Dernier repas du séjour de mon fils avec La Tâche 1956 mardi, 17 novembre 2020

(il est recommandé de lire en premier les préparatifs d’un dîner puis le dîner puis ce déjeuner, pour suivre la logique de la succession des événements)

De bon matin je me lève pour ouvrir le vin rouge qui va être la vedette de notre déjeuner dominical. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 est d’une belle bouteille. Le niveau est exceptionnellement haut, ce qui est rare pour les vins du domaine de cette année.

Le bouchon d’une grande qualité vient entier. Le parfum du vin est tout en subtilité. C’est une bonne nouvelle et une belle promesse. Je redescends la bouteille à la cave, pour lui laisser le temps de s’épanouir.

L’apéritif se présente de la même façon qu’au dîner de la veille, avec rillette de canard, Gouda truffé et quiche lorraine. Le Champagne Krug Private Cuvée années 50 ou 60 est toujours aussi noble et joyeux, large et complexe.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 163ème édition s’est élargi depuis la veille et a gagné en souplesse. Force est de constater une fois de plus que c’est le plus ancien qui est de loin le plus agréable à boire, même si le plus jeune a des qualités extrêmes. On ne peut pas lutter contre la sagesse que donne l’âge. Et tout indique que le plus jeune sera aussi bon que l’ancien quand il aura le même âge.

Ma femme a préparé des pigeons de compétition. Elle a traité de trois façons différentes les parties en présence. Les suprêmes sont cuits à part, les pattes de leur côté et la carcasse est cuite à petit feu pendant de longues heures en un bouillon de céleri, carottes, oignons, ail et fénu grec. Les suprêmes sont accompagnés de gratin dauphinois en rosace. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 est d’une belle couleur foncée et rouge sang. Le nez est élégant, subtil, tout en suggestion. C’est un très grand La Tâche. J’ai la chance d’avoir pu boire 127 fois La Tâche, de 56 millésimes différents et je dirais volontiers que celui-ci a l’âme de La Tâche. Il n’a pas bien sûr la puissance et le caractère glorieux de La Tâche 1962, le plus mythique de tous, ni la magnificence de La Tâche 1990, mais c’est un vin tout en suggestion.

Il a la signature des vins de la Romanée Conti qui est le sel dans le finale, et l’accord avec le pigeon est majeur. Mais c’est surtout sur le bouillon que l’accord est le plus profitable à La Tâche. Le pigeon est un plat qui convient parfaitement aux vins de la Romanée Conti des années discrètes.

Il restait du vin du Bordeaux 19ème siècle capsule jaune de Cruse Fils et Frères. Je le verse maintenant et je ressens un choc brutal. Ce vin bu au dernier dîner, qui a passé la nuit en cave, a gagné en largeur et se présente de façon incroyable. Il est parfait. Il est glorieux, fruité et m’époustoufle. Je m’imagine qu’il pourrait faire pâlir le Mouton-Rothschild 1945 que je considère comme le plus parfait des bordeaux. Comment est-ce possible ? Et tout-à-coup la solution me paraît évidente : c’est un vin préphylloxérique. Je me souviens du Lafite 1878 bu au 230ème dîner qui avait une sérénité invraisemblable et du Lafite 1844 bu au château de Beaune. On est dans le même style de vin.

La question se pose maintenant de savoir quels vins étaient distribués par Cruse dans la deuxième moitié du 19ème siècle, pour espérer donner un nom à ce vin magique. Il est d’autant plus magique que je le trouve plus émouvant et grand que La Tâche qui devait être la vedette de ce déjeuner.

Pour le dessert, un Kouign-Amann, j’ai pris dans un réfrigérateur une bouteille d’un Sauternes 1922 qui était ouverte il y a un petit nombre d’années. Le vin a un joli nez indiquant une belle origine, sa couleur est très ambrée ce qui est normal pour un 1922, mais le vin est quand même assez éventé. Alors, je n’insiste pas et je verse un petit verre du Calvados dont je sens que je suis de plus en plus amoureux.

Avec mon fils nous récapitulons les vins de toutes provenances que nous avons goûtés sur les cinq repas que nous avons eus ensemble pendant son séjour. Mon fils met en tête La Tâche 1956 car pour lui c’est une magistrale démonstration du talent de la Romanée Conti. De mon côté je mets en premier le Bordeaux inconnu du 19ème siècle capsule jaune marquée Cruse, car il y a pour moi une prime à la découverte, suivi de La Tâche 1956 et du diabolique Sancerre 1951.

Notre fils nous a annoncé qu’il reviendra dans un mois. Quelle joyeuse nouvelle !

évolution de la couleur de La Tâche 1956

couleur du bordeaux à capsule jaune

le sauternes 1922 sans étiquette

Dîner avec mon fils avec un vin inconnu éblouissant mardi, 17 novembre 2020

J’ai demandé à mon fils d’arriver avant 16 heures pour que nous choisissions les vins du dîner et du déjeuner du lendemain. Ayant dans un réfrigérateur un Krug Grande Cuvée 163ème édition, je propose à mon fils que nous ouvrions en même temps le Krug Grande Cuvée et le Krug Private Cuvée des années 50 ou 60 pour que nous puissions les comparer, ce que je n’ai jamais fait jusqu’alors. Les deux champagnes couvriront les deux repas du weekend. Cette proposition est acceptée.

Un choix va être à faire entre trois vins rouges et je mets mon fils face à un lourd dilemme. Il y a deux Bordeaux sans étiquette, de bouteilles sûrement du 19ème siècle, aux culs extrêmement profonds. Le cul de la bouteille à capsule rouge est profond de 6 cm et celui de la bouteille à capsule jaune est de 7,2 cm, ce qui est très rare. La bouteille à capsule rouge n’a aucune indication et un niveau entre mi-épaule et haute épaule. La bouteille à capsule jaune n’a pas d’étiquette mais on lit clairement sur la capsule le nom de Cruse Fils et Frères négociant avec un blason contenant des lettres entrelacées, dont un C et d’autres lettres difficiles à lire. Le niveau de cette bouteille est proche du niveau vidange.

A côté de ces deux bouteilles il y a une bouteille de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 au niveau exceptionnel. Il se trouve que j’ai bu 21 vins du domaine de la Romanée Conti de l’année 1956 et les niveaux sont le plus souvent bas. Cette bouteille est donc exceptionnelle.

Je propose à mon fils de choisir entre les bordeaux et le Bourgogne. Ses yeux sont attirés, comme un moustique l’est de la lumière, par La Tâche, car c’est un vin qu’il a peu l’habitude de boire. Mais comme nous avons deux repas devant nous, je lui propose de commencer ce soir avec les deux bordeaux et de réserver La Tâche au déjeuner. Mon fils accepte.

Je dis à ma femme que le bœuf Angus sera pour ce soir avec les bordeaux et les pigeons demain avec La Tâche. J’avais apporté, sans aucune illusion, une demi-bouteille de Mazy-Chambertin Thomas Bassot 1961 au niveau très bas, que j’avais isolée debout depuis plusieurs années. Elle est un peu dépigmentée. Donnons-lui sa chance, encore une fois sans y croire.

J’ouvre les bouteilles. Le Mazy-Chambertin a un parfum qui n’est pas déplaisant mais assez neutre et plat. Ce n’est pas une surprise. J’ouvre d’abord le bordeaux à étiquette jaune et bas niveau. Le bouchon est incroyablement serré dans le goulot et je suis obligé d’utiliser le tirebouchon Durand, qui combine un bilame avec un tirebouchon. Le bouchon bien sain dans sa partie basse sort entier. Le parfum est ahurissant. Il est fort, puissant, avec un fruit rouge tenace. Ce parfum est exceptionnel et m’évoque instantanément le nez de Château Margaux 1928 qui est l’un des plus beaux parfums possibles de vins de Bordeaux. C’est quasi sûrement un premier grand cru classé.

Mon fils avait les yeux de Chimène pour le bordeaux à capsule rouge et au beau niveau. Lorsque je veux découper la capsule je sens une résistance. J’insiste et chose invraisemblable, je lève ensemble à la main la capsule et le bouchon qui a une forme de champignon, car le haut a la largeur du goulot, voire un peu plus car il a débordé sur le haut de la bouteille et le bas, cylindrique, est complètement comprimé, pressé. Le nez est élégant, sans défaut mais discret. Il est d’une belle promesse mais moins belle que celle du bordeaux à capsule jaune.

Une fois de plus je fais une constatation qui est une énigme : la bouteille au bouchon extrêmement serré a perdu beaucoup de volume, alors que la bouteille dont le bouchon sort à la main a gardé la quasi-totalité de son volume. Pourquoi cette situation contraire à la logique ? Je ne sais pas.

A l’heure dite commence l’apéritif. Le Champagne Krug Private Cuvée années 50 ou 60 a un bouchon qui vient facilement et sans pschitt. La couleur est d’un ambre léger et l’on devine quelques rares bulles. Le nez est intense et plein de charme. En bouche tout est soleil. Ce champagne est joyeux mais noble et complexe. C’est un très grand champagne.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 163ème édition a un bouchon qui saute en sortant, avec l’énergie d’une fusée spatiale. Sa couleur est claire et sa bulle très active. Il sent divinement bon et son énergie est incroyable. Il est tranchant comme un sabre de samouraï et sa trace ondule comme la trajectoire d’un noble serpent.

Les deux champagnes sont si différents qu’il est difficile de les hiérarchiser à ce stade. Nous avons pour l’apéritif une rillette de canard, un gouda à la truffe et une quiche lorraine de goût parfait. Cette quiche pourrait s’associer avec tous les vins mais ici, avec les champagnes, l’accord est merveilleux. Et plus le temps passe, avec ce que l’on mange, plus la comparaison est en faveur du plus vieux des deux, le Krug Private Cuvée, car il développe des complexités plus grandes et se montre d’un charme inégalable.

J’ai voulu mettre mon fils en face d’une énigme. Pour que mon fils ne voie pas la bouteille, je suis allé verser en cave deux verres du Saint-Raphaël Quinquina années 50 plus probablement que 60. Comme il ne restait qu’un fond de bouteille, un des verres offre une couleur jaune dorée alors que l’autre est franchement marron car on est dans la lie. J’ai remonté les deux verres, le plus clair pour mon fils, et je lui ai demandé de deviner le vin qui accompagne le foie gras. Sa démarche a été bonne et sa proposition finale a été un Constantia, ce qui fait sens (comme on dit aujourd’hui). Le Saint-Raphaël est un régal car la force alcoolique s’est largement estompée, et le côté amer du quinquina est joliment intégré. C’est un régal que ce vin. Il se trouve que lorsque je faisais des achats en salles de vente, il y a plus de quarante ans, il y avait des lots disparates avec de vieux alcools, comme des Byrrh, des Dubonnet, et tant d’autres dont j’avais pu mesurer que l’âge leur donne une douceur extrême. J’en ai acheté beaucoup. L’accord avec le foie gras est idéal.

Nous avons ensuite du boudin blanc parsemé de copeaux de morilles et poêlé et je sers le Mazy-Chambertin Thomas Bassot ½ bt 1961. Le verdict est sans appel, après une gorgée, il est évident qu’il ne faut pas continuer à boire ce vin qui était de toute façon condamné.

C’est l’heure de l’entrée en piste des deux bordeaux inconnus du 19ème siècle, sur le boudin blanc et sur le bœuf Angus. Le Bordeaux 19ème siècle à capsule rouge est manifestement un grand vin, précis, cohérent, assemblé, mais nous le laissons de côté tant le Bordeaux à capsule jaune19ème siècle marquée Cruse Fils et Frères est impressionnant. Nous restons sans voix, car il est d’une perfection telle que cela paraît irréel. Le nez explose de fruits rouges, parfum envoûtant. En bouche on retrouve ces fruits rouges, riches et pénétrants. Le vin est raffiné, long, à la trace profonde, mais surtout, tout est assemblé, organisé, cohérent, immense. Que dire d’un tel vin qui atteint le sommet du vin ? Nous cherchons quels sont les vins distribués par Cruse Fils et Frères. Ce serait intéressant de le savoir car nous buvons ce qui se fait de plus grand. Ma mémoire me suggère un Château Margaux vers 1880 – 1890. Je ne garantis pas cette réponse, mais c’est celle qui me paraît cohérente du fait du caractère assez féminin de ce vin exceptionnel.

C’est une tradition familiale que de prendre au dessert des boules de meringues saupoudrées de minuscules pépites de chocolat, dont l’appellation historique a été sacrifiée au nom du vivre ensemble. Je conserve dans un réfrigérateur des bouteilles très anciennes maintes fois servies dont un Madère vers 1760 et un Tokaji 1860. Les deux alcools sont suffisamment forts pour supporter le sucre de la meringue.

Le Madère semble totalement indestructible et éternel avec les couleurs changeantes d’une pierre précieuse noire. Le Tokaji 1860 me trouble beaucoup par un côté salin que l’on ne trouve jamais dans des Tokays. Cette bouteille a été authentifiée par Christie’s à Londres. Si ce n’était pas le cas, j’émettrais un doute certain sur la région d’origine de ce vin.

L’ambiance créée par le vin de Cruse nous portant sur des nuages de félicité j’ai conclu ce repas de grand bonheur avec le diabolique Calvados fait par le père d’un des chauffeurs de camions de mon ancienne société, bouteille que le chauffeur gardait sous son siège à l’époque où les alcotests n’existaient pas. Je ne sais pas pourquoi mais je suis fasciné par le charme de ce Calvados, si frais et si fort.

Demain est un autre jour, avec La Tâche 1956.

la couleur des verres de Saint-Raphaël, au service, puis le dépôt du verre le plus sombre

le bordeaux à capsule rouge

le bordeaux à capsule jaune

Préparatif des prochains repas avec mon fils mardi, 17 novembre 2020

Mon fils va revenir à la maison le weekend prochain. J’ai envie que ce soit l’occasion de belles découvertes. Je me promène dans ma cave principale. J’ai envie de lui faire goûter un Krug Private Cuvée qui doit être des années 50. C’est l’ancêtre du Krug Grande Cuvée.

Par ailleurs, il y a dans plusieurs cases des bouteilles sans étiquette qui sont hors inventaire puisqu’elles n’ont pas pu être identifiées. Dans la case que j’explore on ne voit que le cul des bouteilles. Je repère deux bouteilles qui me semblent beaucoup plus anciennes que les autres, sûrement du 19ème siècle, mais peut-être du milieu du 19ème siècle. Par ailleurs, je prends en main sans aucune illusion deux bouteilles dont le cas est probablement désespéré, j’ajoute un sauternes de 1900 et un Pouilly-Fuissé 1947, pour le cas où, et une bouteille me fait furieusement envie, un La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 au niveau absolument superbe. Je rapporte huit bouteilles à la maison et je les range en cave.

Je fouille dans la cave de la maison et je vois une bouteille verticale, qui a été ouverte et posée sur une table depuis peut-être vingt ans, de Saint-Raphaël Quinquina. Je veux sentir le contenu et le bouchon de rebouchage qui a pénétré à peine dans le goulot, collé au verre depuis vingt ans crée une brisure d’une écaille de bouchon qui tombe dans le liquide. L’odeur est douce et charmante. Il faudra trouver un sort à ce reste de Quinquina qui ne peut plus attendre s’il a un copeau qui flotte.

Le hasard fait bien les choses, car ma femme ayant envie de servir du foie gras au prochain repas a acheté une portion pour la goûter et vérifier si le foie gras d’un nouveau traiteur convient. L’idée m’est venue d’essayer l’accord foie gras et Saint-Raphaël que je daterais volontiers dans les années 50 ou 60. La bouteille est jolie avec la fameuse étiquette où deux serveurs tiennent une bouteille sur un plateau. L’un est totalement rouge et l’autre totalement blanc. La contre-étiquette dit : « ce vin n’est pas un médicament, c’est un vin essentiellement hygiénique ». Le foie gras a un peu d’alcool qui marque le goût. Le Saint-Raphaël, doux et adouci du fait de son long temps d’exposition à l’air, est absolument délicieux, et son alcool fait disparaître l’impression d’alcool du foie gras. L’accord est spectaculaire, et ma femme qui ne boit que des sauternes trouve cet accord absolument pertinent.

Le Saint-Raphaël sera donc servi sur le foie gras lors du prochain dîner avec mon fils. Cette expérience est hautement intéressante. Une bouteille ouverte depuis vingt ans dont il restait un quart serait normalement à jeter. Mais les vins sont beaucoup plus solides que ce qu’on croit généralement. Voilà un apéritif que le temps a adouci, dont le zeste d’orange est encore suggéré, vin équilibré, dont la force a contrebalancé l’alcool d’un foie gras agréable sans être transcendant.

Je mets au point le menu avec ma femme, en fonction de l’idée que je me fais des vins qui seront ouverts. Un beau weekend familial s’annonce.

sur les huit vins pris dans la cave, les numéros 1, 4 et 7 ne seront pas ouverts (de gauche à droite)

le Saint-Raphaël essayé ce soir

Troisième dîner avec mon fils lundi, 9 novembre 2020

(il est conseillé de lire les récits des trois repas dans l’ordre, en commençant par le premier)

Après avoir partagé deux repas de rêve avec mon fils, il faut se préparer à un troisième dîner. La journée commence par une longue marche, celle que je faisais tous les jours du premier confinement, avec de longs passages dans une forêt de chênes. Le déjeuner est frugal et sans vin. Vers 16 heures je vais chercher une bouteille qui est peut-être la plus belle de la cave de la maison et qui est très chère à mon cœur. Il se trouve que j’avais acheté il y a bien longtemps des Musigny Coron Père & Fils 1899 et c’est ce vin que j’ai servi le 31 décembre 1999 à 23h50 pour que nous passions de 1999 à 2000 avec un vin qui a juste cent ans.

Je vais ouvrir son petit frère, de 1929, année mythique. La bouteille est incroyablement lourde comme si les épaisseurs du verre étaient le double de celles de bouteilles normales. La capsule est saine et le niveau du vin dans la bouteille est idéal. Le bouchon vient entier. Il est très sain. Le parfum du vin est prometteur, délicat et subtil. Mes espoirs semblent comblés. Pas question avec cette merveille de le faire goûter à l’aveugle. Nous saurons ce que nous buvons.

Ma femme a prévu une épaule d’agneau frottée d’ail et de persil et des pommes de terre cuites au four. Nous commençons à boire le Château Pichon Baron de Longueville 1970 que nous avions ouvert pour le déjeuner hier. Il est nettement plus épanoui que la veille et se montre même éblouissant. C’est un grand vin racé et vif, plein en bouche.

Nous abrégeons son temps de parole car l’envie est trop grande de goûter le Musigny Coron Père & Fils 1929. Sa couleur est vive et profonde, son nez est d’une délicatesse infinie. En bouche ce vin est tout en suggestion, délicat. C’est un seigneur, d’une expression raffinée de la Côte de Nuits. Avec l’agneau l’accord est naturel.

J’ai bu 54 bourgognes rouges de 1929. Et je suis chaque fois émerveillé de l’ampleur qu’ils peuvent prendre. Ce millésime est l’un des plus grands sinon le plus grand pour la Bourgogne. Avec ce Musigny on est dans une expression calme et raffinée, alors que par exemple le Richebourg de la Romanée Conti 1929 ou Les Gaudichots Domaine de la Romanée Conti 1929 sont d’une extrême puissance tout en étant complexes. En buvant ce vin je pense volontiers aux Musigny de Jacques Frédéric Mugnier qui ont une finesse de même nature. Nous profitons de cet instant de pure perfection.

Ma femme a prévu des crêpes au sucre qui semblent toutes désignées pour ce que je nomme encore un Marc de la jolie bouteille aux armoiries ducales datant très probablement de la moitié du 19ème siècle. Et en goûtant ce délicieux alcool, j’affirme : ceci n’est pas un marc. Nous avons été trompés par la présentation en bouteille bourguignonne. Alors il nous faut chercher. Je sers des bouteilles déjà ouvertes de l’armoire aux alcools. Un Marc de Bourgogne 1913 montre à l’évidence que l’alcool n’est pas un marc car il manque la râpe de foin si classique des marcs. Ce 1913 est excellent. Un calvados lui succède. C’est le cadeau d’un chauffeur livreur d’aciers de mon ex-société, qui avait toujours sous son siège deux bouteilles de calva. Une pour sa consommation et une autre pour offrir, car son père avait le privilège de bouilleur de crus. Je suis subjugué par la qualité de ce calvados d’une cinquantaine d’années, profond et aérien. Le côté pomme n’existe pas dans l’alcool mystère. Je sers ensuite un Grand Armagnac X.O. Prince d’Armagnac qui peut avoir deux ou trois points communs avec l’alcool à déchiffrer, mais il est relativement peu expressif.

L’idée me vient de servir un Xerez Brandy Lepanto Gonzales Byass. On n’est pas très loin, mais ce n’est toujours pas ça. Je sers enfin un Bas-Armagnac Louis Dupuy 1961 délicieux qui me semble le plus proche de l’alcool mystère, qui est largement supérieur à tous ceux que je viens de servir. Il y a dans cet alcool une puissance extrême avec un passage onctueux et doucereux en milieu de bouche. L’énigme reste entière mais il serait déraisonnable de poursuivre nos investigations.

En trois jours, avec mon fils nous avons goûté trois vins absolument magnifiques plus un alcool envoûtant mais encore inconnu. Le classement des trois vins par mon fils est : 1 – Sancerre 1951, 2 – Musigny Coron 1929, 3 – Châteauneuf-du-Pape 1947. Mon classement est : 1 – Châteauneuf-du-Pape 1947, 2 – Sancerre 1951, 3 – Musigny 1929.

Si l’on combine nos deux votes le résultat final est : 1 – Sancerre 1951, 2 – Châteauneuf-du-Pape 1947, 3 – Musigny 1929. Le vin le plus noble et le plus capé est de loin le Musigny 1929 mais nous avons préféré les plus grandes surprises. En ce qui me concerne, le 1947 et le 1951 m’ont donné l’impression qu’ils avaient atteint une forme d’éternité que n’a pas atteint le 1929, immense bien sûr mais n’ayant pas trouvé l’équilibre parfait qui caractérise les vins éternels.

La plus grande surprise est de loin est le Sancerre 1951 que jamais personne n’aurait pu imaginer à ce niveau de perfection. Je suis ravi d’avoir vécu ces grands moments avec mon fils. Il nous reste à trouver l’énigme de l’alcool. Ce sera peut-être pour le prochain weekend.

Les repas du deuxième jour sur trois avec mon fils lundi, 9 novembre 2020

Le lendemain, en prévision de la continuation de nos agapes, je fais du vélo d’appartement pendant trois quarts d’heure, des longueurs de piscine pendant plus de vingt minutes, et avec mon fils nous marchons 6,5 kilomètres. Un vrai triathlon. Au moment où nous rentrons je constate avec stupeur que ma femme a cuit de belles andouillettes. Je pensais que nous les mangerions ce soir et que j’ouvrirais un vin qui leur convient. Là, aucune possibilité de pratiquer une ouverture avec oxygénation lente. Or les andouillettes imposent du vin. Il faut un vin jeune que l’on ouvre sur l’instant. Je descends en cave avec mon fils. Je vois un Pichon Baron 1970 au niveau dans le goulot. Mon fils acquiesce. Ce sera celui-là. Prendre comme vin jeune un vin de cinquante ans montre une vision un peu particulière de l’échelle des âges des vins.

Le Château Pichon Baron de Longueville 1970 a un nez qui n’est pas encore assemblé mais qui promet. Dans le verre on sent que le vin a besoin de s’ébrouer, mais ce jeune adolescent réagit vite et sur l’andouillette il se montre d’une belle structure. Il est noble et racé, peut-être un peu strict, mais de belle largeur. C’est un grand bordeaux très bien construit et représentatif de Pauillac.

La priorité est à une bonne sieste. J’ai en tête de faire goûter à mon fils de belles énigmes. A 16 heures j’ouvre en cachette les vins du soir qui sont prometteurs. Vers 19 heures débute l’apéritif avec un Champagne Dom Pérignon 1973. Le pschitt est inexistant, la bulle est rare mais existe et la couleur du champagne est presque rosée. Est-ce l’éclairage ambiant, ce n’est pas exclu. Le champagne est fruité, large, expressif et plein de charme. Il est évolué bien sûr mais cela lui va bien. Avec le reste des rillettes et un camembert il montre ses aptitudes gastronomiques. Mais c’est surtout avec du caviar osciètre que l’accord est fusionnel. Ce champagne est grand tout en étant souriant et ensoleillé. J’ai un faible pour ce millésime en Champagne.

Avant de passer à table je promets à mon fils que s’il trouve l’appellation et l’année du vin qui va suivre, je lui offre un séjour aux Seychelles de six semaines. Je ne prends aucun risque car le Sancerre Clos La Perrière sauvignon Archambault Père & Fils à Fontenay Saint-Satur 1951 est introuvable. A l’ouverture le parfum était prometteur. Ce que nous buvons est époustouflant. C’est un vin parfait à la belle acidité et de grande fraîcheur, et comme le Châteauneuf de 1947, c’est un vin que l’on imagine éternel tant il est absolument cohérent et équilibré. Il est tellement brillant que nous sommes subjugués. Qui imaginerait qu’un sancerre de 69 ans pourrait avoir cette prestance ? La bouteille était belle, de beau niveau et le vin de belle couleur vu à travers le verre, ce que j’avais consigné dans mes notes de cave. Mais briller à ce point je ne l’imaginais pas. Nous avons mangé un dos de saumon fumé et des maquereaux fumés qui ont montré la vivacité du sancerre. Nous sommes subjugués par ce vin.

Pour le vin suivant, prévu pour des Kouign-Amann, j’ai dit que s’il trouvait le vin mais surtout la région à 500 kilomètres près je lui offrais un voyage plus modeste que les Seychelles mais tentant quand même. Le Icewine Pellar Estates Niagara on the lake Ontario Canada 2007 se présente dans une bouteille de 200 millilitres. Il titre 11,5°. C’est ma femme qui après avoir senti proposera Eiswein, ce qui est impressionnant puisqu’elle n’en boit pas. Les régions trouvées furent à plus de six mille kilomètres du Canada. Le vin est très agréable. On reconnaît le vin de glace à ce petit côté de glaçon que l’on suce et j’ai trouvé une belle largeur à ce vin délicat qui n’a pas beaucoup de complexité mais se boit bien.

Comme nous étions heureux de ce dîner nous avons pris un verre du Marc de Bourgogne fascinant de complexité. Mais je commence à douter qu’il s’agisse d’un marc. En deux repas nous avons eu la chance de rencontrer deux vins quasiment éternels tant leur structure est assemblée, le Chateauneuf du Pape 1947 et le Sancerre 1951. Quel bonheur.

J’espère que le troisième repas du week-end sera dans la même lignée. J’ai prévu un vin qui devrait soutenir ce challenge.

le dîner

l’inscription en haut à droite de l’étiquette est illisible, du moins pour moi.

le Kouign-Amann avec la couleur du vin de glace

Premier de trois dîners avec mon fils lundi, 9 novembre 2020

Pendant le premier confinement de mars à juin, j’avais profité du temps disponible pour inventorier la cave de ma maison que je n’utilisais quasiment plus car je prélevais les vins sur la grande cave. Pour chaque bouteille de la maison j’ai noté le niveau du vin dans la bouteille et parfois des commentaires ont été ajoutés. Pour deux bouteilles, j’ai noté : « à boire avec mon fils ».

Pour la première fois depuis huit mois mon fils qui vit à Miami vient en France. Il avait l’habitude de venir chaque mois pour prendre les dispositions qui s’imposent dans la société familiale dont il est le gérant et il lui semble opportun, malgré les dangers de la deuxième vague du virus, de venir s’occuper de la société. Nous allons le recevoir à la maison pour le week-end.

Je vais naturellement chercher les deux bouteilles que j’avais repérées et destinées à être bues avec mon fils. La première est une bouteille bourguignonne très opaque, sans aucune étiquette, et ornée d’un médaillon en verre gravé évoquant des armoiries ducales. La couronne ducale est très nette, et les lettres au centre forment un dessin assez incompréhensible. Le haut du goulot est recouvert d’une cire qui a craquelé et s’est érodée. La bouteille soufflée me fait supposer qu’il s’agit d’un bourgogne du 19ème siècle. Ayant en cave miré la bouteille avec une lampe, j’ai vu un liquide clairet qui pourrait très bien être celui d’un bourgogne rouge assez clair.

J’ouvre la bouteille vers 16 heures pour le dîner et le bouchon vient en charpie, mais sans difficulté. Je sens le vin et quelle surprise ! Il ne s’agit pas d’un vin mais d’un alcool et en y repensant quelques heures plus tard, j’aurais peut-être pu penser que ce n’était pas un vin rouge. Mais m’attendant à trouver un vin rouge, je n’avais pas de raison majeure de réagir.

Alors que je ne verse jamais un verre pour contrôler les vins que j’ouvre, car je veux que le vin profite au mieux de l’oxygénation lente, je verse une petite quantité dans un petit verre. La couleur est belle et ambrée. Au goût comme au nez c’est un marc, un marc raffiné et noble, très en douceur mais d’une force alcoolique extrême. Quelle surprise !

Le deuxième vin que je destinais à mon fils est un Châteauneuf-du-Pape Réserve des Camériers (marque déposée) Arnaud Berger Négociant à Sorgues 1947. Et comme en le prélevant en cave j’ai vu un Gigondas lui aussi Réserve des Camériers, j’ai décidé qu’on l’ouvrirait aussi, avant même que je n’aie la surprise de voir que la bouteille antique n’était pas du vin rouge. L’idée que je partage un vieux Gigondas avec mon fils m’excite beaucoup.

A l’ouverture, les deux bouchons viennent en morceaux mais sans problème et sont sains. Tout indique que le Gigondas est de la même période que le Châteauneuf. Le nez du Gigondas est simple et cohérent, sans grande complexité. Le nez du Châteauneuf est envoûtant, d’une rare complexité et évoque un vin de Bourgogne raffiné.

Vers 19h30 l’apéritif commence avec une délicieuse rillette, de la poutargue, et un camembert. Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cave Privée 1980 est absolument délicieux, d’une très jolie acidité. Il est vif, tout en étant courtois. Il est d’une grande élégance. Je suis étonné de lire que nous buvons la bouteille numéro 1096 sur 1341. Comment est-il possible que l’on ait fait aussi peu de ce champagne en « Cave Privée » ? Il a été dégorgé en 1986 et dosé à 9 grammes. Il est absolument charmant et racé et mon fils qui n’a pas eu l’occasion en huit mois de boire un champagne de cette qualité est aux anges.

Le repas consiste en des joues de bœuf aux carottes qui ont mijoté depuis deux jours et ont embaumé la cuisine. La chair est fondante et les carottes sont des bonbons. Le Châteauneuf-du-Pape Réserve des Camériers Arnaud Berger Négociant à Sorgues 1947 est absolument exceptionnel. Quel grand vin. Ce qui frappe toute de suite c’est qu’il est intemporel. J’imagine volontiers que s’il était ouvert dans cinquante ans, il serait strictement le même. Car il a atteint une plénitude totale. Il est riche comme un grand Châteauneuf, et bourguignon comme le serait un Rayas. On se situe dans l’aristocratie absolue du Rhône et c’est le temps et le millésime qui ont anobli ce vin. L’accord avec la viande fondante est sublime.

Le Gigondas Réserve des Camériers Arnaud Berger vers 1947 est d’une couleur beaucoup plus claire que la couleur intense de son voisin. En bouche il est simple, carré, et c’est une heureuse surprise, car on se dit que s’il était servi seul, on le trouverait fort à notre goût.

Il est tentant ensuite de goûter au Marc de Bourgogne vers 1850 date qui correspond à ce que l’on a pu trouver de plus proche sur internet. J’aurais volontiers dit que ce marc est de 1890 ou alentour, mais les bouteilles les plus proches sur internet évoquent 1850. On ne se battra pas sur ce point. Ce marc est assez extraordinaire car il a le caractère râpeux du marc mais anobli par un côté un peu doucereux. Il a une forte personnalité et la noblesse de son écusson.

Comme nous sommes d’humeur joyeuse après avoir bu un Châteauneuf aussi exceptionnel, je cherche parmi les alcools ouverts une Tarragone des Pères Chartreux qui pourrait être des années 30 ou 40 dont il restait peu de chose. Nous buvons la fin de cette bouteille d’un litre, ce qui est rare, car on en ouvre plus que l’on n’en finit, et l’alcool, manifestement éventé, même s’il évoquait de beaux souvenirs de chartreuses, ne pouvait entrer en compétition avec le marc si généreux. Le 1947 et le Veuve Clicquot nous ont fait vivre un dîner mémorable.

j’ai versé un verre pour savoir de quoi il s’agit. J’ai dit Marc mais c’est une fine.

l’écusson est une énigme qui a été levée grâce à Instagram puisque quelqu’un a fourni une photo sans équivoque du blason. La réponse n’est venue que dix jours plus tard.

Grande Fine Champagne 1832 Louis Philippe Régnant mise en bouteille par Georges Marcel (Martel ?) à Tours.

 

la délicieuse joue de boeuf

 

 

245th dinner in restaurant Pages dimanche, 1 novembre 2020

The 245th dinner is today. It is a survivor of curfews and lockdowns. Everything was opposed to its outfit but it takes place. When we hear that the curfew is at 9 p.m., how do I hold one of my dinners that last at least four hours? The friendly bond I have with the Pages restaurant team has helped find the solution. The laws being changing in our beautiful country, I will not deliver the wines until the day of the dinner. To respect the curfew, we needed a dinner that will be held from 4 p.m. to 7:30 p.m. So that I could open my wines four hours in advance, I had to come to Pages around noon. So I booked a lunch table at the Pages restaurant, so I could discreetly open my wines while the lunch service was provided.

Setting the time of the dinner at 4 p.m. caused two guests to withdraw who couldn’t make it so early. As a result, I was able to invite my two daughters, to have the pleasure of sharing this dinner with them but also not to change the wine program. I even went further. Having found that the Château Margaux 1952 had a low level, I decided to add a Château Ausone 1959 itself rather low. And having noticed that the Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962 had a low level, I applied the same treatment by adding a Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 itself at a low level. I took two more bottles from the cellar in case there would be any problems and added a final surprise gift that will be drunk without anyone knowing what it is.

It is obvious that the announcement of the lockdown, which would be made during our dinner, played a role in my putting forward a broad program. We will drink twelve bottles and a magnum for nine diners. My guests deserve it. I placed the thirteen bottles plus the two reserves in three flexible bags where the bottles are vertical. So the bags will be placed on the ground near my place in the restaurant and I will be able to open the bottles one by one discreetly during the lunch service.

What is funny is that at the table next to mine a couple are having lunch and have never watched for a single moment what I was doing, which normally should not go unnoticed since at other tables further away they threw from time to time a look at my actions.

By a coincidence that only happens in novels, all the corks came out whole when they were opened. I didn’t need any curettage. Some corks broke into two or three pieces, but no cork came in crumbs. Whether there were suitable weather conditions for maintaining the integrity of the corks, I could not say.

Stranger still, all the scents of all the wines were beautiful promises. No scent betrayed the low levels of four of the bottles. Was the sky on my side, I don’t know. The most captivating and sublime perfume is that of Château Chalon 1908, explosive of nuts and grandeur. The next in the fragrance scale is the 1959 Chablis Fourchaume with a cheerful petulance. The most distinguished in the nobleness is the fragrance of Pétrus 1971.

I can therefore have lunch in peace and soberly, because dinner is at 4 pm !!! The appetizers are light and delicious, and the dish I am served is monkfish with a few cockles and a divinely light sauce. It’s so light I’ll ask for a cheese plate to last the few hours that remain. Matthieu, the very competent sommelier, brings me a glass of Chambolle Musigny Les Cabottes domaine Cécile Tremblay 2017 offered by a table quite far from mine. The wine is very fresh, delicious. My reciprocity for this generosity will be a small glass of Château Chalon 1908 that I will place at the table of a young, sympathetic couple. All the bottles are open; I have time to decompress. I’m going to chat with a few people who are intrigued by my wines. The isolation of the table next to mine fascinates me. They were the last to leave the restaurant. They probably had a lot to say to each other.

An hour before the arrival of the guests, I open the two champagnes and the two corks shear, the bottom of the cork being pulled out with a corkscrew.

There are nine of us, two of whom are new, a son who wants to offer his father one of my dinners, for his birthday, but also for his. The other guests are regulars, mostly lawyers. I invited my two daughters. We are divided into two tables since we are more than six. The Pavillon de Breteuil, collection of standards for weights and measures, would not necessarily recognize the value of the meter which must separate the two neighboring tables. Let’s say that the meter had shrunk a bit. We have a seated aperitif, Covid obliges.

The menu created by chef Teshi and his assistant Ken is: cream of celery root and parmesan tartlet / Aburi of wagyu from Kagoshima / sashimi of gilthead sea bream from Vendée / carpaccio of Saint-Jacques, radish Bue Meat and Daurenki caviar / red mullet from Saint -Jean de Luz, red wine sauce / sweetbread and veal jus / pigeon salmis and Jerusalem artichoke sauce / pan-fried chanterelles and grated Comté / citrus fruit cake / sweets, financiers, ganache and fruit paste.

Champagne Mumm Cordon Rouge magnum 1952 has an almost nonexistent bubble, but the sparkling is noticeable. The color is quite dark. What turns off some diners at first is the pronounced acidity of the champagne, which disappears as soon as we eat one of the appetizers, especially the sea bream, but also the wagyu carpaccio. Being more used than others to old champagnes, I enjoy this excellent champagne with a taste that evokes old parchment. It is refined, courteous, iodizing well in the mouth.

Champagne Dom Pérignon 1964 is also planned for the aperitif. It is with wagyu that he expresses himself wonderfully. Its bubble is real, its sparkling is joyful and this champagne is glorious, broad, loaded with delicate fruit. It is racy and of great complexity. We understand with him what « a great champagne » means.

On the scallops, wonderfully highlighted by the crunchiness of the radishes, two whites are associated, one from Bordeaux, the other from Burgundy. The 1967 Château Haut Brion white is a great white Haut Brion, lively, noble and distinctive, which would be magnificent if it was drunk alone, but the Chablis Premier Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959 will overshadow it because there is nothing more joyful, full, smiling and fruity than this great Chablis, very much above what one would expect. For new participants, preconceived ideas waver. How can 53-year-old and 61-year-old whites be so dashing? Both are a good demonstration of the longevity of white wines.

The moment comes for what I call « one of my coquetries. » Every time I put Pétrus in one of my dinners, I pair it with red mullet. Chef Ken has unearthed large red mullet which he treats very intelligently so that there is no feeling of heaviness, and the sauce was prepared with a 1982 Chateau Haut-Bailly which gives it a beautiful elegance. The pairing of red mullet with Pétrus Pomerol 1971 is sublime and all friends agree. The 1971 Pétrus is one of the largest Pétrus there is. This one is masterful, a lord. It has notes of truffles, charcoal, and its wealth competes with its nobility. What a great wine! He will have votes that will confirm his incredible perfection.

For the sweetbread are associated two bordeaux whose levels were low. None can trace it. Château Margaux 1952 is charming and gentle. Extremely feminine, it is subtle. Next to it, Château Ausone 1959 is quite the opposite. Black in color, while the Margaux is a pale red, it has accents of Pomerol, more than of Saint-Emilion, a strength that could compete with Pétrus. But the Pétrus has reached a level of perfection that this very great Ausone does not have. The two so different wines go well together with the delicious sweetbread.

For the pigeon we will have three wines since I added a Richebourg. The 1962 Richebourg Domaine de la Romanée Conti, which was on the program, has been a year of immense success at the Domaine de la Romanée Conti. And I find in this wine all that I love about Romanée Conti, salt and rose, magnificently suggested.

The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 is very different. Denser and richer, he is a fighter. He is the conquering Richebourg. While what separates the two tables does not exceed the width of a small gully, one table will acclaim the 1953, while the table where I am will crown the 1962. And the two tables camp on their positions, not including the choice of the other table, with full tolerance of course. These two Richebourgs are particularly brilliant, each in their own style and have not suffered from the low levels. What star watched over our dinner?

The third wine is a 1961 Chambertin G. Roumier, a wine that the estate no longer makes today. What strikes me instantly is that this wine is of the most beautiful consistency of construction of the six reds that we drank. It is round and perfect. It may not have the charm of this or that other wine, but it is a lesson of balance. This is a very fine Chambertin, but our attention is keener for the wines of Romanée Conti.

Now appears an absolute curiosity, a Château-Chalon 1908. It is in an extremely old Burgundy bottle, blown, which gives a capacity that is never found for Château-Chalon. No domain name is mentioned. So he’s a stranger. It was the liveliest scent of any wine I’ve opened and it still is. Incredibly powerful, this wine is eternal. You would think that if it were open in two hundred years, it would be exactly the same. Its vigor, its charm, its typicity of nuts make it an extraordinary wine. Faced with this extremely rare wine, I wanted to break away from the usual pairings with the Comté and I asked for seared chanterelles, however with hints of grated Comté. And I made the originally planned sauce lightened. The pairing is superb and the wine is royal.

Yuki, the restaurant’s talented pastry chef, composed a lemon cake which is the ideal companion for a 1933 Château d’Yquem which has « eaten its sugar ». It is resolutely dry, which is explained because the decade of the thirties was of a very cold climate, and moreover, in this decade the domaine picked the grains with a botrytis which had not reached a stage very advanced. This fairly light Yquem is not very flamboyant and I have had better 1933s than this one.

As time went by it was necessary to come to the votes, so that my final gift was not part of the votes. It is a Sherry du Cap 1862 which has all of a sherry, with this dry side, combined with a delicate sweetness, wine at the end of a meal sufficiently light not to weigh down the palate, a wine of grace gently preparing us for the future confinement.

It’s time for the votes. Of the twelve wines rated eleven appear in at least one vote, which is magnificent. The only one without a vote is a great wine, but in the shadow of Chablis, it is Haut-Brion blanc. Four wines were named first, the Pétrus 1971 four times, the two Richebourgs, 1953 and 1962 each twice and the Château Chalon 1908 once first. I am so angry that I did not include this 1908 in my vote because it should have been included.

The consensus vote would be: 1 – Pétrus Pomerol 1971, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953, 3 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Chambertin G. Roumier 1961, 6 – Champagne Dom Pérignon 1964.

My vote is: 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962, 2 – Pétrus Pomerol 1971, 3 – Chambertin G. Roumier 1961, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château Ausone 1959.

The atmosphere at dinner was magical, smiling, teasing. We had the restaurant to ourselves and the Pages team was able to taste several of the wines for dinner. This atmosphere was wonderful. The two most original pairings are red mullet with Pétrus and chanterelles with Château Chalon. The most comfortable pairing was that of pigeon with the three red burgundies and the most feminine that of cake with Yquem.

It is very rare that we have experienced such a warm and moving dinner. The stressful context of government decisions has certainly played a role, because we want to enjoy life when we risk being prevented from doing so. I consider this dinner to be one of the greatest. Without the involvement of the Pages restaurant team, we would never have achieved such quality.

When is the next one?

245ème dîner au restaurant Pages dimanche, 1 novembre 2020

Le 245ème dîner est aujourd’hui. C’est un rescapé des couvre-feux et des confinements. Tout s’opposait à sa tenue et il a lieu. Lorsqu’on a appris que le couvre-feu est à 21 heures, comment tenir un de mes dîners qui durent au moins quatre heures ? La complicité amicale que j’ai avec l’équipe du restaurant Pages a permis de trouver la solution.

Les lois étant changeantes dans notre beau pays, je ne livrerai les vins que le jour du dîner. Pour respecter le couvre-feu, il fallait un dîner qui se tienne de 16 heures à 19h30. Pour que je puisse ouvrir mes vins quatre heures à l’avance, il me fallait venir chez Pages vers midi. J’ai donc retenu une table à déjeuner au restaurant Pages, afin d’ouvrir discrètement mes vins pendant que le service du déjeuner est assuré.

La fixation de l’horaire à 16 heures a fait se désister deux convives qui ne pouvaient pas se libérer si tôt. J’ai pu de ce fait inviter mes deux filles, pour avoir le plaisir de partager ce dîner avec elles mais aussi pour ne pas changer le programme des vins. Je suis même allé plus loin. Ayant constaté que le Château Margaux 1952 avait un niveau bas, j’ai décidé d’ajouter un Château Ausone 1959 lui-même assez bas. Et ayant remarqué que le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962 avait un niveau bas, j’ai appliqué le même traitement en ajoutant un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 lui-même au niveau bas. J’ai pris en cave deux autres bouteilles pour le cas où il y aurait des problèmes et j’ai ajouté un cadeau surprise final qui sera bu sans que l’on sache ce qu’il est.

Il est évident que l’annonce du confinement, qui serait faite pendant notre dîner a joué pour que je propose un large programme. Nous boirons douze bouteilles et un magnum à neuf. Mes convives le méritent. J’ai disposé les treize flacons plus les deux réserves dans trois sacs souples où les bouteilles sont verticales. De ce fait les sacs seront posés au sol près de ma place au restaurant et je pourrai ouvrir les bouteilles une par une discrètement pendant le service du déjeuner.

Ce qui est amusant c’est qu’à côté de moi un couple déjeune et n’a jamais regardé un seul instant ce que je faisais, ce qui normalement ne devait pas passer inaperçu puisqu’à d’autres tables plus lointaines on jetait de temps à autre un regard sur mes agissements.

Par un hasard qui n’arrive que dans les romans, tous les bouchons sont sortis entiers lors de leurs ouvertures. Je n’ai eu besoin d’aucun curetage. Certains bouchons se sont brisés en deux ou trois morceaux mais aucun bouchon n’est venu en miettes. Y avait-il des conditions atmosphériques propices à la conservation de l’intégrité des bouchons, je ne saurais le dire.

Plus étrange encore, tous les parfums de tous les vins ont été de belles promesses. Aucun parfum ne trahissait les niveaux bas de quatre des bouteilles. Le ciel était-il de mon côté, je ne sais. Le parfum le plus envoûtant et sublime est celui du Château Chalon 1908, explosif de noix et de grandeur. Celui qui le suit dans l’échelle des parfums est le Chablis Fourchaume 1959 d’une pétulance joyeuse. Le plus racé dans la distinction est le parfum du Pétrus 1971. Je peux donc déjeuner tranquille et sobrement, car le dîner est à 16 heures !!! Les amuse-bouches sont légers et délicieux et le plat qui m’est servi est de la lotte avec quelques coques et une sauce divinement légère. C’est si léger que je demanderai une assiette de fromages pour tenir les quelques heures qui restent. Matthieu, le très compétent sommelier m’apporte un verre de Chambolle Musigny Les Cabottes domaine Cécile Tremblay 2017 offert par une table assez lointaine de la mienne. Le vin est d’une grande fraîcheur, délicieux. Ma réciprocité à cette générosité sera un petit verre de Château Chalon 1908 que je déposerai à la table d’un jeune couple sympathique. Toutes les bouteilles sont ouvertes, j’ai le temps de décompresser. Je vais bavarder avec quelques personnes qui sont intriguées par mes vins. La capacité d’isolement de la table voisine de la mienne me fascine. Ils ont été les derniers à quitter le restaurant. Ils avaient sans doute beaucoup de choses à se dire.

Une heure avant l’arrivée des convives j’ouvre les deux champagnes et les deux bouchons se cisaillent, le bas du bouchon étant extirpé au tirebouchon.

Nous sommes neuf dont deux nouveaux, un fils qui veut offrir à son père un de mes dîners, pour son anniversaire, mais aussi pour le sien. Les autres convives sont des habitués, à majorité avocats. J’ai invité mes deux filles. Nous sommes répartis en deux tables puisque nous sommes plus de six. Le Pavillon de Breteuil, recueil des étalons des poids et mesures ne reconnaîtrait pas forcément la valeur du mètre qui doit séparer les deux tables voisines. Disons que le mètre avait un peu rétréci. Nous prenons l’apéritif assis, Covid oblige.

Le menu créé par le chef Teshi et son adjoint Ken est : tartelette crème de céleri rave et parmesan / Aburi de wagyu de Kagoshima / sashimi de daurade royale de Vendée / carpaccio de Saint-Jacques, radis Bue Meat et caviar Daurenki / rouget de Saint-Jean de Luz, sauce au vin rouge / ris de veau et jus de veau / pigeon sauce salmis et topinambour / giroles poêlées et comté râpé / cake aux agrumes / mignardises, financiers, ganache et pâte de fruits.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge magnum 1952 a une bulle quasi inexistante, mais le pétillant est sensible. La couleur est assez sombre. Ce qui rebute quelques convives au début, c’est l’acidité prononcée du champagne, qui disparaît dès que l’on mange l’un des amuse-bouches, surtout la daurade royale, mais aussi le carpaccio de wagyu. Etant plus habitué que d’autres aux champagnes anciens je profite de cet excellent champagne au goût qui évoque un vieux parchemin. Il est raffiné, courtois, iodlant bien en bouche.

Le Champagne Dom Pérignon 1964 est aussi prévu pour l’apéritif. C’est avec le wagyu qu’il s’exprime merveilleusement. Sa bulle est réelle, son pétillant est joyeux et ce champagne est glorieux, large, chargé d’un fruit délicat. Il est racé et d’une grande complexité. On comprend avec lui ce que veut dire « un grand champagne ».

Sur les coquilles Saint-Jacques merveilleusement mises en valeur par le croquant des radis, deux blancs sont associés, l’un de Bordeaux, l’autre de Bourgogne. Le Château Haut Brion blanc 1967 est un grand Haut Brion blanc, vif, noble et typé, qui serait magnifique si on le buvait seul, mais le Chablis Premier Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959 va lui faire de l’ombre car il n’y a rien de plus joyeux, plein, souriant et fruité que ce grand chablis, très largement au-dessus de ce que l’on pourrait attendre. Pour les nouveaux participants, les idées reçues vacillent. Comment des blancs de 53 ans et 61 ans peuvent-ils être aussi fringants ? Les deux nous font une belle démonstration de la longévité des vins blancs.

Arrive le moment de ce que j’appelle « une de mes coquetteries ». Chaque fois que je mets Pétrus dans un de mes dîners, je l’associe avec du rouget. Le chef Ken a déniché de gros rougets qu’il traite fort intelligemment pour qu’il n’y ait aucune sensation de lourdeur, et la sauce a été préparée avec un Château Haut-Bailly 1982 ce qui lui donne une belle élégance. L’accord du rouget avec le Pétrus Pomerol 1971 est sublime et tous les amis en conviennent. Le Pétrus 1971 fait partie des plus grands Pétrus qui soient. Celui-ci est magistral, un seigneur. Il a des notes de truffes, de charbon, et sa richesse le dispute à sa noblesse. Quel grand vin ! Il aura des votes qui confirmeront son incroyable perfection.

Pour le ris de veau sont associés deux bordeaux dont les niveaux étaient bas. Aucun n’en a la trace. Le Château Margaux 1952 est tout en charme et en douceur. Extrêmement féminin, il est subtil. A côté de lui le Château Ausone 1959 est tout le contraire. De couleur noire, alors que le margaux est d’un rouge pâle, il a des accents de pomerol, plus que de saint-émilion, d’une force qui pourrait faire jeu égal avec le Pétrus. Mais le Pétrus a atteint un niveau de perfection que ce très grand Ausone n’a pas. Les deux vins si dissemblables se boivent bien ensemble avec le délicieux ris de veau.

Pour le pigeon nous allons avoir trois vins puisque j’ai rajouté un Richebourg. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962 qui était prévu au programme est d’une année d’immense réussite au domaine de la Romanée Conti. Et je retrouve en ce vin tout ce que j’aime de la Romanée Conti, le sel et la rose, magnifiquement suggérés. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 est très différent. Plus dense et plus riche, c’est un combattant. Il est le Richebourg conquérant.

Alors que ce qui sépare les deux tables ne dépasse pas la largeur d’un ru, une table va plébisciter le 1953, alors que la table où je suis va couronner le 1962. Et les deux tables campent sur leurs positions, ne comprenant pas le choix de l’autre table, en toute tolérance bien sûr. Ces deux Richebourg sont particulièrement brillants, chacun dans son style et n’ont pas souffert des niveaux bas. Quelle étoile veillait sur notre dîner ?

Le troisième vin est un Chambertin G. Roumier 1961, vin que le domaine ne fait plus aujourd’hui. Ce qui me frappe instantanément, c’est que ce vin est de la plus belle cohérence de construction des six rouges que nous avons bus. Il est rond et parfait. Il n’a peut-être pas le charme de tel ou tel autre vin, mais c’est une leçon de choses en matière d’équilibre. C’est un très beau chambertin, mais notre attention est plus vive pour les vins de la Romanée Conti.

Apparaît maintenant une curiosité absolue, un Château-Chalon 1908. Il est dans une bouteille bourguignonne extrêmement ancienne, soufflée, ce qui donne une contenance que l’on ne trouve jamais pour les Château-Chalon. Aucun nom de domaine n’est mentionné. C’est donc un inconnu. C’était le plus vif des parfums des vins que j’ai ouverts et ça l’est encore. D’une puissance incroyable ce vin est éternel. On peut penser que s’il était ouvert dans deux cents ans, il serait strictement le même. Sa vigueur, son charme, sa typicité de noix en font un vin extraordinaire. Devant ce vin extrêmement rare, j’ai voulu sortir des accords habituels avec le comté et j’ai demandé des giroles poêlées, avec toutefois des soupçons de comté râpé. Et j’ai fait alléger la sauce initialement prévue. L’accord est superbe et le vin est royal.

Yuki, la talentueuse pâtissière du restaurant a composé un cake au citron qui est le compagnon idéal pour un Château d’Yquem 1933 qui a « mangé son sucre ». Il est résolument sec, ce qui s’explique parce que la décennie des années trente a été d’un climat très froid, et par ailleurs, dans cette décennie on a cueilli les grains avec un botrytis qui n’était pas arrivé à un stade très avancé. Cet Yquem assez clair n’est pas très flamboyant et j’ai connu des 1933 meilleurs que celui-ci.

Le temps passant il fallait en venir aux votes, ce qui fait que mon cadeau final ne fait pas partie des votes. C’est un Sherry du Cap 1862 qui a tout d’un xérès, avec ce côté sec, combiné à un délicat doucereux, vin de fin de repas suffisamment léger pour ne pas alourdir le palais, vin de grâce nous préparant en douceur au futur confinement.

C’est le moment des votes. Sur les douze vins notés onze figurent dans au moins un vote, ce qui est magnifique. Le seul sans vote est un grand vin mais dans l’ombre du Chablis, c’est le Haut-Brion blanc. Quatre vins ont été nommés premiers, le Pétrus 1971 quatre fois, les deux Richebourg, 1953 et 1962 chacun deux fois et le Château Chalon 1908 une fois premier.

Je m’en veux tellement de ne pas avoir fait figurer ce 1908 dans mon vote car il aurait dû y être inclus.

Le vote du consensus serait : 1 – Pétrus Pomerol 1971, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953, 3 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Chambertin G. Roumier 1961, 6 – Champagne Dom Pérignon 1964.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1962, 2 – Pétrus Pomerol 1971, 3 – Chambertin G. Roumier 1961, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château Ausone 1959.

L’ambiance du dîner a été magique, souriante, taquine. Nous avions le restaurant pour nous seuls et l’équipe de Pages a pu goûter plusieurs de vins du dîner. Cette ambiance était magnifique. Les deux accords les plus originaux sont le rouget avec le Pétrus et les giroles avec le Château Chalon. L’accord le plus confortable était celui du pigeon avec les trois bourgognes rouges et le plus féminin celui du cake avec l’Yquem.

Il est très rare que nous ayons connu un dîner aussi chaleureux et émouvant. Le contexte de stress lié aux décisions gouvernementales a certainement joué un rôle, car on a envie de profiter de la vie quand on risque d’en être empêché. Je considère ce dîner comme un des plus grands. Sans l’implication de l’équipe du restaurant Pages, nous n’aurions jamais atteint une telle qualité. A quand le prochain ?

Sur cette photo il n’y a pas les vins ajoutés, Ausone 1959, Richebourg 1953 et Sherry du Cap 1862

on voit le muselet à l’ancienne

déjeuner pour l’ouverture des vins au restaurant Pages, quatre heures avant le dîner

résultats des ouvertures :

le repas du 245ème dîner

les votes

En fin de repas, photos avec l’équipe de Pages, masquée !!!

dîner au restaurant Kei dimanche, 1 novembre 2020

Un ami italien est à Paris. C’est un fidèle de mes dîners. Il a notamment participé à deux dîners au château de Saran et à un ou deux dîners au château d’Yquem. Il m’envoie un message proposant de déjeuner ou dîner ensemble dans des restaurants prestigieux. Je choisis de le rejoindre à dîner au restaurant Kei, le soir où le Président Macron va nous annoncer des mesures de confinement.

Le dîner est organisé pour commencer à 18 heures et finir vers 20 heures, couvre-feu oblige. Les mesures de protection contre le virus sont particulièrement bien gérées dans ce restaurant. Trois menus sont possibles et nous choisissons le menu « Harmonie Collection – Composition Horizon ». La carte des vins est relativement peu fournie et comprend des prix très élevés lorsque l’on regarde les vins les plus emblématiques. Mais comme dans toutes les cartes des vins, il y a de bonnes pioches.

Pour l’apéritif, nous prenons un Champagne Version Originale Jacques Selosse dégorgé en octobre 2013, qui accompagnera aussi les premiers plats. Ce champagne un peu ambré a un nez très typé et intense. En bouche il est sans concession, et comme le parfum, intense, profond, de forte personnalité. C’est un champagne de gastronomie, noble et complexe dont j’aime le style.

Le menu que nous avons choisi ne nous est pas communiqué. Nous en recevrons les intitulés en fin de soirée : granité au Shiso rouge / tartelette yaourt, sardine espagnole, oignon rouge / concombre au miso, gougère à la crème de parmesan / le jardin de légumes croquants, mousse de roquette, émulsion de citron, vinaigrette de tomates et crumble d’olives noires et amandes / gnocchis crème de parmesan, jambon Bellota, truffe blanche d’Alba / langoustine façon Bloody Mary, caviar Shrenki et quinoa croustillant / le bœuf Wagyu, poireaux grillés, condiment moutarde, raifort et cresson, en tartare, écume de tomate épicée, charbon végétal et caviar / le pigeon de Vendée au miso, figue rôtie / émulsion de brebis et chèvre, glace au cassis et miel d’acacia / vacherin façon Mont-Blanc, sorbet yuzu / tarte Tatin caramel / guimauve glacée piña colada, tartelette caramel et nougatine.

J’ai une grande admiration pour la cuisine du chef Kei et l’obtention d’une troisième étoile est pleinement justifiée, mais ce soir le style des plats m’a un peu dérouté, comme si le chef, au lieu de garder la pureté épurée des chefs japonais avait orienté sa cuisine sur l’opulence et les complexités. Le jardin de légumes, de jolie présentation et annoncé comme plat emblématique du chef, a une mâche déroutante car les morceaux de légumes, trop longs, sont difficiles à manger. Et la confusion des goûts nuit à la cohérence. La truffe blanche d’Alba coupée en trop fines lamelles, est presque éteinte malgré sa qualité. La langoustine, noyée dans une crème très forte, écrase le caviar qui devient muet. La langoustine seule est magnifique, le caviar seul est fort bon, mais la combinaison rend le caviar inexistant. De ce fait, si les délicieux amuse-bouches ont fait briller le champagne Selosse, il n’y a pas eu de vraies occasions pour la Version Originale de briller sur les plats suivants.

Heureusement la suite du repas fut d’une extrême qualité. Je suis très content que le compétent sommelier ait approuvé mon désir que le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2006 soit ouvert au dernier moment, juste à l’apparition des délicieuses viandes. Je pensais que Rayas 2005 est la référence absolue de ce vin, aussi suis-je agréablement surpris de voir ce 2006 absolument brillant, serein impeccablement construit. C’est un grand vin plein d’ampleur et de joie. Le gras du wagyu le fait chanter et le délicieux pigeon met en valeur sa noblesse.

Avec mon ami nous nous sommes félicités d’avoir choisi ces deux grands vins. Comme j’ai la meilleure image possible du talent du grand chef, il faudra que je revienne pour vérifier si mes avis méritaient d’être aussi critiques. Nous avons passé une excellente soirée dans ce beau restaurant cher à mon cœur, avec Gérard Besson et maintenant avec Kei.

le menu est froissé !