Dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 25 mars 2004

Dîner au restaurant Laurent selon un processus maintenant bien rôdé. La cérémonie d’ouverture des vins se déroule toujours avec émotion car même avec une expérience dépassant le millier de vins très anciens ouverts, il y a toujours une incertitude sur l’évolution que connaîtra un vin entre son ouverture et son service. Et même d’ailleurs entre le versement de la première goutte et la fin de bouteille.

Patrick Lair a ouvert les blancs avant mon arrivée puisque nous nous connaissons suffisamment pour appliquer des méthodes similaires, et a ouvert aussi le Ducru Beaucaillou. Je lui trouve une odeur aqueuse. L’oxygène lui fera du bien. Le Gruaud Larose de trente ans son aîné sent bon. Je le rebouche. Le Richebourg est assez expressif, et le Nuits Saint Georges profitera bien de l’air ambiant. Le Beaucastel a peu de nez. Attendons-le. Je me suis intéressé à sentir les bouchons au moment où la capsule est retirée, avant qu’on ne les ouvre. Le Richebourg sent la terre, et plus précisément, il sent la terre de la cave séculaire de la Romanée Conti dont j’ai gardé l’entêtante empreinte. Alors que le haut de bouchon du Nuits sent le gant de toilette humide. Sans doute une cave à forte hygrométrie où il aura séjourné avant de rejoindre ma cave.

Le repas composé par Philippe Bourguignon avec le chef AlainPégouret était : Amuse-gueules (gougères), Langoustine croustillante au basilic, Cuisses de grenouilles et haricots coco façon «blanquette », jus en écume et noix de muscade, Côte de veau de lait cuite en cocotte, gratin de macaroni, Pigeon à la broche, jeunes navets et foie gras verjutés, Bleu des Causses, Soufflé mandarine.

Malgré les embarras de Paris, les convives sont tous ponctuels, ce qui est très agréable pour créer une ambiance chaleureuse dès le premier instant. Pour l’accueil, le champagne Charles Heidsieck mise en cave 1996 a une belle personnalité. Expressif, légèrement ambré, il est un peu sucré pour mon goût, mais bien agréable à boire. Nous passons à table et sur une langoustine croustillante le champagne Pol Roger 1993 exprime sa belle authenticité. Pas de vague, pas de faux pas, et le confort d’un beau champagne bien fait, peu dosé. Beau démarrage.

Les cuisses de grenouilles sont fermes et prononcées, mais c’est la sublime sauce qui va chanter avec les vins. Le Haut-Brion blanc 1990 a un affreux nez bouchonné de façade, mais fort heureusement les choses reviennent dans l’ordre. J’avais longuement expliqué que bien souvent, quand on associe deux vins à un plat, c’est le fantassin, le moins noble, qui se marie le mieux. Là, c’est le Chateauneuf du Pape Domaine de Nalys 1979 qui s’inscrivait bien sur la partition que jouait le plat, et le mariage se faisait plus sur la sauce que sur la chair. Très bel accord, et très belle association courtoise entre le grandHaut-Brion blanc et le Chateauneuf. A noter que le Haut-Brion blanc a une fenêtre de tir extrêmement étroite de température de service. Trop froid ou trop chaud, il ne s’exprime pas. J’avais demandé qu’on le serve un peu sur le gras. Il n’eut pas fallu. Deux degrés de moins l’auraient magnifié. On devinait le potentiel immense sous ce nez provisoirement hostile et cette température inexacte. Le Nalys quand à lui, plus simple, plus nature, se riait de tous les obstacles, trouvant dans la sauce aérienne un évident bonheur.

Le chef avait réussi la viande de veau comme je les aime : le plat de la carte est simplifié, épuré, pour donner le beau rôle au vin. Mais le plat n’en devient que meilleur. Sur la belle chair, le Ducru-Beaucaillou 1955 se montre époustouflant. J’ai longuement dit et répété que 1955 connaît en ce moment une plénitude absolue. Quel exemple. Le nez est opulent, charpenté et en bouche on savoure l’agréable sécurité d’un vin réussi. Toutes les composantes sont bien intégrées.

Alors qu’à l’ouverture le Ducru faisait pâle et le Gruaud joyeusement épanoui, c’est maintenant le Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1925 qui fait blessé. Mais c’est là l’important apport de wine-dinners. Dans ces dîners, aucun vin n’est en compétition avec un autre. Alors, on peut se livrer avec une décontraction infiniment plus grande à l’analyse tranquille d’un vin. Et derrière la façade non ravalée, c’est un immeuble flamboyant que ce vin. De l’alcool à en revendre, mais surtout, une longueur exceptionnelle. C’est une princesse en chiffons, et grâce à ce mode de présentation des vins, on ne s’arrête pas aux chiffons, on ne les voit même pas. Une anecdote intéressante : le restaurant Laurent a des Gruaud Larose 1924 et 1926 qui sont des Cordier. Comment ce 1925 peut-il être Faure Bethmann, alors que son étiquette est ostentatoirement ou ostensiblement d’époque ? C’est qu’il existait à l’époque deux Gruaud Larose, le Sarget, appartenant jadis au Baron Sarget de Lafontaine et le Faure appartenant à la famille Faure-Bethmann. Nous goûtions le Faure. Beau vin qui a connu des guerres mais avait beaucoup de belles campagnes à raconter. A noter qu’un ouvrage où j’ai cherché pourquoi ces étiquettes sont différentes considérait le Gruaud Larose Faure, donc le nôtre, comme sensiblement supérieur à son siamois. Les deux domaines ont été réunifiés en 1934 par Cordier qui avait acquis le Sarget en 1917.

Le pigeon est très simplifié, rompant avec les pigeons de dîners récents qui étaient des sujets de concours. Ici il s’est mis dans son expression simple, pour que le vin parade. La couleur du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956 est celle d’un vin vieux, quand celle du Nuits-Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947 est éclatante d’insolente jeunesse. Dans d’autres circonstances, on rejetterait le témoignage fatigué d’une petite année sans véritable intérêt. Mais on constate avec étonnement que ce vin, que tout expert aurait éliminé, dès qu’on oublie la couleur fanée et l’odeur rebutante, apporte un témoignage qui n’est pas seulement archéologique. Il y a aussi du vin porté par quelques poutres de son merveilleux domaine. Et on y trouve du plaisir au point même qu’un convive l’aura noté premier dans son vote et un autre second !

Le Nuits Saint Georges Bouchard 1947 est une leçon. On savait faire les choses à cette époque sur un vin fantassin. Car la couleur est jeune, plus jeune qu’un 1986 par exemple, le nez est opulent et rejoint son année par cette plénitude affirmée. Et en bouche, c’est la Bourgogne joyeuse, faite de rondeur et de travail accompli dans le bonheur. Vin de charme et de grâce féline. J’avais demandé qu’on ne mette que deux vins sur le pigeon pour ne pas brouiller le palais de mes convives par des sensations trop disparates. Le Beaucastel 1986 apparut donc seul. C’est une erreur que j’ai commise, car sans plat, sans une chair accueillante, ce vin se sentait orphelin. Bien sûr il est beau. Mais terriblement astringent du fait du manque de plat, c’était Talma qui jouait devant une salle vide : il ne pouvait pas se transcender dans un jeu passionné qu’on ne trouve qu’avec un public. Il n’y a rien à lui reprocher, sauf qu’il a subi cette programmation qui ne lui était pas favorable.

Philippe Bourguignon a fait changer le fromage prévu pour une fourme magistrale. Un crémeux sensuel. Et le Château de Myrat 1990, annoncé sur l’étiquette comme simple Bordeaux Supérieur, propriété de Jacques de Pontac sur la commune de Barsac est devenu grandiose. Surprise absolue pour tout le monde. Ce roturier se vêtait de tenues de vicomte. Belle couleur d’or cuivré, nez phénolique mais suffisamment consistant et en bouche une rondeur amène du plus bel effet. Nous en avons profité avec une franche jouissance.

Le soufflé à la mandarine, simplifié comme il convenait, a mis en valeur le château Gilette crème de tête 1949 magistral. C’est la définition précise du Sauternes bien né d’une grande année. Rond, long, adorablement doré d’un or rouge, au nez envoûtant des parfums les plus séducteurs. On ne se lasse pas de cette perfection élaborée.

La période des votes amuse tous les convives à la fois quand il faut réfléchir et lors du dépouillement aussi surprenant qu’un soir de vote pour les régionales. Le Ducru Beaucaillou a été le plus cité, par tous, avec onze votes sur onze bulletins dont un de premier. Un score de république bananière. Presque tous les vins, même les plus fatigués, ont été cités. Le Nuits 47 et le Gilette 49 ont recueilli le plus grand nombre de votes de premier, avec quatre chacun.

Mon vote a été en un le Nuits Saint Georges 1947, en deux le Gruaud Larose 1925 car je sais y lire des messages sous les pansements, en trois le Ducru-Beaucaillou 1955 grandiose et en quatre le Myrat 1990 surprenant, car le Gilette, bien évidemment d’une classe très supérieure, a fourni pour moi la prestation de qualité que je connais et que j’attendais. J’encourage un peu l’outsider.

Comme dans beaucoup de dîners, on se connaît ou on se reconnaît entre convives qui ne soupçonnaient pas que tel autre viendrait.

Un dîner particulièrement réussi grâce à une ambiance enjouée, conquise d’avance par l’envie de découvrir sans juger. Les vins même fatigués avaient quelque chose à dire, et le Nuits 47, le Ducru 55 et le Gilette 49 sont des vins d’une telle perfection ce soir là qu’ils autorisent ces explorations historiques du plus bel intérêt quand un chef a le talent d’adapter des plats à leur mise en valeur.

Une mention particulière à un instant fugitif d’accord sublime. Autour des pigeons, des petits macarons de navets miellés et épicés créent un choc gustatif. Et tout à coup, un grain de poivre s’écrase sous la dent quand je porte à mes lèvres le Richebourg DRC 1956. Lutte en bouche et soudain le poivre excite le Richebourg qui se met à montrer sa noblesse comme le taureau qui ne cèdera pas un pouce de terrain au lourd cheval caparaçonné sous la pique cruelle du picador. Le Richebourg fut noble à ce moment là, me gagnant d’émotion forte.

L’équipe de Philippe Bourguignon fut parfaite ce soir (comme tous les soirs), et les convives chaleureux firent de ce repas une vraie fête de l’amour du vin et de la bonne chère.

Une anecdote. Un ami de mon fils m’avait aidé à composer le numéro 100 du bulletin. Je me devais de le remercier. Ce fut fait lors de ce dîner. Il lisait depuis longtemps mes bulletins qui parlent d’un monde de vins qu’il n’avait pas encore visité. Les propos dithyrambiques sur des vins d’âge canonique lui paraissaient l’aimable lubie d’un obsédé qui magnifie des impressions de vins surannés. Il venait donc à ce dîner avec l’idée qu’il allait falloir s’extasier sur de pieuses reliques, comme on le fait auprès du peintre du dimanche qui vous expose des œuvres que même le brocanteur le plus âpre au gain n’acquerrait pas. Une brochette de vins sublimes, le Nuits 47, le Gilette 49 et le Ducru 55 ont fait vaciller et effondrer ses a priori. Je pense qu’il va relire les bulletins avec d’autres lunettes, considérant que ce qui y est retracé est l’expression d’une réalité.

J’avais eu il est vrai une attitude de même nature quand Bernard Hervet de la maison Bouchard m’avait dit que ses Montrachet 1865 sont sublimes. Je venais avec l’idée que ces témoignages seraient sentimentaux. Le Meursault Charmes 1846 et sa force vineuse font depuis lors partie de mon Panthéon. Il reste encore des barrières psychologiques à l’acceptation que des vins anciens sont authentiquement et objectivement bons.

Merci à Philippe Bourguignon et son équipe d’avoir eu l’intelligence d’une cuisine au service du vin, merci à des convives si enjoués, et merci aussi à Jean Clause Ribaut, qui participait à ce dîner, pour l’article qu’il lui a consacré le 16 avril dans les colonnes du Monde. C’est un coup de pouce apprécié.

 

Dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 25 mars 2004

Dîner du 25 mars 2004 au restaurant Laurent
Bulletin 109

Les vins de la collection wine-dinners

Charles Heidsieck mise en cave en 1996
Champagne Pol Roger 1993
Château Haut-Brion Blanc 1990
Chateauneuf du Pape Domaine de Nalys 1979
Château Ducru-Beaucaillou 1955
Château Gruaud Larose 1925
Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956
Nuits Saint-Georges Bouchard 1947
Chateauneuf du Pape Beaucastel 1986
Château de Myrat Bordeaux supérieur Jacques de Pontac 1990
Château Gilette « crème de tête » 1949

Le menu conçu par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret

Amuse-gueules (gougères)
Langoustine croustillante au basilic
Cuisses de grenouilles et haricots coco façon « blanquette »,
jus en écume et noix de muscade
Côte de veau de lait cuite en cocotte,
gratin de macaroni
Pigeon à la broche, jeunes navets et foie gras verjutés
Bleu des Causses
Soufflé mandarine

Déjeuner dans le Sud mardi, 23 mars 2004

Déjeuner au soleil par une des premières vraies chaudes journées de début d’avril sur la Méditerranée. Le Champagne Charles Heidsieck mise en cave 1996 chante sur des olives de Nice et du jambon. La fraîcheur du champagne excite le palais. Très belle entrée en matière.

Le Mas de Daumas Gassac rouge 2000 que j’ai mis en compétition amicale avec le Château de Pibarnon Bandol rouge 1997 donne lieu à de bien bizarres sensations. D’abord on aime le Gassac. Puis le Pibarnon parait plus complexe, plus achevé. Puis on goûte le Gassac et on ne comprend plus comment on a pu préférer Pibarnon. Puis on re-goûte Pibarnon qui parait plus charmant. Et on se demande ce qui se passe. Pourquoi est-on incapable de définir une préférence ? Il apparaît que Pibarnon est plus complexe, et bénéficie d’une mise en valeur du terroir plus affirmée, mais Daumas Gassac profite d’une technique très maîtrisée. Alors, qui est le meilleur ? Comme on est sur les terres du Pibarnon, mon coeur a penché ce jour là pour Pibarnon. Mais Daumas Gassac 2000 fut bien agréable et aurait sans doute gagné sur ses terres cette joute ludique. Quelle importance, quand on a de beaux vins comme ceux-là !

Je découvris ce même jour un vin de Nice, le Clot dou Baile appellation Bellet contrôlée à Nice 2000. C’est la plus petite appellation contrôlée française avec seulement neuf hectares. Beau nez pur, belle structure simple mais solide. Ce vin tient bien à tous les ensoleillements, et reste généreux et sans défaut tout au long de la dégustation. C’est le signe d’une bonne construction.

Le Rimauresq cru classé des Côtes de Provence 1991 qui apparut ensuite est pour moi un chouchou. C’est l’affirmation sans concession du beau Côtes de Provence, de grande astringence, d’âpreté même, mais d’un charme brutal parfait.

Le Muscat de Lunel #2001 est tout simplement ravissant. Typé à souhait, fumé, fort de fruits confits entêtants. Une séduction rare. Au chaud soleil de début de printemps, ces vins du Sud ont un charme inimitable quand on les boit près de chez eux.

Déjeuner à la Grande Cascade lundi, 22 mars 2004

Déjeuner à la Grande Cascade peu de jours après la déclaration du printemps. Les bourgeons explosent sous le soleil, les premières fleurs frêles colorent les humeurs. A travers les verrières de cet élégant restaurant, c’est la promesse de l’éclosion, du miracle de la nature. On ne peut pas voir la vie autrement qu’avec optimisme, d’autant que la cuisine est joyeuse et fort exacte, le service est impeccable et l’Hermitage rouge 1997 de Chave est un hymne à la joie. Quel grand vin. J’ai déjà dit que j’aime le Chave de cette année là car la puissance plus contenue fait ressortir la délicatesse du message. Que ce vin  est bien fait ! Il combine l’élégance et l’expressivité à la perfection. La cuisine se fait aimablement familiale, attrape l’humeur du temps. On s’y sent comme d’habitude très bien.

Déjeuner au restaurant de l’hôtel Crillon vendredi, 12 mars 2004

Ça chauffe dans les hôtels : prenez le Bristol, le Crillon, le Cinq, le Meurice, le Plaza, j’en oublie et vous avez une force de frappe de restauration inventive et artistique redoutable. J’ai toujours eu un sentiment assez fort pour le restaurant de l’hôtel Crillon. La place de la Concorde est fascinante, et cette salle de restaurant est unique. Le vrai et le faux marbre s’entremêlent, prennent des couleurs de miel ou de mouette fatiguée et des angelots délurés rappellent plus les futilités bucoliques que les solidités gastronomiques. Ce lieu vit. L’équipe est manifestement motivée. On a pris du punch.

Comme au Meurice, on vise le sommet. David Biraud est un des sommeliers que je préfère, justement honoré d’un titre prestigieux. Je pourrais ne venir ici que pour lui, mais Jean François Piège va être l’objet de mon attention. J’ai choisi d’appeler l’artillerie lourde pour mettre sa cuisine en valeur puisque j’ai demandé à David d’ouvrir à 17 heures un Vega Sicilia Unico 1990, Ribeira del Duero qui titre 13°5. C’est la Rolls Royce de l’Espagne, le vin de tous les superlatifs. Beau moyen de juger l’envol de ce chef nouvellement aux commandes de ce prestigieux paquebot.

On apporte des petites baguettes à la française – enfin ! – avec un beurre truffé à se damner. Je me damne, car si la question de prendre un verre de blanc avant le Vega Sicilia avait pu se poser, elle ne se pose plus, car l’accord du vin avec le beurre truffé interdit d’aller chercher ailleurs. Le nez de ce vin est un coup de poing en pleine face. On a toute une générosité de soleil qui explose en pleine figure comme ce spot qu’usent les commissaires de police pour faire avouer le présumé coupable. Un nez magnifique, et en bouche une attaque époustouflante. Ce vin est plein, rond, et je le trouve extrêmement peu espagnol. Si la Rioja a un type, la Ribeira del Douero a une élégance à la française. Je me sens comme en Chateauneuf du Pape ou comme en Côte Rôtie. Le bois est présent et avec David nous avons digressé sur la qualité de ce bois qui apparaît dans toute sa pureté dans la lie que je boirai bien plus tard. Grand vin de puissance et de sérénité, et une rondeur majestueuse qui confirme avec bonheur la réputation de cette icône. Au début de ce paragraphe j’ai écrit « enfin », car je n’arrive pas à comprendre que les restaurants compliquent le choix des pains alors que c’est la simple baguette que j’aime, ce symbole si fort de notre french attitioude. Pourquoi faut-il que j’aille dans les cantines aux nappes en papier vichy pour avoir le pain que j’adore ?

Le capuccino de foie gras et écrevisse est une petite merveille de précision subtile. Il est urgent d’oublier le vin à cet instant. Une anecdote amusante. Les équipes goûtent les plats en cuisine. Ils le font avec des cuillers en inox. Le même plat présenté en salle avec une cuiller argentée perd de son goût et plonge même par instant dans l’impossible. Ce détail sera facilement corrigé.

Le blanc manger de truffe à l’œuf est un régal. Il y a de la subtilité et de la maîtrise d’exécution. Et c’est bon. Le vin supporte bien ce plat malgré l’œuf, car il a une puissance de conviction extrême. L’accord idéal va venir avec un pigeon remarquablement goûteux, farci au foie gras, dont la sauce aux olives est un bel excitant pour le vin. Plat de grande cuisine et vin époustouflant de jouissance. Ce vin donne l’impression d’être tellement simple. On dirait du vin ordinaire si je peux m’exprimer ainsi, car tout ce qu’on demande à un vin y est. C’est simple comme les Gymnopédies d’Erik Satie. Mais c’est aussi subtil qu’elles. On navigue à des niveaux du style de l’Hommage à Jacques Perrin de Beaucastel, de la Côte Rôtie la Mouline ou de La Tâche.

Une petite salade recouverte d’un chapeau de truffes a conclu ce pigeon avec délicatesse tant la salade était précise.

Dès qu’on aborde le terrain des desserts, il faut que le vin fasse une pause. L’ananas et son sorbet aux pommes sont un merveilleux dessert. On revient au vin pour en boire la lie, ce concentré de toutes les perfections du grand seigneur espagnol qui a un bois noble, un fruit épanoui, et une plénitude de belle faena. Il a droit à la récompense de deux oreilles, les mouchoirs blancs agités par tous les angelots des tribunes la réclament.

Le chef aussi a droit à cette récompense, car on sent tout le travail fait d’évocations, de discrétion, de goûts très purs sur un support technique de premier plan. La jeune garde des chefs de talent nous promet de vivre encore de bien grands moments. On reconnaît quelques apports à la Ducasse dans le chariot des infusions, le petit cadeau d’adieu d’une brioche. Un point sera à oublier très vite, c’est de planter le menu sur un mât. Comme dans le Trophée Jules Verne, on a de fortes chances de démâter. Plusieurs tempêtes sont passées dans la salle, dont une sur ma table.

Salle à manger typée, sommelier que j’apprécie, chef qui explore des voies plus que réussies. Le Crillon est un lieu de fête.

 

VINS ET REPAS DIVERS mercredi, 10 mars 2004

Avec une indécente quantité d’un  caviar fort bon à gros grains et peu salé, Ruinart « R » non millésimé, que je situe vers 1989. L’accompagnement avec le caviar est idéal, car la bulle est bien agressive, bien pénétrante, sur un support à peine vineux justement adapté à cet œuf si typé.

Une banque d’investissement m’invite dans une salle à manger digne dont la fenêtre au premier étage ouvre sur la Place Vendôme que l’on domine entièrement. On se sent forcément important. Après un champagne que j’oublierai, un Puligny-Montrachet Olivier Leflaive 1997 dont je n’ai pas retenu le Clos. Le caractère gouleyant des Puligny est toujours bien agréable, contrastant joliment avec un nez métallique. Un Lynch Bages 1989 est un honneur que j’apprécie. Ce vin a un nez qui annonce toute la puissance qu’il est prêt à montrer. Animal, guerrier, il déborde de sa jeune énergie. En bouche un plaisir bien construit, car l’année 89 est maintenant en train de s’affirmer. On est en présence d’un grand vin, offrant de larges satisfactions. Peut-être un peu trop bon élève et pas assez canaille. L’âge le dévergondera sans doute.

 

Repas de famille dimanche, 7 mars 2004

Dans les dîners ou déjeuners que je fais en famille, je jouis assez intensément du moment privilégié de choisir les vins en cave. Je connais mon public puisqu’il s’agit des miens, et je m’amuse à créer le plus grand nombre de signifiants, justificatifs de l’ordonnance des agapes du jour.

un des plus grands bourgognes de ma vie. Quel est-il, ce 1923 ?

Ici on va nager dans une forêt de symboles tant l’événement est d’importance : le nombre des représentants de la plus jeune génération va s’augmenter de deux unités. L’art d’être grand père me passionne déjà et voilà que deux de mes trois enfants viennent de mettre en route la machine à développer la laïcité républicaine. Pas question de laisser passer l’événement. C’est l’occasion de laisser aller l’imagination et les sentiments.

Je choisis d’abord Krug Grande Cuvée qui doit être dans ma cave depuis une douzaine d’année. Un événement s’arrose avec Krug, jusque là, ça va. Je repère ensuite l’une des seules bouteilles que j’ai héritées de mon grand père. Il aimait le vin, mais n’était pas un collectionneur particulièrement passionné. Il agissait comme beaucoup de français : il va à la Foire de Paris et à un stand, un vigneron plus convaincant qu’un autre lui fait goûter un vin qui lui plait. Je force un peu le trait. J’avais gardé ces rares bouteilles comme des reliques. L’occasion était trop belle d’en ouvrir une quand ses arrière arrière petits enfants commencent à donner les premiers signes qu’ils vont exister. Le vin s’appelle Cuvée de la Perrière, appellation Côte du Rhône contrôlée 1972 L. Métairie-Pizay à Saint Jean d’Ardières (Rhône). Bon niveau. Je l’ouvre. Belle odeur. Nous verrons si ce vin à l’apparence clairette tient encore.

Que choisir ensuite. Choc visuel, je vois un Château La Providence Pomerol Grand Cru 1970. Voilà un beau symbole. Ces futurs enfants sont un cadeau de la providence. Ce vin s’impose. Je regarde l’étiquette, et je vois le nom du propriétaire : Dupuy & Cie propriétaire à Pomerol. Et ceci fait un petit coup de sonnette dans mon cerveau. Ce Dupuy me rappelle quelque chose. Pas ce délicieux propriétaire en Armagnac, qui est sans doute décédé depuis ma dernière visite fort ancienne, qui faisait un bon armagnac. Madré comme il était, j’étais à peu près sûr que dans les millésimes excellents qu’il me vendait il y avait quand même quelques gouttes de l’année annoncée. Non, pas ce Dupuis là, un Dupuy. Si vous avez encore le bulletin 22, vous y verrez la photo de cette énigmatique bouteille. La forme de la bouteille est bourguignonne, et le cul indique une année très ancienne, peut-être centenaire, confirmée par le poids extrême du verre. L’étiquette est une étiquette de négociant, comme on devait en vendre par paquets dans toutes les provinces françaises. Sur l’étiquette rien n’est marqué sauf : « 1923 ». La capsule est neutre mais très ancienne et d’un plomb épais. Et la collerette d’année porte l’indication « Dupuy & Co » (c’est différent de Dupuy & Cie) route de Saint-Émilion à Libourne. Cette bouteille de Bourgogne sans nom, d’un négociant de Libourne, m’avait intrigué. Deux raisons de l’ouvrir. D’abord c’est peut-être le même propriétaire que le château La Providence que je venais de choisir pour son nom, et ensuite cette bouteille n’a pas de nom d’appellation, ce qui est particulièrement approprié à ces deux promesses d’enfants qui n’ont pas encore de nom.

Un vin de l’arrière arrière grand père, un vin de la Providence, un vin sans nom, voilà des symboles qui me plaisent. J’y ajoute Climens 1966 Haut Barsac Premier Cru Héritiers H. Gounouilhou propriétaires où je trouveaussi deux symboles et nous voilà partis.

A l’ouverture le Pomerol et le soldat inconnu ont des odeurs satisfaisantes. Les niveaux sont exceptionnels et les couleurs bien saines. Nous allons voir.

Mes enfants arrivent et le Krug Grande Cuvée a un bouchon tellement rétréci que je le soupçonne d’avoir plus de 20 ans. Datons le de 1983, juste pour jalonner. Belle couleur dense et déjà discrètement foncée. En bouche, un équilibre magique. C’est pour moi plus grand que le Krug 1988 que j’ai bu souvent. Un champagne d’un invraisemblable équilibre et d’une longueur typée très rare. Un grand champagne.

Sur le foie gras, le Château La Providence 1970 m’étonne. Très merlot, très Pomerol, il a un équilibre et un charme qui surprend. Là où les Pomerol aiment à jouer de leur amertume on la retrouveici, mais avec panache. Une grande surprise. Un vraiment grand Pomerol.

Je tombe à la renverse au moment où je goûte le Bourgogne 1923. Là où mes convives ont noté 100/100 et 99/100 le Latricières Chambertin 1955 Pierre Bourée (voir bulletin 107), j’ai en face de moi un vin qui le dépasse de cent coudées. Même mes enfants qui ont adoré ce vin n’ont pas compris l’extase en laquelle je me trouvais. Ce vin immense, cent fois au dessus du Latricières m’a ému comme peut-être seulement dix vins l’ont fait dans ma vie. Je n’en revenais pas, la Terre s’arrêtait de tourner. Ce vin est un enchantement qui dépasse l’imaginable. Alors que d’habitude je suis extrêmement circonspect à l’aveugle, j’ai affirmé et j’en suis convaincu, qu’il s’agit d’un Chambertin, et d’un Chambertin parmi les plus grands. Ce Chambertin est une des plus belles bouteilles de ma vie, ayant tout, l’astringence du début, la rondeur qui s’installe en bouche, le velouté qui enivre, et cette longueur donnant une sensation de bonheur qui ne finit pas. Sur les 108 bulletins que j’ai écrits qui relatent près de 2000 bouteilles dont j’ai saisile message, je serais bien en peine d’en trouver quatre ou cinq de cette trempe là. L’espace d’un instant je fus « lou ravi » ou Saint François flottant dans les airs, tracté par des oiseaux.

Après cela, toute apparition allait être pauvre. Non. La Cuvée de la Perrière 1972, Côte du Rhône de mon grand père a fait plus que belle figure. Belle structure sous une couleur pâle, belle amertume et belle rondeur de bon aloi. Ce vin figurait bien, délivrait un beau message. L’amour filial l’a-t-il fait bien vieillir ? Pourquoi pas.

Le Climens 1966 est d’un or authentique. Les agrumes, les abricots et le coing rivalisent avec la mangue. Sur un discret crumble aux poires où le sucre sait se taire, un petit et long bijou. Une Bénédictine des années 30 a parachevé cet hommage précoce à ceux de ma descendance qui verront le 22ème siècle.

galerie 1966 vendredi, 5 mars 2004

Rien ne distingue l’étiquette du blanc et du rouge. Les bouteilles étant assez opaques, je suis passé devant celles-ci souvent sans remarquer qu’elles sont de vin blanc. Celle-ci fut bue le 31/12/2006.

 J’aime beaucoup cette étiquette blanche. Plutôt plus que celle qui est bleue, que je joins ici pour comparaison.

 

Dîner au Bistrot du Sommelier jeudi, 4 mars 2004

A 20 h précises mes convives sont là, juste quand j’avais fini d’ouvrir la Pétrus et mes apports. Comme il fallait s’y attendre, mon ami sommelier avait apporté aussi trois bouteilles. Philippe Faure Brac avait sans doute eu peur d’un avis de sécheresse ; il en ajouta une. Nous voilà installés à trois dans l’immanence sarkozienne de l’éthylomètre inéluctable.

Pour l’apéritif,deux vins d’Afrique du Sud. Le Meerlust Rubicon 1998 cabernet sauvignon, franc et merlot 13° a un joli nez. On sent la tentative de Bordeaux, mais on a un vin typique d’Afrique du Sud, fait d’une attaque assez consistante, d’une belle plénitude, d’une absence de caractère, et d’un total manque de longueur. Le De Toren Fusion Five 2001 Stellenbosch 14°5 fait de malbec petit verdot et des trois autres cépages déjà cités justifie que le nom soit fusion 5, assez rare dans le nouveau monde. Il a au moins un mérite, c’est que c’est le type de vins que je fuis. Qu’il ait son public m’indiffère, car si demain on met en compétition des Portos et des Sauternes, ça n’a pas de sens, l’alcool changeant les critères de compétition.

Merci à mon ami de m’avoir fait goûter ces deux vins, car ils montrèrent avec une magistrale évidence combien Pétrus 1979 est grand. J’avais demandé un cabillaud sur ce Pétrus. La chair fut un extraordinaire faire valoir. Si les circonstances de dégustation ont un sens, le fait d’avoir bu des vins courts et sans personnalité (je suis cruel mais il faut savoir dire non à ces vins excessifs) faisait briller ce Pétrus qui nous apparut d’une qualité extrême. Sophistication, belle complexité, charme, velouté, longueur, tout y était. Un magnifique Pétrus porteur de toutes les qualités. Ce n’est que dans la lie que j’ai retrouvé les caractéristiques de l’année un peu courte, alors que le vin paradait auparavant à un niveau de première grandeur. Grandissime Pétrus. Le vin de Philippe Faure Brac était Pichon Longueville 1953 Ets Gérin et Fils négociants. Objectivement ce vin a dû avoir un stockage un peu chaud. Mais quand on a intégré ce fait là, quel charme. L’ayant reçu à l’aveugle, mon ami le plaçait en Pauillac et en 1955. C’est remarquable tant la blessure de chaleur affectait les repères. Beau témoignage du bordelaisdont on accepte la souffrance.

Que ne pus-je filmer mes amis quand ils accueillirent mon Latricières Chambertin Pierre Bourrée 1955 ! Ils étaient tétanisés car aucun des deux, le sommelier qui a bu des dizaines de milliers de vins, et l’expert reconnu de champagne n’avaient jamais bu de plus grand vin. Largement au dessus de Pétrus, si cela a un sens, ce vin avait tout. Une personnalité rare, une agressivité de Liz Taylor sur un toit brûlant, ce vin était un petit miracle. Mes amis, des sommités du vin, n’arrêtaient pas de dire qu’ils n’avaient jamais rien bu de meilleur. Le test allait venir de Philippe. Nous pensions que Philippe, n’étant pas dans la chaleur communicative de notre extase, et se devant de passer de table en table pour entretenir ses clients, pourrait trouver simplement bon ce qui était du Einstein. Les yeux de Philippe Faure-Brac nous valurent un commentaire de son bras droit en fin de repas : « je ne l’ai jamais vu être enthousiasmé comme cela pour un vin apporté à table ». Nous avions, à ce moment précis, une des plus belles expressions de la Bourgogne, qui laisserait pantois bien des vins plus renommés.

Ce Latricières était mon cadeau, mais j’en avais un autre. Une bouteille très ancienne au cul très profond avec une boule caractéristique du 19ème siècle. Pas d’étiquette, pas de capsule, une belle couleur dorée. Ce devait être un Sauternes d’au moins 80 ans. Je l’avais choisi en me disant : à de vrais amateurs, l’absence d’étiquette importe peu. La couleur est belle. Ce sera grand.

Comme j’étais arrivé avant mes invités pour les ouvertures, l’odeur du Pétrus et l’odeur du Latricières me seyaient bien. Et voilà que j’ouvre et je sens cet énigmatique Sauternes. C’était un Rhum !!! Un Rhum très certainement de la Martinique et très probablement de 1890. Magique, unique, un Rhum qui est une leçon de choses, comme si Michel Ange revenait sur terre pour nous apprendre comment peindre un visage. L’abondance justifiait que je fasse profiter quelques tables de ce Rhum sublime.

Nous étions trois plus Philippe Faure-Brac en pointillé, et il fallait voter. Le vote le plus naturel était : Latricières, Pétrus, Rhum et Pichon. Il fut celui de mes convives. Je n’ai changé dans cet ordre que le Rhum que j’ai mis premier. Pourquoi ? Parce que Pétrus 79 est un vin qui se trouve, parce que ce Latricières est difficile à trouver, mais j’en ai, alors que ce Rhum centenaire si bon est unique. Je serais bien incapable d’en retrouver un de ce grandissime niveau. J’ai donc voté Rhum, Latricières, Pétrus et Pichon, tout en sachant que la vraie valeur vineuse fut le Latricières Chambertin.

Mon ami sommelier ayant de son coté pris des notes, il me parait extrêmement intéressant que vous puissiez profiter de sa version des choses. Cette double vision est une confrontation passionnante. A noter que mon ami a pris des notes à table quand je n’ai écrit le récit ci-dessus que de mémoire. Voici cette autre vision dont je n’ai rien changé :

Nous avons goûté 2 vins de référence sud-africains qui ont obtenu dans le guide John Platter 2004 les 5 étoiles tant recherchées localement « Outstanding ».Le Meerlust Rubicon dont les proportions de raisins dans l’Assemblage ne varient pas (70% cab sauvignon, 20% merlot et 10% cab. Franc)1998 est un excellent millésime, profond et puissant, ce vin fin de fruits noirs, de cassis, au nez de boîte à cigare est encore austère, ce vin sera à son apogée en 2008 ce qui est déjà une performance en soi, les vins de garde sont rares dans cette région du monde, excepté les grands vins blancs liquoreux comme le vin de Constance. De Toren Fusion V doit son nom aux cinq cépages de Bordeaux, un fait rare de cet assemblage unique ici, il n’y a pas d’autres vins de ce type en Afrique du Sud actuellement (57% cab sauvignon, 14% de malbec, 14% de merlot, 11% cab.franc et 4% de petit verdot). 2001 ce millésime est chaud,les fruits sont très présents et concentrés, le malbecapporte cette note suave et réglissée dans ce vin chaleureux, peut-être trop pour mes amis qui n’apprécient pas l’exubérance de ce vin aux notes de fruits noirs compotés et confiturés. Ce vin est équilibré, harmonieux, avec une finale très correcte.

2001 est très riche en alcool et les vins du Nouveau Monde, ne ressembleront jamais à nos Bordeaux, ils ont aussi leur propre identité, et c’est tout le plaisir de la différence !

Pétrus 1979 : ce vin nous a étonné. Beaucoup de fraîcheur et surtout une belle complexité aromatique qui tranche avec nos deux vins de mise en bouche sud-africains. Belle robe sombre, de l’opulence, du gras et du velouté, un vin avec une forte identité, nez de sous-bois humide, de truffe, et bien après le velouté du chocolat et de fruits noirs, le cassis et la prune, une finale droite soulignée par le tabac et une longueur en bouche extraordinaire. Le merlot parfait, sur un grand terroir. L’accord « mets-vins » est superbe, je te laisse le soin François d’en parler !

Pichon-longueville 1953 : ce vin offert par Philippe Faure-Brac est un concentré de matières et d’épices : déroutant. Dégusté à l’aveugle nous avons retrouvé l’origine de ce Bordeaux de Pauillac, mais en citant le millésime 55 : nul n’est parfait ! J’ai apprécié à sa valeur ce beau vin qui n’a malheureusement plus l’avenir devant lui. Son nez de vin fortifié, de porto trahissant un côté réduit qui n’a pas entamé mon plaisir de dégustateur. En bouche, tout est un concentré d’épices, vanille, clous de girofles, poivre : un Pauillac qui a du caractère et du fruit, le cabernet domine avec du cassis, de la myrtille et de la mûre.

Latricières- Chambertin 1955 Pierre Bourée. François nous a mis en langage populaire un grand « coup de pieds aux fesses ! » Comment peut on dénicher un vin pareil, d’une telle dimension. ? La magie a opéré, et je comprends mieux LE BONHEUR qui opère dans tes dîners d’exception. Un grand vin comme ce Bourgogne de 1955 mérite le respect, le silence !! Et, nous avons été terriblement émus par cette splendeur de la nature.Sans nous concerter avec Richard, nous osons dire: nous avons goûté « le vin parfait ».

Désolé François de trahir ta passion des grands vins,permets nous de noter et juger ce vin. Je lui donne 100 points/100. Je n’ai jamais bu un Bourgogne comme celui là avant. Richard Juhlin qui a une mémoire prodigieuse et redoutable dans la dégustation des champagnes, expert très respecté a lui donné une note de 99/100 !

Que dire de plus, que la sauce de cette canette servie « al dente », à base de jus d’orange avec une pointe de gingembre était d’un support incroyable à ce breuvage divin : orgasmique !Bref ce vin, c’estune expressionà la fois du fruit, de la terre, et d’une alchimie que je n’avais pas encore rencontrée. Un nez subtil,un boisé délicat, du musc, des épices, un fruit peut-être un peu confit. En bouche, un côté caressant, un velouté, une suavité savoureuse,mais aussi une grande fraîcheur minérale ! QUE DU BONHEUR

Nous avons aussi également apprécié un grand Rhum que j’évalue à un millésime de 1895, assurément plus de 100 ans, et dont la longueur en bouche est tout simplement incroyable, et d’une belle jeunesse !

Mon classement de mes vins dégustés dans cette soirée :

1 : Latricières-Chambertin 19552 Pétrus3 Rhum « Inconnu »

Voilà ce que dit cet ami. Intéressant de voir que les vins sont mieux définis, plus précis que dans les bulletinsque je vous adresse où l’on décrit plutôt les impressions gustatives. Mais ce qui est à remarquer c’est qu’au bout du compte on se retrouve sur le jugement final, sauf peut-être sur les vins étrangers qu’il accepte mieux.

Gagner un Pétrus en tombola, pour trouver l’extase sur un Latricières Chambertin ! Il y a des soirs, comme celui-là, où une mystérieuse alchimie fonctionne. Ces hasards, ces plaisirs infinis de l’amitié ne se produisent que si on les provoque. Merci Philippe, merci généreux ami de ce sens du partage.