Même si la cave de wine-dinners est plus qu’abondamment pourvue, on achète en permanence. Sur cette quinzaine, Romanée Conti 81 et 82, des Yquem 88 que nous aimons tant (à boire plus tard mais aussi maintenant), mais surtout des Mouton Rothschild 1945. On dit que c’est le plus grand Bordeaux qui ait été fait. Il faudra le goûter pour le vérifier, car à ce jour, c’est Mouton 1900 qui est la bouteille de Bordeaux la plus transcendantale que nous ayons bue. Inutile de dire que pour participer à cette expérience, cher lecteur, vous avez intérêt à être un fidèle client de wine-dinners. Ce qui constitue une forme élémentaire mais totalement assumée de « chantage ».
Un dîner d’amis lundi, 23 avril 2001
Un dîner où j’étais invité. Voulant faire plaisir à mes hôtes, j’ai apporté trois vins – ce qui n’était pas prévu – mais qui ont trouvé une place de choix avec une succulente cuisine : un Monbazillac non daté, mais certainement récolté vers 1950 succulent, doré, rond liquide puis s’épanouissant bien en bouche, gras, et avec une profondeur et une persistance très grande. Sur un foie gras aux figues, une merveille de combinaison. Le grand vin, ce fut un Montrachet 1945 de chez Roland Thévenin : couleur or cuivré et ambré, nez très large, des agrumes, des épices, des fruits. Une large palette aromatique en bouche et une longueur inimaginable. Une acidité qui est le signe de la race et de la puissance à long terme, mais qui ne gène en rien la dégustation. Une marque de jeunesse extrême, une absence totale de madérisation; un vrai grand et exceptionnel vin blanc de fraîcheur, charme et jeunesse, qui subjugue par la richesse des arômes complexes. Sur un imposant bar de ligne, le mariage était une évidence : rien ne pouvait s’unir mieux que ce poisson et ce vin sublime. Ensuite, un château Despagne Graves 1962 : une étrangeté absolue. La couleur est dorée comme un vieux Sauternes de cet âge, et en bouche il évoque les premières côtes de Bordeaux, les Langoiran, les très bons Romanée, mais jamais un Graves. Et même pas en tête l’idée que ce pourrait être un vin madérisé. Non, un chatoyant Bordeaux liquoreux léger, avec cette subtilité, cette finesse exceptionnelle de raffinement simple. Sur une fourme, puis sur des entremets caramélisés, l’association était parfaite. Cette bouteille sera sans doute photographiée pour le musée sur le site www.wine-dinners.com du fait de l’étrangeté de son goût exceptionnel.
UN déjeuner à thème sur Yquem au Maxim’s vendredi, 20 avril 2001
J’ai rejoint un déjeuner privé dont on avait réglé l’ordonnance autour de trois Yquem. D’abord Yquem 95 étonnamment accompli pour un Sauternes de cet âge, de belles caractéristiques de race et de maturité. Le beau Yquem qui va bien vieillir, et va faire partie de la famille des plus grands, comme les 21 ou les 47. Sur une sole, le mariage était excellent, la sole parfaitement cuite magnifiant le goût de façon sensible. Un Yquem 82 très ambré, de belle couleur dorée, au très beau nez capiteux. Beaucoup de charme et de rondeur, des notes déjà fumées et caramel mais étonnamment, c’est le moins long en bouche des trois. Le plaisir est plus immédiat, distingué, mais plus charnellement court. Sur une volaille, l’association n’apportait pas beaucoup. Ensuite Yquem 81 : beaucoup plus clair, jaune limpide et vert, et ensuite tout en subtilité : nettement moins envahissant que le 82, il plait plus par sa séduction retenue. Et il a un final très attachant, les saveurs complexes d’agrumes, de légères épices permettant une longue suavité discrète mais persistante. Sur une tartelette aux fraises, seule la pâte délicieuse enrichissait le Yquem, car la fraise est en lutte. Belle association avec les mignardises. Un repas fini sur un chaleureuse fine champagne de plus d’un siècle de la collection de Maxim’s.
Un dîner parisien comme il en existe dimanche, 15 avril 2001
Un dîner parisien comme il en existe, où l’on boit des vins assez moyens du fait du nombre de convives. Pas de véritable plaisir gustatif, même si la cuisine d’un grand hôtel parisien est marquée par la patte d’un grand chef. Le vrai plaisir fut de me trouver placé à coté d’un « nez », une femme qui conçoit des parfums. La confrontation de nos approches olfactives et gustatives m’a enthousiasmé. C’est assez impressionnant de voir quelqu’un qui trouve toutes les composantes d’un plat, y compris les épices, et, plus spectaculaire encore, qui perçoit au nez la trame fondamentale d’un vin. J’ai trouvé un même sens de la synthèse chez Guy Savoy, qui est capable de trouver instantanément « le » principe fédérateur d’un vin. J’ai pu avec beaucoup de plaisir voir où l’analyse d’un nez et l’approche d’un « goûteur » de vins se rejoignent ou s’éloignent. Je garde de ce moment l’envie de faire se confronter prochainement des œnologues de talent et un ou des nez. Les approches seront très enrichissantes à additionner.
dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 5 avril 2001
Dîner du 5 avril 2001 au restaurant de Patrick Pignol
Bulletin 8
Champagne Charles Heidsieck 1982
Laville Haut-Brion 1987
Laville Haut-Brion 1966
Mercurey blanc Marcel Amance 1976
Château Ducru Beaucaillou 1969
Château Figeac 1967
Beaune Cent Vignes Nicolas 1969
Pommard Rugiens Pierre Clerget 1961
Vosne Romanée Thomas Frères 1943
Lafaurie Peyraguey 1964
Château Doisy Barsac 1921
Rhum 1960 #
Le menu conçu par Patrick Pignol
Tranche de saumon et crème à l’asperge
Langoustines royales
Chausson de céleri et truffe
Pigeon
Roquefort
Bananes poêlées et madeleines
Dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 5 avril 2001
Ce récit est dans le huitième bulletin. Patrick Pignol le talentueux chef du restaurant éponyme, nommé aussi Relais d’Auteuil, a reçu les dix convives d’un dîner de wine-dinners. Dans la salle un bel espace avait été réservé, avec une table accueillante et des dessertes pour les vins et les verres.
Les vins avaient été apportés deux jours avant. Deux vins furent ouverts dès 15 heures et les autres à 18 h 30. Nous avons déterminé si les vins devaient être aérés, ou au contraire devaient avoir une oxygénation minimale. Aucune mauvaise surprise, et même des parfums envoûtants : Pommard et Vosne Romanée. Les promesses étaient belles et rassurantes pour tous les vins, ce qui n’arrive pas toujours.
Fort à propos, et guidé sans doute par son grand amour des vins, Patrick Pignol a décidé de mettre en valeur les vins par des produits de qualité cuisinés de façon discrète. Cet effacement apparent mettait encore plus l’accent sur la finesse de sa cuisine, puisque chaque petite touche allait accompagner la découverte des crus. Une tranche épaisse de saumon avec une discrète crème à l’asperge s’est associée au champagne et au premier Laville, des langoustines royales coupées en deux et juste cuites sans aucune fioriture accompagnaient deux blancs, un délicat chausson de céleri et truffes mettait en valeur les Bordeaux, un pigeon à la chair succulente se mariait aux puissants Bourgogne. La seule petite erreur, qui nous est imputable, est le choix des fromages sur le Vosne Romanée qui aurait dû se boire seul. Un Roquefort mettait en valeur le premier Sauternes, et des bananes juste poêlées ainsi que des madeleines offraient les honneurs au phénoménal Sauternes final.
Nicolas, sommelier attentif et respectueux des vins a assuré un service remarquable, ainsi que toute l’équipe jeune et professionnelle de Patrick Pignol.
Le Charles Heidsieck 1982 avait une belle limpidité, des bulles abondantes, et ne montrait aucune trace de début de madérisation. Il avait gagné en rondeur du fait de l’âge. Le Laville Haut Brion 1987 a laissé éclater un nez époustouflant : l’archétype du Bordeaux blanc, avec ces senteurs d’agrumes et de fruits de mer. On ne se lassait pas de le sentir, et plusieurs convives avaient le verre au niveau du nez. C’était un vrai plaisir de le sentir. En bouche, un goût de Bordeaux très orthodoxe, dont un convive a signalé le gras inhabituel pour cette année. Ce même convive avait apporté un Laville 1966 qui a été bu juste à la suite. Quelle expérience intéressante, le 66 étant beaucoup plus riche, plus puissant et plus accompli. Je craignais qu’il n’écrase le Mercurey blanc Marcel Amance 1976 qui a parfaitement trouvé sa place à la suite. Une couleur d’un jaune épanoui, un nez subtil qui permettait une confrontation des Bordeaux blancs et Bourgogne au plus haut niveau. Quelqu’un a signalé que ce Mercurey avait tout d’un Montrachet, tant sa palette aromatique était étendue. Une réussite.
Les Bordeaux avaient été choisis dans un registre de discrétion. Le Ducru Beaucaillou 1969 a montré de très belles qualités, assez généreux alors que le Figeac 1967, d’une structure plus noble, gardait un peu de réserve. Pour des vins de subtilité, la truffe a réveillé le message.
Les Bourgogne au contraire avaient été choisis pour se placer sur un registre de force et de puissance. Le Beaune Cent Vignes Nicolas de 1969 était vraiment remarquable. Riche onctueux, très typique, il a montré comme 1969 est une belle année en Bourgogne. Le Pommard Rugiens de Pierre Clerget de 1961 a commencé de façon discrète. Le 1961 ne se voulait pas écrasant. Puis, plus ouvert, il a montré des saveurs éclatantes, et une plénitude en bouche prenante. Les deux vins, goûtés ensemble, étaient un festival de goûts riches, accomplis, ou toute aspérité bourguignonne avait disparu. Un étonnement de plaisir pour tous les convives.
Lorsque le Vosne Romanée de Thomas Frères 1943 fut servi, j’ai eu un petit moment d’interrogation. Il est époustouflant, mais il est plus difficile à comprendre du fait de son âge. La complexité prend le pas sur la chaleur envahissante des deux précédents. Fort heureusement, en s’oxygénant, le Vosne Romanée est devenu flamboyant et plus facile à comprendre, et la qualité gustative de convives compétents a fait le reste. Ce vin a montré une noblesse rare, les signes de fatigue étant inexistants.
Le Lafaurie-Peyraguey 1964, d’une belle couleur dorée s’est révélé un chatoyant Sauternes tout en bonheur, très orthodoxe et rassurant. Un vrai plaisir sur le Roquefort.
Enfin, la vedette absolue de la soirée, le Doisy 1921 a conquis tout le monde. Sauternes exceptionnel, avec des milliers d’arômes dans toutes les directions possibles de fruits, de sucres et d’épices. En bouche, une plénitude et une longueur que l’on ne peut pas imaginer tant que l’on n’a pas bu des Sauternes anciens. Les plus courageux et couche tard finirent la soirée sur un délicieux Rhum de 1960.
Bien que ne se connaissant pas, tous les convives bavardèrent allègrement dans une ambiance « studieuse » mais enjouée. Une anecdote intéressante. Demandant à chacun de classer les quatre vins les plus impressionnants de la soirée, sur dix convives il y a eu dix réponses toutes différentes, ce qui conduit à deux conclusions : d’une part le goût est très personnel, et ne se décrète pas. Chacun a des saveurs qui lui conviennent mieux. Et la deuxième c’est qu’il y avait une concentration rare de vins à pleine maturité pour qu’ils puissent aussi nombreux être classés en tête par au moins un convive.
Il n’y a eu aucun déchet ou aucun vin fatigué. Les vins ont été servis dans des conditions d’ouverture et de température idéales. La cuisine d’un grand chef au service de grands vins. Le sourire et l’accueil de Madame Pignol.
Tout ceci a permis de réussir une belle soirée. On aura bu onze vins sans aucune impression de saturation ni de confusion. La formule choisie est la bonne. C’est un souvenir éternel pour tous les convives.
Dîner au restaurant Guy Savoy mardi, 3 avril 2001
Pour une fois, au lieu de raconter un dîner à plusieurs vins, avec de nombreux convives, je vais vous raconter un dîner en tête à tête, avec un seul vin phare. Mais l’histoire mérite d’être racontée.
L’histoire commence il y a quelques mois. J’étais déjà client chez Guy Savoy, mais il n’y avait aucune raison qu’il m’ait remarqué. Les choses ont changé lors de ce fabuleux déjeuner dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, et que j’évoque sur le site www.wine-dinners.com : cette dégustation de 20 millésimes d’Yquem. Le déjeuner chez Guy Savoy m’a permis de lui faire goûter un vin de Chypre 1845 pour lequel il m’a fait ainsi qu’à mon épouse deux jours plus tard un plat divin : un poulet cuit en papillotes, avec un jus de réglisse.
Depuis, nos relations se sont un peu approfondies, et je lui ai demandé si je pouvais réserver une table pour deux et apporter une bouteille pour laquelle je lui demandais un plat de son invention. Il accepta. Je n’avais pas d’idée en tête, mais je choisirais parmi des bouteilles à niveau assez bas que j’ai repérées dans ma cave. Dans le nombre, il est normal que quelques bouteilles anciennes évoluent vers cet incident : la perte de niveau. Deux jours avant le dîner, je pris en cave une bouteille d’un Chambertin 1934 de Charles Viénot. Cette bouteille provenait de la vente exceptionnelle que Pierre Cardin avait faite avec liaison en duplex entre New York et Paris d’une partie de la cave du Maxim’s. C’est à cette vente qu’une caisse de Mouton 1945 avait atteint la cote de 500.000 F. J’avais acheté une caisse de Chambertin 34, dont je prélevais cette bouteille.
J’avais livré cette bouteille deux jours avant le dîner, avec cette instruction : à stocker droit, à ouvrir à 18 h 00 le jour du dîner. Et j’avais ajouté : « si jamais le vin pue à l’ouverture, ce n’est pas grave ». J’avais aussi demandé qu’on me garde le bouchon, pour que j’étudie pourquoi le niveau avait baissé.
Arrivant à 20h30 avec mon épouse, je vis Eric Mancio, le talentueux sommelier de chez Guy Savoy, et lui demandais : « alors comment s’est passée l’ouverture ». Il fit une moue dubitative et me dit : « c’est spécial ». Je lui demandais si la bouteille sentait mauvais à l’ouverture ce qu’il me confirma, et il me dit que le bouchon s’était détruit à l’ouverture.
Passant à table, il versa quelques gouttes pour ma femme, mais nous le stoppâmes car ma femme ne boit pas. Le vin resta dans ce verre et je vous en dirai plus. Je humais mon verre et fus pleinement satisfait de ce que je découvrais : belle odeur, plaisante et charmante, mais pas très exprimée. Eric Mancio continuait d’avoir sa moue dubitative. Je lui demandai de se verser un verre afin qu’il puisse suivre l’évolution du vin. Il le sentit et me dit : « je ne suis pas à l’aise avec ce vin. Je n’ai pas de repère. Ce n’est pas un vin fait pour moi ». J’imagine qu’il pensait que ce vin allait rapidement s’évanouir, ce qu’il redoutait. Nous avons commandé l’entrée, puisque le plat avait été prévu par Guy Savoy : un pigeon. Je pris un plat aux lentilles et truffes, et ma femme des oursins aux crosnes. Sur les délicieuses lentilles, le vin s’exprimait si bien que j’en étais tout nerveux, et voulus que Guy Savoy vienne goûter l’association. Guy Savoy me dit : « attendez donc l’accord avec le pigeon ». Pendant ce temps le vin s’améliorait et soudain Eric Mancio me dit « est-ce que vous me permettez de porter ce vin en cuisine ». C’était un signe qui se traduisait par : « ça y est, je trouve enfin que ce vin est bon ». Et Eric Mancio est allé de surprise en surprise, pendant que je continuais de le déguster et que ma femme suivait au nez ses évolutions extraordinaires.
Puis le pigeon est arrivé. Une impression unique et extraordinaire : l’odeur du plat et l’odeur du vin étaient strictement identiques. L’un était la photocopie de l’autre. Et Guy Savoy nous expliqua : « depuis son ouverture, le vin a tellement changé que j’ai dû adapter la sauce en permanence. Les saveurs qui apparaissent immédiatement sont celles de réglisse, de poussière et de sous-bois. Du fait de sa structure, j’ai choisi de mettre des cèpes déshydratés, de rajouter une petite galette fine au chocolat, et de mettre un peu de vieux Rivesaltes dans la sauce ». Et l’ensemble était éblouissant. Le vin s’était épanoui, et comme on allait de plus en plus vers le bas de la bouteille, la concentration du vin devenait extrême. Le vin, assez discret mais prometteur au début tenait ses promesses, et gagnait en rondeur, et prenait une jeunesse de plus en plus évidente. Eric Mancio, qui était revenu de son impression première était subjugué par la révélation de ce vin riche, jeune et puissant. Sur la fin de la bouteille je demandai plusieurs verres pour séparer ce qui restait du vin et ce qui devenait du tanin quasi solide, que j’ai bu (ou mangé) séparément. Les dernières gouttes de liquide étaient si belles que je les ai humées pendant plus de dix minutes, profitant des parfums sans boire. Puis je bus les premières gouttes versées dans le verre de ma femme. Etonnement : ces quelques gouttes étaient restées dans leur état de départ, encore assez coincées et n’avaient pas du tout évolué, contrairement au reste du vin.
La suite du repas fut charmante : sur un Rivesaltes de 1950 je commandai une rhubarbe. Eric Mancio m’avait prévenu que cela n’irait pas, mais j’aime tant la rhubarbe. Je me suis laissé aller à commander le dessert qui va avec le Rivesaltes : un merveilleux dessert à l’orange, qui se marie de façon étonnante avec le vin.
Soirée réussie, accords parfaits. Le pigeon dont tous les ingrédients se structuraient d’eux-mêmes en s’ajoutant harmonieusement, le vin qui évolue jusqu’à la perfection totale, et à la fin ce commentaire d’Eric Mancio qui fait chaud au cœur : « je n’imaginais pas que ce vin allait révéler autant de jeunesse. J’apprends des choses étonnantes avec vous ».
Une réflexion : probablement beaucoup de personnes non initiées resteraient sur une première impression qui est celle de rejet ou d’incompréhension. C’est ce qui justifie l’intérêt des dîners de wine-dinners, pour apprendre et côtoyer la perfection de vins qui ne demandent qu’à être aimés et appréciés.
Commentaires sur les bulletins et le site wine-dinners. Ça démarre ! mercredi, 21 mars 2001
Quelques amis destinataires de ce bulletin à qui je demandais leur avis sur ces petites notes m’ont dit : « c’est très bien, j’ai survolé, mais je vais le relire ». Si on ne le lit pas tout de suite, on ne le lira pas. Or ce bulletin, c’est du Balzac, de l’Alexandre Dumas réécrit par Rabelais (!!). Il doit se dévorer dès sa parution comme les BD de notre enfance (il est à noter que ceux à qui s’adresse cette remarque ne la liront pas, puisque par définition, il ne vont pas jusqu’à ce stade du texte).
Il en est de même du site : beaucoup l’ont survolé. Or ce site www.wine-dinners.com a été conçu pour être un lieu de promenade et de rêve. Les 400 photos, avec commentaire succinct pour les bouteilles bues, et les commentaires détaillés pour les repas déjà faits sont destinés à donner envie de boire ces merveilleuses traces de l’histoire du vin. Il est aussi un moyen d’inscription. Nous allons l’utiliser.
N’hésitez pas à nous raconter vos belles dégustations, faire des remarques et des suggestions.
Dîner avec Domaine de Chevalier 1907 jeudi, 15 mars 2001
Comme il faut bien aussi de temps en temps se conforter, un dîner impromptu entre amis. Dîner organisé dans un restaurant qui nous ouvre toujours ses portes. C’est pour cela que nous tairons son nom, pour ne pas tarir sa source. A l’apéritif, Plénitude 1998 du Mas Amiel. C’est un petit clin d’œil, car au salon des grands vins nous avons eu la surprise que le stand du Mas Amiel (propriété que nous venions de visiter) soit notre voisin immédiat. Quel plaisir ! Et quelle gentille équipe. Plénitude a un nez fabuleux, de miel et de force capiteuse. La bouche développe un peu ces goûts internationaux, mais a la belle structure de sa région. Avec un peu moins de sucre et moins de saveurs d’agrumes (mais serait-ce le même vin ?), on aurait peut-être plus que cette petite merveille. Sur des langoustines crues, un Mercurey 1978 d’un producteur qui ne nous est pas connu. Le vin, très acide, serait rejeté par beaucoup de palais. Mais cette acidité a emprisonné des saveurs qui se livrent peu à peu. Ce n’est évidemment pas éclatant, mais la découverte des vins passe par ces expériences. Bu à nouveau en fin de repas, ce vin n’avait pas perdu autant d’acidité que nous attendions. Nos dîners « officiels » ne créent pas ces situations, car les vins sont ouverts très à l’avance, pour que les arômes s’expriment au mieux. Un foie gras pas assez cuit nous a déplu. Il fut remplacé par une petite merveille : soupe au chou de homard et pied de porc. Plat parfait pour le Domaine de Chevalier 1907 blanc. Ouvert en cours du repas (ce que nous ne faisons habituellement pas, préparant chaque vin au moment précis qui convient), il apparaît au début discret, aqueux, puis la danse des arômes commence et comme dans une revue à grand spectacle, chaque arôme, membre de la troupe, fait son entrée. Plaisir rare. Une table proche de la notre d’avocats français et anglais d’un cabinet international « lorgnait » sur notre bouteille. Ils furent stupéfaits et émus qu’on leur donne un verre de ce merveilleux Domaine de Chevalier 1907. Sur une joue de bœuf, un Nuits Saint Georges 1961 sorti de la cave du restaurateur a fait constater une fois de plus que 1961 est une grande année; vin de petit producteur, il n’avait pas la structure puissante. Mais le prestige de l’année y était. Une pomme confite sur la fin du Mercurey clôturait un de ces repas impromptus que nous adorons.
Le salon des grands vins dimanche, 11 mars 2001
Le salon des grands vins a eu lieu. Une réussite exemplaire. Organisation parfaite, vignerons ou négociants proposant de grands vins, et des visiteurs compétents et ouverts. Tous ces ingrédients ont permis de nouer des contacts qui promettent de beaux dîners. Jamais nous n’aurions rêvé d’un tel accueil à notre concept. Bien sûr les bouteilles exposées (vides car bues par nous lors de dîners) ont fait peur à beaucoup de visiteurs qui pensaient que ce niveau de qualité de vins ne pouvait être pour eux, financièrement ou gustativement, du fait d’un manque d’expérience. Mais généralement, les visiteurs ont posé de bonnes questions et ont montré leur intérêt. Le stand était beau, et la presse nous a bien accueillis. Attendons les retombées.