Le week-end du 15 août est lancé samedi, 15 août 2020

Le week-end du 15 août est une institution pendant notre séjour dans le sud. Le Covid, qui a affecté beaucoup d’activités, ne pourra pas porter atteinte à ce rituel. Il y aura trois temps forts, un déjeuner au restaurant Mirazur, un dîner dans notre maison et un dîner chez des amis. Tous les programmes sont sur les rails.

La veille du début des hostilités, nous accueillons nos deux amis, fidèles de ces agapes. Le dîner sera d’un plateau de fruits de mer, avec des huîtres excellentes, des bulots difficiles à appréhender, des crevettes et gambas de goûts acceptables. Je cherchais une occasion pour ouvrir un Champagne Dom Pérignon 2008 en magnum. Je l’ai bu de nombreuses fois en bouteille. C’est la première fois que je le bois en magnum.

Le nez est inspirant. Il offre une palette de fragrances où les fleurs croisent du miel. Le nez est noble et imposant. En bouche, ce champagne est accueillant, lisible, compréhensible, riche et plein. C’est assurément un grand champagne. Il évolue au fil des saveurs qui lui sont associées et le mot qui me vient à l’esprit est « synthèse ». Ce champagne représente une expression du champagne très consensuelle, raffinée, et qui ne prête aucune facette à la critique. Il est grand, fondé sur une matière vineuse sans défaut. On s’en rend compte lorsque le champagne se réchauffe, car l’atmosphère est lourde. Le champagne ne dévie pas, reste riche et séduisant, aidé par son vin de base irréprochable.

Après le plateau de fruits de mer nous avons goûté un gouda au pesto, une mimolette et un fromage suédois. C’est la mimolette qui s’accorde le mieux au champagne. Le dessert est constitué de sorbets qui n’apportent rien au champagne qui se réveille sur de délicieux palmiers croustillants et sucrés.

J’ai voulu faire plaisir à mes amis en ouvrant ce magnum et je suis heureux de constater que ce dernier millésime fait par Richard Geoffroy puisse être d’un tel aboutissement. Il faudrait le laisser tranquille encore quelques années pour qu’il devienne une référence absolue. Le week-end part sur de bonnes bases.

Sénéclauze 1953 sur un grand couscous jeudi, 6 août 2020

Ce soir, le programme prévoit un couscous qui sera préparé par l’ami de notre fille. Dès potron-minet les légumes sont coupés, taillés, épluchés et plongés dans une immense cocotte. Les cuissons et mijotages sont programmés de façon militaire. Il faut que je trouve des vins qui puissent s’accorder.

Nous commencerons, avant le couscous, par une tchoutchouka et des carottes présentées en dés avec un léger jus de citron. J’ouvre un Côtes du Rhône rosé Domaine des Julliandes 2014 cadeau d’un voisin à qui j’avais rendu service. La première bouteille que j’avais ouverte était bouchonnée. Celle-ci ne l’est pas. La couleur est d’un rose très foncé fort avenant. En bouche, quelle surprise ! Le vin fait beaucoup plus vieux que ses six ans, il serait plus proche de quinze à vingt ans, riche, complexe et profond. Jamais je n’aurais imaginé qu’il puisse y avoir autant de présence dans ce vin. L’accord avec la tchoutchouka se trouve idéalement, alors qu’avec les carottes, l’accord est impossible.

Pour le copieux et délicieux couscous préparé selon les règles de l’art, j’ai ouvert six heures avant le repas un Vin de F. Sénéclauze Saint-Eugène Oran 1953. A l’ouverture son parfum me paraissait extrêmement engageant, prometteur de belles complexités. Servi maintenant il est merveilleux. J’ai bu de nombreuses fois des vins d’Algérie de Sénéclauze en différents millésimes et je pense que jamais je n’ai été autant impressionné que par celui-ci. Je considérais que Sénéclauze ne pouvait pas faire d’ombre aux vins de Frédéric Lung dont le fameux Royal Kebir, mais avec ce 1953, on joue dans la cour des grands. Ce vin rouge est riche, puissant, complexe, large et il a cette caractéristique des vins algériens, d’offrir des accents discrets de café et de liqueur de café. C’est un très grand vin et l’accord avec le couscous se trouve idéalement. Le couscous et le vin se rendent leurs politesses. C’est sur la semoule et sur le poulet que l’accord se trouve le mieux, mais aussi sur l’ensemble.

En pensant au dîner, j’avais envisagé de servir avant le rouge d’Algérie un rosé de Clos Cibonne, le Tibouren. J’avais repéré en cave une caisse de ce domaine. Mais j’avais mal vu, le carton comportait des vins rouges. Et ma réflexion fut : pourquoi pas ? Le Côtes de Provence Clos Cibonne Tibouren rouge 2015, s’il avait été servi avant le Sénéclauze, nous aurait ravis. Mais passant derrière le 1953, c’est mission quasiment impossible. C’est dommage, car ce vin simple et puissant est franc et frais, direct et droit, vif mais pas très complexe. Nous l’avons bu avec plaisir et il en restera pour la suite du couscous, car le plat avait été prévu pour des Grandgousier.

L’accord du vin algérien avec un couscous authentique et l’accord du rosé du Rhône avec la tchoutchouka sont les deux moments forts de ce beau dîner conclu par des arlettes gourmandes préparées par mon épouse.

les préparatifs du matin

les entrées

le couscous généreux

Un éblouissant Puligny mardi, 4 août 2020

Un ami aime cuisiner. Alors les envies et les projets fusent. Ils se bousculent même au moins que ma recherche de vins qui conviendraient au repas de ce soir n’est pas facile à faire. Voici le résultat final du menu : tempuras de fleurs de courgettes / anguille fumée / couteaux / rouget et écrasé de pomme de terre à l’huile / œufs au lait au caramel.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1975 a un bouchon recroquevillé qui vient facilement, sans pschitt. La couleur est fortement ambrée mais agréable à l’œil. Le vin offre un pétillant très présent et sa complexité est très engageante. L’ami cordon bleu qui n’a pas l’expérience des champagnes anciens le trouve tout à son goût. Il est riche, noble. Il a sans doute un peu trop de maturité, mais c’est un grand champagne qui forme avec les tempuras un accord très pertinent.

L’ami m’a demandé pour la cuisson des couteaux un verre de vin blanc « ordinaire ». Que ferait-on du reste ? En cherchant en cave, je trouve une bouteille que j’ignorais, un Puligny-Montrachet Les Chalumeaux Leroy Négociant 1978. Je préfère un vin de grand plaisir pour l’associer au repas. Sa couleur est superbe comme son niveau. Lorsque j’ouvre le vin quatre heures avant le repas, le parfum puissant du vin est riche et généreux, annonçant un très grand vin. A table, ce vin est splendide, racé, d’un fruit généreux et d’un équilibre rare. Très complexe, c’est un très grand vin. Il accompagne parfaitement les anguilles fumées alors que le champagne n’en est pas capable, et c’est sur les couteaux aillés qu’il démontre sa grandeur raffinée.

J’avais imaginé pour les rougets qu’on ouvre un Pétrus, mais je n’en ai aucun dans le sud. L’idée d’associer au poisson un vin de 1978, comme le blanc, me plait. C’est un Château Lynch-Bages Pauillac 1978 qui est ouvert en même temps que le blanc quatre heures à l’avance. Son parfum à l’ouverture était relativement discret en comparaison avec le blanc. A table le vin est épanoui et c’est un pauillac riche, noble, droit, auquel on serait bien en peine de donner un âge tant il a trouvé un point d’équilibre d’une grande sérénité. Il y a des accents de truffe qui font de l’accord avec les rougets une rencontre idéale. La chair des rougets remarquablement cuite par notre ami trouve son prolongement dans le vin.

Cela fait donc trois accords pertinents, le champagne avec les fleurs de courgettes, le vin blanc avec l’anguille fumée et avec les couteaux et enfin les rougets avec le vin rouge. Les œufs au lait n’ont besoin d’aucun accompagnement. Lors de la partie de belote qui a suivi le dîner et nous a entraînés au milieu de la nuit, les anciens ont montré à la génération du dessous qu’il fallait compter avec ceux qui ont connu les trente glorieuses. Un bien beau repas dont mon préféré est le Puligny Leroy.

Dîner dans le sud avec des vins de diverses régions mardi, 4 août 2020

La lune sera pleine demain mais dès aujourd’hui elle se lève rouge. Nous allons trinquer à sa santé. Une tarte à l’oignon est prévue pour l’apéritif. Cela m’a donné envie d’ouvrir un vin que ma fille cadette m’avait offert. Le Viré-Clessé domaine Valette 2009 est un vin de Viré Clessé, la dernière-née des appellations communales du vignoble du Mâconnais. Il est extrêmement plaisant, franc, au fruit expressif. Il s’installe bien en bouche et gagne à être bu lorsque sa température dans le verre est légèrement plus élevée. La tarte à l’oignon a été recouverte de traces de tapenade et de fleurs comestibles. L’accord est extrêmement délicat.

Les saucisses et merguez sont associées au Château de Pibarnon Bandol rouge 2001. Ce vin est d’une grande puissance. Il a des évocations de vins du Rhône, mais les notes de garrigue et d’olives noires nous ramènent sûrement dans sa belle région. L’année 2001 est de grande réussite pour ce Bandol à la richesse extrême. Les vins du sud vieillissent bien.

Pour la tarte aux mirabelles du jardin, j’ouvre un Champagne Salon 1997. Quel bonheur de boire ce champagne racé, vif, frais et entraînant. L’année 1997 est en pleine maturité et sérénité. J’adore ce Salon, blanc de blancs de grande noblesse.

Magistral Grand Siècle dimanche, 2 août 2020

Le champagne est l’ami des étés chauds. J’ouvre un Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année qui dont avoir été dégorgé il y a une quinzaine d’années, ce que confirme le bouchon au cylindre parfaitement droit.

Il y a des noix de cajou épicées, des olives superbes, des rillettes de sardines que l’on tartine sur des gressins, et des noix de pécan. Alors que le champagne était bien au frais, le bouchon saute tout seul dès que la grille du muselet ne le retient plus. La bulle est très active. La couleur commence à avoir un or intense.

Le nez du champagne est lui aussi intense, riche et profond. En bouche ce champagne montre une largeur extrême, une plénitude confiante et malgré sa puissance, il sait rester d’un romantisme qui m’émeut. Peut-on trouver champagne plus parfait ? On trouvera d’autres formes d’expressions, mais celle-ci, féminine, puissante et romantique est unique.

Ce sont les olives Kalamata qui prolongent le mieux le goût du champagne. A table il y a un poulet juste rôti, avec un écrasé de pommes de terre qui baigne dans une huile douce. C’est cette purée qui épouse la douceur du champagne, lui donnant de la longueur.

Une salade de pêches et de brugnons offre une acidité qui convient au champagne, décidément à l’aise en toute circonstances. La lune presque pleine a illuminé la mer de myriades de diamants, lui donnant une teinte argentée, la même que celle de l’étiquette de ce merveilleux champagne.

Les vins du sud sont superbes quand ils ont de l’âge samedi, 1 août 2020

Nous recevons des amis, dont une vigneronne qui possède un Grand Cru dans l’appellation Margaux. Plutôt que de leur proposer des vins classiques ou conventionnels, j’ai envie de leur faire goûter des vins de la région et de leur montrer à quel point l’âge sourit à ces vins que l’on boit beaucoup trop jeunes. Il y aura deux compétitions entre Côtes de Provence et Bandol, une fois pour des rosés et une fois pour des rouges.

Le menu du déjeuner est : Pata Negra, lomo, anchoïade, tapenade, anguille fumée pour l’apéritif, puis cœur de saumon / rôti de veau basse température, flan à la courgette / fromage Jort / salade de fruit avec mangue, abricot, grains de raisin et fruit de la passion.

La première confrontation est entre le Château de Pibarnon rosé Bandol 2004 et le Clos Cibonne Cuvée Prestige Caroline Tibouren Côtes de Provence 2013. La couleur du Pibarnon est rose orangé profond. Le nez est intense. Ce qui frappe immédiatement, c’est la rondeur et la cohérence de ce vin abouti. Il est d’une belle maturité, riche et complexe. C’est un grand vin. L’ami qui boit ce rosé jeune est subjugué par la différence entre ce qu’il a coutume de boire et ce breuvage divin, riche et sensuel.

Le Clos Cibonne a une couleur plus claire, plus rose pâle. Le nez est aussi intense. En bouche ce vin est un conquérant. Il veut s’imposer au palais. Il est riche, plus fonceur que le Pibarnon. Les deux vins conviennent à l’apéritif, et lorsqu’ils sont en face du saumon, c’est le Pibarnon qui s’impose, car il profite du gras du saumon pour offrir une longueur impressionnante. Les deux vins sont très différents. Le Pibarnon est plus un rosé et le Tibouren est plus un vin puissant qui pourrait se marier à beaucoup de plats très forts. Le gagnant de cette confrontation est le Pibarnon.

Sur le veau fondant à souhait, deux vins rouges sont servis, Rimaureq Côtes de Provence 1991 et Domaine des Baguiers Bandol 1989. Le nez le plus riche et complexe, envoûtant est celui du Baguiers. Le Rimauresq est surprenant tant il est grand. Il est accompli, à une maturité parfaite et s’il a les attributs des vins du sud comme la garrigue et le romarin, ses accents truffés suggèrent un noble Bordeaux. Je suis surpris qu’il soit d’un tel niveau.

Le Baguiers a une robe légèrement tuilée, au sang moins vif que celui du Côtes de Provence. Le vin est plus lourd, plus riche et a quelques accents de cuir et de café. Si l’on veut comparer, ce vin serait plus bourgogne, évoquant un puissant Musigny. Les deux vins sont d’une qualité idéale, mais le cœur penche vers le Rimauresq plus raffiné. Sur le fromage Jort, le 1991 forme un accord parfait, presque aussi brillant qu’avec un jeune Vega Sicilia Unico. Les étiquettes annonçaient 12° pour le Rimauresq et 12,5° pour le Bandol. Il faudrait ajouter au moins 2° à chacun.

La salade de fruit forme un accord transcendantal avec le Champagne Perrier-Jouët rosé 1969. Le bouchon de champagne est parfait comme le niveau. La couleur est d’un rose charmant. La bulle est rare mais le pétillant est fort. Ce champagne est un vrai bonheur. Et l’acidité du dessert lui donne une longueur infinie.

La vigneronne classe : 1 – Rimauresq, 2 – Pibarnon, 3 – Perrier-Jouêt. J’ai le classement inverse car mon palais est plus habitué aux champagnes anciens. J’avais pour ambition de montrer que les vins du sud profitent du vieillissement. La démonstration est réussie, dans une belle atmosphère amicale d’été.

Deux splendides Pauillac 1990 samedi, 25 juillet 2020

L’amie que nous avions reçue il y a peu nous invite chez elle et nous reçoit avec son fils. Elle a mis les petits plats dans les grands. Pour l’apéritif nous aurons du saumon fumé, de délicieux morceaux de camerones servis avec des œufs de caille, du foie gras à la figue, et des tranches de jambon fumé.

Le Champagne Deutz, Cuvée William Deutz 2002 est plaisant et confortable. Comme l’Amour de Deutz il a un splendide équilibre qui fait que l’on se sent bien en le buvant. Il est moins complexe que l’Amour de Deutz, mais son épanouissement le rend convaincant. Il est très agréable.

Depuis la mort de son mari, notre amie a très peu acheté de vin et elle me proposer d’aller avec son fils choisir le vin du repas en cave. Elle nous a annoncé les plats. Sans nous être concertés avant, nous pensons tous les deux à Pauillac. Et notre choix se porte sur Château Pontet-Canet 1990.

Sur les pommes de terre à la truffe, le Château Pontet-Canet 1990 est la quintessence d’un bordeaux élégant. Il est fort, puissant, évoque la truffe, mais surtout il a atteint une maturité parfaite. Il a trente ans et semble fait pour l’éternité. C’est un très grand vin aux accents riches de truffes. Il est raffiné, élégant et complexe. Il est au-dessus de l’idée que je m’en faisais.

Pour les tranches de foies gras poêlés aux copeaux de pomme et un écrasé de pomme de terre, il faut retourner en cave et le choix le plus pertinent est un autre Pauillac, Château Haut-Bages Averous 1990. Ce vin est aussi brillant, aidé par le millésime exceptionnel et ce qui est amusant est que mon amie et son fils préfèrent le Haut-Bages Averous qui est plus facile d’accès alors que je préfète le Pontet-Canet, plus complexe et plus vif. Comme quoi le goût est subjectif.

Le brie fourré à la truffe est absolument délicieux et s’accorde parfaitement au Pauillac.

Cela fait bien plus de quarante ans que je n’avais mangé une glace Mystère recouverte de praliné croquant. Quel plaisir de renouer avec des souvenirs car il fut une époque où le Mystère était souvent présent sur nos tables. Un vrai bonheur que ce dessert à la vanille avec un peu de meringue. Il a parachevé ce repas d’amitié où deux Pauillac de 1990 ont été particulièrement brillants.

Amour de Deutz 2009 samedi, 25 juillet 2020

Nous retournons au restaurant Hemingway à La Londe des Maures qui est situé sur une vaste plage de la baie d’Hyères. Nous aimons l’ambiance et l’atmosphère et nous avons la chance d’avoir un serveur très compétent. Ayant eu beaucoup de plaisir avec le champagne lors de la dernière visite, je commande à nouveau un Champagne Deutz Amour de Deutz 2009.

Le menu sera : Dim Sum raviolis crevettes, sauce thaï et sauce piment / thon mi- cuit au curry Madras, champignons sautés, quinoa aux agrumes, salade exotique, sauce mangue épicée / croustillants chocolat praliné Valrhona, glace vanille. Tout cela est simple et facile à manger, et les épices en abondance rendent tout délicieux.

Le champagne est une vraie réussite. On ne se pose aucune question car son équilibre est parfait et il se laisse boire, joyeux et rafraîchissant. Il participe à notre joie de venir en ce lieu qui donne du sens aux vacances en été. On en redemande !

Deux vins de 2007 remarquables samedi, 25 juillet 2020

Des amis viennent dîner à la maison et nous prenons toutes précautions pour éviter la transmission possible d’un virus qui nous aurait rejoints à l’insu de notre plein gré. L’apéritif comporte de l’anchoïade, du jambon Pata Negra, des pignons et du gouda au pesto. Le Champagne Delamotte Brut sans année sur une base de champagne de millésimes autour de 2012 est servi en magnum. Je l’ai ouvert une heure avant et il s’était exprimé par une belle explosion. Avant de grignoter les mets de l’apéritif je fais faire à chacun l’expérience de goûter une fraise puis de boire le champagne. La fraise propulse le champagne à des hauteurs insoupçonnées. Le champagne devient frais et aérien.

Le champagne est un aimable compagnon de l’apéritif, précis mais relativement peu complexe. Il est vif avec l’anchoïade et le jambon ibérique, mais essoufflé avec le gouda. J’aime beaucoup les champagnes du cousin du champagne Salon, mais je préfère leur blanc de blancs à ce brut. Il nous a aimablement désaltérés.

La première entrée est d’une coquille Saint-Jacques juste poêlée surmontée d’une fine tranche d’anguille fumée. Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2007 ouvert à 16 heures m’avait gratifié d’un parfum extraordinaire où se trouvaient des accents raffinés de fruits rouges. Le vin servi maintenant a le même parfum envoûtant. En bouche il est riche plein, dense. Certains amis lui trouvent des accents de sauternes. Je ne partage pas cette idée car le vin est résolument sec. Son ampleur est magistrale.

La seconde entrée est du cœur de saumon fumé de la maison Kaviari que ma femme et moi adorons. Le vin blanc est magistral et noble, riche et long en bouche. C’est la noblesse la plus pure du vin blanc ce Bourgogne, avec un parfum irréellement intense.

Le plat principal est un veau basse température qui a cuit tout l’après-midi, d’une tendreté rare. Il est accompagné par du riz blanc et des pignons. Le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau magnum 2007 a été aussi ouvert à 16 heures et m’avait offert un parfum aussi riche et raffiné que celui du Chevalier-Montrachet. Le vin servi dans les verres embaume. Ce vin a toutes les qualités d’un grand Châteauneuf. Il est riche et intense, offre de la garrigue et du romarin et aussi des suggestions d’olives. Sa râpe est très agréable. L’accord avec le plat est idéal. Ma voisine qui avait gardé un peu de vin blanc me dit que l’accord du veau et du vin de Bouchard est aussi très grand, ce que j’imagine volontiers.

Le vin se comporte mieux sur un camembert Jort que sur un saint-nectaire dont le côté crémeux freine le vin du Rhône.

Sur une tarte aux abricots j’ouvre sur l’instant un Champagne Dom Pérignon 2004 qui brille par sa fraîcheur et son élégance. C’est un champagne qui convient à toutes les situations, à la belle complexité.

Les vedettes de ce repas sont les deux vins de 2007, quasiment ex-aequo, avec peut-être une courte longueur d’avance pour le Chevalier-Montrachet à la richesse infinie.

Premier dîner post confinement avec une amie jeudi, 16 juillet 2020

C’est la première fois que nous recevons à la maison depuis quatre mois, du fait du confinement. Nous invitons une amie qui a perdu récemment son mari et qui m’avait offert il y a quelques mois une bouteille de vin de la cave de son mari, afin que nous la buvions à sa mémoire.

L’apéritif consiste en des tranches fines de poutargue présentée enveloppée dans de la cire d’abeille au lieu de la cire blanche habituelle. Cette poutargue ou boutargue est particulièrement bonne. Il y a aussi de fines tranches de Cecina de Léone, et un gouda au pesto. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 a un bouchon qui sort sans effort, en faisant un pschitt bien marqué. La couleur est d’un ambre clair et la bulle est active. Le premier mot qui me vient à l’esprit avec ce champagne, c’est « confortable ». Cet Henriot est extrêmement consensuel au sommet de la qualité. Il y a des champagnes plus vifs ou plus typés, mais celui-ci apporte de la joie de vivre et de la sérénité. Il est grand, aimable et confortable. Il est aussi gastronomique, à l’aise sur chaque saveur de l’apéritif. Si je devais imager ce champagne, ce serait Gary Cooper, acteur élégant et consensuel.

L’entrée est de foie gras. Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1975 ne fait aucun pschitt à l’ouverture. La bulle est fine mais rare, la couleur est un peu plus ambrée que celle de l’Henriot. Le champagne est noble et plaisant, un peu plus complexe que l’enchanteleur, mais il n’est pas avantagé d’être servi après le 1996. Il aurait fallu inverser l’ordre de service, car le Mumm montre des signes de vieillesse. Il a en lui de beaux fruits orangés, une belle vivacité, mais le champagne Henriot lui fait un peu d’ombre.

C’est avant 16 heures que j’avais ouvert le cadeau de notre amie. Le Château Lafite-Rothschild 1988 a un niveau dans le goulot, à moins de deux centimètres sous le bouchon. Estimant que son âge est faible j’imagine pouvoir tirer le bouchon avec un classique limonadier. Je tire doucement, avec beaucoup de précautions mais à un moment, je sens que le bas du bouchon se déchire et je n’extirpe que les quatre cinquièmes du bouchon, la lunule du bas restant en place. Je me prépare à utiliser une longue mèche pour faire sortir la lunule, et j’entends comme une explosion. Des gouttes de vin sortent d’un coup et arrosent la table dans un périmètre de cinquante centimètres, pour une seule raison : en tirant doucement, j’ai créé une dépression de l’air sous le bouchon. La lunule était remontée, puis aspirée par la dépression, lâchant des gouttes de vin par le goulot. Ce phénomène surprenant m’était déjà arrivé mais j’avais oublié que c’était possible. Si j’avais utilisé la longue mèche dès le début, cet incident ne serait pas survenu.

J’essaie sans y croire de piquer une mèche dans la lunule, mais elle tombe dans le liquide. Il faut donc carafer le vin puisqu’il ne sera bu que dans six heures. En versant le vin en carafe je vois qu’il y a un peu de lie. J’arrive à faire sortir la lunule, je nettoie la bouteille et je verse le vin carafé dans la bouteille, constatant que le niveau n’a pratiquement pas baissé, les fines gouttes explosées ne représentant qu’un volume très faible.

Sur des côtelettes d’agneau aux herbes de Provence, je verse le Château Lafite-Rothschild 1988. La couleur est très jeune, presque noire. Le nez est puissant de charbon ou de mine de crayon. On sent la densité que ce vin promet. En bouche, le vin est noble, racé, puissant et conquérant. C’est manifestement un grand vin, mais peut-être – et je suis sans doute exagérément critique – un peu trop « propre sur lui ». C’est-à-dire qu’il est le premier de la classe, ayant réponse à tout, mais que les jeunes filles vont ignorer dans les surprises-parties, parce qu’il n’est pas assez canaille.

Riche, truffé et dense, c’est un vin parfait, un peu trop lisse pour que j’en tombe définitivement amoureux.

Un délicieux moelleux au chocolat à la densité calorique d’un trou noir a parachevé ce premier dîner d’amitié après quatre mois de confinement. Quel bonheur !