Philippe Bourguignon invitait chez Laurent l’Académie du Vin de France. Il a eu l’heureuse idée de rajouter à ce groupe structuré quelques clients habitués du restaurant. Quelle joie que de retrouver des gens que j’admire : Jacques Puisais, Jean Pierre Perrin et Alain Senderens, trois complices d’un récent déjeuner (bulletin 47), Alexandre de Lur Saluces, et d’être présenté à des propriétaires de vins mythiques comme la Romanée Conti, Hugel, Pol Roger, Chave, Château d’Arlay, Huet, Château Simone, domaine de Cauhapé dont on a bu récemment les Jurançon et le président Jean Noël Boidron dont le fils m’avait adressé ce Calon 55 si bien fait (bulletin 21).
Que de discussions agréables avec des grands vignerons comme M. Hugel, comme Aubert de Villaine, M. Chave et d’autres. Je retrouve aussi de grands critiques renommés et des journalistes qui écrivent de si belles choses sur ces vins de rêve.
En première partie, chaque membre de l’Académie avait apporté ses productions les plus récentes. On raconte qu’un client a bu à lui tout seul près d’une bouteille de Romanée Saint-Vivant DRC 2001, quand il a vu quel trésor était présenté. Intéressante comparaison de ce DRC avec un Hermitage 2000 de Chave. Deux philosophies différentes. Très belles bouteilles offertes à nos palais avant le dîner : Gosset, Comte Lafon, Zind Humbrecht, les vins des propriétaires déjà cités ci-dessus et tant d’autres.
Lorsque nous passons à table, je remarque l’honneur qui m’est fait : Madame Gilberte Beaux, propriétaire du restaurant est entourée à sa droite de M. Hugel, le si dynamique propriétaire alsacien, et à sa gauche de votre serviteur qui a le second privilège d’être à la droite de Madame de Villaine, dont le mari est propriétaire du Domaine de la Romanée Conti (DRC). Ce n’était pas un hasard, mais le choix de Philippe Bourguignon. Il ne pouvait me faire plus grand plaisir.
Sur une araignée de mer dans ses sucs en gelée, un Riesling Jubilée en magnum 1996 de Hugel. Un nez merveilleux, une belle maturité et un meilleur accord sur le plat que le Vouvray « Le Haut Lieu » 1996 de Huet. La bouteille que nous avions était à mon goût trop fermée sur ce plat. Et, à âge égal, le Riesling est sans aucun doute le plus fort, alors que dans cinquante ans, le round pourrait changer de meneur.
Une Noix de Saint-Jacques en nage forestière délicieuse a permis un accord merveilleux avec le Meursault 1996 Comte Lafon absolument adapté et généreux. Sans doute le plus bel accord de la soirée. Plus concerné que le Château Simone 1996 de très belle structure mais qui ne trouvait pas là son meilleur emploi.
Une volaille de Bresse farcie au foie gras et macaronis dorés au four accueillait trois vins : le Grands Echézeaux DRC 1990, avec le Corbin Michotte 1990, vin du Président, et le Beaucastel 1990 de Jean Pierre Perrin. J’ai été d’une incroyable impolitesse avec Madame de Villaine en lui disant que son vin était trop fort, et trop généreux. Et c’est le vin lui-même qui a corrigé ma maladresse, car une heure plus tard, le nez de ce vin s’était complètement civilisé et avait retrouvé ces arômes que j’adore. Quel bonheur de retrouver ce DRC qu’une apparition brutale m’avait poussé à critiquer. J’espère que le brillant changement du vin m’aura fait pardonner. Sur le plat, c’est le Corbin Michotte qui était le plus adapté. Le DRC était trop puissant (au moment où il était servi), et le Beaucastel n’était pas parfaitement en situation (je l’ai bu le lendemain : il était alors dans sa vraie nature, avec sa pleine générosité).
Jacques Puisais faisait de la poésie sur chaque vin, trouvant des aspects qu’aucun d’entre nous ne découvrirait, et Philippe Bourguignon m’a signalé que d’une table à l’autre, les jugements variaient totalement. Comme il s’agit d’experts et de vignerons, on mesure à quel point le vin est une matière insaisissable !
Sur deux Comtés, l’un de 18 mois et l’autre de 36 mois, Château d’Arlay, Château Chalon 1990 Marquis de Laguiche. Toujours aussi précise association, plus flatteuse sur le 18 mois.
Deux mille feuilles, l’un à la vanille et l’autre à la mangue confite au piment d’Espelette, un Pinot Gris « Clos Jebsal » SGN (sélection de grains nobles) Zind Humbrecht 1996 et Yquem 1996. Aucun vin ne se marie vraiment à la vanille, comme j’en avais fait l’expérience au Bristol, mais avec la mangue, l’accord se faisait, contrarié toutefois par un piment incendiaire à mon palais. Est-ce la présence du SGN ou est-ce la bouteille ? Je n’ai pas senti le Yquem comme je l’aime habituellement. Peut-être était-ce le piment qui m’anesthésiait. J’ai bu de nouveau ce Yquem 96 au château. Celui-là m’allait.
Comme manifestement les soifs n’étaient pas éteintes – il y a dans cette Académie de solides constitutions – on a abondamment devisé avec du champagne Gosset rosé. Bavardages badins mais marqués d’une grande compétence. Apparemment, la fête s’est poursuivie largement au delà de mon départ. Comme j’organisais le jour même (nous avions franchi les heures tardives) et ici même un dîner de wine-dinners, Philippe Bourguignon a fait garder tous les fonds de bouteilles du Grands Echézeaux pour faire les sauces d’un des plats prévus. Quelle délicate attention !
Au cours du cocktail ou lors de conversations diverses, j’ai pu mesurer les mots aimables de ceux qui connaissent mon amour des vins anciens. Un honneur pour moi que de me trouver au milieu de ceux qui font les vins les plus beaux de la planète, et décident de l’évolution de leur fabrication, leurs choix déterminant ce que sera le vin français de demain.
On imagine volontiers que j’étais comme l’enfant à qui l’on ferait visiter une usine de sucettes. Les yeux brillent de fascination.
Une petite anecdote pour finir : un expert ami m’appelle et me dit : avez-vous lu l’article sur Alain Senderens dans la Revue du Vin de France ? (RVF, référence obligatoire). Il me dit : Alain Senderens interviewé dit que son coup de cœur récent est un Nuits Cailles Morin et Fils 1915. « Ça ne peut être que vous » me dit-il ! « c’était moi » répondis-je comme on répond à Bonaparte « j’y étais ». Et je lui raconte ce déjeuner de rêve (bulletin 45). Je suis content qu’Alain Senderens ait signalé cette merveilleuse bouteille que nous avions bue ensemble.
Après avoir côtoyé tant de vignerons que j’admire, j’ai bien dormi, la tête pleine de rêves. Le lendemain, un dîner de wine-dinners m’attendait chez Laurent.
Dîner familial samedi, 23 novembre 2002
Pour un dîner familial, après un Jerez fort agréable, un Cousino-Macul, Finis Terrae, D.O. Valle Del Maipo Chili 1997. C’est un vin de 12°8, assemblage de Cabernet Sauvignon provenant de vignes de plus de 60 ans, avec élevage en fûts neufs de chênes français. Nez très agréable, puis le vin se montre très salé, iodé, et très court. C’est intéressant, mais sans plus. En revanche, grosse apparition d’un Ridge California Zinfandel York Creek 1996 de Spring Mountain au Nord de la Napa Valley. C’est à 91% Zinfandel et 9% Petite Syrah, et ça titre 14°8. Ce sont des vignes de 39 ans pour 60% du Zinfandel, et il a été mis en bouteille en mars 1998. Nez magnifique, puissant, et une agréable combinaison entre le nez d’un puissant Bourgogne et la subtilité d’un grand Bordeaux, plus cette fin de bouche typiquement californienne. L’alcool aide, mais le vin est très grand. L’opposé d’un Cabernet Sauvignon Paul Masson 1979 de Saratoga Californie. Seulement 12°, et un goût de vin du Rhône, de Côtes de Provence, tout en légèreté. On finit sur un Saint-Raphaël des années 30, fabuleux et puissant.
Ce dîner inhabituel, voyage vers le Nouveau Monde était inspiré par cette soirée passée avec les propriétaires de Casa Lapostolle. Il fallait que j’y revienne, et j’y suis revenu avec plaisir. Si Sophie Fenouillet, dans son article de la Vie Financière, me demande des conseils sur des vins actuels, je ne vois pas pourquoi je n’irais pas aussi m’aventurer sur des vins de nouveaux pays où je n’ai pas de repères.
C’était la séquence : vins récents et vins modernes. Mes vins, ceux d’avant 1945, j’y reviendrai bientôt.
Dîner de wine-dinners au restaurant « La Grande Cascade » jeudi, 21 novembre 2002
Dîner de wine-dinners au restaurant « La Grande Cascade » le 21 novembre 2002
Bulletin 50 – livre page 73
Les vins :
Champagne Mumm, cuvée René Lalou 1979
Corton Charlemagne Bouchard Père et Fils 1959
Batard-Montrachet Roland Thévenin 1947
La Mission Haut-Brion, Pessac Léognan 1972
Château Figeac Saint-Emilion 1983
Château Margaux, Ier GCC de Margaux 1967
Romanée Saint-Vivant, Domaine de la Romanée Conti 1986
Vosne-Romanée Bouchard Père et Fils 1971
Volnay, Coron Père et Fils 1928
Château Filhot, Sauternes 1935
Château Gilette, crème de tête Sauternes 1945
Le menu, créé par M. Menut et Richard Mebkhout :
Rissoles de foie gras de canard
Noix de coquille Saint-Jacques truffée
Langoustine à la plancha, jus de crustacés
Cabillaud au naturel, citrons confits et huile d’olive
Sole au beurre noisette et coques
Selle et côte d’agneau rôties aux amandes, jus aux épices
Filet de boeuf Salers rôti Périgueux
Râble de lièvre façon « civet »
Fromages de France affinés
Crêpes soufflées à l’orange, sorbet à l’orange
Café et Mignardises
Dîner de wine-dinners à la Grande Cascade jeudi, 21 novembre 2002
Un dîner organisé pour une seule entreprise, qui recevait ses grands prospects ou clients. Nous avions réservé pour l’apéritif un magnifique salon au 2ème étage de la Grande Cascade : atmosphère confidentielle et confortable. Un exposé bref sur des sujets professionnels, puis très vite, on ne parle plus que de vin. Une raison à cela : un Saint-Raphaël probablement des années 30 est un vrai sujet d’émerveillement. Le quinquina s’est estompé, l’écorce d’orange devient onctueuse, et le Rancio, domestiqué devient étonnamment chaleureux. C’est déjà une belle surprise pour les convives, car on entre de plain-pied dans un registre de goûts qui ne peuvent pas exister sur des vins ou apéritifs modernes.
Après ce préambule nous descendons dans la belle salle de restaurant de la Grande Cascade qui évoque volontiers les bals où tournoient de vastes crinolines. La table est bien dressée, le personnel est attentif et professionnel. Nous inaugurons une formule : un plat par vin. J’avais peur pour la logistique. Tout s’est déroulé dans la justesse et la douceur. Ce qui confirme la pertinence de l’encadrement de cet établissement si délicieusement parisien.
Sur des Rissoles de foie gras de canard particulièrement délicates, un Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 s’affirme comme un grand champagne. La bulle est belle, la jeunesse est là, mais il y a juste cette petite pointe de maturité qui crée un bel équilibre. L’association était merveilleuse.
La Noix de coquille Saint-Jacques truffée avait conclu un PACS avec le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1959 qui est un de mes chouchous. Une couleur d’une noblesse extrême, un parfum enveloppant, et un goût d’une puissance savoureuse. Il faut imaginer la situation suivante : ayant eu l’occasion de parler abondamment des vins anciens lors de l’apéritif, on m’écoute poliment, et on suppose que mon enthousiasme doit être teinté d’un peu de passion excessive. Et là, on a tout à coup un Corton qui surpasse tous les Cortons qu’on a eu l’occasion de boire dans sa vie. C’est assez déroutant, alors, on cherche où est le truc. Car trop d’a priori tombent d’un coup. Il faut dire que j’avais attaqué très fort sur un de mes blancs favoris, doré comme un coing.
Fort heureusement (si l’on ose dire, pour prouver que tout n’est pas d’une absolue perfection !!!) sur une fondante Langoustine à la plancha, jus de crustacés, le Bâtard Montrachet Roland Thévenin 1947, fort malencontreusement ouvert au dernier moment (c’est ma faute, et pas celle de ce si compétent sommelier) vient rappeler opportunément que ces vins vieux n’ont pas tous gardé le teint de Catherine Deneuve. Le Bâtard Montrachet a montré un désagréable arrière goût métallique qui a disparu. Il ne s’est remis à vivre que beaucoup plus tard, évoluant à chaque seconde, pour reprendre – mais beaucoup trop tard – ce que représente son rang social dans les blancs de Bourgogne.
J’avais abondamment parlé du risque potentiel de La Mission Haut-Brion Pessac Léognan 1972, vin d’une année difficile. Mais La Mission est vraiment solide. Sur un Cabillaud au naturel, citrons confits et huile d’olive qui convenait parfaitement (poisson et Bordeaux rouge, quel plaisir), le Mission a tenu sa place, a montré une belle rondeur que son année ne promettait pas. Incroyable comme une pointe de citron peut réveiller un Bordeaux rouge. On est loin de ce que l’on lit dans tous les manuels. La seule petite gène culinaire au sein de plats parfaits fut l’épaisseur de la Sole au beurre noisette et coques. La sole était belle, mais son épaisseur étouffait un peu un vin grandiose : Château Margaux, 1er GCC 1967 qui est une réussite exceptionnelle. Il est beau, il est rond, il a la féminité triomphante de Margaux, et, sans qu’on ait besoin de créer de compétition, on sait qu’il rivaliserait avec les plus beaux millésimes de ce vin de légende. Imaginer qu’un Margaux de cette classe s’acoquine aussi bien avec des coques qui le dissèquent est un plaisir immense pour moi. Heureusement, il n’est pas égoïste.
Comme nous étions onze au lieu de dix, j’ai rajouté un vin. Mais l’équilibre du menu avait déjà été créé sur dix plats. On a donc fait une sorte de « trou normand » avec un Figeac Saint Emilion 1983. Elégance de ce Saint-Emilion qui peut si souvent rivaliser au sommet avec Cheval Blanc et Ausone.
On entre dans le domaine des viandes et des Bourgognes. Très jolie Selle et côte d’agneau rôties aux amandes, jus aux épices, sur un Vosne Romanée Bouchard Père & Fils 1971 bien gouleyant, facile et proche de saveurs connues, mais bien exécutées. C’est le moment le plus rassurant pour les convives, car on est sur des registres habituels.
Le Filet de boeuf Salers rôti Périgueux est une pure merveille. Et le Volnay Coron Père & Fils 1928 est un monument. On connaît mon amour inconditionnel pour les années 28 et 29 qui sont – en ce moment – les plus accomplies des grandes années du siècle. Tant qu’on a pas goûté ce Volnay, on ne peut pas savoir ce qu’est un vin immense, aux saveurs qui ne sont plus « photocopiables ». Les tendances nouvelles ne referont plus cela. Onctueux, présent, dense, affirmé, joyeux, ce vin a tout pour lui. Un vraiment grand moment.
Puis arrive un Râble de lièvre façon « civet ». Magistral. Celui d’Eric Fréchon m’avait enthousiasmé. Celui-ci, traité de façon fort différente a montré une classe extrême. Comme dans un précédent dîner, c’est un Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1986 qui a accompagné le lièvre. Comme la dernière fois, ce vin est grand. Il a une incontestable élégance, mais on voit bien le contraste avec ces vins anciens d’une telle tenue, qui transcendent tous les goûts actuels.
Sur une pâte persillée puis de merveilleuses Crêpes soufflées à l’orange, et un sorbet à l’orange nous avons dégusté un Château Filhot Sauternes 1935 et un Château Gilette crème de tête Sauternes 1945. Deux Sauternes complètement opposés et si intéressants à apprécier ensemble. Le Filhot est clair, léger, subtilement aromatique. Le Gilette est un sommet absolu du Sauternes. Il est à part, fait de concentration, de force extrême. Il s’affirme comme un acteur sûr de son public. C’est l’accomplissement du travail parfait magnifié par une longévité infinie. Ce sont décidément les agrumes qui embellissent ou servent de faire-valoir aux Sauternes.
J’ai demandé que l’on vote pour les vins comme chaque fois. Très grande variété de choix, ce qui montre qu’il n’y a pas qu’une vérité. Mon choix, que chacun pourrait deviner est dans l’ordre : Volnay 1928, Gilette 1945, et Corton Charlemagne 1959. Il serait difficile de déterminer quel accord fut le plus parfait entre la Saint-Jacques et le Bouchard, le râble et le Saint-Vivant DRC, j’ai un petit faible pour l’exceptionnel cabillaud sur un vin d’une année frêle, le Mission 72.
Une expérience avec la famille Menut qui en appelle d’autres, la confirmation du talent d’un chef, Richard Mebkhout, et l’excellence du service dans un lieu appelant au rêve et au plaisir de la table.
Déjeuner à Apicius dans le 17ème jeudi, 21 novembre 2002
Chez le délicieux Apicius, Jean Pierre Vigato nous a proposé une terrine fondante qui sur un Rully 1er Cru Clos Saint-Jacques Domaine de la Folie M. Bouton 1998 glissait comme un véritable plaisir. Un gentil Saint-Véran Domaine des deux Roches Vieilles Vignes 2000 venait assouvir les soifs avant que n’apparaisse la majesté absolue. Le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1991 est une légende, et un vrai plaisir. Le nez est si rassurant. On sait qu’on est en présence d’un grand vin. Quel bonheur que ce vin là. On a tout le talent de l’exactitude. Que de vins modernes feraient bien de s’inspirer de cette justesse là. J’ai un peu boudé le pied de porc, mais un gigot d’agneau voisin me semblait une petite merveille. Sur de la mandarine confite à la cardamome, un verre de Rivesaltes de 50 ans d’age se révélait l’exacte ponctuation : une dictée de Bernard Pivot sans aucune faute – le rêve – un accord absolu. Belle cuisine d’un chef que l’on sent en plein accomplissement de son talent, et des vins d’une liste intelligente (ils sont plusieurs amis restaurateurs à se concerter). Et, encore une fois, la confirmation du mythe Henri Jayer, ce grandiose talent de la Bourgogne.
Des collectionneurs d’étiquettes mardi, 19 novembre 2002
A un congrès de l’ACAVE, cette association d’oenographes, je crois entrer dans un monde surréaliste. On ne peut pas imaginer la créativité qui a existé dans la composition des étiquettes de bouteilles de vin ou d’alcool. Et voir la frénésie échangiste de ces passionnés est émouvant. Si les étiquettes à thèmes ne m’intéressent pas, les étiquettes anciennes de vins du 19ème siècle dont j’ai bu certains évoquent de merveilleux souvenirs. Et les plus belles sont celles de Rhum ou de Cognac, à la richesse picturale infinie. Grâce à la gentillesse d’Olivier Decelle de Mas Amiel, nous goûtons un Maury Mas Amiel 10 ans d’âge et 15 ans d’âge. Le plus vieux est beaucoup plus alcoolique, et je préfère la rondeur du 10 ans d’âge. Des breuvages de rêve. Que de choses se marient avec ces vins généreux.
Dîner d’Alexandre Lazareff au Macéo lundi, 18 novembre 2002
Un repas avec l’héritière de Grand Marnier, Alexandra Marnier Lapostolle, propriétaire de Grand Marnier, du château de Sancerre, et de merveilleux vignobles au Chili plantés de vignes pré phylloxériques. Nous goûtons des vins de Sancerre, des blancs et des rouges du Chili, dont Casa Lapostolle Apalta 1999 et 2000. Il y a évidemment un immense travail qui est fait, notamment avec l’aide de Michel Rolland. Le Chili est un pays d’avenir pour les vins de qualité qui plairont à la Planète entière raffinée. Je ne suis peut-être pas le meilleur public pour ces vins, même si l’on doit reconnaître que leur tendance va s’imposer de plus en plus. Alexandra et Cyrille sont des entrepreneurs dynamiques et volontaires. Qui ne rêverait de les imiter. La démarche impose le respect.
Bien que je ne sois absolument pas compétent sur ces vins, je suis persuadé que pendant encore quatre ou cinq ans, on va continuer à produire des vins extrêmement travaillés, pour plaire au « golden boy de la Silicon Valley ». Mais dans peu d’années, on va revenir à une approche plus calme, en faisant respirer le terroir. Ce sera intéressant de voir si cette théorie se confirme. Je crois savoir que certaines régions du Monde prennent déjà le virage. A suivre…
Rhône en Seine vendredi, 15 novembre 2002
Des vignerons venus en capitale s’appellent « Rhône en Seine ». C’est bien joli comme titre. Je retrouve dans les somptueux salons du George V André Roméro et ses si bons Rasteau. Je mange du chêne à pleine bouche avec un Côte Rôtie 1996 du domaine Gangloff, et, comme les vins récents ne sont pas mon domaine de prédilection ou de spécialisation, je me limite à comparer Château Rayas 2000 avec Beaucastel 2000. Contrairement à un expert, au jugement unanimement reconnu, je ne suis pas d’accord de juger en « blanc / noir ». Ce Rayas 2000 semble avoir laissé faire la nature, et à l’aveugle, je suis à peu près sûr que j’aurais dit un ancien Aloxe Corton. Quand au Beaucastel 2000, c’est la générosité du fruit d’un terroir gâté par la nature.
Faut-il préférer un Chateauneuf du Pape à l’autre, quand on goûte les deux plus beaux et les deux plus célèbres en même temps ? Non pour moi. Ce sont deux philosophies distinctes et je les respecte autant, même si l’un perd un peu de sa puissance et l’autre gagne peut-être un peu trop en goût moderne, malgré le résultat si réussi.
Bien évidemment, mon avis sur ces vins n’a pas de valeur, quand je vois le sérieux de vrais professionnels. Quelle sûreté d’analyse quand David Biraud, meilleur sommelier de France raconte ce qu’il entrevoit. Que de cavistes et de sommeliers sérieux viennent juger ces trésors !
Dîner privé jeudi, 14 novembre 2002
Un dîner avec Château Chalon Jean Marie Courbet 1982. Un merveilleux nez de noix, mais aussi de cognac, tant ce vin fait apparaître son alcool. En bouche, un goût de vin vieux madérisé qui rebuterait plus d’un amateur. Sur des morilles fourrées au foie gras, le mariage est évidemment parfait. Mais sur un magnifique ris de veau très pur, ce n’est pas du tout l’harmonie, que l’on ne retrouve que sur le fromage. Il faut avouer que ce vin pour tout un repas, c’est trop, ou ce n’est pas assez. Il faut avoir ce vin comme un épisode, mais pas comme la vedette unique d’un repas. Je me suis demandé si le propriétaire n’est pas un parent de Gustave Courbet, ce peintre réaliste qui fit scandale avec « l’origine du monde », ce tableau que perfidement Jacques Lacan, qui l’avait acquis, cachait à ses visiteurs ou clients derrière une autre toile !
dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol mardi, 5 novembre 2002
Dîner au restaurant de l’hôtel Bristol le 5 novembre 2002
Bulletin 48
Les vins :
Champagne Ruinart Blanc de Blanc 1990
Château Carbonnieux blanc 1937
Bâtard Montrachet Albert Morey 1986
Château Palmer 1964
Château Ausone 1937
Pommard de Moucheron & Cie 1955
Beaunes Marconnet Remoissenet 1947
Romanée Saint-Vivant DRC 1986
Maury Paule de Volontat 1925
Château Roustit Sainte Croix du Mont 1953
Jurançon Cuqueron Clos Cancaillaü vers 1940
Le menu, créé par Eric Fréchon :
Macaronis
farcis d’artichaut, truffe et foie gras de canard
gratinés au vieux parmesan
Noix de Saint-Jacques
et truffe blanche d’Alba poêlées
fine mousseline Dubarry, bouillon de parmesan Reggiano
Canard sauvage
laqué au miel épicé, navet confit à la poudre d’agrumes et figues rôties
Lièvre de la Beauce
l’épaule cuisinée en civet, le râble rôti au poivre vert
gnocchi sardi cuit comme un risotto
Fourme d’Ambert
Mille-feuille à la vanille