Second jour avec Sarah dans le sud samedi, 31 août 2019

Le lendemain à déjeuner, il y a des andouillettes épicées. Il ne paraît pas opportun de boire le reste du 1943. Il faut un vin qui soutienne le choc. J’ouvre un Vega Sicilia Unico 2004. La couleur est presque noire. Ce qui est fascinant dans ce vin c’est qu’il a une attaque de fruits noirs, un milieu de bouche de grande plénitude, et un finale de fraîcheur, qui claque comme un coup de fouet. Je suis amoureux de ce vin espagnol, même lorsqu’il est très jeune.

Après la quiétude de l’après-midi nous préparons le repas du soir avec Sarah, notre amie américaine. Il y aura des petites langoustines juste poêlées quelque secondes et des soles. Nous verrons pour la suite. J’ai décortiqué toutes les langoustines et je comprends mieux pourquoi je ne me sens pas capable d’être cuisinier : il faut une patience que j’aurais du mal à acquérir. Mais les langoustines sont prêtes.

Il me semble que c’est le Vosne Romanée Léon Grivelet-Cusset Négociant 1943 ouvert hier qui va le mieux convenir aux langoustines. Et la surprise est de taille car le finale du vin, qui me gênait hier, s’est adouci et est devenu cohérent. Le vin est agréable et son grain a suffisamment de puissance pour accompagner les subtiles langoustines en parfaite harmonie. Quelle belle surprise !

Le bourgogne accompagne aussi les soles, mais l’accord est moins harmonieux.

Le Vega Sicilia Unico 2004 est associé au camembert Jort et les amertumes se combinent follement.

Le sorbet au fruit de la passion est servi avec des petites galettes cœurs de palmier sucrées et le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle Magnum sans année, ouvert il y a un jour et demi, se montre encore plus glorieux sur les galettes, le sorbet ne devant pas lui être confronté.

Déjeuner et dîner d’amitié dans le sud samedi, 31 août 2019

  Sarah est américaine. Elle est aujourd’hui la plus assidue de mes dîners, quel qu’en soit le niveau. Et ce qui me fascine c’est qu’elle vient des Etats-Unis pour mes dîners sans programmer quoi que ce soit d’autre en France. Elle est venue à l’Hôtel du Marc de Veuve Clicquot, aux Crayères à Reims, mais aussi à Mougins au restaurant Paloma, et au château d’Yquem, arrivant la veille et repartant le lendemain. Une telle passion me fascine aussi est-elle devenue une amie de ma femme et moi. Nous l’avions déjà invitée à venir nous rendre visite dans notre maison du sud il y a deux ans. Nous avons renouvelé notre invitation et comme pour les dîners, elle ne vient en France que pour nous voir.

Je vais la chercher à l’aéroport et selon la tradition j’ouvre le champagne de bienvenue. C’est un Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle Magnum sans année, que j’ai reçu dans ma cave du sud en 2009. Il a donc mûri dix ans en cave après le mûrissement prévu par cette maison de champagne. Le pschitt est fort, la couleur est celle d’un très jeune champagne, mais le bouchon devenu cylindrique montre que le champagne est ancien. Ce champagne est noble, avec de jolis fruits jaunes, et une délicatesse infinie. Je qualifie souvent ce champagne de romantique et il l’est vraiment, avec une belle fluidité, une minéralité et une acidité dosée élégamment, et une longueur en bouche impressionnante.

Notre amie ayant voyagé toute la nuit, nous déjeunons comme en un brunch, avec une anchoïade, du jambon Pata Negra, des chips à la truffe, un camembert Jort un peu avancé, des fraises et des figues. C’est frugal, car on va se rattraper ce soir.

L’accord de loin le plus percutant, qui prolonge la longueur du champagne, c’est avec les fraises pures et simples. C’est saisissant de fraîcheur. Viennent ensuite l’anchoïade très douce même si elle est typée, et le Jort, puis les chips. Le Pata Negra et les figues sont trop marqués pour ce beau champagne.

A 17 heures, j’ouvre le vin rouge du dîner, un Vosne Romanée Léon Grivelet-Cusset Négociant 1943 au niveau assez bas. Le haut de la capsule est très difficile à détacher et le centre métallique du haut reste collé sur le haut du bouchon. Il arrive assez souvent que des bouteilles qui ont perdu une partie de leur volume montrent un haut de bouchon quasi hermétique. C’est un des mystères de la conservation du vin.

Le bouchon est noir et la partie basse se brise, récupérée car elle colle au verre, et je sens le vin. C’est une heureuse surprise car le parfum est engageant et doux. Voilà une bonne nouvelle.

A 19 heures j’ouvre le Champagne Dom Pérignon 1964 au niveau à un centimètre sous le bouchon, ce qui est bien. A la torsion, le haut du bouchon vient seul. Il laisse en place la dernière épaisseur de liège, que je retire au tirebouchon. Le pschitt est inexistant et le nez est discret.

Il n’y aura pas d’apéritif et le menu sera : terrine de foie gras de canard, fleurs de courgettes, côtelettes d’agneau aux épices de Provence, galettes de courgettes, sorbet poire, crème caramel au beurre salé et grains de spéculos.

Sur le foie gras, le Champagne Dom Pérignon 1964 est une apparition miraculeuse. Il a beaucoup de fruits, allant de la prune jusqu’au kumquat tant les agrumes cohabitent avec les fruits de fin d’été, et ce qui frappe, c’est l’abondance de ses complexités. Alors que le Grand Siècle est brillant, l’âge donne au champagne de 55 ans une complexité sans égale. Il est grand, long, magnifique, puissant. Le foie gras le met en valeur.

Pour les fleurs de courgettes, j’ai idée que c’est le vin rouge le plus adapté. Le Vosne Romanée Léon Grivelet-Cusset Négociant 1943 a une couleur un peu tuilée. Le nez est charmant mais ne masque pas une certaine acidité et en bouche, c’est ‘Jekyll and Hyde’. L’attaque est superbe, joliment fruitée, joyeuse, et le finale est coincé, court, montrant acidité et amertume. C’est amusant, car tout commence par un sourire et finit sur une question. La côtelette d’agneau est tellement bonne et goûteuse qu’elle apporte soutien et renfort au vin, au point que l’on n’éprouve pas le besoin d’ouvrir une autre bouteille. Le plat se mange avec gourmandise, sans lassitude pour le vin.

Pour le dessert nous reprenons le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle Magnum sans année qui montre une vivacité encore plus sensible qu’à midi. Sur la terrasse surplombant la mer qui nous berce de son clapotis, nous finissons nos verres de champagne, heureux de ce simple mais goûteux repas d’amitié.

Dîner dans la maison du sud avec des amis et des grands vins dimanche, 18 août 2019

Tôt le matin nous avions choisi les galets qui seront chauffés au four et présentés sur table dans des plats à four afin que chaque convive puisse faire cuire sur des pierres des tranches fines de Wagyu. Nous avons testé le temps de passage au four des gros galets, organisé la position des plats de pierres sur la table où nous serons huit. A 16 heures, j’ouvre les bouteilles de vins rouges et le liquoreux. Les vins rouges sont conservés à une température de 15° et le liquoreux à 6°. A 18 heures, j’ouvre les champagnes qui sont conservés à 6°.

C’est à cette même heure qu’arrive Cédric, le dynamique propriétaire de la boucherie Arnoux au Pradet qui fera la cuisine et participera avec son épouse au dîner. Les paquets qu’il a apportés sont comme la hotte du Père Noël. Il a tous les ingrédients de l’apéritif, des pommes de terre, des fromages et des mangues et deux massifs morceaux de Wagyu et de Simmental, le mûrissement du Wagyu datant d’avril 2019 et celui du Simmental de mai 2019. Cédric pense que le Simmental serait le plus adapté à la cuisson sur pierre et me propose de faire un essai sur une poêle. La chair du Simmental est plus douce et plus agréable, celle du Wagyu plus typée. Contrairement à Cédric je maintiens le désir de goûter le Wagyu sur pierre et le Simmental en rôti. La femme de Cédric aura la gentillesse en fin de soirée de me dire que j’ai eu raison d’imposer mon choix.

Nos amis du sud qui avaient organisé le délicieux repas il y a deux jours nous rejoignent. A 19h30 nous sommes tous rassemblés pour l’apéritif sur la terrasse haute de notre maison. Il y a de la boutargue Kaviari Trikalinos bien moelleuse, des petites sardines La Lata de Braulio, du Cecina de Leone, du camembert Jort et du jambon Pata Negra. Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum sans année doit être fait avec des vins d’une quinzaine d’années. Le champagne floral est hautement romantique. Tout en lui est subtil. Son raffinement est rare. C’est à mon goût avec les petites sardines qu’il exprime le mieux ses qualités. Le Pata Negra est presque trop fort pour le champagne délicat.

Cédric a préparé un foie gras mi- cuit que je trouve un peu trop onctueux pour les deux champagnes. Le Champagne Dom Pérignon 1982 est un grand champagne de charme. Il fait partie des grands Dom Pérignon. Le Champagne Krug Vintage 1982 est d’une rare noblesse, vif, noble, imposant. On serait tenté de préférer le Krug, d’une précision extrême mais le Dom Pérignon sur le registre du charme raffiné mérite les compliments. J’ouvre un foie gras en terrine dont la texture plus ferme met en valeur les deux champagnes plus que le premier foie gras.

Le grand moment est arrivé de goûter des tranches de Wagyu que chacun cuit sur une des pierres disposées sur la table. La viande a été chauffée à 40° afin que le gras soit déjà très doux. Nous avons devant nous trois vins du même millésime. Sur les premières tranches les amis préfèrent souvent le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1995. Il est en effet d’un velours raffiné. Un peu plus tard, certains déclarent leur amour pour la Côte Rôtie La Turque Guigal 1995. Ce vin puissant mérite qu’on l’aime, car il a une fougue juvénile convaincante. Je ne dis rien encore car le Vega Sicilia Unico 1995 me paraît tellement au-dessus des deux autres que je ne veux pas empêcher les impressions différentes de s’exprimer. D’ailleurs, dès l’ouverture, le parfum du vin espagnol m’était apparu de loin le plus tonitruant, alors que j’attendais volontiers que La Turque soit le vin le plus affirmé.

Cuire soi-même les tranches de Wagyu sur les pierres chaudes est un plaisir rare. Alors que Cédric avait préparé un nombre quasi illimité de tranches, nous avons tous honoré son apport au point que tout a été mangé. Le Rayas est le moins puissant des trois vins mais il a un raffinement qui correspond à sa réputation de « le plus bourguignon des Châteauneuf-du-Pape ». La Turque est la plus puissante des trois Côtes Rôties de Guigal et j’ai un amour particulier pour cette Côte Rôtie alors qu’il y a vingt ans, mon cœur penchait vers La Mouline. Ce 1995 est très riche, tonique et se marie bien avec la viande. Le Vega Sicilia Unico a un parfum diabolique de cassis. En bouche il est le plus jeune des trois rouges, vin ébouriffant de jeunesse, marqué par un cassis noble et profond.

Le Simmental apparaît en pièce de bœuf copieuse, avec un gras qui n’a pas grand-chose à envier au gras du Wagyu. Les pommes de terre cuites dans la graisse de bœuf sont magnifiques. Cédric cuit comme un grand chef. On se régale de la viande et des vins, l’espagnol étant pour moi le leader et chacun des deux autres étant d’un épanouissement correspondant à ce qu’on peut en attendre.

Le saint-nectaire affiné à souhait apporte de la douceur aux trois vins. Cédric a réussi à trouver un Stilton de parfait affinage qui met en valeur le Château d’Yquem 1989. Ce qui est fou avec Yquem, c’est qu’il n’a aucun défaut. Il est comme les top-modèles de Victoria Secret. Le fromage met en valeur sa vivacité. Il a du gras mais il est aussi cinglant.

Cédric sur mes suggestions cuit des escalopes de mangues beurrées qui forment un accord avec l’Yquem ensoleillé et glorieux. Des kumquats confits préparés par ma femme ajoutent une note vive aux mangues, excitant divinement l’Yquem.

Ce dîner est le triomphe de ce que l’on appelle la cuisine bourgeoise, fondée sur des produits de qualité mis en valeur par des recettes simples. Les magiques pommes de terre méritent une mention spéciale. Chaque moment du repas a été parfait et chaque vin a été au plus haut niveau de son art. Il ne serait pas nécessaire de classer des vins si différents mais j’oserais mettre en valeur : 1 – Vega Sicilia Unico 1995, 2 – Krug 1982, 3 – Yquem 1989, 4 – Grand Siècle magnum.

Le grand moment a été le Wagyu en tranches fines cuit par chacun sur des pierres. Sur trois jours nous essayons de festoyer autour du 15 août. L’édition 2019 de cette tradition me semble l’une des plus réussies.


On cherche comment disposer les galets sur la table

on cherche les verres du dîner

les voici dans l’ordre de service des vins

la table est mise

en cuisine

l’apéritif

le foie gras

la table a maintenant les tranches de Wagyu et les pierres chaudes

mes verres

Un champagne parfait dimanche, 18 août 2019

Les amis parisiens qui participent aux traditionnelles agapes autour du 15 août sont des admirateurs des vins de la maison Jacques Selosse. Pour les remercier de leur générosité, j’ai prévu d’ouvrir un vin de cette maison pour le déjeuner qui suit notre dîner au Cheval Blanc Saint-Tropez. Ma femme a préparé une tarte aux oignons garnie de filets d’anchois présentés en étoile sur la tarte.

J’ouvre le Champagne Brut Anselme Selosse dégorgé en juillet 2004. Les vins de ce champagne ont très vraisemblablement plus de vingt ans. Le bouchon oppose d’extrêmes résistances avant de vouloir sortir. Il est d’une belle qualité et le pschitt est bien réel. La couleur du champagne est ambrée, presque orange. Dès la première gorgée, je sais immédiatement que nous buvons un champagne parfait car tout en lui est noble, émouvant, construit, riche et pénétrant. Quand on est face à un tel champagne, on se tait et on écoute son message merveilleux. La sucrosité de l’oignon propulse la vivacité du champagne qui me comble. Nous avions reçu en cadeau à la Vague d’Or un gâteau à l’orange pour ma femme. Il convient pertinemment pour tirer d’autres saveurs de ce champagne unique.

quelle couleur !

le gâteau à l’orange offert par la Vague d’Or

dîner au Cheval Blanc Saint-Tropez dimanche, 18 août 2019

Nous sommes trois à dîner au Cheval Blanc Saint-Tropez, nouvelle dénomination de La Vague d’Or. Nous nous orientons vers le menu dégustation à sept plats baptisé « balade épicurienne ». Thierry di Tullio, l’inénarrable directeur de salle nous dit qu’il a envie de changer un ou deux plats et nous parle de lisette à la place de saint-pierre, alors que nous n’avons demandé aucun changement. De son initiative, semble-t-il, il annonce des changements que nous écoutons avec intérêt. Le chef Arnaud Donckele que nous verrons en fin de soirée nous dira que c’est lui-même qui a voulu sortir du cadre du menu car ce fut son intuition vers 18 heures. De fait, nous allons dîner sans qu’aucun plat ne soit celui du menu imprimé. Vogue la galère ! Les charmantes serveuses vont présenter chacun des plats avec une pertinence à signaler. Heureusement un ami a pris des notes pour que je situe les plats. En voici la retranscription : coussin croustillant de bagna cauda, huile tamaris, céleri, coriandre, parmesan, fleur de courgette en tuile de parmesan / Tartelette croustillante haricot Saint-Paul, sabayon, cheveux d’ange / courgette et jus de palourdes. Pain de partage marjolaine, pétale de tomates, cœur de mozzarella. Alliance Provence Méditerranée : beurre bourrache et thym, huile d’olive de Gassin (Eric Barnéoud). Les pains sont de campagne ou brioche, pain vapeur olive noire.

Le dîner commence : Sériole crue marinée au cédrat, chair esquinado (araignée de mer), vinaigrette corail-thym-bergamote / Lisette ferrée à la flamme, gelée sardine, concentré de tomate, tomate ananas, pomme de terre, anchois fumés et grillés, velours de lisette-vinaigre confidentiel et parfumé, feuille de capucine / Langoustines rôties, miel de châtaigner, amandes, giroles, courgette boule farcie, bouillon de crustacé / Joues d’un turbot cuit en croute de sel et pin, fumage / Turbot cuit en croûte de sel aux épines de pin, cèpes juste saisis, pommes de terre délicatesse caramélisés, anguille fumée, coques pochées. Bouillon iodé aux saveurs boisées (et citronnées) / Granité au thym, sorbet fenouil et absinthe / joue de veau braisée, ris de veau, fenouil braisé, pétale de tomate confite, jus de veau, échalote ciselée, thym et olives noires / Jus de prédessert : abricot thym et cerise sureau / Tagette (entre anis et menthe), cerise amande fraîche, tagette givrée / Citron cédrat glace citron / Tartelette caramel fruit passion, chocolat praline noisette. Comment mon ami a-t-il pu noter tout cela à la volée, j’en suis émerveillé.

Par comparaison, voici la rédaction du menu par Thierry di Tullio : « Fil du Temps »… « Ce menu est composé de plats affectifs qui se sont construits lentement, d’autres plus jeunes, dans l’esprit d’une naissance gourmande. Avec l’idée de les faire vivre en harmonie pour vous faire plaisir. »

La Sériole de Méditerranée et chair d’esquinado, sauce au corail des têtes / La lisette à la flamme, gelée de sardines et anchois fumés, un velours satiné d’escabèche et moutarde de Provence / La langoustine au miel de châtaigner, ravioles et courgettes farcies des pinces et des coudes, un consommé au romarin monté à l’huile d’olive / Le Turbot cuit en pâte d’épines de pins, cèpes d’été, pommes délicatesse à l’anguille fumée, un bouillon d’iode boisée / Granité à la fleur de thym, sorbet au fenouil de Florence, une flanquée d’absinthe à votre table / La joue de veau braisée et son ris juste rôti, déclinaison de différentes textures et températures de fenouil / Accord, cerise pourpre et amande fraîche, l’ensemble enrobé d’un soupçon de jus de sureau et tagettes cueillies du matin / Un jus centrifugé au moment / (ou bien) accord autour de de l’abricot, de l’amande et du thym serpolet, l’éphémère d’un soufflé chaud, glace minute au lait d’amande bio.

Je ne pouvais pas effacer le programme transcrit par mon ami, tant il a cherché à saisir tout ce que nous avons vécu.

Le Blanc fumé de Pouilly Silex Domaine Didier Dagueneau 2014 est par nature d’une grande minéralité mais il est aussi civilisé et gastronomique. Il est vif, tranchant, et accompagne bien les plats. Je l’ai trouvé brillant mais manquant un peu de l’émotion qu’offraient des versions antérieures de ce vin. Cette remarque est à la marge.

Au moment où nous sommes servis des langoustines, je demande que Maxime Valery, l’excellent sommelier nous serve au plus vite le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée Laurence 2011 car l’accord me semble devoir se faire avec le vin rouge. J’adore ce vin fait par Laurence Féraud car il est d’une authenticité que j’apprécie, naturel, franc, terrien avec une belle râpe qui sent la garrigue. Ce vin trouvera un épanouissement exceptionnel sur la joue de veau d’une tendreté extrême.

Dès les amuse-bouches, le talent du chef Arnaud Donckele s’impose par la précision chirurgicale de chaque saveur. C’est impressionnant. Arnaud est aussi le prince des sauces et nous en avons absorbé des litres et des litres tant il est impossible d’en laisser. Les plats qui m’ont émerveillé sont, dans mon classement personnel : 1 – le turbot, 2 – la joue de veau avec le ris de veau, 3 – les langoustines. Cette cuisine généreuse est un régal.

Je donnerais une mention spéciale à l’infusion que j’ai choisie, à base de mélisse, menthe et camomille. Je crois n’avoir jamais goûté une aussi bonne infusion.

Le service est sans le moindre reproche et le service des vins est unique car jamais on n’est obligé de se manifester pour remplir les verres qui ne sont jamais vides. Bravo à ce service. Thierry di Tullio est inimitable et le chef est d’un talent du plus haut niveau. Dans le cadre unique de la baie de Saint-Tropez nous avons passé un dîner mémorable.

Avec le sommelier dans sa nouvelle livrée

par comparaison la livrée de l’an dernier

Déjeuner du 15 août chez des amis du sud vendredi, 16 août 2019

L’avion des amis parisiens se pose en avance à l’aéroport d’Hyères. Selon la tradition nous trinquons à leur arrivée chez nous. Ce sera avec le Dom Pérignon 2004 ouvert la veille qui n’a pas perdu un pouce de sa fraîcheur et de sa vivacité. Il est très fluide et me donne l’impression d’une eau de montagne qui glisse sur des galets. Le vin offre de beaux fruits blancs. Je suis sous le charme de ce beau champagne.

Nous nous rendons à déjeuner chez des amis qui habitent très près de chez nous, en hauteur, avec une vue à couper le souffle sur Porquerolles, la Presqu’île de Giens et les marais salants. Connaissant le programme de vins de nos amis, j’ai apporté un champagne par lequel nous commencerons le repas qui va durer près de sept heures.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 a un beau pschitt à l’ouverture. La couleur est d’un bel ambre prononcé. Dès la première gorgée, on sait que l’on est dans un monde complètement différent de celui du Dom Pérignon 2004. Il n’y a pas la vivacité du jeunot et c’est la maturité et la sérénité qui s’imposent. Ce 1983 n’offre pas de fruits mais se montre vineux. Il est long, marquant et gastronomique.

Notre amie offre toujours des apéritifs pantagruéliques : noix de Macadamia, saucisson, jambon Pata Negra, avocat concombre et crevettes mélangés, coquilles Saint-Jacques et de belles tartines de foie gras poêlé. Le Champagne V.O. Version Originale Jacques Selosse dégorgé en juillet 2018 est d’un magnifique accomplissement. Expressif et vif il est percutant mais suffisamment civilisé pour qu’on l’adore. Il est très à l’aise sur toutes ces saveurs qui auraient pu suffire pour le déjeuner.

Mais nous allons passer à table pour un repas lui aussi copieux. L’entrée que notre hôtesse appelle Ecoplat : lit de lardon, échalotes, artichaut piqué de haricots, vinaigrette, ail, huile d’olive et épinard, n’a pas de vin d’accompagnement. Nôtre hôte a aligné pour chacun trois verres qui vont accueillir trois bordeaux de 1982. Et à notre grande surprise, le Château Pape Clément 1982 a suffisamment de souplesse pour donner une réplique intelligente à l’écoplat.

Les vins sont prévus pour une daube de lotte présentée dans un large coquillage de pâte conchiglie. Les trois bordeaux ont des parfums qui sont tous plaisants et vifs. Le Château Pape Clément 1982 a un charme majeur. Ce Graves est d’une structure riche, mais c’est son charme, amplifié par ce millésime riche, qui parle à mon cœur.

Le Château de Longueville Baron Pichon Longueville 1982 est d’une grande noblesse. C’est ce qui le caractérise, tant il est ciselé et raffiné.

Le Château Figeac 1982 a un goût qui s’installe dans mon palais en terrain de connaissance. Je connais par cœur le goût de cet emblématique Saint-Emilion, aussi l’effet de surprise joue moins que pour les deux autres. Ce Figeac, s’il était seul, serait un bonheur absolu, mais le fait qu’il ne m’offre pas de surprise fait que je le classerai troisième des 1982, le Pichon étant le premier du fait de sa noblesse. Nous goûtons trois vins sans défaut, au sommet de leur art, épanouis grâce à une ouverture des vins par mon ami quatre heures avant le repas.

Pour les fromages nous buvons un Château Lynch-Bages 2001 d’une grande et belle fraîcheur et une solide structure. Il est agréable mais gagnera encore lorsqu’il aura l’âge des 1982 qui offrent plus de complexités.

Le dessert est un crumble de poire avec un sorbet poire judicieusement accompagné par un Champagne Taittinger Comtes de Champagne rosé 2006 riche et large et de belle soif sur un fond de forte personnalité.

Par gourmandise j’ai succombé à un sorbet menthe et chocolat qui m’a conduit tout droit dans les bras de Morphée sur un canapé, tant ce repas marque une rupture brutale dans le programme de régime draconien que je m’étais imposé.

Nos amis nous ont offert des plats délicieux (et copieux) avec des vins de très haute qualité. Nous remettrons le couvert chez nous dans deux jours.

belle couleur

Un Dom Pérignon impromptu mercredi, 14 août 2019

Ma femme ayant fait une chute avec plusieurs fractures est handicapée pour plusieurs semaines. Je la conduis au salon de coiffure et lorsque je viens la chercher, j’apprends que sa coiffure nécessite encore une bonne demi-heure. La coiffeuse, que je connais bien me dit : « il fait soif, revenez avec quelque chose à boire ». Je reviens avec un carton de quatre verres et dans un sac isotherme une bouteille de Champagne Dom Pérignon 2004. Personne ne s’attendait à ce que je rebondisse de cette façon et une cliente qui se trouvait au salon n’imaginait pas qu’un tel vin puisse tomber du ciel de cette façon.

Dans ce contexte, le champagne bien frais a un goût spécial de fraîcheur et de fluidité. Il est complexe et agréable à boire, gratifiant.

Les hasards font bien les choses, car nos amis qui vont partager les festivités du 15 août arrivent demain. Ce délicieux 2004 sera l’apéritif de bienvenue.

Exposition à Marseille sur le Vin dans l’Antiquité. lundi, 12 août 2019

Exposition « On n’a Rien Inventé »

https://musee-histoire-marseille-voie-historique.fr/de/content/exposition-temporaire-0

David Djaoui est un archéologue basé en Arles qui est spécialisé dans toutes les reliques relatives au vin. Une particularité est qu’il participe à presque toutes les recherches sous-marines.

Il m’a contacté au sujet d’une exposition qui se tient à Marseille depuis juin et jusqu’en novembre au sujet du vin dans l’Antiquité et il veut prouver que les anciens avaient quasiment autant de savoirs que nous.

Il est venu me rencontrer à Paris et j’ai prêté des bouteilles à l’exposition.

A l’occasion de cette exposition sur le vin du temps des romains, les Musées de Marseille ont édité un livre sous la direction de l’archéologue David Djaoui : « On n’a rien inventé ! ».

David Djaoui écrit notamment pages 106 / 107 : « si le parti pris de notre propos est d’établir sans complexe des parallèles entre l’Antiquité et aujourd’hui, comment ne pas rapprocher Sergius Orata (1) du non moins singulier François Audouze ? Ce polytechnicien, PDG de grandes entreprises, tout comme l’était Sergius Orata, détient un patrimoine exceptionnel placé, et consommé en partie, dans le vin. Inventeur d’une technique d’ouverture du vin, basée entre autres sur quatre heures d’oxygénation, ce chef d’entreprise est considéré par ses pairs comme l’un des plus grands épicuriens de notre temps. Il ne posséderait pas moins de quarante mille bouteilles dont plusieurs milliers de millésimes antérieurs à 1945 et dix mille antérieurs à 1960 ! On retiendra enfin que si François Audouze essuie régulièrement de nombreuses critiques, Sergius Orata a subi également de nombreuses invectives. Pline l’Ancien, en particulier, le qualifiait de fourbe et cupide sans pour autant qu’un argument sérieux ne soit formulé à son encontre.

  1. David Djaoui présente Sergius Orata comme un industriel richissime qui a vécu entre la fin du IIè siècle et le début du 1er siècle av. JC. Il est l’inventeur du parc à huîtres. Il est qualifié par ses contemporains d’adepte d’Epicure, « leur maître à tous » selon Cicéron. Saint-Augustin dira quatre siècles plus tard : « qui pourrait dire qu’Orata a souffert de quelques manques, lui qui fut le plus riche des hommes, le plus charmant, le plus voluptueux, lui à qui rien n’a fait défaut, ni les plaisirs, ni les relations sociales, ni une santé excellente et inaltérable ».

à noter que Sergius Orata a sa fiche Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Caius_Sergius_Orata

Plusieurs occasions de partager des vins dans le sud samedi, 3 août 2019

Les enfants et petits-enfants partent les uns après les autres et après quelques jours de solitude notre fille cadette revient avec ses enfants. Ça s’arrose avec un Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette Bordeaux, ce qui indique un âge des champagnes supérieur à vingt ans. Le champagne est d’un bel or clair, à la bulle active. Il est d’une belle maturité, majestueux et complexe. Sa sérénité est impressionnante. Nous l’apprécions sur une anchoïade et sur un camembert Jort.

Ma fille invite un de ses amis qui habite à Paris et en Corse. J’ouvre un vin que ma fille avait apprécié lors de l’un de ses voyages, un Pouilly-Fuissé Clos de Monsieur Noly Domaine Valette 2003. Ce vin a une forte présence. Il est dynamique, au fruit conquérant mais je trouve que depuis une précédente expérience, le vin est devenu un peu fumé, ce qui affaiblit sa fraîcheur. Il est très agréable à boire et ma fille l’apprécie.

J’ouvre un Châteauneuf-du Pape Jean et Jean-Paul Versino 1988. Ce vin est généreux mais manifestement peu complexe. Il ne faut pas en attendre beaucoup mais il est franc et se boit bien. On peut supposer qu’il a eu un petit coup de chaud dans une précédente cave, ce qui l’a légèrement torréfié.

L’ami de ma fille avait apporté un vin corse, un Vermentino Domaine Saparale Philippe Farinelli 2018. C’était évidemment avec son apporteur que je devais ouvrir ce vin. Sa couleur est claire comme de l’eau et en bouche, c’est une belle surprise, car il a un caractère et une ampleur en bouche que je n’attendais pas d’un 2018 ! Il est franc, extrêmement simple mais agréable malgré son âge irréel. Il s’est même comporté fort honorablement avec un camembert Jort.

Le 15 août s’approche, qui donne lieu traditionnellement à des expériences gastronomiques entre amis. Nous allons prendre l’apéritif chez les amis qui ouvriront les festivités lors d’un déjeuner chez eux. Notre amie est une cuisinière hors pair et ses apéritifs sont riches et d’une belle imagination.

Nous commençons par un Champagne de Sousa Cuvée des Caudalies sans année. Ce blanc de blancs d’Avize est très représentatif des champagnes de la Côte des Blancs. Il est agréable, mais il fait un peu trop « bon élève », qui récite un texte bien écrit mais qui ne soulève pas les foules. Il est de bonne qualité cependant.

Le champagne qui suit est le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle, de dégorgement vraisemblablement très récent. Il est beaucoup plus expressif et j’aime son caractère romantique. C’est un grand champagne.

Nous grignotons de belles tartines, des coquilles Saint-Jacques de bonne mâche, des jambons ibériques bien typés et bien gras, et il fait suffisamment soif pour un Champagne V.O. Version Originale Jacques Selosse Extra Brut dégorgé en juillet 2018. Et nous allons crescendo en termes de complexités, car ce champagne parle fort et parle bien. Typé, expressif, il nous enchante par sa force de conviction.

Notre programme de trois repas autour du 15 août dont un au restaurant a commencé à prendre forme. Nous essaierons de faire aussi bien que les années précédentes.

je soupçonne des rats d’avoir eu envie de goûter au Krug, en grignotant l’étiquette. Anchoïade et Jort sont des compagnons idéaux

le vin corse se marie bien au camembert Jort, lui aussi !

compte-rendu de la 32ème séance de l’académie des vins anciens samedi, 20 juillet 2019

compte-rendu de la 32ème séance de l’académie des vins anciens

Un des académiciens, Xavier Lacombe, a fait un compte-rendu de la 32ème séance de l’académie des vins anciens du 16 mai 2019.

https://www.xl-vins.fr/academie-des-vins-anciens-edition32/

A lire en français et en anglais.

C’est intéressant parce que Xavier donne une perspective qui s’ajoute à celle de mon compte-rendu. Félicitations.