paniers une douzaine de bouteilles dégustées ce matin (voir bulletin 138), et nous avions envisagé que nos hôtes, qui nous attendaient sur place, en bénéficient. Hélas, des agents de la répression des fraudes postés en embuscade ne l’entendaient pas de cette oreille. Les magiques bouteilles restèrent dans leurs paniers.
La table était fort originale puisque deux vignerons qui font de la haute couture à petite diffusion étaient invités par l’un des grands directeurs d’une immense maison de renommée mondiale à forte diffusion. Le partage de fabuleux flacons allait-il rapprocher les philosophies opposées ? J’ai essayé de faire comprendre que les deux approches se soutiennent au profit de toute la Champagne. Difficile de conjuguer ce qui ne le veut pas. Les délicieux champagnes aidèrent malgré tout à améliorer les compréhensions mutuelles.
Le tout nouveau Moët & Chandon 1999, que l’on boit juste après avoir eu en bouche le Diebolt 1953 a du mal à faire surface. Un peu amer, il est manifestement buvable et le sera de plus en plus. Des entrées aux variations japonisantes faisaient craindre des oppositions gustatives. Ce ne fut pas le cas. Le champagne Egly-Ouriet 1999 se présente avec une légère couleur printanière de tulipe rose. Rare couleur. Le nez est élégant. Quel grand champagne ! Le Dom Pérignon 1985 est d’un or généreux. Le nez est beau. Et le champagne occupe la bouche avec une séduction de fort bon aloi. Il était tentant de le critiquer, mais le résultat est là. C’est solidement bon, même si c’est plus dosé que la fine fleur de la Côte des Blancs. Champagne de table, expressif, on le déguste sans bouder son plaisir. Il est même suffisamment amène pour faire briller le Egly-Ouriet quand on en reprend une gorgée. Le Ambonnay rouge, vin rouge de Egly-Ouriet de 2002 vieilles vignes a vécu plus de vingt mois en fût neuf. Je renonce à compter combien de mois sont de trop.
Sur une rhubarbe l’un des convives suggéra un Jacques Sélosse non millésimé « Exquise » que j’ai trouvé hors sujet. La joue de bœuf fut ratée, une galimafrée, les plats trop compliqués pour les champagnes. La table de Patrick Michelon, est honorée d’une étoile. J’espère trouver une autre occasion pour le vérifier.
visite aux champagnes Philipponnat mercredi, 20 avril 2005
Mon ami sommelier avait prévu une visite à Philipponnat, à Moreuil sur Ay, où j’allais apprendre de nouveaux blancs de noir. Le brut non millésimé est simple, facile, sans problème. La cuvée 1522, qui ne date pas de cette année là, est un assemblage pour assurer une meilleure constance de production que la cuvée Clos des Goisses, le bijou de la maison. La « Cuvée 1522 » datant probablement de 1996 est bien typée, charmeuse. C’est râpeux en fin de bouche.
Le Philipponnat 1985 dégorgé ce jour a un nez viril et en bouche garde cet aspect fort masculin. Il n’est objectivement pas facile d’approche, mais il est très bon. Le même 1985, dégorgé en novembre 2000 est plus arrondi. Certains aspects sont encore brutaux, mais ce vin est séduisant malgré tout. Le 1988 est un blanc de blancs, dégorgé en 1992 ou 1993. Très charmeur au nez de beurre, il est typé, fort, intense. Le Clos des Goisses 1992, vin d’une très petite parcelle aux pentes vertigineuses a été dégorgé en 2004. Le nez est racé. Il est magnifique en bouche. Charmeur de grande personnalité.
Le Clos des Goisses Philipponnat 1982 dégorgé en septembre 2004 a un nez somptueux. Il est salin, iodé, et appelle des huîtres ou des oursins. Beau champagne. Et c’est le Clos des Goisses 1980, dégorgé au même moment, qui est encore plus grand. C’est un immense champagne, le plus grand de toute cette lignée de Philipponnat, expliquée par un responsable d’export entre deux rendez-vous, dont la fatigue de globe-trotter limite l’envie d’exciter nos papilles.
En cette journée rare nous avons côtoyé d’immenses champagnes. Nous avons rencontré de grands professionnels passionnés. Il y a de belles choses à apprendre en champagne quand on est bien conseillé.
que tient Saint Pierre dans sa main? mardi, 19 avril 2005
On sait que sur l’étiquette de Pétrus il y a un Saint barbu. Mais que tient-il dans sa main ? Ce n’est pas un tastevin, c’est la clef du Paradis.
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déjeuner au restaurant Laurent avec un Cros Parantoux Henri Jayer mardi, 19 avril 2005
Chacun d’entre nous a forcément quelques tics verbaux. Vous en connaissez un quand je dis : champagne Salon suivi de « mon chouchou ». En voici un autre : restaurant Laurent, « ma cantine ». Je me retrouve à déjeuner au restaurant Laurent, où la gentillesse de Philippe Bourguignon, de Patrick Lair, de toutes les équipes, et la cuisine sereine de Alain Pégouret participent à cette impression de se sentir chez soi et créent l’envie d’y revenir. Une coupe de champagne Jacquesson extra brut 1995, d’une bouteille sans doute déjà bien aérée me ravit, plaçant ce cru au dessus de la mémoire que j’en avais. Le liquide est vineux, expressif et sensible. Au chapitre des vins, c’est « forcément », et les guillemets ont toute leur importance, un Vosne Romanée Cros Parentoux Henri Jayer 1994. Ce qui m’agace, c’est que nous fumes trois lors de ce même déjeuner à trois tables différentes, à avoir eu le même choix. Ce restaurant Laurent, repaire d’habitués, compte trop de connaisseurs. Mon invité est un écrivain du vin, et plus particulièrement des vins de Bordeaux. C’est son premier Henri Jayer. Je l’encanaille avec cette splendeur, vin pénétrant dont l’alcool s’impose d’emblée. Son charme, son brio, sa vivacité strient le palais comme une botte de Nevers. Tout dans ce vin fleure la perfection. La tête de veau caramélisée est brillante, mais plus encore avec le vin. Le pigeon à la chair tendre et émouvante a le lexique d’Henri Jayer : leurs saveurs se confondent dans un esperanto parfait. Pour profiter de ces saveurs, il faut absolument avoir l’envie de les déchiffrer. Cela décuple le plaisir.
La cuisine bourgeoise est ici poussée à son paroxysme de sécurité. On est bien, et on le reconnaît aux habitués, gens opulents ou célèbres qui ne veulent pas que la cuisine les interpelle. On doit être bien. C’est le cas.