Les 100 plats à goûter à Paris – Le Figaro dimanche, 6 octobre 2019

Les 100 plats à goûter à Paris

Le Figaro a publié une liste des cent plats qu’il faudrait avoir goûté une fois dans sa vie.

L’initiative est intéressante et je vous suggère de le lire.

Par curiosité, j’ai regardé ceux que j’ai mangés (il y en a peut-être d’autres, mais si je ne suis pas sûr je ne les ai pas notés) : 7 11 14 16 17 21 22 23 24 25 26 66 76.

Ce qui est amusant, c’est que ceux que j’ai mangés sont très concentrés dans la rubrique « plats de mémoire » de 17 à 26. J’en ai repérés qu’il va falloir essayer. Faites de même…

Le Figaro Premium – Les 100 plats à goûter au moins une fois dans sa vie à Paris

Un beau rosé d’Anjou de 32 ans samedi, 5 octobre 2019

Notre nièce allemande est à la maison pour le week-end et j’apprends que ma femme a prévu du couscous pour le dîner. Je me souviens alors que j’avais placé dans un des réfrigérateurs de la maison un rosé d’Anjou ancien. Voilà une bonne occasion de l’ouvrir.

Le Rosé d’Anjou Domaine Fardeau à Chaudefonds-sur-Layon 1987 a un niveau à un centimètre sous le bouchon et n’a donc eu aucune perte et la couleur d’un rose intense est très engageante. J’ouvre le vin et l’odeur est comme la couleur, très prometteuse.

Je ne m’attends à rien, prêt à ouvrir un rouge si ce rosé ne convient pas. A ma grande surprise, ce rosé cohérent ne montre aucun signe d’âge. Il est riche et large et c’est seulement au niveau du finale que l’on ressent qu’il est court. Il accompagne le couscous sans aucun problème. Qu’un rosé se comporte aussi bien à 32 ans est une très heureuse surprise.

pour lire le nom de domaine

Déjeuner au Train Bleu de la Gare de Lyon vendredi, 4 octobre 2019

Ma belle-fille américaine et sa fille sont à Paris en même temps que ma nièce allemande. Il est intéressant de leur montrer l’un des restaurants les plus incroyables qui soient, le restaurant Le Train Bleu qui est au bout des quais de la Gare de Lyon. La décoration a été faite par les peintres les plus talentueux du 19ème siècle, donnant à cet espace gigantesque un cachet unique. Nous avons la table la plus centrale qui donne une vue sur les plafonds aux évocations de nombreuses villes de France.

Je demande à nouveau, comme la dernière fois, un Champagne Bollinger La Grande Année 2008 dont l’étiquette indique : élevé en fut, remué et dégorgé à la main. Le serveur qui nous a reconnus nous annonce que c’est la dernière bouteille. Nous trinquons et ce champagne me semble encore meilleur que le précédent, ample, opulent, mais aussi vif et charmant. Un grand champagne d’une grande année.

Nous prenons tous des plats différents. Les miens seront : fraîcheur de daurade et homard à la parisienne, vinaigrette de crustacés / aïoli de cabillaud vapeur, légumes d’été à l’huile d’olive des Baux de Provence / nage glacée de pêches infusées à la verveine fraîche, croustillant aux amandes.

Les plats sont superbes et bien cuisinés. La cuisson du cabillaud est absolument parfaite. Le Meursault Clos de Mazeray Monopole Domaine Jacques Prieur 2015 est généreux, joyeux, de beau fruit et de belle mâche. Il plait à mes convives car il est franc, lisible et raffiné. C’est un vin de plaisir.

J’ai poussé ma nièce à prendre un Paris-Brest qui est un péché de gourmandise à la puissance dix. Comme il est très copieux j’ai pu en goûter un morceau qui m’a donné envie de revenir au Train Bleu pour ne manger qu’un Paris-Brest qui est vraiment exceptionnel. Ce restaurant est inspirant.

Déjeuner de presse autour des vins du domaine de l’Odylée au restaurant Marsan vendredi, 4 octobre 2019

Ayant envie d’explorer la cuisine d’Hélène Darroze en vue d’un de mes dîners, je réserve une table pour moi seul, afin que je puisse étudier quelques plats et travailler ensuite avec le chef et le sommelier au menu qui accompagnerait les vins que j’ai prévu d’ouvrir. Au moment où je sors du taxi pour entrer dans le restaurant Marsan, je vois un journaliste ami, qui a participé à plusieurs de mes dîners, qui s’apprête à faire de même. Il va assister à un déjeuner de presse consacré à un domaine viticole, et je lui dis que je déjeunerai seul. Il me propose de demander que je puisse participer à ce déjeuner.

Odile Couvert, la viticultrice propriétaire du Domaine de L’Odylée accepte ma présence. Elle est extrêmement dynamique et sympathique. Il y a dans l’agréable salon qui peut accueillir une vingtaine de personnes toute la fine fleur du journalisme du vin, dont plusieurs personnes que je connais. Le domaine de l’Odylée a été créé en 2015 par Odile Couvert qui a acheté une grande maison sur 18 hectares qui comprenait 15 hectares de vignes. Chasseur de têtes de son métier, elle s’est prise d’amour pour sa vigne et à l’entendre tout au long du repas, on a l’impression qu’elle est vigneronne depuis plus de trente ans. Elle est passionnée et son enthousiasme se retrouve dans ses vins.

Voici le menu que nous avons partagé : des tastous pour titiller l’appétit : feuilles d’origan, anguille fumée, citron vert / panisse au yaourt fumé, herbes et fleurs // l’aubergine graffiti laquée au jus de miso blanc, prunelle sauvage confite, herbes et fleurs sauvages / le pigeonneau fermier cuit à la goutte de sang, flambé au capucin, betteraves, figues de Solliès, molé Poblamo / le chocolat, mon péché mignon (c’est Hélène qui l’écrit), le chocolat Carupano vient du Venezuela et s’associe au café arabica et à la citronnelle.

Tout dans ce repas m’a enchanté. Les amuse-bouches sont d’une mâche précise et le premier d’entre eux à l’anguille se marie parfaitement au Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Tempétueuse 2018. Ce vin en 100% syrah est simple, précis et ne veut pas sur-jouer. Je l’adore dans sa franchise.

On nous sert ensuite un Côtes du Rhône rosé Domaine de l’Odylée 2018 et je suis particulièrement impressionné par ce rosé très expressif. La vigneronne nous dira en cours de route qu’elle cherchera à améliorer ce rosé. J’aurais tendance à lui suggérer de ne rien faire, tant ce rosé a tout pour être apprécié tel qu’il est.

Nous continuons l’apéritif avec le Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée L’Impétueuse 2018, aussi en 100% syrah qui me plait moins que le premier, mais va s’animer sur l’excellente aubergine dont la texture est remarquable. Nous aurons par la suite les vins suivants : Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Audacieuse 2017, Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Talentueuse 2017 et Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Généreuse 2017. Ils sont tous intéressants à des degrés divers, et mon chouchou restera le premier des rouges pour la précision de sa définition et surtout pour le fait qu’il ne veut pas trop en faire.

Ce qui me frappe, c’est la précision des accords. Les vins ont été chaque fois sublimés par les plats. Le pigeon est généreux et d’une tendreté extrême. Tout a été réussi dans ce repas, l’ambiance créée par la vigneronne est entraînante, et les deux plats majeurs ont été d’une justesse absolue. Le domaine de l’Odylée est promis à un bel avenir sous l’autorité d’Odile Couvert.

Ce repas est un bon présage pour le projet de repas que j’ai étudié ensuite avec le chef Hugo Bourny et avec le sommelier Baptiste Ducassou. A suivre.

Colloque sur l’avenir du vin et de la restauration vendredi, 4 octobre 2019

Un colloque est organisé au siège parisien de la Kedge Business School en collaboration avec l’Ecole Hôtelière de Lausanne dont le sujet est : « le marché viticole en pleine mutation : l’hôtellerie et la restauration au cœur de l’équation. Synergies et stratégies de succès ».

La présence de Philippe Faure-Brac et de Jean-François Piège comme animateurs ainsi que le directeur général de l’hôtel The Peninsula Paris, Mauro Governato, m’a poussé à y assister et le principal message que j’ai reçu de ces intéressantes discussions est que le monde bouge à une vitesse que nous n’imaginons pas et que les grands principes culinaires doivent être remis en cause en permanence.

Il faut de temps à autre écouter ceux qui ont une vision globale et sur le long terme. Le directeur du Peninsula observe en permanence les attentes de sa clientèle exigeante. Je n’imaginais pas la taille de la Business School Kedge.

Le monde bouge, mais on boit les vins de plus en plus jeunes, ce qui me navre et que je me suis permis d’exprimer.

Les chiffres impressionnants de l’école KEDGE

le directeur général de l’école José Milano

des précisions sur les deux écoles :

A propos de l’Ecole hotelière de Lausanne :

L’EHL, Ecole hôtelière de Lausanne, est l’ambassadrice de l’hospitalité traditionnelle suisse et fait figure de pionnier dans l’enseignement de l’hospitalité depuis 1893 avec plus de 25’000 anciens élèves dans le monde et plus de 120 nationalités. L’EHL est la première école de gestion hôtelière au monde qui offre des programmes académiques sur ses campus de Lausanne et de Chur-Passugg, ainsi que des solutions d’apprentissage en ligne. L’école est classée n°1 par QS World University Rankings par sujet et CEOWorld Magazine, et son restaurant gastronomique est le seul établissement éducatif au monde à détenir une étoile Michelin.

A propos de KEDGE Business School :

KEDGE Business School est une Ecole de management française de référence présente sur 4 campus en France (Paris, Bordeaux, Marseille et Toulon), 3 à l’international (2 en Chine à Shanghai et Suzhou, et 1 en Afrique à Dakar) et 3 campus associés (Avignon, Bastia et Bayonne). La communauté KEDGE se compose de 12 600 étudiants (dont 25% d’étudiants étrangers), 183 professeurs permanents (dont 44% d’internationaux), 275 partenaires académiques internationaux et 65 000 diplômés à travers le monde. KEDGE propose une offre de 36 formations en management et en design pour étudiants et professionnels, et déploie des formations sur-mesure pour les entreprises au niveau national et international. Membre de la Conférence des Grandes Ecoles et accréditée AACSB, EQUIS et AMBA, KEDGE Business School est une institution reconnue par l’Etat français, avec des programmes visés, et labellisée EESPIG. KEDGE est classée par le Financial Times 35ème meilleure Business School en Europe et 36ème mondiale pour son Executive MBA.

Nouveau dîner de famille avec des vins plus classiques vendredi, 4 octobre 2019

Le soir même, un nouveau dîner réunit à la maison mon fils et ma nièce allemande. Pour elle on va explorer la cuisine de la France profonde, puisqu’il y aura des rillettes, des andouillettes avec un gratin de pommes de terre et des fromages. Le Champagne Salon 1999 est pour moi une heureuse surprise. Je considérais jusqu’à présent qu’il était encore trop jeune, or il offre une belle sérénité et de beaux fruits jaunes. Il est plein, glorieux et agréable à boire. Bien sûr il va encore s’épanouir, mais il est déjà d’un bel aplomb.

On se régale avec les rillettes et ce Salon. Pour les andouillettes j’ai ouvert peu avant le dîner un Vega Sicilia Unico Ribeira del Duero 1991. Le niveau dans le goulot est très haut et c’est une caractéristique de ce vin, comme des Côtes Rôties de Guigal de n’avoir quasiment jamais de pertes de volume. La couleur du vin est très rouge foncé et le parfum est d’une belle jeunesse, très intense et expressif.

En bouche ce qui me fascine toujours, c’est le finale. Car le parcours en bouche est riche, opulent, fait de beaux fruits noirs, et le finale au contraire est d’une fraîcheur presque mentholée. On ne dirait jamais que ce vin a 28 ans car il en paraît trois fois moins. C’est un régal dont on ne se lasse pas.

Les deux grands vins de ce soir ont des caractéristiques communes. Ils sont racés, riches et faciles à comprendre. C’est ce qu’il fallait pour ce repas aux plats typiquement français.

déjeuner au restaurant Pages avec un instant d’une émotion infinie vendredi, 4 octobre 2019

Un ami fidèle de mes dîners m’invite à déjeuner au restaurant Pages. Il apporte un champagne et je choisis en cave deux demi-bouteilles de vins très dissemblables pour voir comment ils se comporteront.

J’arrive à 11 heures au restaurant pour ouvrir mes vins. Le Moulin-à-Vent Roy Père & Fils demi-bouteille 1929 a un niveau exceptionnel qui me fait penser que le vin a été reconditionné. La bouteille est soufflée et donc très ancienne, au cul profond. Le bouchon vient entier mais en tirant très fort car le goulot n’est pas cylindrique. Ce bouchon doit être des années 50. La couleur m’avait impressionné à l’achat car elle est splendide. Le vin sent bon. Nous allons très probablement nous régaler. Le Château Haut-Bailly demi-bouteille 1982 a un niveau très haut dans le goulot. La capsule m’indique que le bouchage est d’origine. Le bouchon vient entier aussi, avec beaucoup de résistance car le bouchon est plus large que le goulot et a été comprimé pendant 35 ans. Le parfum à l’ouverture est splendide.

L’ouverture ayant duré peu de temps, je peux boire selon la tradition qui suit mes ouvertures une bière et des édamames qui sont d’agréables mises en appétit. Un peu avant midi Lumi réunit toute l’équipe de cuisine pour réviser les plats qui seront servis et tenir compte des particularités des différentes tables. On sent une cohésion et un engagement de chacun qui font plaisir à voir. C’est le chef Ken qui m’a proposé le pigeon, non prévu au menu, pour accompagner mes vins.

Mon ami arrive et nous trinquons au Champagne Pommery Cuvée Louise rosé 1980. Ce champagne se distingue par un équilibre et une sérénité rares. Tout en lui est magnifiquement mesuré et dosé. C’est un beau champagne gratifiant et gastronomique. On se complait à le boire. Et c’est assez intéressant de constater que le champagne 1980 d’hier et ce rosé montrent que l’année 1980 réussit aux champagnes, ce qui n’est pas tellement la réputation de ce millésime.

Le menu est ainsi rédigé : Otsumami : parmesan et poire / Céviche / betterave raifort // caviar Daurenki, mousseline de pomme de terre, esturgeon fumé / risotto d’épeautre, girolles, potiron, homard, œufs de saumon / raviole de foie gras, anguille caramélisée, cèpe poêlé / cabillaud confit, navet blue meat, sauce umami au bouillon de haddock, coques d’Utah Beach / pigeon, cromesquis et céleri / gelée et granité au champagne, muscat / tarte au chocolat et figue.

Déjeuner au restaurant Pages est toujours un régal. Les entrées de Candice qui vient de rejoindre l’équipe de cuisine, sont excellentes. Il faudrait juste que l’épaisseur de la betterave soit un peu plus fine, ce qui est du domaine du détail. Le caviar est superbe dans cette préparation mais j’ai un petit faible pour la préparation avec de fines crêpes. Le plat du homard est un peu plus complexe car il comprend beaucoup d’ingrédients. L’anguille est une merveille et elle appelle le Château Haut-Bailly demi-bouteille 1982. Ce vin parfait se montre d’une noblesse rare. Il sublime l’appellation de Graves car il est d’une justesse parfaite. Et on ne ressent en aucun cas un effet demi-bouteille qui limiterait l’ampleur du vin. Il est parfait et surtout noble.

J’ai avec le cabillaud un de ces chocs gustatifs qui marquent une vie. La sauce umami au bouillon de haddock du plat est une telle réussite que je suis comme tétanisé par un uppercut. Il est rare que je ressente un goût aussi émouvant, prenant aux tripes et au cœur, comme si l’on atteignait le Graal culinaire. Je n’arrête pas de féliciter le chef de la justesse de ce plat. Quelle merveille ! Ce plat appelle le champagne rosé qui par son équilibre est un compagnon idéal. Les coques, elles, se marient bien au bordeaux.

Le pigeon est réussi et le cromesquis est très bon. Au céleri j’aurais volontiers préféré des pâtes à l’italienne. Le Moulin-à-Vent Roy Père & Fils demi-bouteille 1929 serait indécouvrable à l’aveugle. On citerait volontiers Rayas ou un bourgogne, mais jamais un beaujolais. Sa couleur est belle, sans tuilé. Il va s’épanouir dans le verre car il n’a eu que deux heures d’aération. Plus on avance dans le temps, plus le vin est grand, avec une puissance que l’on n’attendrait jamais d’un beaujolais. Il est noble, extrêmement séduisant. C’est un grand vin.

Les desserts se prennent avec le champagne rosé, toujours à son aise. Ce qui est à noter c’est que les trois vins ont été d’une justesse extrême et parfaits. Je retiendrai surtout cet instant magique et inoubliable qui m’a donné l’impression de toucher le nirvana gustatif, cette sauce du cabillaud à l’émotion infinie. Bravo l’équipe du Pages.


les demi-bouteilles de ma cave

le briefing avant le déjeuner

chez Pages, on a recopié sur le grand tableau une phrase de Jacques Chirac

voici le plat dont la sauce a créé une émotion inouïe pour moi

un rhum Blairmont 1991 que mon ami garde au restaurant

Dîner de famille avec des vins inhabituels vendredi, 4 octobre 2019

Une nièce de ma femme vient passer quelques jours à la maison. Il y aura ce soir mon fils et ma nièce allemande à dîner. Ma femme a annoncé des linguines avec des pétoncles. L’idée qui me vient est d’associer ce plat avec un vin blanc allemand. Et aucun dessert n’étant annoncé, je choisis en cave un vin de paille autrichien. Je pense que du litchi irait avec ce vin, mais faute de litchi, l’ananas ferait un bel accord. Je prends un champagne dans ma musette et je reviens au logis croyant être en avance, mais mon fils et ma nièce sont déjà là.

J’ouvre le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cave Privée Brut 1980 et contre toute attente, le bouchon se brise à la torsion. Je lève le bas de bouchon au tirebouchon et aucun pschitt majeur n’apparaît alors que la bulle est belle. Le champagne n’est pas du tout ambré. En bouche, le champagne est une surprise absolue. Jamais je n’attendrais d’un 1980 qu’il puisse être aussi expressif, aussi mature et aussi convaincant. Nous sommes en face d’un très grand champagne. Il faudra que je m’enquière d’en trouver d’autres.

Ma femme ouvre un foie gras délicieux qui offre un accord superbe avec le champagne. J’essaie avec un camembert de quelques jours et je suis le seul à être convaincu par l’apport que l’amertume du fromage offre au champagne. Nous nous disons, mon fils et moi, que ce champagne joue dans la cour des très grands.

Pendant l’apéritif, j’ouvre les deux vins qui vont suivre. Sur le plat préparé par ma femme je sers un Niersteiner Königskerze Monopole Bansa & Sohn Rheinessen 1959. Ce vin légèrement ambré est sec mais doté d’un lourd botrytis qui le rend à la limite du liquoreux. Il est d’une cohésion et d’une cohérence qui n’appartiennent qu’aux vins anciens. Il est riche, très long en bouche et infiniment séducteur. On se dit à chaque occasion que l’on ne boit jamais assez de vins blancs allemands. L’accord avec le sucré des pétoncles est tout simplement sublime, la pâte italienne jouant un rôle d’amortisseur, pour que le goût du vin se prolonge en bouche. Nous sommes aux anges. La persistance aromatique de ce vin est rare.

Le vin allemand poursuit son voyage avec comté assez doux qui confirme sa sérénité.

J’ai apporté une tarte à l’ananas et en secours une boîte de conserve de litchis, car il n’en existe pas de frais. Le Golser Strohwein (vin de paille) Georg Lunser Autriche 1998 en bouteille de 50 centilitres titre 11°. Il est nettement plus ambré que le vin allemand. Ce vin d’une richesse rare est un Stromboli de saveurs. Il est kaléidoscopique. Il est riche, très sucré, et tous les fruits exotiques s’y trouvent. A l’ouverture ce qui frappait c’était son parfum de litchi. Mais associé au gâteau, il respire l’ananas. Ce vin a tout d’une confiture multi fruits, plombant, mais offrant aussi une belle fraîcheur ce qui n’est pas paradoxal. Ce vin est un péché de gourmandise.

Il serait impossible de classer ces vins tant ils sont différents. Le veuve Clicquot 1980 s’est montré à un niveau que je n’aurais jamais imaginé, d’une cohérence rare. Le Rheinessen 1959 est d’une richesse infinie et l’accord avec les pétoncles est magique. Et le vin de paille de 1998, malgré son jeune âge, en remontrerait à beaucoup de vins plus anciens, tant il explose de complexités. Je suis content d’avoir suscité des accords d’une belle précision. Ce dîner atypique fut heureux.

Dîner avec mon fils et des vins anciens vendredi, 27 septembre 2019

C’est seulement hier que j’ai appris que mon fils arrive aujourd’hui de Miami. Je choisis dans la cave trois vins atypiques, dont certains de bas niveaux, car il est plus facile de prendre des risques avec mon fils. Je rentre tôt à la maison pour ouvrir le vin rouge plusieurs heures avant le repas. J’ouvre la bouteille de Chambertin Côte Saint-Jacques premier cru Récolte 1923 dont l’étiquette ne dit rien de plus sur le domaine ou sur le négociant qui a produit ce vin. Un vigneron que mon fils a rencontré le lendemain lui a dit qu’il s’agit du domaine du Comte de Moucheron. La bouteille est soufflée avec un cul profond, et le bouchon très sec résiste car le goulot n’est pas cylindrique ce qui fait qu’une surépaisseur empêche le bouchon de sortir intact. Je remonte donc des miettes de bouchon dont certaines sèches et d’autres noires et fort heureusement aucune miette ne tombe dans le liquide. Le niveau est bas et la première odeur ne semble pas viciée, mais il y a une odeur de bouchon dont je ne sais pas encore si elle tient au vin ou à ce qui imprègne encore le goulot.

Nous commençons le repas avec un Champagne Gonet Père et Fils Blanc de Blancs du Mesnil demi-bouteille 1959. La bouteille est magnifique et les couleurs d’un rouge passé de la cape sont magnifiques. Le bouchon vient en même temps que le muselet sans aucun pschitt. La couleur ambrée est plus claire que ce que j’attendais. En bouche je suis frappé par le beau fruit jaune et par la cohérence du champagne. Il n’est pas tonitruant mais serein. Il convient bien à une rillette de maquereau relativement peu expressive et à un camembert peu affiné.

Pour le poulet et des pommes de terre sautées, je sers le Chambertin Côte Saint-Jacques premier cru domaine Comte de Moucheron Récolte 1923. L’odeur de bouchon est beaucoup plus forte que je ne l’imaginais, mais en bouche on retient surtout le velours du grain de ce vin. L’attaque est de bouchon, le passage en bouche est délicieux et le finale est un peu biaisé. Mais on ne peut pas s’empêcher de l’aimer malgré ses imperfections. L’image que je ferais est la suivante : on me montre une carte dessinée du temps de Vasco de Gama indiquant son périple vers les Indes. Sur la carte il y a une tache. Cette tache, on ne la voit pas, car on ne s’intéresse qu’au parcours suivi par le navigateur. C’est le sentiment que nous avons, mon fils et moi : le vin est blessé, a perdu de son excellence, mais le milieu de bouche se justifie.

Nous passons malgré cela au Champagne Krug Private Cuvée années 40 dont l’estimation d’âge se confirme avec le bouchon qui a vécu. Lui aussi était venu sans pschitt lorsque j’avais ouvert la bouteille une heure avant le repas. La couleur est plus ambrée, la bulle est bien présente, et en bouche, ce qui frappe, c’est la noblesse et le raffinement de ce champagne qui a tout d’un grand Krug. Malgré un niveau assez bas, il n’a pas le moindre défaut. L’accord se trouve bien avec la joyeuse saveur du poulet et aussi avec divers fromages.

La tentation est grande de revenir au vin rouge qui souffre toujours de son nez de bouchon, mais la bouche est beaucoup plus vive et passionnante. Nous le laissons tranquille. Nous surprendra-t-il demain ? Acceptons-en l’augure.

Déjeuner au restaurant la Rotonde vendredi, 27 septembre 2019

Ma sœur invite ses deux frères pour le déjeuner traditionnel de notre fratrie. C’est au restaurant la Rotonde, célèbre et traditionnelle brasserie du quartier Montparnasse. On est un peu à l’étroit car les sièges sont serrés. La carte des vins est relativement minimaliste, comme à l’Auberge du Bonheur, aussi nous déjeunerons sur un seul bon champagne le Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année. Mon choix est des huîtres fines de claires n°4, une aile de raie française à la grenobloise et des pruneaux d’Agen à l’armagnac. Le Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année est très confortable. C’est ce qui se fait de mieux, à mon goût, dans les bruts sans année. Les huîtres sont excellentes, l’aile de raie est un peu trop cuite et il manque le beurre blanc qui accompagne souvent les câpres pour faire apparaître leur aimable acidité. Dans cette agréable ambiance de brasserie nous avons passé un honnête déjeuner mais sans que rien ne nous impressionne.