Dîner de wine-dinners au restaurant de Guy Savoy mercredi, 26 mai 2004

J’ai vécu un moment de nirvana gastronomique, de plaisir infini, et je voudrais vous le raconter comme je l’ai vécu. Le lecteur inattentif se demandera pourquoi je parle de moi, alors que mes dîners sont organisés pour faire plaisir à mes convives, et pas seulement à moi. Lorsque la table fut une des plus enjouées et quand chacun exprima un contentement évident, mon objectif était atteint. Sans oublier bien sûr les sensations de mes convives je vais vous conter une expérience inoubliable de pur plaisir.

Ayant organisé récemment un dîner avec un grand chef où tout s’était passé par fax ou par l’entremise de son talentueux sommelier, je m’étais senti en manque, car une des grandes parties de mon plaisir est dans la mise au point du menu avec un grand chef qui réfléchit et me fait part de ses choix, de ses options et de ses doutes. Je voulais une organisation plus intimiste, où le chef coopère avec moi. Je fis part de ce désir à Guy Savoy car je savais qu’il réagirait comme je le souhaitais. Après une première esquisse téléphonique, rendez-vous était pris pour la mise au point. Je devais goûter de bon matin un plat de lentilles pour accompagner les Bordeaux. Pour moi la lentille assèche les vins. Il fallait donc voir. Je goûte les lentilles et franchement, je trouve ce plat adversaire déclaré de tous les vins. Ma moue en dit long et Guy Savoy s’avise de goûter mon brouet. Tempête, damnation. Il peste contre cette exécution et redemande une autre version. Je devine alors qu’un accord est possible. Je dis oui à cet accord osé. Nous verrons.

Lors de cette séance de travail il est décidé que les deux Sauternes, tous deux très anciens, auront deux desserts, en faisant l’impasse sur les pâtes persillées qui conviennent mieux à des liquoreux plus jeunes. Il est décidé que tout se jouera quand je viendrai ouvrir les vins. Le jour dit, je viens ouvrir les vins à 16h30, et je commence par les deux liquoreux, que j’ouvre devant Eric Mancio, talentueux sommelier. Le Doisy 1927 nous inspire des agrumes. Je suggère pamplemousse, Eric suggère le thé et l’on verra à quel point cette remarque fut décisive. Le Guiraud 1896 évoque des prunes, des fruits jaunes et Eric voit bien une tarte aux mirabelles, mais Guy Savoy survenu entre temps confirme l’agrume au thé du Doisy, et dit que le Guiraud impose un caramel. C’est l’avis du chef. Nous remballons nos prunes. La machine est lancée. J’ouvre toutes les bouteilles et aucune ne me pose problème. Tout se présente bien.

Juste une remarque sur le Chambertin. L’appellation Clos de Bèze est le fruit d’un décryptage car l’étiquette est bien déchirée et l’année 1929 est le fruit de déductions faites avec Eric Mancio sur plusieurs critères, car seuls trois chiffres à l’exclusion du 2 sont encore visibles. S’il s’agissait de 1959 on pourra se souvenir qu’un 1959 aura brillé comme un 1929. Ils sont souvent de la même veine. En bouche ce fut tout le plaisir d’un 1929. Restons sur cette définition, même si la vérité historique était autre.

Le menu chez Guy Savoy a toujours une rédaction minimaliste. C’est une agréable coquetterie. Toasts de foie gras de canard à la fleur de sel, copeaux de parmesan, Jeunes girolles et Jabugo « Bellota, Bellota » , Thon " toutes saveurs ", jus au gingembre, Suprême de volaille de Bresse en papillote, saveurs anisées et fenouil  étuvé, Petit ragoût de lentilles et truffes, Aiguillette de boeuf poché et queue de boeuf mijotée, infusion de cèpes, Desserts du moment.

Le champagne Pâques Gaumont doit avoir une bonne vingtaine d’années. Il a déjà une trace de fumé liée à l’âge. Mais il est diablement bon, de belle structure vineuse. Avec le parmesan, il chante « o sole mio », et avec le foie gras, il s’étale en toute indolence lascive. Le champagne Bollinger grande année 1990 qui suit donne la mesure du champagne parfait. C’est intense, typé. Il n’a pas la force des champagnes ultra vineux comme Krug ou Salon, mais il est d’une expressivité extrême, fruit d’un travail remarquable. C’est une belle définition du champagne archétypal. Le parmesan lui coupe les jambes alors qu’il dopait le Pâques Gaumont. Le foie gras en revanche en catapulte le plaisir.

Le Château Olivier Graves blanc 1943 a une couleur ambrée de pur soleil. En bouche il y a de l’énigme. Car il y a du sucré, de l’amer, du grave, mais aussi du beurré, du gras, de l’intense. Magnifique blanc à la longueur extrême, il chante avec les girolles qui l’aiguisent comme un bobsleigh. Vin magnifique qui montrera au fil du temps comme sa structure est belle et incomparablement précise.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1983 joue beaucoup plus en fond de court. Il est de sa région, mais ne crée pas la différence qu’est « Montrachet ». A l’aveugle, ce serait un Chassagne que ça n’étonnerait pas. La chair du thon lui va bien mais pas la crème acide qui le raccourcit. Un Montrachet qui reste quand même un peu en dedans de son jeu naturel.

On se souvient qu’en une occasion privée, Guy Savoy m’avait fait une volaille en vessie au zan pour accompagner un vin de Chypre 1845. C’était une bouteille que j’avais ouverte juste après une Yquem 1893, et comme il en restait alors, l’occasion était belle de l’essayer avec une volaille excitée par la réglisse. Nous fîmes de même cette fois-ci avec un autre exemplaire de ce vin de rêve. La sauce à la réglisse et ce vin inouï, ce fut un invraisemblable moment de pureté contrôlée. Un vin qui démarre dans le sucré, puis devient sec, puis découvre des saveurs d’épices, d’amer, et laisse en bouche une longueur infinie absolument incompréhensible. Ce vin m’excite au plus haut point. C’est irréel de perfection. J’ai perdu tout sens critique devant ce puzzle de saveurs dérangeantes de la plus parfaite séduction. La sauce délicatement réglissée, toute en suggestion, donnait un raffinement gastronomique ultime. Un Panthéon de gastronomie.

La lentille propulsée par la truffe montre le génie de Guy Savoy. Car elle marche complètement avec les deux vins rouges. Il avait eu raison. Le Léoville Las Cazes  1948 (l’année n’a été retrouvée qu’en ouvrant la bouteille) roule dans le verre avec une couleur d’une invraisemblable jeunesse. C’est quasi impensable. Quel grand vin. Le Cos d’Estournel 1937 à l’aspect plus trouble fait apparemment coincé à coté de ce fringant jeune homme. Erreur d’appréciation, car petit à petit, dans le verre, le Cos se développe de façon magistrale, et sa personnalité calme le Léoville Las Cazes. Les deux vins deviennent des accompagnateurs de rêve d’un plat adapté, le 1948 dans sa jeunesse immense et le Cos 1937 dans sa justesse de définition. Deux vins plus que cinquantenaires qui sont des leçons de maintien.

Le bœuf ne va pas du tout avec les deux bourgognes. Erreur de casting. Le Vin fin de la Côte de Nuits Champy 1949 est évidemment naturellement éclipsé par l’invraisemblable perfection du Chambertin Clos de Bèze Joseph Drouhin 1929. Mais à la longue le Champy révèle combien il est brillant. Le Chambertin démontre une perfection de style où l’élégance s’étale avec distinction. On a deux bourgognes du plus pur niveau. Des vins comme cela sont des exemples de bonheur. Et le roturier bien fait montre l’immense potentiel de la Bourgogne quand le vin est construit selon les traditions, les vraies.

Le Doisy  Sauternes 1927 a une couleur d’airain et même de thé. L’accord avec le plat aux pamplemousses à la sauce de thé est une des plus géniaux que j’aie jamais rencontré au cours des quarante dîners que j’ai organisés, puisque celui-ci était le quarantième à peine rougissant. Le thé propulse le Doisy à des niveaux inatteignables. Grandissime Barsac de la plus complexe expression. Il gagnait des longueurs infinies avec cette belle catapulte culinaire. C’est le thé qui était l’astuce divine. Le bouchon était d’origine, comme pour la bouteille suivante, miraculeusement conservée dans un  état irréprochable, l’étiquette elle n’ayant gardé que des lambeaux.

Le Château Guiraud 1896 a une couleur de l’or le plus pur. Très limpide, sans aucun trouble, c’est un bijou qui aveugle de milliers de carats. Il se trouvait flanqué de son gâteau au caramel. Pas d’accroche, ça ne va pas. Le sel coinçait le vin comme un boxeur acculé dans les cordes. Il fallait le boire seul, ce que nous fîmes. Goût de fruits acides et poivrés. Une réussite exceptionnelle. La transparence dorée de ce vin le rendait idéalement jeune. Sa limpidité en faisait un vin d’exception pour une bouteille au bouchon d’origine. Un témoignage inoubliable.

Ce qui constitue un moment particulièrement excitant, c’est quand Guy Savoy vient discuter avec nous de nos constatations. Le Bollinger 90 qui plane avec le foie gras refuse le parmesan que le Pâques Gaumont accepte. Le château Olivier 43 sublime sur les girolles et leur sauce. Le Montrachet s’accorde bien avec la chair du thon mais pas avec la sauce trop acide et réductrice. La volaille est sublime sur le Chypre, mais c’est surtout la sauce délicatement réglissée qui l’accroche à la perfection. Un moment immense de plaisir gastronomique. La lentille est parfaite sur les deux bordeaux, le bœuf inadapté aux bourgognes, le pamplemousse crée avec le thé l’accord le plus transcendantal et le caramel au sel est inadapté. Guy Savoy eut la réaction qu’il fallait : il décréta qu’au prochain dîner on décidera de tous les plats à l’ouverture des vins. J’approuve. Un chef de ce niveau qui accepte de discuter de tous ces sujets, c’est un bonheur absolu.  A nous de recommencer selon cette voie que d’ailleurs Alain Senderens m’avait aussi suggérée : réagir au dernier moment au message de chaque vin. Cela promet d’explorer des pistes extrêmement excitantes.

Les votes constituent un moment devenu classique de pur amusement. Il y avait à la table une assemblée joyeuse et extrêmement disparate. Un couple venu de Prague dont la culture œnologique ne serait pas égalée par beaucoup d’esthètes français, des habitués au savoir confortable, une jeune étudiante pour qui chacun des vins était une complète découverte alors qu’à l’opposé, celui qui est sans doute l’un des plus grands experts français à la culture infinie profitait en bon enfant, avec cette intelligence que j’ai appréciée de ne pas écraser l’assemblée de sa science immense. On ne pouvait pas trouver un panel de palais plus diversifiés. Cela se retrouva dans les votes. Le vin de Chypre 1845 que je présentais en dîner pour la première fois obtint cinq places de premier et quatre places de second. Il fut le plus couronné suivi du Chambertin 1929 avec trois places de premier, quatre places de second et comme pour le Chypre neuf votes exprimés sur dix votants. Des votes similaires concernèrent ensuite le château Olivier 1943 et le Château Guiraud 1896. Tous les vins sauf un eurent au moins un vote. Comme on ne votait que pour quatre vins sur les onze vins ouverts, cela montre bien que chaque vin pouvait plaire à au moins l’un des convives. Quatre vins eurent les honneurs d’un vote de numéro un.

Mon vote personnel fut en premier évidemment Chypre 1845, suivi de Chambertin 1929, de Guiraud 1896 et de Léoville Las Cazes 1948. Si on s’amuse à calculer l’année moyenne des vins pour lesquels j’ai voté, on trouve 1904, c’est-à-dire juste cent ans. S’imaginer que l’âge moyen des quatre vins que j’ai choisis est de cent ans est simplement renversant.

Le fait de dîner en salon privé ne correspond pas vraiment à l’esprit de nos dîners car c’est l’atmosphère d’une salle qui permet de mieux jouir de ces instants uniques d’immense gastronomie. La forme de la table joue un rôle essentiel. Celle-ci, oblongue, a divisé les conversations en trois groupes alors que la communion entre les convives est indispensable. Il faudra que l’on travaille aussi cet aspect là.

Si je devais retenir la plus grande excitation que m’a laissée ce repas, je dirais paradoxalement que c’est le fait que tous les accords n’aient pas été parfaits. C’est diablement excitant, car cela donne l’envie d’aller encore plus loin quand on sait que le chef le plus brillant de Paris, le plus spontanément créatif est prêt à pousser encore plus sur ces dîners de vins anciens la recherche de la gastronomie la plus pure. J’imagine déjà les dimensions nouvelles que l’on va pouvoir explorer. C’est passionnant.

galerie 1962 lundi, 10 mai 2004

Mascara, vin d’Algérie, ancien domaine Manuel 1962. Ce qui est assez étonnant, c’est que ce vin a été élevé en fût de chêne pendant 17 ans.

What is amazing is that this wine has matured in oak barrels for 17 years !!!!

 Meursault Domaine Berthe Morey 1962.

Chateau d’Yquem 1962 en demi-bouteille.

 "Y" le vin sec d’Yquem 1962, de grande rareté.

Dégustation des vins de Henriot au George V mercredi, 5 mai 2004

Ceci fait contraste avec la distinction, l’élégance raffinée qui présidaient à la dégustation qui eut lieu au Four Seasons (j’ai du mal à ne pas dire George V) des vins du groupe Henriot. Dans des salons très cossus, une visite, voyage dégustation remarquablement ordonnancé : il fallait suivre l’ordre des vins car cela avait un sens. On explorait les Chablis William Fèvre justement honorés, les rouges Bouchard Père & Fils avec ces Pommard, ces Corton et autres Nuits Saint Georges, les blancs de divers statuts dont un Corton Charlemagne à se pâmer et l’on finissait par les champagnes Henriot dont une cuvée spéciale absolument époustouflante. Avec l’éventail de ces vins, on peut imaginer des milliers de compositions de repas qui seront toutes différentes, tant la gamme de ce groupe est vaste et talentueuse. En ce qui me concerne, je partirais volontiers sur une île déserte avec une cuvée des Enchanteleurs Henriot, avec un Chablis Grand Cru de William Fèvre, avec un Corton Charlemagne et une bouteille de La Romanée de Bouchard, avec le sentiment je peux attendre sereinement, sans angoisse le sauvetage improbable de ce qu’on appelle la civilisation.

repas de famille dimanche, 2 mai 2004

Encore un repas de famille propice à des essais de vins que l’on fait sans retenue. Ce jour là, j’ai envie d’explorer des sans grades à coté d’un ou deux piliers de mes préférences. Commençons par un pilier. Le champagne Salon S 1983 est très fumé, vineux, très fort. Pour une fois je pense qu’un Krug récent m’a donné plus de plaisir. Ce champagne mérite un plat plus qu’un apéritif. Je l’ai goûté plus tard sur une viande rouge et il s’exprime alors avec un vrai bonheur.

Château Cantemerle Haut-Médoc 1984 en demie. Ce vin a toujours créé des surprises pour ceux qui l’ont bu avec moi. Très au dessus de ce qu’on attend. Mais on commence à entrer dans une période moins fringante. Il sera temps de les finir, alors qu’ils ont représenté des sujets de fierté, par l’étonnement de tous ceux qui en ont bu. Le Domaine La Passion Haut-Brion 1976 est une découverte car il y a peu de temps encore j’en ignorais tout. Découvert grâce à un ami expert et déjà servi lors d’un dîner au Bristol, je le trouve magnifique, expressif, dense et typé. Un beau vin de belle excitation gustative. Sur une pièce de boeuf en croûte et fourrée au foie gras, c’est un bel accord. Le Monthélie Grivelet Père & Fils 1972 fait partie de ces vins que j’aime ouvrir car l’appellation mérite l’intérêt. Le nez est très bourguignon, fait de rondeur et d’amertume mêlées. L’attaque est belle. La fin est moins brillante. Mais cette expression bourguignonne bien vivante me plait.

Le Maury Chabert De Barbeira 1983 est le deuxième pilier. Magnifique Maury que je n’aurais jamais identifié à l’aveugle. C’est beau. Il y a de la peau de prune, de la confiture de coing. C’est juteux, goûteux, dense et alcoolique. Avec une mousse au chocolat et un gâteau au chocolat, on ne peut pas rêver de plus beau mariage. On finit sur Dolcetto d’Alba Poderi Aldo Contero 2000   13°. Je ne sais pas pourquoi j’ai acheté ce vin dont j’ai plusieurs caisses. Peut-être le mot "dolcetto" m’avait-il fait espérer un liquoreux ? Il rappelle les vins du sud de la France. Pas de véritable excitation gustative sur celui-là.

J’aime quand en famille on explore des régions qui ne sont pas toujours mises en valeur notamment à la carte des vins de nombreux restaurants. Et explorer les appellations prestigieuses comme les plus discrètes est un des piments du voyage, si l’on veut connaître toutes les facettes du vin.

Whisky ? samedi, 1 mai 2004

Un lecteur attentif de mes bulletins ayant repéré dans le bulletin 110 que je parle de whiskies, corrige la dénomination de l’un des deux, le plus fort en alcool, qui n’est pas pur malt mais single malt. Les passionnés de whisky auront corrigé d’eux-mêmes. Je voulais saluer comme il convient cette culture et cette précision.

Dîner au Bistrot du Sommelier mercredi, 28 avril 2004

Dîner au Bistrot du Sommelier où je cours plus pour voir Philippe Faure-Barc que pour le sujet du jour, les vins du château Cabezac, domaine en Minervois. Le solide entrepreneur qui a racheté cette propriété en 1997 a choisi un œnologue intelligent avec lequel j’ai eu des discussions passionnées. Nous avons parlé saveurs. Les vins d’apéritif, les 2003, sont des vins de bord de piscine. Le Tradition 2002 blanc sur une entrée aux coquillages et mousse de lait de coco provoque de très excitantes confrontations, montrant que ce vin raconte des choses. En rouge, le produit phare, la Cuvée Belvèze 2001 qui titre 14° et a passé 22 mois en fût neuf a tout pour me faire fuir. C’est exactement ce que je n’aime pas. Alors que le rouge Tradition 2001, qui est un vrai Minervois, et pas un vin du monde, me plait beaucoup plus car il ne veut pas trop en faire. C’est simple, c’est nature, et ça ne trompe pas. Un curieux muscat annoncé demi-doux mais résolument sec est un vin ubiquiste dont le plaisir ne va pas loin. J’apprécie plus que l’on travaille bien le terroir dans l’esprit de sa région que lorsqu’on extrémise la technique en s’imaginant au cœur du Médoc. Ce domaine sera couronné de succès s’il recentre son ambition. C’est cela qui rend le sujet du vin si passionnant.

Déjeuner d’amis mardi, 27 avril 2004

Déjeuner où je rejoins des amis nombreux. J’ai l’esprit à la fête. Alors, j’offre pour cette grande tablée Montrose 1990 et Rayne Vigneau 1982. Le Montrose est une très belle réussite. Montrose a de nombreuses années qui m’ont laissé plutôt indifférent, alors qu’il est brillant lorsqu’il a plus de cinquante ans. J’avais choisi ce 1990 sur sa réputation d’excellence, couronnée par une note extrême de Robert Parker. Elle est vraiment justifiée. Ce vin est parfait. Aucune aspérité significative et au contraire une élégance rare doublée d’un sens de la synthèse. Il n’y a pas de défaut dans ce vin là, discrètement brillant. Le Rayne Vigneau 1982 a la délicate finesse des grands Rayne Vigneau. Il n’a pas encore l’émotion de ses très grands aînés, mais c’est brillant et agréable.

dîner chez Patrick Pignol dimanche, 25 avril 2004

Nous nous rendons à dîner chez Patrick Pignol, et menu et vins se décident presque naturellement. Pétoncles et oursin, puis agneau des Pyrénées. Le Meursault Coche Dury 1998 exulte. Sur une délicieuse entrée au foie gras fourré dans une colonne phallique, c’est L’?vangile Pomerol 1986 qui s’impose et surtout pas le Meursault. Frais encore, le Pomerol brille sur le grain de poivre du foie gras. Le plat à l’oursin est raté. Combien de chefs auraient comme Patrick Pignol la décontraction de venir en parler ? Belle réaction où l’orgueil est absent : on ne parle que de ce qui a causé cette désagréable impression. Erreur facilement rattrapable. De belles langoustines viennent mettre le Meursault à son niveau (je le trouvais à son aise sur du beurre). Des morilles dont la saison finit, à la sauce admirable ont permis au Meursault de devenir transcendantal, le nez devenant d’une rare perfection. La viande extrêmement précise a fait briller l’élégant Evangile qui a atteint par moments de vrais sommets. Ce fut un plaisir quasi universitaire que d’entendre Bernard Antony nous parler de fromages d’un plateau qui ne vient pas de chez lui. Rude critique mais fort juste. On apprend auprès de ce génie.

Voilà un parcours d’amitié sans unité de lieu puisque nous avons bu des vins dans quatre chapelles de la gastronomie et de l’amour du vin. Il a montré que la spontanéité de l’instant rend forcément tout plat et tout vin encore plus agréables. Nous avons bâti de folles idées où son talent fromager et mes vins créeraient des événements rares. Une belle matière à travailler.

Présentation de vins au Macéo dimanche, 25 avril 2004

J’ai la chance, et je n’en tire pas de gloire particulière mais de l’intérêt, que des personnes qui incarnent une perfection avérée dans leur domaine ont une sympathie réelle pour les efforts que je fais pour promouvoir des goûts étranges et parfois oubliés. Alexandre de Lur Saluces, Guy Savoy, Aubert de Villaine, Alain Senderens représentent des vins ou des cuisines qui font de la France une référence incontournable du bon goût. Dans son domaine qui est celui du fromage, Bernard Antony est une institution. Personne ne peut échapper à sa séduction hypnotique et j’ai succombé, tant son amour de la perfection absolue transparaît dans ses propos mais aussi dans les assiettes qui en apportent la preuve. Nous nous revoyons de temps à autre et un coup de fil me surprend dans mon ermitage du Sud. Une dégustation de vins biodynamiques se tient chez Macéo. Je reviens à Paris.  Nous décidons que nous dînerons ensemble.

David Williamson, l’élégant propriétaire de Macéo est un esthète du vin. D’une modestie toute britannique, c’est à dire perfide, il accueille ces vignerons authentiques dont des phares dans leur région : Trapet, Chapoutier, Cazes, Huet, Zind-Humbrecht, Leflaive, ça parle ! Je goûte un Chambertin Trapet 2002 d’une finition rare, une Vouvray Mont du Milieu doux Huet 2002 qui n’a pas besoin d’attendre cent ans avant de donner un franc plaisir, un Riesling 2001 et un Gewurztraminer vendanges tardives 2002 de Zind-Humbrecht qui sont d’un charme accompli. Cette biodynamique prouve son talent. La séance se termine à 18h. Que faire avec Bernard Antony avant le dîner que nous avions prévu ? Une visite en voisin chez Gérard Besson. Le maître d’hôtel et le sommelier dînent d’un solide boeuf aux coquillettes et Gérard Besson apparaît. "Vous avez soif ?". Au moins le message est clair. Il est probable que nous avons soif, et sur d’amicales discussions une terrine en gelée merveilleuse acclimate un Clos Nicrosi, Coteaux du Cap Corse 1999, 100% Vermentino. Il est d’une évidence confirmée que l’amitié rendra sublimes un vin corse et une terrine. Le vin qui servi seul a des accents de bonbon acidulé respire sur la terrine pour composer un de ces casse-croûte improvisés qui valent toute forme de gastronomie. Nous laissons Gérard Besson préparer son service du soir et nous débarquons au bar du restaurant Laurent. Accueil avec une Manzanilla Papinisa, cet apéritif sobre qui ne gâchera pas l’appétit. Au nez, belle fusion avec des toasts légers au saumon à l’aneth. Mais en bouche le vin se resserre. Cela impose l’essai d’un Arbois vin jaune de Puffeney 1988. Le vin jaune colle au saumon avec une belle précision quand la manzanilla se fermait. Robert Hossein qui a fait de Laurent son repaire bavarde avec nous. Il a la jeunesse folle de s’enflammer sur tout sujet qui l’excite et qu’il ne connaît pas.

Dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol jeudi, 22 avril 2004

Dîner de wine-dinners du 22 avril 2004 au restaurant de l’hôtel Bristol
Bulletin 111

Les vins de la collection wine-dinners
Champagne Mumm Cordon rouge 1975 magnum
Sylvaner Trimbach 1962
Montrachet Roland Thévenin 1947
Beaune blanchesfleurs tasteviné Chanson Père & Fils 1967
Corton Grancey Louis Latour 1964
Château Mouton Rothschild 1978
Château Haut-Bailly 1918
Château Sainte Roseline Côtes de Provence 1953
Château Loubens Ste Croix du Mont 1959
Château d’Yquem 1906

Le menu conçu par Eric Fréchon
Araignée de mer en carapace, chair et corail à la coriandre, jus des carcasses pressées
Sole dieppoise et écrevisses, mousseline de petits pois, jus de crustacés et mousserons
Macaronis truffés farcis d’artichaut et de foie gras de canard, gratinés au parmesan
Pigeon vendéen rôti au foin, chou vert aux abats et foie gras de canard et girolles
Rhubarbe à l’étouffée à l’infusion de citronelle, glace Amaretti
Mangues et ananas caramélisés aux épices
Chocolats, mignardises