Master Class Le Génie du Vin au Grand Tasting mercredi, 4 décembre 2019

Le grand événement du Grand Tasting, c’est la Master Class « Le Génie du Vin » dont c’est la quatorzième édition. Les vins ont été choisis par Bettane et Desseauve pour représenter la magie du vin.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs magnum 2002 a été dégorgé en 2013. Le nez est très noble. Il a une belle vivacité, un beau pétillant. Evoquant la crème ou le beurre, il est tout en finesse, avec un dosage parfaitement intégré. Ce que j’aime, c’est la précision et la vivacité. Frédéric Panaïotis parle de ‘tendresse’. La bulle n’est pas agressive. Alphonse Mellot lui trouve de la truffe. C’est un champagne noble.

Le Sancerre Cuvée Edmond domaine Alphonse Mellot blanc 2002 est présenté par Alphone Mellot, ce que l’on aurait pu dire depuis 19 générations car tous les Mellot s’appellent Alphonse. La cuvée Edmond a été créée en 1982 car le père d’Alphonse s’appelait Alphonse Edmond. Le nez est extrêmement intense et vif. Ce vin combine plénitude et largeur. Il a un peu de perlant en milieu de bouche, signe de jeunesse. Il est très minéral avec un finale de viennoiserie. Il a un esprit crayeux et Alphonse parle de truffe et de sous-bois. Le vin est un peu strict mais très agréable. Les vignes ont entre 90 et 108 ans et l’élevage s’est fait à 100% en barriques neuves.

Le Volnay Clos des 60 Ouvrées domaine de la Pousse d’Or rouge 2002 est présenté par Benoît Landanger dont la famille possède le domaine qui a appartenu à une époque à la famille Duvault-Blochet qui était propriétaire de la Romanée Conti. Le Clos des 60 ouvrées, un monopole, est selon Michel Bettane la partie la plus originale des Caillerets. La couleur du vin est très pâle. Le nez est de grande fraîcheur, comme pour un vin de l’année. L’attaque est très belle, le fruit explose en bouche avec un grand raffinement. Le finale est strict, poivré, assez fermé. C’est le fruit de milieu de bouche que je préfère, que le finale n’a pas. Le vin est étonnamment jeune. Il lui faudra bien trente ans pour qu’il s’épanouisse. Michel Bettane parle d’un vin tendre et Thierry Desseauve le dit voluptueux et sensuel. Il est nettement plus ouvert après quelques minutes dans le verre.

Le Clos de la Roche Domaine Dujac 2009 est présenté par Jérémy Seysses dont le grand-père, propriétaire des biscuits Belin, a acheté la propriété en 1967. Le nez est d’une rare intensité. La couleur est assez claire. Le vin est suave, gourmand, très agréable, très lisible et doux. Le finale est plus discret mais révèle de belles épices. Il a une grande persistance aromatique en bouche et quelque dix minutes plus tard, il est splendide.

Le Barolo Giuseppe Rinaldi Brunate Le Coste rouge 2009 est présenté par le grand expert Enzo Vizzari, italien au cœur bourguignon. Le vin a une belle couleur d’un rouge plus foncé que les précédents. Le nez très intense est aussi très tendu. La bouche est riche avec des fruits un peu confits ou plutôt raisins de Corinthe. Le vin est riche, plein, charmeur et gourmand. Est sa longueur est infinie. On ne le sent pas encore intégré et assemblé. Il va lui falloir plusieurs années pour devenir cohérent. Ainsi, dix minutes plus tard, l’alcool est encore dissocié et on sent comme une grappa en bouche.

La Côte Rôtie La Mouline E. Guigal 2009 est présentée par Philippe Guigal dont le grand-père, Etienne a créé la maison en 1946. Etienne a fait 67 récoltes, Marcel en a fait 49 et Philippe, si jeune, a fait 27 récoltes. L’appellation Côte Rôtie qui faisait 60 hectares il y a cinquante ans en fait 300 hectares aujourd’hui. La Mouline est sur la Côte Blonde, sur des schistes. La syrah sur calcaire est fine, plus ‘bourguignonne’ qu’ailleurs. Il y a 11% de viognier. L’âge moyen des vignes est entre 80 et 85 ans, avec quelques pieds qui datent de 1893 de la première plantation après le phylloxéra. Depuis 1966 le vieillissement est de 40 mois en fût neuf, ce qui serait une tradition d’il y a trois siècles.

Le vin a un nez très frais, pur et charmant. La bouche est claire, cohérente, lisible, toute en fraîcheur. Le vin est grand et paraît facile tant il est à l’aise. Il est d’une belle acidité, agréable, combinant velours et volupté.

Le Château Batailley Pauillac 1961 est un vin de la famille Borie Castéja. Il est présenté par Axel Marchal que j’ai connu lorsqu’il était encore à l’école Normale Supérieure, et que Michel Bettane présente comme le futur Emile Peynaud. Peut-on imaginer qu’un domaine présente un vin de 1961 pour une assemblée de cent personnes ? Le nez est très profond, un peu strict mais prometteur. C’est un nez de vin noble. La couleur est encore rouge et très belle, sans tuilé. L’attaque est très douce, suave. La bouche est de grande qualité. Le finale est bien frais, sapide. Il a une très belle longueur et paraît jeune car il est bien cohérent et assemblé. Il est de belle race avec des accents de truffes, vif et de grand équilibre. Il sait même être gourmand.

Le Château Coutet Cuvée Madame Barsac 2009 est présenté par Philippe Baly qui possède le château qui a appartenu à la famille Lur-Saluces jusqu’en 1929. La Cuvée Madame provient d’une parcelle particulière que les vignerons vinifiaient pour l’offrir à Madame, la femme du propriétaire. Cette cuvée exceptionnelle n’est faite qu’une année sur quatre environ. Le nez est superbe et gracieux. On sent la puissance, mais contenue. Ce vin est d’une infinie fraîcheur. Il est magique, et parfait. Il est incomparable avec les autres vins tant il semble d’une autre dimension de vins dont tout est parfait.

De cette dégustation je retiendrai qu’ils sont tous bons, mais je place loin devant le Coutet, puis Le Batailley 1961 et la Mouline 2009 à un grand niveau d’excellence, suivis par le Ruinart 2002 et le Dujac 2009. Ce fut une Master Class d’une grande générosité présentée par des vignerons passionnants.

photos des vignerons qui présentent leurs vins. selon les angles de prises de vue, les chevalet avec les noms ne sont pas représentatifs des vignerons photographiés

Tours et détours au Grand Tasting le 1er jour mercredi, 4 décembre 2019

Au Grand Tasting il y a un atelier gourmet qui fait se rencontrer le domaine Chante Cocotte de Régis Franc et le restaurant Solstice du chef Eric Trochon. Il se trouve que j’échange sur Instagram avec le truculent vigneron. Je jette un œil, on me tend un verre et je m’assieds face à deux jeunes femmes. Le vin La Petite Cocotte rouge vin du pays d’Oc 2015 est généreux et gourmand et je dis à ces deux jeunes dames : pour ce vin il faut une joue de bœuf. Quasi en même temps on annonce que le plat prévu est une joue de bœuf. Les deux dames me disent « vous aviez lu le programme ». Or il n’y a rien d’écrit dans le programme. C’est sans doute une évidence et l’accord s’est trouvé magiquement.

La Master Class à laquelle j’assiste ensuite est celle du Château Grand Corbin-Despagne avec le titre :  »un terroir, une famille, 200 ans d’histoire », présentée par François Despagne.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 2009 est un peu rêche, de belle construction et de belle charpente.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 2010 est plus doux, plus rond, doté d’un beau finale.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 1989 est de belle ampleur, d’un bel équilibre mais un peu astringent.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 1990 est frais, fluide, très agréable.

La comparaison des couples de ce vin à vingt ans de distance est intéressante. Ce Saint-Émilion est ciselé et pur, sans grande largeur mais de belle émotion. C’est le 2010 que je préfère des quatre, opinion que partage Michel Bettane.

Le Grand Tasting, c’est aussi les visites que l’on peut faire aux stands. N’ayant pas eu le temps d’assister à la Master Class sur Veuve Clicquot, je me présente au stand et l’on me fait le grand honneur de me faire goûter le Champagne Veuve Clicquot jéroboam 1989. Le nez est à se damner tant il a d’intensité. C’est époustouflant. En bouche le champagne est parfait, incisif et large, profitant à plein du format du flacon. Ce champagne est une merveille. Avec le Penfolds Grange 2005, cela fait deux merveilles le même jour. J’allais en avoir une troisième.

En passant au stand de la maison Hugel je rencontre des héritiers Hugel avec qui j’évoque le Traminer 1900 que Marc Hugel avait apporté au dîner de vignerons récent. Et l’on me fait signe discrètement pour pouvoir me verser un liquide épais et noir. Il s’appelle Patience de Riesling Hugel 1996 mis en bouteille en 2016. Il s’agit d’un vin de paille et j’ai appris que l’Alsace n’a pas le droit d’utiliser cette dénomination, d’où le nom « Patience ». Ce vin de paille est tellement concentré qu’il est noir et d’un sucre débordant. Mais sa persistance aromatique en fait un élixir olympien. Il est riche et indélébile. Et je l’adore. Il n’en a été fait que 318 demi-bouteilles. Un nectar !

Passant au stand du Clos des Fées je rencontre Hervé Bizeul, qui entre autres est l’initiateur de ce qui s’appelle aujourd’hui Vinapogée qui permet de goûter des vins de vignerons à un stade de belle maturité. Hervé agite une cloche qui indique qu’il va ouvrir une Petite Sibérie. Quelques initiés comprennent le message et nous goûtons une Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages 2013 je crois, qui a la fraîcheur que seuls les grands vins peuvent avoir.

Grand Tasting présentation de Penfolds Grange mardi, 3 décembre 2019

La date de l’académie des vins anciens avait été fixée à la veille de l’ouverture du Grand Tasting de Michel Bettane et Thierry Desseauve, le rendez-vous incontournable des amoureux du vin. Cela s’est révélé judicieux car j’ai pu retrouver au Carrousel du Louvre plusieurs académiciens. Au Grand Tasting, on peut visiter un très grand nombre de stands de vignerons prestigieux et assister à des Master Class à thèmes, et participer aussi à des ateliers gourmets et gourmands.

La première Master Class à laquelle j’assiste est celle de Penfolds, animée par David Cobbold, dont j’ai pu apprécier la grande érudition sur les vins australiens. Penfolds est dans une région du sud de l’Australie qui fut la première à ne plus être pénale mais libre. Le couple Penfolds arrive en 1844. Ils achètent 200 hectares de terres. Lui est médecin et fait des vins médecins, c’est-à-dire doux, auxquels on ajoute des herbes médicinales. Sa femme développe la vigne peu importante en Australie à l’époque, au point que Penfolds représentait la moitié de la production viticole d’Australie.

On faisait surtout des vins doux et lorsque Max Schubert a suggéré de faire le vin rouge Penfolds Grange, on lui a demandé d’arrêter. Il l’a fait en cachette, contre l’avis des actionnaires pendant plus de dix ans, et quand on s’est aperçu de sa valeur gustative, le vin a été adoubé. Peter Gago, vinificateur actuel a continué l’œuvre de Max Schubert.

Nous goûtons le Saint Henri Barossa Valley Magill Estate 2005 rouge au fruit un peu rêche, au finale assez joli et frais, astringent. Ce vin ne cherche pas à séduire, ce qui ne me déplait pas.

Le Saint Henri Barossa Valley Magill Estate 2015 rouge est plus vif, plus frais à l’attaque, mais le boisé est le même. Les deux sont assez austères, faits de 90% de syrah. Ils ne sont pas très excitants, faits de poivre et de bois, et demanderaient des plats pour les exciter. Le 2015 est meilleur du fait de sa fraîcheur.

Le saut qualitatif est gigantesque avec le Penfolds Grange 2005. Le nez est magnifique, d’une douceur rare, du velours. En bouche l’attaque est fraîche et le finale est mentholé, anisé. Ce vin est fabuleux, au finale très frais.

Les étiquettes de Penfolds Grange comportent un numéro de BIN qui veut dire : « Batch Identification Number », qui est un numéro de lot. Ce n’est pas un numéro d’écart qualitatif.

Le Penfolds Grange 2015 a un nez beaucoup plus discret. Il n’a pas la douceur et le velours. Mais le nez a la même noblesse. L’attaque est fraîche et timide, le milieu de bouche est très équilibré. Le finale est très frais. Je suis étonné de l’écart qualitatif entre le 2005 et le 2015, le plus ancien étant nettement plus brillant. A l’aération le Saint Henri 2005 devient meilleur.

En quittant la Master Class je me dis que le Penfolds Grange 2005 à lui tout seul illumine ma journée. Il va y avoir d’autres belles lueurs.

33ème séance de l’académie des vins anciens mardi, 3 décembre 2019

La 33ème séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo. J’arrive vers 16 heures au restaurant pour ouvrir les vins. Je serai progressivement rejoint par quelques fidèles qui m’ont aidé pour peut-être un cinquième des vins. Il y a une proportion assez incroyable de vins dont le bouchon se brise en dizaines de morceaux. Est-ce lié à des conditions atmosphériques locales, je ne sais pas mais je suis de plus en plus étonné de voir une convergence dans le comportement des bouchons. Comme toujours les parfums sont variables et ne sont pas forcément liés à la réputation ou à la noblesse des vins. Ainsi un Pommard Epenots 1952 et un vin d’Algérie 1930 me sont apparus comme de petites merveilles olfactives.

Ouvrir les vins donne soif aussi avons-nous ouvert le Champagne Lebrun de Neuville Brut sans année prévu pour l’apéritif sans attendre l’arrivée des convives. Un dosage un peu fort et torréfié empêche de profiter de ce champagne. Nous ouvrons ensuite le Champagne Lebrun de Neuville millésimé 2003 plus accessible mais aussi gêné par son dosage.

Les académiciens arrivent et sont tous à l’heure. Nous sommes 29 et nous allons nous partager une soixantaine de vins, ce qui est au-dessus des normes de l’académie. Nous serons répartis en trois tables et voici le programme de la soirée :

Apéritif : Champagne Lebrun de Neuville Brut sans année, Champagne Lebrun de Neuville 2003, Champagne Delamotte Blanc de Blancs sans année, Champagne Legras & Haas Blanc de Blancs Jéroboam 1992.

Vins du groupe 1 : Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1986, Champagne Cristal Roederer 1959 , Chablis 1er cru Pierre Léger 1921, Kebir-Rosé Frédéric Lung Algérie 1940, Château Soutard 1/2 bt 1976, Château Pontet Canet 1929, Gevrey-Chambertin Lavaux Saint-Jacques A. Seguin & Fils 1976, Pommard Epenots Les Vins fins de Goutagny 1952, Volnay A. Noirot-Carrière 1961, Bonnes-Mares Lionel J. Bruck 1966, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, Barolo Nebbiolo 1900, Domaine de la Trappe Vin rouge d’Algérie (vidange) (don) 1920, Chateau du Vieux Moulin Loupiac 1955, Château Climens 1957, Rhum Naura (années 70).

Vins du groupe 2 : Coteaux Champenois Pol Roger sans année vers 1980, Vouvray sec Domaine Clovis lefèvre 1961, Riesling Sommerberg Grand Cru Domaine Boxler 1986, Riesling Sommerberg Grand Cru Domaine Boxler 1983, Château Soutard 1/2 bt 1976, Château Bel-Air Marquis d’Aligre 1970, Cos d’Estournel 1970, Château Franc Patarabet J.P. Barraud Saint-Emilion 1961 , Château Bouscaut Graves rouge Comte de Rivaud et V. Place 1926, Chambertin Paul Bouchard & Co vers 1925, Chateauneuf du Pape Clos du Grand Père Raoul Ginoux 1962, Champagne Lebrun de Neuville 1/2 sec 1991, Vouvray Moelleux Maurice Audebert 1921, Château d’Yquem 1966, Rhum Naura (années 70).

Vins du groupe 3 : Champagne Heidsieck Monopole Blue Top Brut # 30 ans, Muscadet Sèvres et Maine Château de la Galissonière (des années 1955 ou 59) , Puligny Montrachet Clos de la Pucelle domaine Denoune-Naudin 1961, Gewurztraminer Clos des Capucines Domaine Weinbach Théo Faller 1989, Château Soutard 1/2 bt 1976, Château Palmer 1974, Château Lestage Listrac Médoc 1967, Chateau Lestage Darquier Moulis 1955, Morey (?) Les Sorbets de négoce probable 1959, Châteauneuf-du-Pape M. Chapoutier 1956, Vin d’Algérie F. Lung 1920 (vidange) (don) , Sénéclauze rouge vin d’Algérie 1930, Château Rayne-Vigneau 1947, Muscat du Domaine de la Trappe Algérie années 50 (don), Rhum Naura (années 70).

Nous commençons l’apéritif avec le Champagne Legras & Haas Blanc de Blancs Jéroboam 1992. Il est incroyablement floral, de fleurs blanches, combinant délicatesse, fragilité et énergie, ce qui est paradoxal, avec une longueur extrême. C’est un magnifique champagne tout en grâce subtile.

Le Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum sans année est servi quand nous sommes assis. Comme le précédent il est blanc de blancs. Il a plus de vivacité mais il a moins d’énigme que le 1992 qui est beaucoup plus séducteur. Le Delamotte est un solide champagne mais plus consensuel.

Le menu préparé par le restaurant est : bœuf Angus maturé aux épices, huile de pistaches & pickles d’échalotes / poêlée de champignons à la provençale / joue de bœuf braisée, légumes blanquette / trio de fromages affinés par la maison Bordier / tarte tiède aux pommes, glace caramel.

Il n’y aura pas de construction d’accords mets et vins tant il y a de vins différents, mais la cuisine s’est montrée d’une qualité idéale pour les vins, par la lisibilité évidente des recettes.

Etant dans le groupe 1, voici quelques bribes de ce que j’ai ressenti.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1986 est très solide et cohérent, mais je ne retrouve pas ce qui fait le charme habituel des « brut Impérial », souvent exceptionnels. Il est bon, sa couleur d’or blond est belle, mais il manque de tempo.

Le Champagne Cristal Roederer 1959 d’un niveau assez bas et d’une couleur assez sombre avait fait peur à l’ami qui l’a apporté. Mais quand on fait abstraction de la couleur sombre et peu engageante, on s’aperçoit que ce champagne a une bulle plus active que celle du 1986 et qu’il offre en milieu de bouche un fruit rouge d’une rare persuasion. Et j’adore ce soldat blessé car il m’émeut.

Le Chablis 1er cru Pierre Léger 1921 étant un de mes apports, qu’on n’attende pas de moi de l’objectivité. En cave, j’avais vu à travers la bouteille poussiéreuse une belle couleur de vin. Dans le verre cette couleur est magnifique de jeunesse et le vin est extrêmement vivant, vif et joyeux. Je l’adore.

Mais le Kebir-Rosé Frédéric Lung Algérie 1940 est lui aussi d’une incroyable séduction. Tous les repères sur les vins rosés tombent car il est dense riche et il a ce soupçon de café qui est la signature des vins algériens. Lequel aimer des deux, je ne sais pas, le Chablis est délicieusement féminin et le Kebir est le mâle dominant. Aimons donc les deux.

J’ai mis à chaque table une demi-bouteille de Château Soutard Saint-Emilion 1976. A l’ouverture, les parfums n’étaient pas éblouissants. Sur table notre Soutard est plutôt sympathique avec une belle mâche, sans que l’on tombe en extase.

Le Château Pontet Canet 1929 avait une capsule neutre qui pourrait donner des doutes, mais le bouchon levait ces doutes sans ambiguïté. Le vin est tout simplement sublime car il a la puissance glorieuse des vins de 1929 qui n’amoindrit pas la subtilité du vin. On a là l’expression la plus aboutie du grand vin de Bordeaux.

Le Gevrey-Chambertin Lavaux Saint-Jacques A. Seguin & Fils 1976 est assez agréable mais je l’ai peu mémorisé, car je n’ai pas pris de notes en cours de repas.

Le Pommard Epenots Les Vins fins de Goutagny 1952 avait un superbe parfum à l’ouverture et montre une grâce extrême. J’aime ces vins qui sont tout en suggestion.

Le Volnay A. Noirot-Carrière 1961 est plus riche que ce que je pouvais m’imaginer. On m’apporte tant de vins des autres tables que je perds assez vite le fil de certains vins.

Le Bonnes-Mares Lionel J. Bruck 1966 est carré et bien construit mais je ne retrouve pas la vibration habituelle des Bonnes-Mares.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965 est un grand vin, mais l’ami qui l’a apporté fera la même constatation que moi, ce vin fort agréable n’a pas l’émotion habituelle des vins du domaine. Il est cohérent mais sans souffle.

Le Barolo Nebbiolo 1900 provient d’une bouteille qui est très ancienne et se situerait plutôt vers les années 1850, et l’étiquette d’écolier où le nom est marqué est aussi d’un usage de la moitié du 19ème siècle plutôt que de 1900. Le nez est pur, mais on ne peut pas le situer. La couleur du vin est d’un rose pâle ce qui est inattendu, et en bouche ce vin fort me fait plus penser à un blanc qu’à un rouge. Il est indéfinissable mais il a beaucoup d’intérêt car c’est une énigme. On a le même dépaysement qu’avec le Kebir-Rosé 1940.

Le Domaine de la Trappe Vin rouge d’Algérie 1920 avait un niveau extrêmement bas qui laissait prévoir une mort assumée, mais en fait ce vin qui m’a été offert par un amateur généreux non présent se montre beaucoup plus sociable, avec la solidité des bons vins algériens.

Le Château du Vieux Moulin Loupiac 1955 a une belle couleur dorée et il est d’une richesse rare. Il pourrait jouer dans la cour des grands tant il a d’énergie.

Le Château Climens 1957 est évidemment d’une plus belle lignée, mais comme ce Climens joue un peu en sourdine, le Loupiac est plus souriant. On reconnaît la subtilité du Haut-Barsac, même si elle ne s’exprime pas totalement.

Un académicien est distillateur de quetsches et a apporté deux petites fioles à goûter entre nous alors que j’avais prévu un rhum. Qu’à cela ne tienne, j’ai essayé cet alcool fort et ce qui m’a frappé, c’est qu’on ne sent pas du tout la force alcoolique tant cette eau de vie a de fraîcheur.

Le Rhum Naura (années 70) a accompagné des chocolats apportés par des amis.

Au-delà de mon programme, celui du groupe 1, on m’a apporté généreusement des verres des vins des autres tables.

Le Château Bouscaut Graves rouge Comte de Rivaud et V. Place 1926 est une splendeur d’accomplissement.

Le Chambertin Philippe Bouchard & Co vers 1925 est d’une jeunesse extrême et d’un rare équilibre.

Le Château d’Yquem 1966 est glorieux, archétype de l’Yquem accompli, dont l’apporteur savait que je l’adore.

Le Château Palmer 1974 est une belle surprise pour un vin de cette année.

Le Châteauneuf-du-Pape M. Chapoutier 1956 est d’un équilibre insolent.

Le Sénéclauze rouge vin d’Algérie 1930 pourrait être un vainqueur de la soirée tant son parfum est marqué par le sel, comme sa bouche.

Le Château Rayne-Vigneau 1947 est riche et éblouissant.

Le Muscat du Domaine de la Trappe Algérie années 50 est un palais des mille et une nuits, d’un charme sans équivalent.

La variété des vins est extrême. Chaque table a eu un programme très riche. Ce qui compte le plus c’est l’atmosphère de cette académie marquée par la générosité et par l’envie de tous d’explorer le monde fascinant des vins anciens. Ce fut sans nul doute l’une des plus belles séances de l’académie des vins anciens.

33ème séance – Académie des Vins Anciens – préparation, apéritif et repas jeudi, 28 novembre 2019

Académie des Vins Anciens – 28 novembre 2019

La préparation des groupes dans ma cave

Les champagnes d’apéritif

Champagne Lebrun de Neuville Brut sans année

Champagne Lebrun de Neuville 2003

Champagne Delamotte Blanc de Blancs sans année

Champagne Legras & Haas Blanc de Blancs Jéroboam 1991 (la date de 1992 est celle de la mise en cave)

L’alcool final Rhum Naura (années 70)

tous les vins rangés sur le comptoir du restaurant Macéo

les résultats de l’ouverture

repas

avec mon ami Jude, l’apporteur du Pontet-Canet 1929

très jolie photo (ci-dessous) prise par Jude

33ème Académie des Vins Anciens – vins du groupe 1 jeudi, 28 novembre 2019

33ème Académie des Vins Anciens – vins du groupe 1

(le Pontet Canet 1929 n’était pas présent au moment de la photo)

Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1986

Champagne Cristal Roederer 1959

Chablis 1er cru Pierre Léger 1921

Kebir-Rosé Frédéric Lung Algérie 1940

Château Soutard Saint-Emilion 1/2 bt 1976

Château Pontet Canet 1929

Gevrey-Chambertin Lavaux Saint-Jacques A. Seguin & Fils 1976

Pommard Epenots Les Vins fins de Goutagny 1952

Volnay A. Noirot-Carrière 1961

Bonnes-Mares Lionel J. Bruck 1966

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965

Barolo Nebbiolo 1900

Domaine de la Trappe Vin rouge d’Algérie (vidange) (don) 1920

Chateau du Vieux Moulin Loupiac 1955

Château Climens 1957

Rhum Naura (années 70)

33ème Académie des Vins Anciens – vins du groupe 2 jeudi, 28 novembre 2019

33ème Académie des Vins Anciens – vins du groupe 2

Coteaux Champenois Blanc de Blanc Pol Roger sans année vers 1980

Vouvray sec Domaine Clovis lefèvre 1961

Riesling Sommerberg Grand Cru Domaine Boxler 1986

Riesling Sommerberg Grand Cru Domaine Boxler 1983

Château Soutard Saint-Emilion 1/2 bt 1976

Château Bel-Air Marquis d’Aligre 1970

Cos d’Estournel 1970

Château Franc Patarabet J.P. Barraud Saint-Emilion 1961

Château Bouscaut Graves rouge Comte de Rivaud et V. Place 1926

Chambertin Philippe Bouchard & Co vers 1925

Chateauneuf du Pape Clos du Grand Père Raoul Ginoux 1962

Champagne Lebrun de Neuville 1/2 sec 1991

Vouvray Moelleux Maurice Audebert 1921

Château d’Yquem 1966

Rhum Naura (années 70)

33ème Académie des Vins Anciens – vins du groupe 3 jeudi, 28 novembre 2019

33ème Académie des Vins Anciens – vins du groupe 3

Champagne Heidsieck Monopole Blue Top Brut # 30 ans

Muscadet Sèvres et Maine Château de la Galissonière (des années 1955 ou 59)

Puligny Montrachet Clos de la Pucelle domaine Denoune-Naudin 1961

Gewurztraminer Clos des Capucines Domaine Weinbach Théo Faller 1989

Château Soutard Saint-Emilion 1/2 bt 1976

Château Palmer Margaux 1974

Château Lestage Listrac Médoc 1967

Chateau Lestage Darquier Moulis 1955

Morey (?) Les Sorbets négoce Chevillot probable 1959

Châteauneuf-du-Pape M. Chapoutier 1956

Vin d’Algérie F. Lung 1920 (vidange) (don)

Sénéclauze rouge vin d’Algérie 1930

Château Rayne-Vigneau 1947

Muscat du Domaine de la Trappe Algérie années 50 (don)

Rhum Naura (années 70)

Dîner de l’académie du vin de France au restaurant Laurent samedi, 23 novembre 2019

L’académie du vin de France tient son assemblée générale annuelle dans un des salons du restaurant Laurent. Cette réunion est suivie d’une présentation des derniers vins mis en bouteilles par les membres de l’académie, au premier étage du restaurant Laurent. C’est l’occasion de goûter mais aussi de bavarder avec les vignerons présents et leurs invités.

Les blancs sont de très grande qualité même s’ils sont jeunes. N’ayant pas noté leurs millésimes qui sont soit 2016, soit 2017 et parfois à peine plus jeune, je n’indique pas d’année quand je ne connais pas le millésime.  Le Clos Sainte-Hune Trimbach 2014 est cristallin, le Château Simone blanc est d’une belle puissance, qui cohabite très bien avec un Hermitage blanc Chave, et un rafraîchissant Riesling Egon Müller 2017.

Parmi les rouges, un très beau Beaucastel est associé à un Hermitage rouge Chave très riche. Deux vins de Dujac sont très élégants et mon chouchou, une Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2016 parle à mon cœur tant il est subtil.

Le vin rouge d’Arbois du Château d’Arlay m’a très impressionné par sa puissance et son équilibre.

Les bordeaux rouges sont très peu représentés, avec un riche Ducru-Beaucaillou et un élégant Corbin-Michotte. Les vins de Tempier, le Château Simone et le Mas Jullien sont chantants et riches.

L’exploration termine par un Jurançon Cauhapé agréable, un Egon Müller subtilement doux et un magnifique Fargues 2015 qui se boit avec gourmandise. Il y avait encore bien d’autres vins que je n’ai pas goûtés.

L’apéritif se prend dans le hall du rez-de-chaussée et je bois un Champagne version Originale Jacques Selosse d’une pureté et d’un équilibre convaincants.

Le président de l’académie, Alain Graillot remet le prix Alain Senderens qui couronne un restaurant qui doit non seulement avoir une belle cuisine et une carte des vins riche mais aussi promouvoir les accords mets et vins. Le prix couronne Jacky et Fabrice Dallais de la Maison Dallais à Le Petit-Pressigny, un restaurant près de Loches.

Le menu mis au point par des membres de la direction de l’académie du vin de France et réalisé par le chef Justin Schmitt est : pâté en croûte / quenelles de brochet sauce Nantua / mignon de veau en croûte de sel / saint-nectaire fermier / Mangue rôtie et coing poché, douceur vanille.

Quatre nouveaux membres ont été admis lors de l’assemblée générale, dont Anselme Selosse, Patrick Baudoin, Bruno Borie du château Ducru-Beaucaillou et un autre que je n’ai pas noté. Les vins du repas seront généralement, selon la tradition, ceux des nouveaux venus.

L’Anjou blanc « Le Cornillard » domaine Patrick Baudoin 2017 est un vin agréable et bien rond, facile à comprendre et bon compagnon d’un pâté en croûte servi un peu trop froid, ce qui a durci la pâte et le foie gras. Le vin se boit bien, généreux malgré sa jeunesse, et très frais.

Le Condrieu « Les Terrasses de l’Empire » domaine Christine Verney 2018 est franchement trop jeune. Il est presque perlant tant il est vert. Il a bien sûr des qualités et s’exprime sur la délicieuse sauce Nantua, mais pour le dîner de l’Académie, nous sommes plusieurs à ma table à avoir pensé qu’un vin moins vert aurait eu sa place.

Le Château Ducru-Beaucaillou Saint-Julien de Bruno Borie 2005 montre une grande puissance qui n’est pas accompagnée par une très grande émotion. On est encore dans la phase parkérienne du bordelais. Le mignon de veau est assez ferme.

Le Château Ducru-Beaucaillou Saint-Julien de Bruno Borie 2003 en revanche est beaucoup plus subtil que le 2005, beaucoup moins riche mais porteur de belles vibrations, aidé par un saint-nectaire à l’affinage parfait.

Le Quarts de Chaume « Les Zersilles » grand cru domaine Patrick Baudoin 2013 est absolument délicieux. Il est d’une grande fraîcheur et sa douceur légère combinée à une acidité bien contrôlée en font un vin doux de grand plaisir, qui se marie bien à l’excellent dessert.

Globalement il y a eu à mon goût plusieurs vins assez loin de leur période d’excellence, et la mâche de certains plats mériterait d’être retravaillée. Le chef Justin Schmitt a le talent qu’il faut pour corriger ces petits détails qui font la différence.

Les palmiers du Laurent sont les meilleurs du monde. Ghislain Mahieu, le chef sommelier a réglé le service des vins à la perfection. Nous avons regretté l’absence de Jacques Puisais qui fait toujours des commentaires sur les vins qui sont des œuvres d’art. Les discussions à ma table ont été chaudement amicales. Le dîner de l’académie des vins de France est un événement à ne pas manquer.