réveillon du 31 décembre avec des vins en grands formats vendredi, 1 janvier 2021

Ayant prévu pour le réveillon du 31 décembre des flacons de grands volumes, j’ai commencé les ouvertures de trois magnums avant midi. Le nez du Lafite 2001 est noble et conquérant. Le nez de l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 est d’une subtilité raffinée et le nez du Vega Sicilia est une bombe de fruits gourmands. Vers 16 heures j’ouvre le jéroboam de Veuve Clicquot La Grande Dame 2008. Le bouchon demande de gros efforts pour l’extirper. Le pschitt est de belle énergie et le parfum est intense et prometteur.

A 20 heures les amis arrivent. Nous sommes neuf, dont huit buveurs, puisque ma femme ne boit pas, sauf l’Yquem 1989 que nous boirons au dessert, à la couleur d’un or joyeux et intense, et au parfum ensoleillé mais réservé, que j’ai ouvert en même temps que le champagne.

L’apéritif consiste en du cœur de saumon, des anguilles fumées découpées en petits morceaux, des tranches de foie gras qui seront recouvertes de fines lamelles d’un truffe odorante offerte par des amis. Il y aura aussi un pain fait à l’huile d’olive appelé la pompe, qui fait partie des treize desserts de la Provence pour le réveillon. Du gouda au pesto et des palets au parmesan complètent la variété de ce que l’on grignote sur le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 2008. Sa couleur est claire et sa bulle est active. Ce champagne est très confortable tout en ayant une belle vivacité. Il convient bien au saumon, ce dont je n’étais pas totalement sûr, et mieux encore à l’anguille fumée. Mais c’est avec le foie gras, avec ou sans truffe, qu’il s’exprime le mieux.

Avant de passer à table, chaque convive doit trouver sa place en trouvant la solution d’une énigme relative à son prénom. J’essaie de créer des énigmes qui diffèrent chaque année et de les rendre hermétiques. Deux énigmes sur neuf ont été trouvées, ce qui est un très bon score.

Nous passons à table et le champagne va accompagner deux entrées au caviar. Des coquilles Saint-Jacques crues sont recouvertes de caviar osciètre prestige Kaviari. Le sucré des coquilles et le salé du caviar forment un accord d’anthologie. La seconde entrée est un œuf coque mollet recouvert de caviar. Cette combinaison, à mon goût, est encore plus raffinée que celle avec la coquille. Le champagne manque un peu de largeur face à ces deux entrées et c’est à cette occasion que je constate qu’il lui manque aux moins dix ans d’âge pour soutenir la vigueur de ces deux plats. Un Dom Pérignon d’une trentaine d’années eût mieux convenu.

Sur le boudin blanc truffé sur lequel on distribue des lamelles de truffe est servi le Château Lafite-Rothschild magnum 2001. Le parfum de ce vin est d’une riche noblesse. Il s’impose et ne se discute pas. En bouche, sa richesse impressionne. Il a une mâche, un grain d’une grande persuasion. Et progressivement, c’est son côté truffe qui prend le dessus. Ce vin est d’une grande élégance et d’une belle énergie. Il est brillant et tous les amis le trouvent exceptionnel.

Notre boucher traiteur fétiche m’avait dit que les tranches de filet de bœuf devraient être mis au four à 40 degrés pendant 45 minutes, pour que la viande soit chaude au moment où on la servira après être poêlée en « tourne et retourne ». La viande arrive parfaitement tendre sur nos assiettes et une amie restauratrice remarquera immédiatement ce petit détail si souvent oublié par des restaurateurs qui servent des viandes au cœur trop froid.

Les amis qui ne connaissaient pas le programme des vins sont impressionnés quand se présente l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti magnum 2007, car le domaine jouit d’un prestige unique. La couleur dans le verre est claire comparativement à celle du Lafite. Le vin exhale des senteurs subtiles et raffinées, envoûtantes. En bouche nous sommes tous subjugués par le charme du vin. Les marqueurs habituels des vins du domaine de la Romanée Conti ne sont pas encore très affirmés car le vin est jeune, mais son message est magnifiquement bourguignon. Il a la jolie râpe bourguignonne. Il est spectaculaire et dégage une émotion extrême. Un ami amateur de vins dit que c’est le plus grand vin qu’il ait jamais bu. L’enthousiasme est total comme on le verra dans les votes.

Les fromages sont un saint-nectaire, un fromage Jort, un époisses et un Brillat-Savarin. Le Vega Sicilia Unico magnum 2007 est une bombe olfactive de fruits rouges et noirs. Le vin est vraiment jeune, et je suis un peu déçu, car j’attendais une aimable confrontation, mais il y a un écart de complexité très important entre les deux 2007. Le vin espagnol, du fait de sa jeunesse a un fruit encore trop dominant pour qu’on puisse lire ses complexités. Le vin a de l’avenir va beaucoup gagner avec l’âge, mais à ce stade, il n’a pas le niveau des deux vins qui l’ont précédé. Cela n’entame pas mon attirance vers ce grand vin.

Le dessert sera composé de Kouign-Amann et de mangue crue. Le Château d’Yquem 1989 a une couleur foncée d’un bel or ambré. Le nez qui était assez sage à l’ouverture s’est élargi et délivre les fragrances d’un grand Yquem de fruits dorés. En bouche c’est toujours un plaisir de goûter un élixir qui fond dans le palais, lourd, intense et de longueur infinie. J’avais lu dans de bonnes feuilles qu’on ne prend jamais de dessert sucré avec un sauternes. Le Kouign-Amann est une exception à la règle, et ce pourrait être dû au beurre abondant qui adoucit sans doute la force du sucre. Avec la mangue, le vin et le fruit se parlent comme des compagnons de régiment. Ce temps du repas est un temps fort.

Ma fille m’avait hier demandé de façon péremptoire d’ouvrir un Maury. Elle récidive en demandant que l’on serve la suite du Maury Mas Amiel Prestige 15 ans d’âge que j’avais acheté il y a sans doute trente ans. Il a accompagné ce qui reste de Kouign-Amann et des morceaux du cake aux fruits confits.

Il est temps de voter. Six vins sont en compétition et nous sommes huit à voter puisque ma femme ne vote pas. L’Echézeaux a obtenu sept votes de premier. Un seul autre vin a été nommé premier, le Maury. Devinez qui l’a élu ? Ma fille qui a vraiment un penchant pour ce vin doux.

Un ami fidèle a le même vote que moi et notre vote est le même que celui du consensus : 1 – Echézeaux DRC 2007, 2 – Lafite-Rothschild 2001, 3 – Yquem 1989, 4 – La Grande Dame VCP 2008, 5 – Vega Sicilia Unico 2007.

Ce dîner a été exceptionnel tant au niveau des accords mets et vins que des vins eux-mêmes. S’embrasser à minuit en se touchant les coudes seulement avec son coude, c’est une expérience que je n’avais encore jamais vécue. Nous étions si bien ensemble, car nous nous connaissons tous de longue date, que le réveil indiquait 3h30 lorsque je me suis couché.

Il est toujours intéressant de goûter les vins le lendemain lorsque les bouteilles ne sont pas vides. Il reste du Lafite et du Vega Sicilia Unico. Les vins restés sur place ont la température de la pièce alors que les vins hier avaient été servis sortant d’une armoire à 15°. Le Lafite 2001 a une énergie et une densité qui sont immenses et le parfum de truffe est encore plus fort. Le vin est grand.

La grande surprise est celle du Vega Sicilia Unico 2007. Je le retrouve comme je l’aurais souhaité, conquérant, complexe, et délivrant des notes mentholées dans le finale d’une adorable fraîcheur. J’aurais dû ouvrir ce vin un jour avant et surtout le vin aurait dû être servi à température de pièce. Il aurait alors délivré ce qui fait sa grandeur.

Cet essai du second jour me rend encore plus heureux de ce réveillon réussi et si chaleureux.

mise en place de la table

couleur de l’Echézeaux

apéritif

repas

Dîner d’avant réveillon mercredi, 30 décembre 2020

Des amis arrivent par avion vers 16 heures. Il est une tradition immuable de leur offrir un champagne de bienvenue. J’ouvre un Champagne Salon 2004. Un des amis aime cuisiner et nous a apporté la 35ème édition de son cake aux fruits. Nous buvons donc le champagne sur ce délicieux cake aux fruits dont certains ont été trempés dans une chartreuse. Le cake est parfait. Le champagne est équilibré et doux. Il a l’élégance et la complexité des grands Salon mais dans ce contexte, sa douceur équilibrée est un atout majeur. Tant de douceur dans tant de puissance, c’est du bonheur.

L’apéritif est prévu à 19h30. Il y aura de délicieuses tranches d’un pâté en croûte préparé par notre boucher traiteur fétiche. J’ai choisi un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle des années 60 pour faire contraste avec le jeune Grand Siècle que j’avais ouvert pour ma fille. Comme pour les deux champagnes de 1964 dont les bouchons n’étaient pas sortis entiers, la lunule du bas de bouchon restant dans le goulot, le bouchon du Grand Siècle sort en deux fois, la lunule inférieure ne tournant pas quand on tourne le bouchon. Cela corrobore l’estimation de la période de naissance de ce champagne. L’étiquette du champagne porte l’inscription UTA de la compagnie aérienne qui offrait ce vin à ses passagers.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle des années 60 a une belle couleur ambrée. Ce qui frappe c’est la complexité de ce champagne. Le jeune bu récemment avait une belle énergie ; celui-ci est plus calme mais plus complexe et plus inspirant. Sur le pâté en croûte, l’accord est parfait. Nous essayons ensuite un saucisson à la truffe qui est bon mais ne fait pas parler le champagne.

Le plat de ce repas qui se voulait léger avant le réveillon de demain, est de filets de maquereau fumés au poivre, et de demi-pommes de terre beurrées au beurre Bordier et passées au four. Connaissant ce plat, j’avais pris en cave, à l’instinct, un Puligny-Montrachet F. Ponsot négociant à Beaune dont l’étiquette d’année avait disparu. C’est la couleur du vin, pour un niveau parfait, qui m’avait séduit. Je le situais vers la fin des années 70, mais en ouvrant la bouteille, l’état du bouchon m’indique plutôt le début des années 60. Si c’était l’année 1961, je ne serais pas étonné tant la qualité de ce vin est extrême. Le nez est très franc, direct, de belle attaque. En bouche ce vin est d’une sérénité parfaite. Il a un fruit calme mais précis et une belle longueur. C’est un vin à la Jean Gabin, c’est-à-dire un taiseux qu’on écoute quand il s’exprime. L’accord avec le poisson est d’une rare précision au point qu’un des amis se demande comment j’ai pu penser à ce vin. L’accord se trouve aussi avec les pommes de terre.

Au moment où nous avons fini le poisson, une idée me vient. Je suis sûr que l’accord avec le camembert mangé hier serait parfait avec le Puligny. Ma femme me tance, car demain il y a réveillon, mais j’insiste. Et la symbiose entre le Puligny et le camembert est une merveille esthétique.

Nous allons goûter un moelleux au chocolat préparé par ma femme et il serait raisonnable de boire de l’eau. Ma fille qui avait jusqu’ici été extrêmement raisonnable, pensant au nombre de calories qu’il faudrait brûler pour effacer ces agapes, me réclame un Maury. Son ton m’indique qu’il est impossible que je me dérobe.

Je cherche en cave un Maury Mas Amiel Prestige 15 ans d’âge que j’ai dû acheter il y a trente ans. L’accord avec le moelleux au chocolat est sublime et tellement naturel car il y a tout dans ce vin, la cerise confite, la prune, le pruneau confit, et tant d’autres fruits. Et ce qui est précieux c’est que ce vin est totalement intégré. C’est un accord de jouissance.

J’ai servi un Vieux Marc des Lambrays d’une bouteille déjà entamée mais éventée. Le marc a totalement perdu de sa vigueur. Eventé, il n’est pas porteur de plaisir.

J’adore ce type de repas fait d’impromptus successifs. Pourquoi ce Puligny, pourquoi ce Maury, pourquoi ce camembert qui apparaît sans qu’il ait été prévu. Je trouve un grand plaisir à ce hasard, car c’est une manifestation de totale liberté.

Demain, ce sera réveillon et tout est déjà prévu à l’avance. Ce sera je l’espère très bien, mais des repas comme celui-ci où l’improvisation domine, c’est ce que je préfère, et de loin. A demain un nouveau style.

la préparation des verres pour le réveillon

Champagne de bienvenue dans le sud mercredi, 30 décembre 2020

Juste après Noël nous descendons dans le sud avec notre fille aînée. Pour le dîner j’ouvre un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle sans année récent. Le champagne fait un beau pschitt et le bouchon sort avec sa partie basse qui s’élargit fortement en se décompressant. Le nez du champagne est vif et intense, comme si le champagne s’ébrouait.

En bouche on reconnait toute l’élégance romantique de ce subtil champagne qui m’évoque des fleurs blanches. Bien sûr ce Grand Siècle trouve des complexités supplémentaires en vieillissant, mais il est déjà très agréable et réjouissant dans sa jeunesse. Sur un foie gras de grande personnalité il est parfait ainsi qu’avec un camembert traditionnel et bio absolument parfait, moins viril que les Jort mais réussi.

Bulletins du 2ème semestre 2020, du numéro 877 à 898 mardi, 29 décembre 2020

Bulletins du 2ème semestre 2020, du numéro 877 à 898.

Pour lire un des bulletins, il faut cliquer sur le lien de ce bulletin.

(bulletin WD N° 898 201230)   Le bulletin n° 898 raconte : dernier déjeuner avec mon fils et un brillant La Tâche, repas solitaire avec un 1928, déjeuner dominical avec un grand Richebourg, déjeuner impromptu à la Manufacture Kaviari avec un chef triplement étoilé.

(bulletin WD N° 897 201223)   Le bulletin n° 897 raconte : dîner particulier avec mon fils aux vins étonnants dont un bordeaux du 19ème siècle exceptionnel et d’autres surprises.

(bulletin WD N° 896 201216)   Le bulletin n° 896 raconte : dîner avec un vin exceptionnel de 1929, recherche sur un alcool mystérieux du milieu du 19ème siècle et essais préparatoires d’un grand dîner.

(bulletin WD N° 895 201208)   Le bulletin n° 895 raconte : plusieurs repas avec mon fils, occasions d’ouvrir des bouteilles improbables, inconnues et magiques.

(bulletin WC N° 894 201202)   Le bulletin n° 894 raconte : le 245ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 893 201125)   Le bulletin n° 893 raconte : dîner au champagne, dîner au restaurant Kei au chef trois étoiles, déjeuner au restaurant Pages consacré à l’ouverture des vins du 245ème dîner.

(bulletin WD N° 892 201118)   Le bulletin n° 892 raconte : déjeuner au restaurant Pages avec des élèves d’une grande école et déjeuner au restaurant Drouant.

(bulletin WD N° 891 201011)   Le bulletin n° 891 raconte : déjeuner au restaurant Pages autour d’un Pétrus, récompense d’un challenge que j’avais lancé sur Instagram, et dîner au restaurant L’Écu de France, le dernier avant couvre-feu.

(bulletin WD N° 890 201103)   Le bulletin n° 890 raconte : dîner d’anniversaire de mon ami Tomo sur une cuisiné élaborée par l’équipe du restaurant Pages, déjeuner de famille avec les restes des vins goûtés au château de Saran et d’autres vins et déjeuner au restaurant Récamier.

(bulletin WD N° 889 201027)   Le bulletin n° 889 raconte : déjeuner au château de Saran, demeure de réception du groupe Moët Hennessy, avec dégustation de nombreux grands champagnes Dom Pérignon, en vue de préparer le futur 250ème dîner.

(bulletin WD N° 888 201020)   Le bulletin n° 888 raconte : premier déjeuner de famille depuis le début du confinement, déjeuner au restaurant Lucas Carton avec des vins mythiques, autre déjeuner de famille avec de grands vins, pour rattraper le temps perdu.

(bulletin WD N° 887 201013)   Le bulletin n° 887 raconte : déjeuner au restaurant Taillevent pour préparer le menu du 244ème dîner, préparation et mise en place puis 244ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent.

(bulletin WD N° 886 201006)   Le bulletin n° 886 raconte : magnifique déjeuner au restaurant deux étoiles Alexandre Mazzia à Marseille, déjeuner avec des amis, déjeuner avec un journaliste venu de Paris.

(bulletin WD N° 885 200929)   Le bulletin n° 885 raconte : dans le sud, déjeuner avec des amis, dîner avec les mêmes, déjeuner au restaurant Bruno à Lorgues et dîner de grands vins.

(bulletin WD N° 884 200922)   Le bulletin n° 884 raconte : dîner traditionnel du 15 août, à la maison avec des amis et dîner du lendemain chez des amis

(bulletin WD N° 883 200915)   Le bulletin n° 883 raconte : dîner d’ami, point de départ d’un weekend gastronomique et déjeuner au restaurant Mirazur à Menton, de Mauro Colagreco, nommé meilleur restaurant du monde.

(bulletin WD N° 882 WD 200908)   Le bulletin n° 882 raconte : dîner de famille, déjeuner à la plancha, dîner avec des vins de 1978 et dîner couscous avec un merveilleux vin d’Algérie.

(bulletin WD N° 881 200901)   Le bulletin n° 881 raconte : dîner à la maison avec deux magnifiques vins de 2007, nouveau déjeuner au restaurant Hemingway à La Londe des Maures, dîner chez une amie avec deux Pauillac de 1990, dîner avec une double confrontation entre des Côtes de Provence et des Bandol anciens.

(bulletin WD N° 880 200825)   Le bulletin n° 880 raconte : comportement d’un Hermitage La Chapelle 1990, déjeuner au restaurant Hemingway, Clos de Tart 2004, dîner avec deux champagnes et premier dîner avec des invités à la maison depuis le début du confinement, avec Lafite 1988.

(bulletin WD N° 879 200818)   Le bulletin n° 879 raconte : la fin du confinement est fêtée avec du champagne, déjeuner au restaurant Récamier, départ dans le sud dès la fin de la limite de mobilité de cent kilomètres, Vega Sicilia et Dom Pérignon pour fêter le début des vacances.

(bulletin WD N° 878 200714)   Le bulletin n° 878 raconte : dîner avec Château Conseillante 1943, dîner avec mon chouchou superlatif, le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, dégustation réelle avec un groupe virtuel du Champagne Ruinart 2011.

(bulletin WD N° 877 200708)   Le bulletin n° 877 raconte : l’aventure de trois demi-bouteilles de Palmer 1900 et un beau Moulin à Vent Lagrive 1961.

Déjeuner de Noël en famille samedi, 26 décembre 2020

Le lendemain matin, jour de Noël, ma femme s’affaire en cuisine pour préparer des gougères, un Parmentier de canard confit et pour présenter un Apfel Strudel composé par Jacques Nebot, le fondateur de Kaviari.

A 9 heures j’ouvre un champagne Substance de Selosse dégorgé en 2007 qui fait un gentil pschitt et offre un parfum puissant.

J’ouvre ensuite un Meursault Réserve personnelle du Comte de la Rochefoucauld expédié par un négociant Chandivin de 1962. Le volume a baissé dans la bouteille mais pas trop et le vin est très foncé. Le nez est peu expressif mais ne montre pas de défaut. L’aération lui fera du bien.

J’avais prévu plusieurs possibilités pour le vin rouge mais une bouteille m’envoie un signe, un Volnay-Champans Bouchard Père & Fils 1964 au niveau superbe. Le bouchon vient bien, le parfum est superbe. Ce vin promet.

Vers 12h30 commence la deuxième série des cadeaux car deux des petits-enfants ne nous ont rejoints que ce matin. C’est assez fascinant de voir que les enfants connaissent parfaitement les marques des objets, les noms des créateurs de chaque objet, comme s’ils passaient leur temps à faire du shoping virtuel. Et chaque cadeau est « trop ». C’est trop bien, trop beau, trop super, trop génial, trop fort.

Au lieu de faire des petites gougères, ma femme a fait deux couronnes de gougères, que l’on découpe. C’est délicieux. Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en mars 2007 est absolument splendide. Il est joliment ambré et le mot qui s’impose est « glorieux » car ce champagne est impressionnant de complexité, de puissance, d’énergie et de suggestions. C’est la plus belle aristocratie du champagne. Son ancienneté en a fait un champagne mature et cela lui va bien car il n’a pas perdu en énergie. Nous nous régalons. Il y a aussi du jambon Pata Negra et des chips à la truffe mais l’accord le plus beau est avec les gougères.

Nous commençons le repas par du dos de saumon fumé délicieux. Le Meursault Réserve personnelle du Comte de la Rochefoucauld expédié par un négociant Chandivin de 1962 est assez sombre dans le verre. Son parfum est discret mais c’est une jolie surprise en bouche car il a une belle structure. Il est plein, simple, sans grande complexité mais avec le saumon qui offre un beau gras, l’accord se trouve bien. Il n’a pas inventé la lune, mais il joue son rôle de bel accompagnement.

Le Parmentier de canard confit est délicieux et la chair est fondante. Il restait un peu de l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1991 qui est encore meilleur que la veille car il s’est élargi. Le Volnay-Champans Bouchard Père & Fils 1964 est beaucoup plus adapté que le 1991 au plat, car ce vin est rond, suave, velouté et d’une douceur extrême. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir du caractère. Il est délicieux et l’accord est prodigieux. Tout cela est de la gourmandise pure.

Le vin de Bouchard se comporte très bien avec un saint-nectaire et avec un fromage de chèvre de Selles-sur-Cher.

Pour l’apfel strudel superbe et goûteux où la cannelle est bien dosée, comme les grains de raisins, nous profitons des deux champagnes, le Selosse et le Krug rosé d’hier, qui lui aussi a profité d’une aération supplémentaire. C’est le Krug rosé deuxième génération qui forme le meilleur accord avec le dessert.

Le vin le plus brillant du repas est le Champagne Substance. Le plus bel accord est celui du Volnay avec le Parmentier.

Sur ces deux repas de Noël, nous avons eu huit vins dont quatre champagnes et quatre bourgognes. Ceux qui émergent particulièrement sont, pour moi : le Richebourg 1942, le Substance de Selosse et l’Echézeaux 1991. Mais tous les vins avaient des choses à dire.

Le fait gagnant de loin est de voir nos enfants et petits-enfants, même si pour ce Noël on ne peut ni s’embrasser, ni se prendre dans les bras. Vivement la fin de ce cauchemar covidesque.

les gougères en couronne

l’apfel strudel

Dîner du 24 décembre avec deux Salon et deux DRC samedi, 26 décembre 2020

Le gouvernement ne cesse de nous materner. « Papy et Mamie mangeront la bûche à la cuisine » est une phrase qui entrera dans les livres d’histoire. Nous allons fêter Noël à la maison avec nos deux filles et leurs enfants. Il y aura deux repas, le dîner du 24 décembre et le déjeuner du 25 décembre.

A 15 heures, j’ouvre les deux champagnes Salon qui accompagneront l’apéritif et le premier plat du dîner, un 2004 et un 2006. Les bouchons sont tellement comprimés qu’il me faut un casse-noisette pour arriver à les faire tourner. Le pschitt est relativement faible. Les odeurs que dégagent les goulots et les bouchons sont très engageantes.

A 16 heures j’ouvre les deux vins rouges, tous deux du domaine de la Romanée Conti et d’âges très disparates. L’Echézeaux 1991 a un bouchon qui vient bien et qui a curieusement déjà de la poussière noire sur sa partie supérieure, sous la capsule. Le parfum est d’une grande noblesse.

Le Richebourg 1942 a un niveau très bas dans la bouteille et à travers le verre, je vois que le bouchon est sans doute descendu un peu dans le goulot, alors que la capsule est bombée vers le haut. Quand j’enlève la capsule, je vois que le bouchon n’a pas descendu, ce qui semble lui donner une longueur inhabituelle. Je commence à tirer et ce qui sort est noir et en miettes, puis le bouchon devient très sain dans sa partie basse. Tout se passe comme si le bouchon avait secrété une bouillie de vin et de liège qui a poussé la capsule vers le haut et le bouchon vers le bas. L’odeur du vin est rebutante, aqueuse et tendance serpillière. Une telle odeur conduirait 99% des amateurs de vins à déclarer le vin mort et à l’écarter. Je ne peux pas dire que je suis optimiste, mais ayant rencontré tant de miracles, il est évident que je vais laisser toutes ses chances à ce Richebourg de pouvoir nous surprendre.

Il faut toutefois penser à un Plan B et une bouteille est repérée pour le cas où.

Avant la cérémonie des cadeaux, vers 18h30, nous trinquons avec le Champagne Salon 2004 et le Champagne Salon 2006. Pour l’instant nous ne grignotons que des chips à la truffe. Dans ce contexte, le 2004 puissant, viril, affirmé, surpasse le 2006, plus discret, laiteux, féminin. Je pressens toutefois que le 2006 a des facultés gastronomiques. Et nous le vérifions quand, après les échanges de cadeaux, arrive une tarte aux oignons. Le 2006 est beaucoup plus adapté au goût sucré de l’oignon.

A table, les deux champagnes vont accompagner des coquilles Saint-Jacques crues avec du caviar osciètre prestige de Kaviari. Il me semblait probable que le 2004 soit le plus adapté à ce plat, mais en fait les deux champagnes conviennent tous les deux, le 2004 viril et le 2006 plus séduisant. Alors que le 2004 était largement en tête sur les premières gorgées, le 2006 a maintenant ma faveur pour ses qualités gastronomiques. Ces champagnes vont évoluer avec le temps et les deux seront très grands, dans deux styles différents. Ce fut une bonne idée d’ouvrir des champagnes aussi jeunes.

Le plat principal est de deux poulets accompagnés de pommes de terre en gratin. L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1991 a un parfum élégant et riche. En bouche, le vin est magnifique d’élégance et de précision. Il est long, riche en milieu de bouche. Parmi les six vins rouges historiques du domaine, l’Echézeaux est considéré comme le moins haut dans la hiérarchie. Je trouve que celui-ci a tous les attraits d’un premier de la classe, tant il est brillant.

Le nez du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1942 n’est pas totalement parfait mais il est très agréable. En bouche, on sent que le vin a un peu souffert, que c’est un convalescent, mais il montre une telle personnalité que l’on est conquis. On a le sel, ce marqueur si caractéristique des vins du domaine, et une richesse incroyable. C’est un solide Richebourg, guerrier, à l’intensité aromatique extrême. Plus le temps passe, plus il s’affirme avec une personnalité percutante.

Sur les fromages, les deux vins rouges brillent encore plus, sur un Saint-Nectaire fermier parfait et sur un chèvre goûteux.

Ma fille aînée a apporté une bûche de Philippe Conticini au yuzu et au kumquat. Après avoir goûté une fine entame de ce dessert, je décide d’ouvrir un Champagne Krug rosé sans année qui doit avoir au moins une vingtaine d’années. L’accord est très pertinent. Le champagne est délicat, raffiné, très consensuel. On se régale.

Nous sommes quatre à voter car l’aînée de mes six petits-enfants a une voix qui compte. Ma petite-fille vote ainsi : 1 – Salon 2004, 2 – Echézeaux 1991, 3 – Salon 2006. Ma fille aînée vote : 1 – Echézeaux 1991, 2 – Salon 2004, 3 – Krug rosé. Ma fille cadette vote : 1 – Richebourg 1942, 2 – Salon 2004, 3 – Echézeaux 1991. Je vote : 1 – Richebourg 1942, 2 – Echézeaux 1991, 3 – Salon 2006.

Le vote du consensus est : 1 – Richebourg 1942, 2 – Echézeaux 1991, 3 – Salon 2004, 4 – Salon 2006. Une fois de plus le retour à la vie d’un vin blessé est un miracle de l’oxygénation lente et peut conduire ce vin qui serait écarté à devenir le premier des vins d’un repas. Pour mon goût, les accords les plus marquants sont le Salon 2006 avec la tarte à l’oignon et le Richebourg 1942 avec le fromage de chèvre de Selles-sur-Cher.

la lie du Richebourg 1942

Papy et Mamie n’ont pas pris la bûche à la cuisine ! Que va dire notre Premier Ministre ?

A family dinner with great wines jeudi, 17 décembre 2020

We receive our son for the last dinner of his stay in France. My oldest daughter wanting to bring her Christmas presents for the family of her brother in Miami, there will be four of us at dinner. I want to compare two champagnes from 1964 and put together two wines from the domain of Romanée Conti or close to the domain.

For the champagnes there will be the aperitif with a foie gras terrine made by my wife, and the starter will be Kaviari Osciètre Prestige caviar served alone, with bread and butter. For red wines there will be a braised veal cooked at low temperature accompanied by a Robuchon puree.

At 4 pm I open the 1966 Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy Négociant at a somewhat low but acceptable level. The cork comes whole and the smell emanating from the bottle is awful, putrid, and I think that smell is likely to linger, which would make the wine undrinkable. My wife, who smells the wine, is much less critical and believes that the wine will eliminate these bad smells. I don’t agree with her as only five minutes later although the scent is less excruciating, it is still strongly marked by the odor of sweat, almost dry mops and dust. The rule I have set for myself is to always give wines a chance, but I will see a potential candidate in the cellar to replace this wine. Why did I indicate at the beginning of this story « close to the domain »? Because in 1966 Geneviève Marey-Monge, the last heiress of the family, decided to rent out the plot she owned to the Domaine de la Romanée-Conti. Was the 1966 wine matured and vinified under the old or the new management, I don’t know.

The Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 has a fairly low level, as was often the case with wines from this estate during this period. I plant my normal corkscrew and despite my best efforts I can’t lift it because it’s so hard and compressed in the neck. Once again I see the curious phenomenon that extremely tight plugs in the neck still allow liquid to evaporate, while others, less securely locked in the neck, do not cause any evaporation. This is a mystery. I remove the inoperative corkscrew and take the Durand corkscrew which combines a corkscrew and a bimetallic strip. And unlike what normally should happen, the cork rips to shreds that I pick up with the tools I have. My efforts pay off because the scent of this wine is divine. Rich in red fruits, it promises the best, because this fragrance is straight, precise and rich.

Shortly before 7 pm I open the two champagnes of 1964. For the two corks, the lunula at the bottom of the cork which is glued to the cork does not come out with the top and I have to use a corkscrew to extract these lunulae which are some five millimeters thick. In both cases there is no pschitt and the scents are encouraging.

My son is the first to arrive. We are thirsty, so I serve Champagne Lanson Red Label 1964 in the beautiful bottle in the shape of a keel. The champagne is slightly amber. The bubble is extremely rare. The champagne is divine, giving off an incredible joie de vivre and a formidable charm. The champagne is very sweet, without being able to say that it is heavily dosed. It’s so user-friendly, you can’t help but love it.

My daughter joins us and I serve Champagne Dom Pérignon 1964 to each of us. It has a color very similar to that of Lanson, with an amber which also has small notes of pink color, but it is perhaps due to the lighting and fireplace. This champagne is marked by a fairly strong bitterness which limits the pleasure. The Lanson consequently appears brighter. On the foie gras, the Lanson is imperial and the pairing is superb.

Suddenly, after half the bottle has already been drunk, the Dom Pérignon has completely lost its bitterness and I see its grandeur dawning, made of a complexity greater than that of Lanson. I am delighted because I would like the two champagnes to play an equal game, but the charm of Lanson is formidable.

At table we eat caviar with bread and butter. Dom Pérignon is the best companion for the small savory grains. He recovered part of his delay but the judgment will be final, dedicating Champagne Lanson to incomparable seduction and perfect balance, as well as its length.

I go to look for the two red wines and I announce that it is very likely that the Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy négociant 1966 will not be up to the task. I pour the wine for my children and while I pour the other wine, their doubtful expression calls out to me. They tell me: this wine is good. I hasten to taste it and the result is amazing. The wine has no flaws both in fragrance and taste. The miracle of slow oxygenation has happened once again. My wife guessed more correctly than me.

The Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 is absolutely sublime. Its fragrance is powerful, rich, intense and of absolute purity. In the mouth, the emotion is total, because this wine offers the most beautiful expression of what represents the magic of the domain of Romanée Conti. This wine suggests more than it imposes. It is delicate, elegant, and its mid-palate is a recital of successive complexities. It’s a story. We are in heaven, and veal at low temperature is ideal for highlighting the subtle wine.

So we forget a little the Saint-Vivant, which is a good wine but far from the emotion that the 1952 gives. But it has not said its last word. On an epoisses, a Burgundy cheese, the accord with Romanée Saint-Vivant is incredibly vibrant. They are made for each other, so much so that we’ll decide that the 1966 pairing with époisses is the best pairing of this meal. La Romanée has found with this cheese an extra soul which has made it a conqueror.

My wife made a Tonka bean applesauce topped on each plate with a candied black cherry, all accompanied by trials she made of Kouign-Amann. It is an obvious call to associate it with this alcohol which excited me, the Calvados made by the father of a truck driver of a former company that I ran more than forty years ago.

We voted for our favorite wines. My daughter put the Lanson champagne first, which touches me a lot because not so long ago, she had little interest in champagnes. My son and I have the same classification: 1 – Grand Echézeaux 1952, 2 – Romanée Saint-Vivant 1966, 3 – Lanson 1964 and 4 – Dom Pérignon 1964. Messages of thanks that I received from my children, I remember that they were dazzled as well by the dishes than by the wines we shared. The next stop in these curfew times will be Christmas.

(the pictures can be seen on the article in French, just below this one)

Dîner de famille avec des vins brillants mercredi, 16 décembre 2020

Nous recevons notre fils pour le dernier dîner de son séjour en France. Ma fille aînée voulant lui apporter les cadeaux de Noël pour sa famille de Miami, nous serons quatre à dîner. J’ai envie de comparer deux champagnes de 1964 et de mettre ensemble deux vins du domaine de la Romanée Conti ou proches du domaine.

Pour les champagnes il y aura l’apéritif avec une terrine de foie gras faite par ma femme, et l’entrée sera du caviar Osciètre Prestige de Kaviari servi seul, avec du pain et du beurre. Pour les vins rouges il y aura un grenadin de veau cuit à basse température accompagné d’une purée Robuchon.

A 16 heures j’ouvre la Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy négociant 1966 au niveau un peu bas mais acceptable. Le bouchon vient entier et l’odeur qui émane de la bouteille est affreuse, putride, et je pense que cette odeur a toutes les chances de persister, ce qui rendrait le vin imbuvable. Ma femme qui sent le vin aussi est beaucoup moins critique et estime que le vin va éliminer ces mauvaises odeurs. Je ne partage pas son avis d’autant que cinq minutes plus tard même si le parfum est moins atroce, il est encore fortement marqué par des odeurs de sueur, de serpillière presque sèche et de poussière. La règle que je me suis fixée est de toujours laisser une chance aux vins, mais je vais voir en cave un candidat potentiel pour remplacer ce vin. Pourquoi ai-je indiqué au début de ce récit « proche du domaine » ? Parce qu’en 1966 Geneviève Marey-Monge dernière héritière de la famille décide de mettre en fermage auprès du domaine de la Romanée-Conti la parcelle qu’elle possède. Le vin de 1966 a-t-il été élevé et vinifié sous l’ancienne ou la nouvelle direction, je ne le sais pas.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 a un niveau assez bas, comme c’est souvent le cas des vins de ce domaine sur cette période. Je plante mon tirebouchon limonadier et malgré mes efforts je n’arrive pas à le soulever tant il est durci, comprimé dans le goulot. Je constate une fois de plus le phénomène curieux qui veut que des bouchons extrêmement serrés dans le goulot laissent quand même passer du liquide qui s’évapore, alors que d’autres, moins solidement enfermés dans le goulot, n’entraînent aucune évaporation. J’enlève le limonadier inopérant et je prends le tirebouchon Durand qui combine un tirebouchon et un bilame. Et contrairement à ce qui devrait normalement se passer, le bouchon se déchire en lambeaux que je ramasse avec les outils dont je dispose. Mes efforts ont une récompense car le parfum de ce vin est divin. Riche de fruits rouges il promet le meilleur, car ce parfum est droit, précis et riche.

Peu avant 19 heures j’ouvre les deux champagnes de 1964. Pour les deux bouchons, la lunule du bas de bouchon qui est collée au bouchon ne sort pas avec le haut et je suis obligé d’utiliser un tirebouchon pour extraire ces lunules de quelque cinq millimètres d’épaisseur. Dans les deux cas il n’y a aucun pschitt et les parfums sont encourageants.

Mon fils arrive le premier. Il fait soif aussi je sers le Champagne Lanson Red Label 1964 à la belle bouteille en forme de quille. Le champagne est légèrement ambré. La bulle est rarissime. Le champagne est divin, dégageant une joie de vivre incroyable et un charme redoutable. Le champagne est très doux, sans qu’on puisse dire qu’il est fortement dosé. Il est si convivial qu’on ne peut que l’adorer.

Ma fille nous rejoint et je sers à chacun le Champagne Dom Pérignon 1964. Il a une couleur très proche de celle du Lanson, avec un ambré qui lui aussi a des petites notes de couleur rose, mais c’est peut-être dû à l’éclairage et au feu de cheminée. Ce champagne est marqué par une assez forte amertume qui limite le plaisir. Le Lanson n’en apparaît que plus brillant encore. Sur le foie gras, le Lanson est impérial et l’accord est superbe.

Soudainement, alors que l’on a déjà bu la moitié de la bouteille, le Dom Pérignon a complètement perdu son amertume et je vois poindre sa grandeur faite d’une complexité supérieure à celle du Lanson. Je me réjouis car j’aimerais bien que les deux champagnes fassent jeu égal, mais le charme du Lanson est redoutable.

A table nous mangeons le caviar avec du pain et du beurre. Le Dom Pérignon est le meilleur compagnon des petits grains salés. Il remonte une partie de son retard mais le jugement sera sans appel, consacrant le Champagne Lanson à la séduction inégalable et à l’équilibre parfait, ainsi que sa longueur.

Je vais chercher les deux vins rouges et j’annonce qu’il est très probable que la Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy négociant 1966 ne sera pas à la hauteur. Je verse le vin à mes enfants et pendant que je verse l’autre vin, leur mine dubitative m’interpelle. Ils me disent : ce vin est bon. Je m’empresse de le goûter et le constat est étonnant. Le vin n’a aucun défaut aussi bien en parfum qu’en goût. Le miracle de l’oxygénation lente s’est produit une nouvelle fois. Ma femme a vu plus juste que moi.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 est absolument sublime. Son parfum est puissant, riche, intense et d’une pureté absolue. En bouche, l’émotion est totale, car ce vin offre la plus belle expression de ce qui représente la magie du domaine de la Romanée Conti. Ce vin suggère plus qu’il n’impose. Il est délicat, élégant, et son passage en bouche est un récital de complexités successives. C’est un récit. Nous sommes aux anges, et le veau à basse température est idéal pour mettre en valeur le vin subtil.

Alors on oublie un peu le Saint-Vivant, qui est un bon vin mais loin de l’émotion que procure le 1952. Mais il n’a pas dit son dernier mot. Sur un époisses, l’accord avec la Romanée Saint-Vivant est incroyablement vibrant. Ils sont faits l’un pour l’autre, au point que nous déciderons que l’accord du 1966 avec l’époisses est le plus bel accord de ce repas. La Romanée a trouvé avec ce fromage un supplément d’âme qui l’a rendu conquérant.

Ma femme a préparé une compote de pommes à la fève de Tonka surmontée dans chaque assiette par une cerise noire confite, le tout accompagné d’essais qu’elle a faits de Kouign-Amann. C’est un appel évident à l’associer à cet alcool qui m’a enthousiasmé, le calvados fait par le père d’un chauffeur de poids lourds d’une ancienne société que je dirigeais il y a plus de quarante ans.

Nous avons voté pour nos vins préférés. Ma fille a mis en premier le champagne Lanson, ce qui me touche beaucoup car il n’y a pas si longtemps, elle n’éprouvait que peu d’intérêt pour les champagnes. Mon fils et moi avons le même classement ; 1 – Grand Echézeaux 1952, 2 – Romanée Saint-Vivant 1966, 3 – Lanson 1964 et 4 – Dom Pérignon 1964. Des messages de remerciements que j’ai reçus de mes enfants, je retiens qu’ils ont été éblouis aussi bien par les plats que par les vins que nous avons partagés. La prochaine étape en ces temps de couvre-feu, ce sera Noël.

le tirebouchon Durand ne donne pas toujours des résultats probants. J’aime l’image de la vache à travers le Durand.

au dessert, les essais de Kouign-Amann

Dîner avec un magique Lafite 1900 samedi, 12 décembre 2020

Du fait du confinement, j’ai élaboré un projet de cinq repas à faire lors de déjeuners ou de dîners, pour six convives seulement, puisque c’est une limite évoquée par le gouvernement. Ces repas ont été construits sur papier, en consultant l’inventaire de cave. Il faut vérifier l’état des vins. Un magnum de Champagne Cristal Roederer 1979 est rangé dans son carton. En le saisissant, il me semble trop léger. J’ouvre le carton et je vois que la moitié du contenu s’est évaporée. Et cela doit être ancien, car le carton est marqué mais sec. Sur le carton une étiquette indique que j’ai acheté cette bouteille en 2001 en salle de ventes. Le vin est un peu plus foncé que ce que j’attendrais mais semble convenable. Il est exclu que je le mette dans un dîner officiel.

Je prélève pour l’un des cinq dîners un Y d’Yquem 1962. Le niveau est beau, la couleur est magnifique, mais le bouchon est descendu partiellement dans le liquide. Heureusement, tous les autres vins sont conformes à ce que j’attendais.

Il se trouve que mon fils revient à Paris pour une semaine et nous avons projeté de dîner ensemble. J’ai déjà prévu les vins, mais je vais ajouter le Cristal Roederer et l’Y d’Yquem, sachant que je pourrai remplacer des vins s’ils sont indélicats.

Le jour venu, à 15h30 j’ouvre les vins. Je coupe la capsule de l’Y d’Yquem 1962 et je verse le vin dans une carafe. Je me sers un petit verre. Bonne nouvelle, le nez du vin est pur, le vin n’a pas été dénaturé par le bouchon, ce qui semble montrer que le bouchon était encore en place et n’a baissé que lorsque j’ai pris en main la bouteille.

J’ai maintenant à ouvrir les deux vins phares de ce dîner. Le Château Lafite 1900 a une bouteille sans étiquette mais avec un écusson en verre collé sur la bouteille au verre sombre si joli. Le niveau dans la bouteille est bas comme c’est le cas pour toutes les bouteilles de Lafite 1900 que j’ai encore. Le bouchon vient normalement, en se brisant car le cylindre intérieur du goulot a des aspérités, la bouteille ayant été soufflée. Le nez est enthousiasmant. Il y a des petits fruits rouges excitants. Quel parfum ! cette bouteille est prometteuse.

J’ouvre ensuite un Pichon du baron de Longueville 1904 au niveau très acceptable et dont l’étiquette est parfaitement lisible. J’enlève des lambeaux de capsule, dévorés par le temps et quand je veux planter le tirebouchon, le bouchon me semble dur comme du roc. Il faut essayer de percer cette carapace supérieure et en faisant cet effort, je constate que le haut du bouchon reste attaché au tirebouchon, mais que le reste du bouchon tombe dans le vin. C’est la première fois je crois que je rencontre une telle situation d’un bouchon qui se déchire et tombe alors que je n’ai pas encore atteint avec le tirebouchon cette partie affaiblie qui tombe. Je suis donc obligé de carafer. J’en profite pour boire un peu. Le vin a un parfum très discret. Le vin est timide, mais il me semble qu’il va s’épanouir. Nous verrons.

Lorsque mon fils arrive, j’ouvre le Champagne Cristal Roederer Magnum 1979. Le bouchon vient facilement car son diamètre est plus petit que celui du goulot, ce qui explique l’évaporation. Il n’y a aucun pschitt. La couleur est plus foncée que la couleur qu’on peut attendre d’un 1979 et va s’assombrir beaucoup lorsque je verserai le fond de la bouteille, sans aucun dépôt. Le champagne est très agréable à boire. Il n’a peut-être pas la vivacité qu’aurait ce champagne sans évaporation, mais nous nous régalons avec lui, en goûtant du dos de saumon fumé. Même le vin plus sombre de la fin est aussi agréable à boire. C’est donc une heureuse surprise. Nous prenons aussi à l’apéritif un camembert à l’affinage parfait. Il fait apparaître un goût assez sucré du champagne, fort plaisant.

A table nous continuons à manger le saumon avec le Y d’Yquem Bordeaux Supérieur 1962 carafé du fait du bouchon tombé dans la bouteille. Le vin n’a pas de défaut. Il est fortement botrytisé et on penserait volontiers à un Yquem devenu sec plutôt qu’au vin sec d’Y. Et c’est fort agréable. Si l’on devait chercher un défaut, ce serait un léger manque de longueur. Curieusement sur l’étiquette il est indiqué : « frère jumeau de leur grand vin liquoreux ». Pourquoi « de leur », comme si l’embouteilleur n’était pas le château d’Yquem, alors qu’il est écrit : mis en bouteille au château ?

Sur un gigot d’agneau, je sers en premier le Château Longueville au Baron de Pichon-Longueville 1904. La couleur est belle et vivante. Le nez est discret mais pur. En bouche il est expressif mais comme s’il portait un masque anti-Covid. Il lui manque un peu de flamme pour être parfait. J’ai déjà bu ce vin cinq fois et les premiers avaient un peu d’acidité que je ne trouve pas en ce vin confortable.

Mais notre intérêt est monopolisé par le Château Lafite 1900 au parfum d’un charme redoutable fait de fruits rouges et de velours. En bouche, c’est la perfection absolue d’un très grand bordeaux, éternel car il n’a pas d’âge, avec une mâche truffée et de velours. Il est long, plein, équilibré et d’un charme intense. C’est le septième Lafite 1900 que je bois d’un lot où tous les vins se sont montrés parfaits.

Avec mon fils, nous repensons aux deux bordeaux inconnus que nous avions goûtés il y a un mois. L’un des deux nous avait impressionnés par sa richesse préphylloxérique. Penser que ce vin inconnu peut être placé au-dessus d’un Lafite 1900, car c’est ce que nous pensons tous les deux, montre que le vin inconnu devait être d’une immense lignée, de l’un des dix plus grands bordeaux sans doute.

Ma femme a prévu des mangues crues et un Kouign-Amann. C’est l’occasion de reprendre le Y d’Yquem 1962 qui montre à quel point le botrytis l’a marqué. Il est à l’aise avec ces deux desserts. Nous avons mis un point final à ce dîner avec le calvados dont je suis définitivement amoureux.

Avoir bu deux vins de 120 et 116 ans vivants et sans âge, dont le Lafite éblouissant, c’est un rare plaisir que j’aime partager avec mon fils.

Un étonnant Pouilly-Fuissé 1947 lundi, 7 décembre 2020

Dans ces périodes de confinement où on nous dit qu’il faut fuir les réunions familiales, on ne sait à quel saint se vouer. Ma fille cadette veut nous rendre visite avec ses deux enfants. Défiance, défiance ! Les supposés experts du Covid nous dissuadent, mais ma femme dit oui.

J’ai envie d’ouvrir quelque chose qui plaise à ma fille. Elle aime les Pouilly-Fuissé, les Pouilly-Fumé, c’est l’occasion d’ouvrir une bouteille étrange de ma cave. C’est un Pouilly-Fuissé Premier Cru Richard Raymond 1947. Le nom Raymond est une supputation de ma part car on ne peut lire que « MOND » sur l’étiquette déchirée. Et la mention « Premier Cru » est un caprice de ce négociant. La bouteille est ancienne, au cul profond à boule, d’un poids incroyable tant le verre est épais. Le verre est vert ce qui empêche de voir la couleur du vin. Le niveau est assez haut dans le goulot, et la bouteille est cirée, ce qui empêche de voir le bouchon.

J’ouvre la bouteille en cassant la cire et je constate que le bouchon est tout petit tant le goulot a un verre épais. Le bouchon ressemble comme deux gouttes d’eau à des bouchons de vins du 19ème siècle, avec la face inférieure du bouchon qui s’est inclinée avec l’âge. Le nez est très timide, mais précis et délicat. Je ne touche pas à la bouteille pendant les cinq heures qui précèdent le repas.

Ma fille et ses enfants arrivent pour décorer le sapin de Noël que nous avons installé dans la salle à manger. J’ouvre un Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979. Le bouchon vient entier, parfaitement cylindrique et ne donne aucun pschitt. Le champagne versé dans le verre est incroyablement clair et des bulles sont visibles.

Le champagne est d’un charme rare, frais et racé. Ce qui me frappe tout de suite, c’est son caractère salin. Ma femme a préparé une tarte à l’oignon et le sucré de l’oignon trouve un écho magnifique avec le salin du champagne. L’accord est parfait et l’idée me vient de provoquer un jour un accord entre ce champagne et un vin de la Romanée Conti, au salin que j’adore.

Le Pouilly-Fuissé Premier Cru Richard Raymond 1947 apparaît sur un poulet. Quand je le verse, je suis surpris de voir sa couleur terreuse, sombre, très peu engageante. Quelle n’est pas ma surprise de constater que le vin se laisse boire, et ne montre pas de défaut. Bien sûr, il a perdu tous les repères de son appellation, mais il se boit. Quand j’entends ma fille me dire : « j’aime », rien ne peut me faire plus de plaisir. Car je constate ainsi que ma fille a comme moi compris que ce qui compte dans la dégustation d’un vin, c’est l’émotion. Ce vin atypique, non classable, donne de l’émotion. Il est délicat, raffiné, suggestif et par moments, je ressens du marc, car la trace alcoolique est discrète mais présente.

Ce vin est inclassable. Il n’a pas rendu l’âme, et offre de belles saveurs. Il a même réussi à accompagner un Kouign-Amann de grande persuasion. Je fais goûter à ma fille le calvados dont je suis fou, si pur si cristallin et si intense, souvenir d’un chauffeur d’une de mes anciennes sociétés. A sa suite nous goûtons la fine du 19ème siècle qui a des accents de marc, alcool noble et d’une palette aromatique large et complexe, alors que le calvados est pur et fluide comme un torrent de montagne.

Cette communion sur les saveurs inattendues d’un Pouilly-Fuissé étonnant m’a procuré un immense plaisir.