Aux Hospices de Beaune, une conférence dont le sujet est la présentation de la situation des vins à l’époque du Prince de Conti. Informations passionnantes sur les écrits de 1728 d’un moine anglais sur les vins de Bourgogne avec des classifications qui sont d’une actualité étonnante, des traités sur la dégustation des vins, l’approche de Thomas Jefferson, attentif analyste des vins français et fin connaisseur, le relevé de cave de Louis XVI où figurent Tokaj, Constanzia et les plus beaux vins de Bourgogne. L’influence de la politique et de la religion sur les évolutions patrimoniales des vignobles. On se plait à constater à quel point ce qui parait moderne aujourd’hui procède de savoirs déjà à pleine maturité avant la Révolution.
Dîner au Château de Clos Vougeot lundi, 4 octobre 2004
De grands Antiquaires sont réunis en Salon aux Hospices de Beaune dans des salles où chaque objet est mis en scène dans l’esprit des lieux. Un raffinement extrême. Au milieu d’une foule impressionnante de britanniques et de français, un dîner célèbre le 955ème Chapitre de la Confrérie du Tastevin au Château de Clos Vougeot. Les organisateurs du salon, les antiquaires et quelques exposants fêtent l’événement dans une salle immense, un cellier qui a connu des vins en fûts il y a plus de huit cents ans. Discours joyeux, chants bourguignons, plaisanteries grivoises ou « almanach-vermotesques » intraduisibles pour des non bourguignons ou non rabelaisiens, sonneries de cors, « époumonement » de trompettes, tout y était pour une fête qui réjouit le cœur des convives prêts à succomber aux arômes diaboliques des vins de la Côte des mille et une Nuits. L’organisation est rodée comme une montre suisse, la cuisine est bourguignonne à l’excès, et les vins servis pour 600 personnes donnent un spectre suffisamment significatif des vins de la région petits et grands. J’ai retenu un Mazis Chambertin Grand Cru 1999 de belle tenue qui se mariait avec une justesse rare à un fromage de Cîteaux. En gastronomie, les plus beaux mariages culinaires sont consanguins, c’est-à-dire région et région.
présentation des vins de Henri Maire vendredi, 1 octobre 2004
Je suis invité à une présentation des vins de Henri Maire. Les plus anciens se souviennent qu’il fut l’inventeur de la vente directe des vins aux particuliers. La publicité pour son Vin Fou, un pétillant du Jura, inonda les ondes, les écrans de cinéma et toutes les routes de France, chaque village ayant le décompte du nombre d’habitants qui lisent Paris match et le rappel de Henri Maire à boire son Vin Fou. Sa fille nous présente ses vins. Un Arbois Chardonnay 2003 est un bien agréable blanc bien fait. Le rouge est un peu moins appréciable pour moi, mais je me délecte d’une cuvée rare, un Arbois rouge vigne « Pasteur » 1990 qui n’est jamais vendu dans le public car, provenant du Clos Rosières de la famille Pasteur, il est gracieusement vinifié par Henri Maire et offert à des scientifiques. Ce vin titillerait volontiers le cerveau pour qu’on invente de nouveaux vaccins. Fait de cinq cépages, il a une personnalité rare, car de saveur jamais bue. Le Château Chalon Henri Maire 1986 est un très joli vin jaune qui raconte des histoires quand on croque avec lui un beau Comté. Et sur les délicieux desserts de l’hôtel Bristol, un vin de paille la Vignière 2000 bien jeune encore offre des promesses de bonheur lorsqu’il aura pris de l’âge. La publicité insistante de Henri Maire il y a plus de quarante ans avait associé son nom à l’idée de vins de quantité, donc sans qualité. L’intérêt de cette séance conduite par l’héritière de Henri Maire, outre d’avoir réveillé des souvenirs d’enfance, est d’avoir montré que ses vins savent aussi trouver la qualité.
galerie 1953 mardi, 28 septembre 2004
La couleur du vin à travers le verre est d’un rose subtil. Ce vin, Yquem 1953, a été bu en Mai 2006 en Californie lors de mon voyage (voir archives de Mai 2006).
Vin Jaune Chateau Chalon 1953 Nicolas.
Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953
Un Pétrus 1953 de mise belge dont tout m’indique que ce doit être bon.
Chateau Laroze Saint Emilion 1953
Chateau Pichon Longueville Baron 1953 (étiquette à comparer à celle de Petrus 1948)
Dîner chez Pierre Gagnaire vendredi, 24 septembre 2004
Avec l’un des californiens et son épouse je me rends le lendemain chez Pierre Gagnaire où il était convenu que nous prendrions le menu dégustation. L’éclectisme des plats et les saveurs innombrables annoncées au programme suggéraient un champagne. Nous prîmes un magnum de Dom Pérignon 1988. Le sommelier avait annoncé une certaine évolution. C’est en toute connaissance que nous accueillîmes cet élégant champagne qui s’est élargi tout au long de la soirée. Il fallait bien un champagne tant notre palais allait faire les montagnes russes, le saut de la mort et le saut à l’élastique tout au long de la soirée. Pierre Gagnaire a un immense talent qu’il pousse au-delà des limites de ses convives. Sur les nombreux plats qui jalonnent cet extraordinaire parcours, il y a des moments de pur génie. On est confondu devant l’imagination créatrice. Mais à d’autres moments, peut-être sur trois ou quatre plats, on se demande : « pourquoi nous provoque-t-il aussi loin ? ». Je n’ai pas besoin d’explorer une saveur rebutante pour savoir que Pierre Gagnaire est grand. Son talent devrait être poussé jusqu’à la limite de l’acceptable, variable selon les individus, mais avec quelques constantes. Je suis d’accord de voyager dans des amertumes peu coutumières et de les explorer avec lui. Jusqu’à la limite du bon sens. Picasso ou Dali ont repoussé des limites sans franchir certaines limites. J’applaudis des deux mains au Gagnaire qui me force à explorer des chemins de traverse s’il ne me pousse pas dans un buisson. Deux ou trois plats sont des monuments de satisfaction culinaire car on est porté plus loin que tout. Quelques desserts sont des plaisirs d’enfance. Il y a du diable dans cet homme là tant on sent qu’il touche si souvent le génie.
Le Dom Pérignon s’est comporté comme un brave. J’ai eu furieusement envie d’un Montrachet sur un plat, tant le cèpe l’appelait. Je n’ai pas pu résister au plaisir de faire ouvrir un vin d’Arlay sur une petite merveille au caviar, car j’en avais besoin. Ce fut un grand moment de gastronomie, une leçon d’exploration talentueuse des saveurs. Je suis prêt à admettre que mon intolérance passagère à certains goûts m’est personnelle et instantanée, et que d’autres expériences seront de grands succès.
Dîner de wine-dinners au restaurant Le Cinq jeudi, 23 septembre 2004
Dîner de wine-dinners du 23 septembre 2004 au restaurant Le Cinq
Bulletin 119
Les vins de la collection wine-dinners
Champagne Houdart de la Motte Brut
Champagne Salon « S » 1983
Anjou Caves Prunier 1928
Le Montrachet Domaine René Fleurot 1985
Château Ausone 1959
Château Gruaud Larose 1926
Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1988
Nuits Cailles Morin Père & Fils 1961
Nuits Cailles Morin Père & Fils 1915
Château d’Yquem 1942
Château Coutet Barsac 1919
Le menu conçu par Philippe Legendre avec Eric Beaumard
Gougère et aiguillettes de fromage
Huîtres chaudes au foie gras aux saveurs de noisettes
Potage Sarladais à la truffe noire du Périgord
Homard Breton en coque fumé et rôti au lard de Toscane
Terrine de cèpes de Sologne à la vinaigrette d’aubergine
Sarcelle des Marais de Vendée au jus gras,
Chou farci au lièvre de Beauce
Le Bleu et ses accompagnements
Mille-feuille au coing et au miel, crème au caramel
Dîner de wine-dinners au restaurant le Cinq jeudi, 23 septembre 2004
L’hôtel George V est une oasis de beauté. Ces fleurs exubérantes me ravissent l’âme. Sur une paroi, une tapisserie du 18ème siècle où le rouge abonde. Devant elle, des grappes d’hortensias aux divers tons de rouge qui reproduisent de façon exacte le grain de la tapisserie. Une évocation émouvante. L’hôtel est une ruche, grouillante de son succès, et l’anglais s’entend plus comme langue vernaculaire que le français. J’entre dans l’imposante salle de restaurant où la vaisselle a pris les couleurs d’automne. Un maître d’hôtel consciencieux place la vaisselle de notre table au millimètre près. J’aime cette recherche de perfection. Sébastien, sommelier complice de plusieurs aventures m’accompagne et m’assiste dans la cérémonie d’ouverture des bouteilles. Eric Beaumard vient vérifier l’Anjou 1928, car c’est certainement le vin qui peut s’écarter le plus du goût attendu. Le Gruaud Larose 1926 a une odeur de terre, quand son bouchon a une odeur saine. Pour Sébastien, c’est bon et sans problème. Je n’ai pas à cette heure cette décontraction là, soucieux comme à chaque fois que mes vins soient parfaits quand ils entrent en scène. Le Montrachet est plus puissant que ce que j’attendais, les bordeaux un peu discrets et le Coutet 1919 impérial. J’en informe Eric Beaumard pour que cela influence la puissance des sauces. Philippe Legendre vient voir si tout se passe bien.
Il a composé avec Eric Beaumard un menu d’un niveau assez exceptionnel : Gougère et aiguillettes de fromage, Huîtres chaudes au foie gras aux saveurs de noisettes, Potage Sarladais à la truffe noire du Périgord, Homard Breton en coque fumé et rôti au lard de Toscane, Terrine de cèpes de Sologne à la vinaigrette d’aubergine, Sarcelle des Marais de Vendée au jus gras, Chou farci au lièvre de Beauce, Le Bleu et ses accompagnements, Mille-feuille au coing et au miel, crème au caramel.
Le Champagne Houdart de la Motte Brut est inconnu de tous alors qu’il y a à notre table le plus grand palais de la planète, qui a tout bu, connaît tout, et l’un des plus prestigieux vignerons de notre époque. Inconnu donc que j’avais choisi avec la volonté de faire un petit clin d’œil, comme j’aime en faire. La maison de champagne Salon s’appelle en fait Salon – Delamotte, le second nommé étant le petit frère du premier. Salon est mon chouchou. Il figurait au repas. L’occasion était belle de mettre un homonyme du petit frère, même s’il n’y a aucune parenté. Dans mon insouciance, je n’avais même pas remarqué que le champagne fût rosé. D’une couleur rare de rosé, d’un beau lilas. Pas celui de Fernand Raynaud, un beau lilas printanier comme celui qui existe dans certaines fleurs qu’utilise l’artiste floral de l’hôtel George V. Le nez est expressif. La bulle a disparu, ce qui pousse à regarder le bouchon : il indique un champagne qui a plus de trente ans. En bouche la vinosité est belle, et dans le verre le champagne ne va cesser de s’améliorer, avec ce goût très britannique et raffiné. Un grand champagne étonnant qui recueillera un vote de premier de la part de la plus fidèle convive de wine-dinners, vote courageux qui sera applaudi par toute la table.
Le Champagne Salon « S » 1983 me surprend un peu. Il est beau bien sûr, mais pas aussi flamboyant que ce que j’attendrais après le jeunet 1995 de la veille (bulletin 118). Mais l’huître chaude allait découvrir des saveurs du Salon que seul Eric Beaumard est capable d’aller dénicher pour les révéler : l’iode explosait en bouche et le Salon prenait une longueur extrême. Petite patte de génie, un pain sans sel se trempait dans une petite flaque d’huile pour donner un gras passager au Salon qui riait de cette caresse gustative.
L’Anjou Caves Prunier 1928 est un vin prodigieux. Très ambré, au nez relativement discret mais dense, l’Anjou délivre des goûts surprenants, inattendus, qui évoquent quasiment toutes les régions du monde. On y trouve bien sûr sa Loire d’origine, mais le Bordeaux, l’Alsace et pourquoi pas certaines contrées hongroises n’échappent pas à ce voyage imaginaire. Gras, chatoyant, combinant le doux et l’amer, ce vin a été prodigieusement propulsé par la sauce et des petites pointes de carottes du délicieux potage sarladais. Grand vin, résolument éloigné de ses saveurs d’origine, mais témoignage des évolutions que peut connaître un vin de belle race.
Le Montrachet Domaine René Fleurot 1985 (j’hésite à écrire Le Le Montrachet, car le titre du vin est « Le Montrachet » et non « Montrachet ») a un nez d’une puissance inouïe. Prodige de gastronomie, c’est le lard qui prend les gants pour faire un round de boxe contre lui. Si le homard s’amuse à faire de l’œil au Montrachet, c’est le lard qui lui fait sortir tout ce qu’il est capable d’exprimer. Une de ces joutes gustatives que j’adore. Grand Montrachet qui ne semble pas du tout de 1985 tant il est jeune. Sans doute l’une des plus belles expressions du grand blanc de qualité.
Que je respire quand je sens le Château Ausone 1959 ! J’ai en face de moi l’un de mes plus beaux Ausone, d’un état de conservation parfait. Quel grand vin ! C’est une bouteille comme celle-là qui explique que Ausone est grand. Il est ici beaucoup plus chaleureux que son expression habituelle. Ce sont les cèpes qui se marient prodigieusement avec ce grand bordeaux, comme avec le Château Gruaud Larose 1926 d’une surprenante beauté. Toute trace initiale de terre a disparu, le nez est beau, et en bouche on a une rondeur, une plénitude rare, avec ces évocations de bois, de sous-bois et de champignons qui justifiaient le plat. Un ami californien présent se pâma devant ce 1926 exceptionnel.
Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1988 même s’il n’est pas encore totalement ouvert, ce qui lui arrivera bientôt, m’a largement plus souri qu’à mon convive, cet expert si renommé. Et comme la sarcelle était un pur bijou de grande précision, elle a poussé du col le Richebourg qui s’est mis à briller plus que jamais. La chair de la sarcelle commence par délivrer des goûts surprenants de poisson. On pense immédiatement à Raymond Devos qui nous expliquerait que la sarcelle était saure par un effet du sort. Et quand on croque son magret, on a un envoûtement de saveurs complexes. Et ce Richebourg adolescent vient agacer tout cela pour notre plus grand plaisir. Un moment de pur bonheur.
Lorsque arrivent mes chouchous, les deux Nuits, je paraphrase Carole Bouquet en disant : « vous avez le droit de tout dire, sauf de critiquer mes vins ». Le conseil était superflu, car ce furent deux merveilles. Le Nuits Cailles Morin Père & Fils 1961 m’a étonné par son accomplissement, car même s’il est justifié qu’un 1961 soit bon, on est allé bien au-delà de mon attente. J’ai eu l’espace d’un instant une fulgurance de goût rare qui m’a entraîné à le mettre en numéro un de mon vote, seul vote recueilli par ce vin. L’instant fut magique. Et le Nuits Cailles Morin Père & Fils 1915 est un prodige, d’une année merveilleuse, montrant à quel point le bourgogne de qualité vieillit bien. Le chou farci éclectique à souhait s’amusait à mettre en valeur les deux Nuits avec un régal de jouissance. On était dans des saveurs ludiques et sensuelles. Un bonheur de vin rouge. Que le lièvre va bien aux vins de la Côte de Nuits !
Le Château d’Yquem 1942 avait une couleur tirant vers le marron, et un nez absolument caractéristique de Yquem, mais plutôt plus discret que d’habitude, et à cent coudées en dessous du nez du Coutet. En bouche, le Yquem est diablement charmeur. L’expression que j’utilise est de dire qu’il est sec, ce que reprit assez nettement mon ami expert qui ne trouve pas le mot approprié. En fait, c’est un Yquem où le doucereux, le sucré sont beaucoup plus contenus. Et j’adore. Le choix du fromage lui allait bien. Un Yquem un peu moins bon que le même bu au château. Mais diablement bon quand même.
Le Château Coutet Barsac 1919 est époustouflant de plénitude. C’est le sauternes épanoui dans toute sa définition. La couleur est dorée et joyeuse, et en bouche c’est un grand bonheur avec cette longueur inimitable des grands sauternes. Le dessert – délicieux – ne lui allait pas du tout. C’était flagrant comme il le rétrécissait. Ce n’est pas grave car Coutet se suffit tellement qu’on en profite de toutes façons.
J’ai fait voter et je crois n’avoir jamais été autant embarrassé avant de voter, car mille votes fussent possibles, tous justifiés. Tous les votes de la table furent différents, tous extrêmement logiques et tous les vins furent l’objet d’au moins un vote. Huit vins sur onze ont eu droit à un vote de numéro un, ce qui est le record absolu. C’est presque inimaginable. Les vins les plus cités furent surtout le Nuits Cailles 1915, le Yquem 1942 et le Ausone 1959 suivis du Montrachet. C’est sans doute ce vote qu’il faudrait retenir dans les archives : Nuits 1915, Yquem 1942, Ausone 1959 et Montrachet 1985 parce que mon vote instantané aurait pu être différent à simplement cinq minutes de distance. Mon vote fut : en un Nuits Cailles 1961, en deux Coutet 1919, en trois Nuits Cailles 1915 et en quatre Ausone 1959. A la réflexion, ce vote me plait.
La cuisine de Philippe Legendre, appuyée sur le savoir encyclopédique d’Eric Beaumard a atteint ce soir des sommets rares. Chaque plat avait capté une caractéristique majeure de son ou ses vins de compagnie. Difficile de retenir un accord gagnant, tant le potage révélait l’Anjou, le lard luttait si bien avec le Montrachet, le cèpe magnifiait le Gruaud Larose 26 et la sarcelle propulsait le Richebourg. Quand au lièvre, quel bonheur sur le Nuits Cailles 1915 ! Tout étant parfait, ce serait difficile de désigner un vainqueur. La prime de la rareté ira à la sarcelle qui a si bien coaché le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti. La table un peu longue rend difficiles les échanges d’un bout à l’autre de la table. Nous fumes polyglottes avec les deux californiens et franco-français avec des habitués de nos dîners et aussi deux novices. L’ambiance fut enjouée et émerveillée, tant Philippe Legendre déploya son talent au service de grand vins témoignages de l’histoire de nos beaux terroirs. Une fois de plus une soirée inoubliable.
Dégustation de Salon et Delamotte mercredi, 22 septembre 2004
Dans une galerie d’exposition de meubles de qualité, Salon fait salon. On allait boire Delamotte, agréable champagne, Delamotte millésimé 1997, champagne de grande classe et de grand plaisir, beaucoup plus agréable que le Salon 1995 encore trop jeune et qui va se former bien sûr, déjà redoutable en magnum, car il y a une nette différence d’expression du fait du format. Quel grand champagne ! L’objet était en fait de découvrir le seau à champagne résolument moderne de Salon. Un brillant designer chaleureux et très ouvert au dialogue a créé pour Salon un seau destiné à représenter l’image de la marque. C’était son apparition en public. Alberto Herraiz, le chef de Fogon, le meilleur restaurant espagnol de Paris, avait laissé libre cours à son imagination créatrice, permettant des accords libres éclectiques. Un chef de talent et qui plus est extrêmement sympathique. Une soirée particulièrement réussie organisée par mon champagne favori
dîner de wine-dinners au restaurant de l’hotel Meurice mardi, 21 septembre 2004
Dinner held by restaurant « Le Meurice » on September 21, 2004
Bulletin 118
For the friends of Bipin Desai
The wines offered by the generous friends :
Didier Depond : magnum de Laurent Perrier rosé 1959
Bipin Desai : Meursault Perrières Comtes Lafon 1995
Aubert de Villaine (who could not come) : Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1979
François Audouze : Canon Lagaffelière 1955
François Audouze : Gevrey Chambertin Thomas Bassot 1961
Jacques Glénat : Hermitage La Chapelle de Jaboulet 1990
Jean Pierre Perrin : magnum de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1990
Eric Platel : Suduiraut 1962
j’ai oublié de noter le menu !!!
Déjeuner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Meurice mardi, 21 septembre 2004
Chaque année au mois de septembre les amis d’un des plus grands amateurs mondiaux de vins rares se réunissent à Paris. L’occurrence des vendanges a rétréci la taille du groupe, nous privant de quelques indispensables amis. J’étais chargé de l’organisation pratique de cette rencontre, et Yannick Alléno répondit avec joie à ma demande de créer un événement. Les convives sont à l’heure dans cette salle merveilleuse du Meurice qui incite à prendre le temps de jouir du moment présent. La brigade est toute motivée à nous faire vivre un moment unique. Le magnum de Laurent Perrier rosé 1959 est un monument imposant. Dégorgé la semaine avant son arrivée sur notre table le champagne a une couleur d’une invraisemblable beauté. L’or, le rubis, l’orange se mélangent pour donner une couleur de pèche, intense, profonde. Le nez est plutôt discret. La bulle est extrêmement fine, rapide, vivace et discrète en bouche. Et le goût est intense, profond, avec une délicieuse petite acidité finale. La brioche tiède se dévore goulûment, et sur une petite soupe à l’artichaut et au crabe, le rosé révèle d’autres aspects. Je suis toujours fasciné quand les entrées en matière réveillent les champagnes en des registres aussi variés. Un immense champagne et une rareté œnologique extrême. Aucun des convives n’en avait bu.
Le saint-pierre magistralement exécuté avec des saveurs subtilement évocatrices était accompagné de bien belle façon par deux vins dissemblables extraordinaires. Nous discutions des vins du Monde, mais je ne vois pas comment ailleurs qu’en France des nez aussi complexes pourraient se trouver. Le Meursault Perrières Comtes Lafon 1995 a des odeurs de beurre mais aussi de pierre. C’est un nez prodigieusement complexe. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1979 se présente au contraire avec un nez plus direct. Il annonce tout de suite sa perfection et affiche les promesses de redoutables variations sur des thèmes orientaux. Je m’attarde longtemps sur les nez seuls, car ces grands blancs sont des monuments. Le Meursault en bouche évoque des fleurs blanches, des goûts iodés. C’est d’une belle discrétion, d’une complexité de bon aloi, et d’une longueur rare. Mais le Montrachet le laisse peu parler. Il impose son intensité. Il a une profondeur extrême et représente une synthèse non agressive des qualités du Montrachet. Les saveurs orientales d’épices et de viandes boucanées, les sous-bois fertiles en champignons et le rayonnement flamboyant du beau sourire de la Bourgogne. Un vin magistral de perfection qui explique pourquoi le Domaine de la Romanée Conti est grand.
Un foie gras traité de façon printanière, avec des explorations de saveurs nouvelles accompagne un Canon Lagaffelière 1955 au nez fatigué mais dont le goût est l’exacte traduction des complexités du plat. Alors que 1955 est une grande année, ce représentant n’a pas la santé qu’il pourrait avoir, mais il décoche quelques belles saveurs. Son compagnon est un Gevrey Chambertin Thomas Bassot 1961 au nez pénétrant et fortement expressif. Beaucoup plus animé, il montre une subtilité discrète fort plaisante. Sur le plat aux épices exactes on se plait à constater comme en cette circonstance la frontière entre Bordeaux et Bourgogne peut être extrêmement ténue.
Le pigeon d’une cuisson parfaite accueille deux stars. L’Hermitage La Chapelle de Jaboulet 1990 et un magnum de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1990. L’Hermitage est manifestement un grand vin, bien accompli et fort justement apprécié par les experts. Mais quand il y a ce Beaucastel 1990 que je retrouve avec tant de plaisir ; c’est impossible de le quitter un seul instant. Il a un pouvoir de fascination tétanisant. Il a tout. Le nez est profond, dense, envahissant. En bouche il décrit une synthèse magique entre des composantes de bois lourds, de fruits noirs, de chaleur alcoolique, le tout parfaitement intégré avec une perfection de structure. Ne me demandez pas d’être objectif, c’est du beau vin sincère et complètement de jouissance pure. Un pigeon aussi goûteux, un Hermitage de grande classe et un Chateauneuf de la plus belle perversité sensuelle, voilà bien un sommet de plaisir gustatif. Et la poire qui suivait, traitée en subtilité allait accompagner agréablement un Suduiraut 1962 particulièrement réussi, d’une plénitude en fanfare. Du grand et beau sauternes. De délicates tuiles aériennes bissaient pour que revienne le champagne rosé qui ponctua un repas d’amis où tout portait à la bonne humeur, aux échanges passionnés et aux promesses d’expériences nouvelles.
Yannick Alléno par son enthousiasme et Dominique Laporte, sommelier attentif, nous ont permis de vivre un de ces moments qui justifient le travail des vignerons d’exception. C’est comme cela qu’on doit boire leurs vins.