déjeuner avec des amis jeudi, 19 décembre 2002

Un déjeuner avec des amis. J’invite, et je veux faire plaisir. Sur une omelette aux truffes, Lynch Bages 1989. On a raison de dire que c’est grand, car c’est un vin puissant, qui a su trouver l’équilibre entre le tannin et le fruit, sans aucun excès. Il est magnifique. Mais quand arrive La Conseillante 1986 Pomerol, on est bien obligé de reconnaître combien La Conseillante a une subtilité qui le place à de hauts sommets. Sur une pièce de bœuf, il a brillé, écrasant même le Léoville Las Cases 1986, trop brutal, trop « boum boum », affichant un certain manque de finesse, malgré une générosité et un caractère chaleureux qui feraient l’aimer hors de ce voisinage. Un Yquem 1987 sur une charlotte à la mandarine donnait une combinaison merveilleuse, même avec un jeune Sauternes. Myrtilles, quand j’y pense !

Déjeuner à l’Ecu de France mercredi, 18 décembre 2002

Un déjeuner entre amis en mon restaurant secret. Sur des escargots en pommes de terre, Haut-Brion blanc 1971. Quel accord ! Une robe dorée. Les premières gouttes font craindre la madérisation, mais le vin prend sa place. Il éclot comme une fleur exotique, et s’installe en prenant ses aises dans le palais. Un vin blanc à la grandissime texture. Un chef d’oeuvre. Sur un ris de veau, le Lafite-Rothschild 1955 confirme les précédents essais : 1955 est une immense année. L’un des convives nous avait offert lors d’un précédent déjeuner un très beau Lafite 1986. Il convint que ce 55 le dépasse de cent coudées. La soif finale se soigna au Krug 1988, petite merveille de goût encyclopédique, tant il se marierait avec n’importe quelle saveur qu’il saurait toujours embellir.

Dîner à l’Ecu de France mercredi, 18 décembre 2002

Un dîner dans mon restaurant secret. Je choisis Pétrus 1970. Ma femme m’a dit que jamais elle ne m’a vu aussi enthousiasmé par un vin. Il y a toujours un aspect d’un vin qui est à critiquer. Là, sur une bouteille que j’avais fait ouvrir deux heures avant, j’ai eu un moment de bonheur parfait. Ce Pétrus a un nez généreux mais complexe. En bouche, il demande à être examiné. En effet, il ne se livre pas si vite. Puis, comme dans un puzzle au moment de la dernière pièce, on a tout d’un coup la clef, et on monte dans un paradis gustatif. Ce vin d’une complexité extrême, s’il est lu comme il convient, est d’une perfection redoutable. Bien sûr, ce vin ne supporte pas d’être mis en compétition avec un autre. Il faut en profiter pour lui-même. Il faut l’adorer. Et alors, quel retour d’affection !

Dîner impromptu dimanche, 15 décembre 2002

Un déjeuner impromptu avec justement un Côtes de Jura Domaine de la Pinte 1999 sur du boudin blanc truffé. L’accord est une petite merveille, et ce jeune vin promet beaucoup. Sur un filet de bœuf aux pommes soufflées (ou quasi), un magnum de Vieux Château Certan 1966. Magnifique Pomerol, de très belle maturité, tout en discrétion finesse et noblesse. Un nez de rêve, et une belle longueur. Le Jura revient sur le fromage, et sur une délicieuse tarte à la framboise et à la crème, un Dom Ruinart rosé 1986 époustouflant. Une couleur de pèche, et une saveur invraisemblable. Un magnifique champagne, de profondeur et de race. Un grand moment et une émotion rare. Je retiens surtout l’émotion, plus que surprenante d’envoûtement.

Salon des Vignerons indépendants dimanche, 15 décembre 2002

Le Salon des Vignerons indépendants. Belle occasion de rencontrer des vignerons amis que m’ont fait connaître Philippe Parès et d’autres amis. Une impressionnante concentration de grands viticulteurs. Je n’achète qu’une chose : Rêve d’Automne, une cuvée spéciale 1997 du Domaine de la Pinte en Arbois. C’est cher comme ce n’est pas possible, mais c’est délicieusement bon.

Vente de Christie’s et New York Times mardi, 10 décembre 2002

Je vais à la vente de Christie’s où l’on dispersait des apéritifs et alcools de la cave du Duc de Windsor. J’en achète beaucoup, ce qui m’a valu les honneurs d’un article dans le New York Times du 13 décembre. Et évidemment, d’autres journalistes américains intrigués cherchent à me joindre. On verra…

Dîner de wine-dinners au restaurant « Guy Savoy » jeudi, 5 décembre 2002

Dîner de wine-dinners au restaurant « Guy Savoy » le 5 décembre 2002
Bulletin 53

Les vins :
Dom Pérignon 1976
Y d’Yquem 1980
Chablis premier cru Montée de Tonnerre François Raveneau 1975
La Mission Haut-Brion 1976
Lafite Rothschild 1962
Chateau Chalon Auguste Pirou 1986
Aloxe Corton Louis Latour 1955
Mercurey Jacques Bouchard 1943
Savigny Chanson Père & Fils 1926
Lafaurie Peyraguey 1993
Yquem 1976

Le menu, créé par Guy Savoy et Eric Mancio :
Mosaïque de gibiers et salade paysanne
Rouget grondin, jus au vin rouge
Papillote de volaille, saveur de Château Chalon
Lièvre à la Royale, macaronis au céleri et truffe, poêlée de champignons
Fromage
Saveurs exotiques

Dîner de wine-dinners au restaurant Guy Savoy jeudi, 5 décembre 2002

Un dîner chez Guy Savoy, c’est comme un pèlerinage, mais plus encore, un privilège. J’apprécie tellement sa personnalité, son ouverture, sa volonté de faire l’accord juste que je perds, on le comprend, toute objectivité. Tout le monde a vu lorsque Elvis Presley se présentait sur scène des jeunes filles s’arracher le corsage en pleine hystérie. Toutes proportions gardées, je vais chez Guy Savoy avec cet état d’esprit : le pur groupie.
Apéritif dans le salon privé, séparé du restaurant par cette rue si peu pratique. Un Saint-Raphaël des années 30, sans doute un peu plus vieux que celui ouvert à la Grande Cascade, et un peu plus caramélisé. Mais si fondant qu’on ne s’arrêterait pas d’en boire. Et les toasts au foie gras glissent si vite qu’en vertu du théorème « pain / fromage », on n’arrête pas de consommer l’un des ingrédients pour finir l’autre.
Ouverture des bouteilles à 16 heures avec Tony, partenaire si agréable des ouvertures : c’est l’occasion de bavarder, d’évoquer, de raconter ses campagnes. Je ne goûte que deux vins : le Lafite 62 pour vérifier son état car le nez est très généreux, et le Château Chalon, par pure gourmandise, car son nez est tellement pénétrant qu’il envahit la pièce. Le Savigny 1926 sentait mauvais, mais comme les fidèles lecteurs de ce bulletin le savent, je considère cela comme un bon signe.
Le menu préparé par Guy Savoy et Eric Mancio : Mosaïque de gibiers et salade paysanne, Rouget Grondin « rôti-farci », Bordelaise au corail, Papillote de volaille, saveur de Château Chalon, Lièvre à la Royale, macaronis au céleri et truffe, poêlée de champignons, Fromage, Saveurs exotiques. J’ai fait remarquer à Eric que le texte est particulièrement minimaliste contrairement à d’autres restaurants, mais ce texte, comme une calligraphie chinoise, est un minimum qui recouvre un maximum. Le jeune sommelier Jérôme a fait un excellent service.
Sur une crème de potiron nos lèvres effacent la lourdeur de l’apéritif pour faire la place au Dom Pérignon 1976. Merveilleux de jeunesse, de précision. Pas un gramme d’âge, une discrétion exemplaire. Il dit : « je suis le bon champagne », comme Johnny Weismüller disait : « moi Tarzan ». Belle bulle, et belle persistance, mais sans gravité. Un saumon et une brioche au parmesan finissaient de mettre en valeur la trame de ce champagne.
Sur le gibier marbré de foie gras, un Y d’Yquem 1980 et un Chablis premier cru « Montée de Tonnerre » François Raveneau 1975. Difficile d’envisager des vins plus différents. Mes convives vibrent naturellement plus vite pour le Y, mais je suis frappé par la perfection du Chablis. Sur le gibier, c’est le Chablis qui arrive à lutter avec ces saveurs mâles, animales, et sur le foie gras, le Y glisse comme sur du velours. Le Y a la signature d’Yquem, on y lit les grappes avec plaisir. Le Chablis révèle de plus en plus sa merveilleuse structure profonde. Qui dirait que ce Chablis a un âge ?
Sur le grondin, La Mission Haut-Brion 1976 se marie par une incroyable harmonie avec la farce, alors que le Lafite-Rothschild 1962 épouse la chair du poisson. J’aime quand la saveur de la farce reprend toutes les composantes du vin. Très beau Mission, chaud mais un peu court du fait de l’année. Le Lafite s’ouvre sur une note un peu aqueuse, puis progressivement affirme sa délicatesse. On voit bien ce que Lafite peut avoir de noble et de différent. C’est un 62, donc en finesse contenue. Mais quel grand vin, qui ne se dispute même pas avec la remarquable exécution du Mission.
Pour la première fois dans un dîner nous avons mis un Château Chalon Auguste Pirou 1986 à cette position en milieu de repas. Sur la volaille de Guy Savoy, c’est une merveille. J’ai personnellement trouvé qu’il s’exprime pleinement sur la chair seule, si belle si douce et si blanche, frêle vierge que caresse un Chalon prince charmant.
Le moment de gastronomie absolue allait arriver sur le lièvre et les trois Bourgognes. En peu de temps, je viens de déguster quatre lièvres à la Royale de grands chefs. Chacun est complètement différent. Je dirais que le plus juste, le plus orthodoxe a été celui d’Eric Fréchon. Dans le cas de celui-ci, on est face à une exception. C’est un prélude de Chopin, mais c’est aussi du Salvador Dali.. Car on est sur un traitement assez hors norme du sujet. L’Aloxe Corton 1955 Louis Latour est un petit bijou d’Aloxe. Une précision chirurgicale qui allait à merveille avec la chair du lièvre. Le Mercurey 1943 de Jacques Bouchard (Jacques, pas Père et Fils) est la surprise absolue pour ceux qui n’ont jamais franchi la lisière de ce paradis. Un vin merveilleux qui se mariait avec toutes les composantes du plat si riche. Et le Savigny Chanson Père et Fils 1926 a trouvé un accord hallucinant avec la sauce seule. Sans pain, sans chair, la sauce et le Savigny se retrouvaient dans un goût absolu. Vin merveilleux. Chacun des Bourgognes, de trois décennies différentes sur trente ans apportait un message époustouflant et si confondant de richesse. Chaque vin allait bien sur une des parties du plat, le Mercurey allant sur le tout. Le plat et les trois vins constituent une apothéose de gastronomie.
J’ai comme chaque fois expliqué comment profiter du roquefort avec le Sauternes, ici un Lafaurie Peyraguey 1993. J’avais volontairement choisi des Sauternes jeunes pour ne pas voler la vedette aux deux émotions du Château Chalon et des trois Bourgognes. Mais comme on le sait, Lafaurie est un boxeur poids lourd qui laisse le dégustateur KO par ses arômes.
Sur un invraisemblable équilibre de fruits exotiques avec sorbet, le Yquem 1976, déjà bien doré, d’une orthodoxie rare trouvait de quoi s’allonger encore, alors qu’on attendrait d’un sorbet qu’il limite ce vin. Le dosage de ces fruits donnait un tremplin au Yquem, même s’il n’en avait pas besoin. Force est toutefois de convenir que ces Sauternes jeunets sont loin d’apporter le plaisir que donnent leurs aînés.
Les convives avaient peu de connaissance des vins anciens et nous n’étions que deux à avoir déjà bu du Château Chalon. Les votes ont été très disparates, mais concentrés sur environ 6 ou 7 vins. Les votes les plus fréquents se sont portés sur le Mercurey 1943 et le Chablis 1975. Ensuite, selon les votes, le Dom Pérignon, le Yquem.
Mon vote personnel fut dans l’ordre le Savigny 1926, le Mercurey 1943 et le Chablis 1975. Pour ceux qui douteraient encore du pouvoir des vins anciens, constater que des profanes, dans un dîner où il y a Dom Pérignon, Lafite, Mission et Yquem votent pour un Mercurey et un Chablis doit représenter un signe fort. Comme dans Mir et Miroska, ou dans les tours de magie de David Copperfield, il faut reconnaître qu’il doit y avoir un truc… Le truc, c’est que les vins vieux sont étonnants de richesse d’arômes rares.
Le journaliste qui était avec nous au Bristol se trouvait à la table voisine. Je lui ai fait goûter cet invraisemblable Mercurey 1943. Guy Savoy nous a fait le plaisir de venir vérifier si les accords marchaient comme il faut. L’écouter expliquer ses choix est pour moi aussi flippant que si Tiger Woods m’expliquait sa vision du jeu sur le fairway. Une soirée d’exception.

Dîner de wine-dinners au restaurant « Laurent » jeudi, 28 novembre 2002

Dîner de wine-dinners au restaurant « Laurent » le 28 novembre 2002
Bulletin 52 – livre page 77

Les vins :
Veuve Cliquot La Grande Dame 1990
Jurançon Clos Cancaillaü Cuqueron vers 1935/1940
Chassagne Montrachet Gabriel Jouard Propriétaire 1983
Bâtard Montrachet Nicolas 1967
Château Cheval Blanc 1960
Château Ducru Beaucaillou Saint-Julien 1961
Chambolle Musigny les Amoureuses, P. Misserey et Frère négociant 1981
Chambertin 1934 Charles Viénot (ex cave Maxim’s)
Nuits Saint Georges Ligeret probable 1947 ou avant
Château Caillou Barsac Crème de Tête 1943
Château Climens 1929

Le menu, créé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret :

Rouelles de Pied de Porc
Foie gras de canard poêlé, coing rôti au gingembre et piment d’Espelette
Coquille Saint-Jacques en nage forestière
Mignon de veau de lait cuit en cocotte, poêlée de cèpes
Perdreau à la goutte de sang, rouennaise au vieux vin de Bourgogne
Roquefort de Baragnaudes
Tarte fine soufflée aux marrons, glace aux agrumes

Dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 28 novembre 2002

Alors que j’avais quitté le restaurant Laurent seulement quelques heures auparavant, me voilà avec Patrick Lair débouchant les flacons d’un nouveau dîner de wine-dinners. Les bouchons sont venus particulièrement facilement, et pour la première fois, il m’a suffi de sentir. Point besoin de boire pour tester. Le nez le plus immédiatement généreux était celui du Cheval Blanc 60. Le plus prometteur, celui du Nuits Saint Georges. La circulation dense ce jour là laissait prévoir quelques retards que nous avons adoucis avec un merveilleux Beaucastel Chateauneuf du Pape rouge 1990 rescapé de la si prestigieuse réunion de l’Académie des Vins de France. Bien charnu et profitant avec succès de 24 heures d’oxygénation. Nous rejoignons la table si magnifiquement ordonnancée avec des décorations de fleurs et de vigne, des verres Spiegelau plus nombreux que les tuyaux d’un orgue, et les bouteilles de rouge et les bouchons épars sur cette magnifique table de onze.

Des convives charmants dont quatre habitués, seulement trois femmes mais illuminées de beauté, comme le menu, créé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret : Rouelles de Pied de Porc, Foie gras de canard poêlé, coing rôti au gingembre et piment d’Espelette, Coquille Saint-Jacques en nage forestière, Mignon de veau de lait cuit en cocotte, poêlée de cèpes Perdreau à la goutte de sang, rouennaise au vieux vin de Bourgogne, Roquefort de Baragnaudes, Tarte fine soufflée aux marrons, glace aux agrumes.

Délicate attention comme seul Philippe Bourguignon peut en avoir : il avait fait rassembler tous les fonds de bouteilles du Grands-Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti 1990 pour faire la sauce du perdreau. Quelle délicatesse, et quelle sauce !

Le champagne Veuve Cliquot La Grande Dame 1990 est vraiment grand comme la Dame. C’est maintenant que le 1990 s’exprime en toute liberté, même si l’un des convives habitué des dîners pensait que les merveilleux pieds de porc eussent accepté un champagne plus mûr. Les rouelles étaient d’une justesse rare.

L’association du Jurançon Clos Cancaillaü Cuqueron vers 1935/1940 avec le foie et le coing donnait des mariages de rêve. Des petits zestes et le piment faisaient danser ce Jurançon doré aux subtilités infinies. Les novices n’en revenaient pas de l’étendue de saveurs si bien contrôlées par un sucre mesuré.

Le Chassagne Montrachet Gabriel Jouard Propriétaire 1983 rebondissait littéralement sur les coquilles. Un bonheur presque aussi intense que la fantastique émotion du même plat sur le Meursault Comtes Lafon de la veille. Le Bâtard, servi un peu frais n’éclosait pas. Mais au fil du plat, le Bâtard Montrachet Nicolas 1967 retrouvait toute sa noblesse, et cette si solide charpente. Qui dirait qu’un blanc de 1967 peut être aussi jeune et enthousiaste ?

Le mignon de veau était un petit chef-d’œuvre de simplicité pour mettre en valeur les deux Bordeaux. Le Château Cheval Blanc 1960 a été diversement apprécié. Sans doute un peu barré par un stockage antérieur dans une cave un peu chaude, il avait une petite "caramélisation" à peine sensible, tant sa générosité et sa finesse lui conservaient un potentiel de grand plaisir. J’ai trouvé dans le magnifique Château Ducru Beaucaillou Saint-Julien 1961 l’accomplissement rêvé de l’année 1961. Après Haut-Brion que je considère comme la réussite totale de 1961, surtout au nez mais bien sûr en bouche, ce Ducru est le 1961 idéal. La finesse est immense, et l’étalage de toutes les subtilités dépasse toutes les attentes.

Après le coté Renaissance du mignon de veau, on attaquait les guerres napoléoniennes sur ce puissant perdreau à la sauce au DRC !! Le Chambolle Musigny les Amoureuses, P. Misserey et Frère négociant 1981 permet le passage du Bordeaux au Bourgogne. C’est beau, c’est franc, c’est généreux, et surtout, c’est dans une gamme de goût que tous les convives connaissent. Quand arrive le Chambertin 1934 Charles Viénot (ex cave Maxim’s) toutes les pendules s’arrêtent : on a changé de planète, et l’on prend conscience que le vin peut produire une richesse gustative insoupçonnée. C’est transcendantal. Celui-ci est l’un des meilleurs que j’ai ouverts de sa caisse d’origine.

Le Nuits Saint Georges Ligeret probable 1947 ou avant est encore plus grand à mon goût. Et quelle merveilleuse opportunité que d’avoir ensemble ces deux vins qui rivalisent de subtilité. C’est quasi indescriptible tant la bouche accueille des variations de suavités. Assurément deux immenses Bourgognes qui se réjouissaient de côtoyer dans la sauce un de leurs prestigieux puînés, le Grands Echézeaux du Domaine DRC 1990. Au goût, je pense que le Nuits est un 1926, car j’ai plusieurs années, et il se rapproche de celle-là.

Avec l’exercice devenu classique du fromage avec le Sauternes, nous avons pu vérifier la justesse de construction du Château Caillou Barsac Crème de Tête 1943. C’est magnifiquement fait, et ce vin mériterait un classement supérieur. Mais quand apparaît le Château Climens 1929, tout s’arrête. La perfection absolue s’installe. C’est du concentré de bonheur. Il est presque impossible d’imaginer que quelque chose puisse être plus beau que cela. Il était si sombre, couleur café, que des convives avaient du mal à imaginer qu’il puisse s’agir d’un vin blanc ! C’était en fait un supplice de plomb fondu, un supplice de total plaisir, lourd, envahissant,. enivrant de totale félicité.

Lorsqu’il fut temps de voter, je demandai qu’on classe quatre vins au lieu de trois, pour éviter d’avoir Climens en première place pour tout le monde. Mais à mon grand étonnement, le vote fut très éclectique, avec de très nombreuses citations de tous les vins. Bien sûr, le Climens fut le plus nommé, mais pas toujours en tête. Mon choix personnel fut : Climens 1929, Nuits Saint Georges # 1926, Caillou 1943 et Chambertin 1934. Mais le Ducru 1961 méritait sans doute autant.

Peut-on imaginer tant de plaisir en deux jours : l’Académie du Vin de France, puis une sauce au perdreau faite au DRC, et un Climens 1929 ?