déjeuner au restaurant Alléno Paris du Pavillon Ledoyen mardi, 23 avril 2019

Un ami a son anniversaire deux jours avant moi. Avec sa femme et la mienne, nous allons déjeuner le jour de mon anniversaire au restaurant Alléno Paris situé dans le Pavillon Ledoyen. Etant en avance, nous avons le temps avec ma femme d’explorer la carte et j’ai le temps de regarder la carte des vins très fournie, mais où il faut savoir slalomer pour dénicher des pépites, car il y en a. Yannick Alléno vient s’asseoir à notre table et nous bavardons. Il est très décontracté, amical, et on le sent en plein épanouissement, philosophe et heureux. Le charmant sommelier m’a offert un verre de champagne jeune que je n’ai pas aimé car il ressemble trop aux champagnes des intégristes de la biodynamie, qui tiennent plus du cidre que du champagne. Seule l’attention comptait et j’ai apprécié.

Nos amis arrivent et sont salués par Yannick qui nous laisse composer nos menus. Alors que ma femme n’est pas très favorable aux longs menus ‘dégustation’, c’est ce que nous allons prendre, car c’est trop tentant.

Les amuse-bouches sont : biscuit de polenta crème acidulée à l’échalote, bœuf fumé au thym / coque d’Agria, crème de jaune d’œuf, mimolette, pourpier / fuseau aux algues, crémeux à l’anguille fumée.

Pour l’apéritif nous buvons un Champagne Charles Heidsieck ‘Blanc des Millénaires’ 1995 qui est dans état de grâce absolu. Il est vif, cinglant, mais il sait aussi se montrer diplomate, accueillant. L’amuse-bouche à l’anguille est à se damner car quand on croque le fuseau, le gout de l’anguille n’apparaît que beaucoup plus tard, et c’est divin. Le champagne y trouve un supplément d’âme. Les amuse-bouches sont d’un niveau exceptionnel, qui n’appartient qu’aux chefs trois étoiles.

Le menu ‘dégustation’ est : tourteau de casier en rémoulade moderne, délicate gelée / asperges blanches de Noirmoutier copeaux aux parfums de litchi et fleurs de sureau fermentées, puis les têtes vanillées et déshydratées / morilles étuvées à la scarmoza fumée, poudrées au citron noir d’Iran et orange, salade maraîchère aux Gros Paris / il y a ensuite le plat principal, soit de turbot soit de ris de veau dont je donne les intitulés. J’ai pris le turbot : tout blanc de turbot à la fleur d’oranger, beignets de fleurs de jasmin, crème chaude de navet et tiges au lard / subric au vacherin Mont d’or, sirop d’érable et gelée de vin jaune / pour deux autres le ris de veau est en deux services, cœur de burrata au thon gras et morceaux marinés à l’anchois, soufflé pané aux tagliatelles d’asperges vertes, mayonnaise relevée au vin jaune / pour tous, ensuite : glace plombière au chaource et raisins muscat, gelée de Cognac / touches sucrées : tarte super fine de fraises caramélisée, salade de fleurs à la fermentation d’estragon, glace mozzarella / guimauve au gros Paris assaisonnée de chocolat et fleur de sel, touches abricotées / légère meringue à la noisette et glace à l’extraction de champignon / mignardises.

Ce repas est exceptionnel. On sent un chef qui ose. A partir du moment où il ose, on sait que l’on n’aimera pas forcément tout, mais on est enthousiaste devant la prouesse culinaire. Si je n’ai pas aimé tel ou tel aspect de ce menu, cela n’a aucune importance, car je suis ravi du tout. Le tourteau était accompagné d’une mayonnaise qui s’accordait à la salade mais ne cooptait pas la chair du crabe. Je ne l’ai pas trop aimée. Pour le plat suivant, n’ayant pas entendu que l’asperge était en deux services, j’ai pensé que le litchi écrasait l’asperge qui aurait dû être dominante. Mais elle n’était qu’en suggestion car le plat d’asperge suivait, superbe.

La morille est à se damner tant elle est bonne. Sa préparation est originale car elle est surplombée par une architecture fine de pomme de terre qui imite la structure extérieure de la morille. Des petites fleurs sont fichées aux croisements des alvéoles. La structure est enlevée, posée sur une assiette et reçoit des salades et une crème. Du fait de la séparation des composantes du plat, les deux morilles fourrées appellent un vin rouge.

Jusqu’alors, nous goûtions les plats avec le champagne et avec un Chablis Grand cru Les Preuses domaine Vincent Dauvissat 2010, superbe et riche, très vif comme le champagne, les deux se fécondant mutuellement. Ce Chablis a une puissance rare. Mais pour la morille, il fallait vite faire la place au Nuits-Saint-Georges Premier cru Clos de la Maréchale Jacques Frédéric Mugnier 2005. J’ai demandé que le vin ne soit ouvert qu’à la dernière seconde et pas carafé, afin que l’on jouisse de l’éclosion du vin dans sa fraîcheur.

Le Nuits-Saint-Georges est d’un charme inouï. Tout en lui est suggéré et l’ouverture sur l’instant donne l’impression d’une frêle fleur qui vient d’éclore. Avec la morille, l’accord est à se damner. Le vin rouge est délicieusement romantique, timide même mais diablement complexe. Un régal bourguignon féminin.

Je suis émerveillé par le turbot. Alors que ce poisson est habituellement un sénateur gustatif, Yannick Alléno le traite comme un poisson sauvage, diablement marin et j’ai vraiment l’impression qu’il frétille dans l’assiette. L’émotion est incroyable. On peut avec le turbot profiter soit du champagne soit du Chablis qui étale sa richesse.

La préparation fromagère convient au Clos de la Maréchale qui s’est élargi et embourgeoisé. Il est plus large et plus doctrinal. Il a perdu son vibrato émouvant pour devenir assis et puissant. C’est un très grand vin. Les desserts sont d’une légèreté et d’un raffinement impressionnants.

Il serait bien difficile de hiérarchiser les plats qui m’ont enthousiasmé. L’amuse-bouche à l’anguille, les morilles, le turbot et la légère meringue à la noisette et glace à l’extraction de champignon sont mes chouchous, avec un faible pour la chair du turbot.

Classer les vins est quasi impossible car les trois sont des vedettes dans leurs catégories. J’ai un petit faible pour le champagne et pour l’éclosion du Nuits-Saint-Georges.

Le service a été excellent. Yannick Alléno est un chef que j’apprécie depuis vingt ans, quand j’écrivais à chaque repas au Scribe qu’il devait avoir les trois étoiles qu’il méritait avant de les obtenir. Quel beau repas d’anniversaire !

déjeuner en terrasse au restaurant l’Ecu de France samedi, 20 avril 2019

Le samedi précédent le jour de Pâques, nous allons en famille déjeuner au restaurant l’Ecu de France. C’est le premier jour où le restaurant offre la possibilité de déjeuner dehors, sur la terrasse qui est en surplomb de la Marne. Il fait beau, la température est estivale. De nombreuses personnes font du canoë ou du kayak. Il y a même des baigneurs qui se sont risqués à plonger dans la Marne.

Au restaurant, en plein air ou à l’extérieur il y a beaucoup de réunions familiales, des anniversaires qui se fêtent et même un mariage.

Je vais saluer le chef Peter Delaboss qui m’annonce son menu et sait qu’il faudra simplifier les recettes. Sur la foi de ce qu’il m’annonce, je commande les vins du repas.

Le menu composé par Peter Delaboss est : amuse-bouche : trilogie de saumon, pickles de merguez et concassé de tomates / Ceviche de Saint-Jacques à l’huile de gingembre, œuf mollet frit / marbré de foie de canard, caramel de betteraves / duo de sole et homard, bouillon de volaille, émulsion de parmesan / esquisse au chocolat, ananas Victoria, glace au thym / mignardises.

Le Corton-Charlemagne domaine Bonneau du Martray 2005 a un nez riche et noble. Il est puissant. En bouche, le vin est riche et puissant, extrêmement complexe. Avec les Saint-Jacques l’accord est percutant. Le vin est rayonnant, accompli et de belle maturité malgré son jeune âge.

J’ai demandé que le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2005 soit ouvert au moment précis où le homard et la sole sont servis. J’adore l’éclosion d’un vin jeune qui pendant le premier tiers de la bouteille délivre un frémissement et une subtilité qui sont extrêmes. Ce vin se présente au premier contact comme subtil, fragile, délicat. Je l’adore. Quand le vin est plus aéré, il devient plus assis, moins conquérant mais c’est un grand vin qui évoque des subtilités bourguignonnes sur un support de vin du Rhône.

L’accord avec la sole et le homard est superbe. Je l’apprécie plus sur la sole que sur le homard et plus sur la pince du homard que sur le corps. Lorsque l’on revient au vin blanc, on est subjugué par la puissance du Corton Charlemagne, très supérieure à celle du Rayas. Ces deux vins sont très grands.

Peter Delaboss qui présente ses plats comme Kandinsky présente ses toiles, en un Etna de création, fait beaucoup d’efforts pour rendre ses recettes cohérentes, alors que son tempérament est plutôt de faire des feux d’artifice. Les plats ont été excellents, surtout le Ceviche et le duo sole et homard.

Le service est attentif. Le lieu chargé d’histoire est agréable et déjeuner en plein air à la mi-avril est un grand bonheur. Deux grands vins ont illuminé ce repas printanier. Mes petits-enfants ont des étoiles dans les yeux dans cet endroit de rêve. C’est un beau cadeau de Pâques.

Dîner au restaurant Pages avec un Lanson Red Label 1961 vendredi, 19 avril 2019

Il y a un peu plus d’un an, un ami me dit : « tu devrais être sur Instagram, c’est là où il faut être. J’étais sur twitter pour parler de vins anciens et je me suis aventuré sur Instagram dont la structure est très différente de twitter. On dépose une photo avec un commentaire, et des réactions peuvent apparaître. Je me suis rendu compte que l’audience est effectivement beaucoup plus large que sur twitter. Les Rihanna, Kardashian, les chanteuses et les top-modèles y ont des millions, voire des centaines de millions de fans qui expriment par des petits cœurs le plaisir d’avoir des nouvelles de leurs idoles. Dans le monde du vin, c’est beaucoup plus modeste. J’ai publié et je publie des photos de bouteilles rares et je reçois un accueil chaleureux. Un jour, j’ai voulu faire comme lors de l’envoi de mes bulletins, une énigme qui animerait les rapports avec ceux qui me lisent (le mot follower me paraît totalement affreux, ainsi que son équivalent en français, « suiveur »).

L’énigme concerne le champagne Lanson qui a utilisé une bouteille en forme de quille et a produit des magnums seulement quelques années. L’objet de l’énigme est de citer ces années. Des centaines de personnes montrent qu’ils ont aimé le sujet et assez rapidement il y a un gagnant. Nous nous contactons. Il habite à Reims et travaille dans le champagne. Une date est choisie, je réserve au restaurant Pages pour trois personnes, car si nous sommes trois, cela donnera l’occasion d’ouvrir plus de vins. Maxence, le gagnant, m’annonce qu’il apportera un Laurent Perrier Grand Siècle. Mon intention est d’honorer le gagnant en partageant avec lui un Lanson Red Label 1961 et j’ajouterai un Laurent Perrier Grand Siècle beaucoup plus ancien que celui de Maxence. L’ami que j’invite annonce un Beaucastel 1998.

Toutes les conditions sont remplies. Nous sommes tous les trois à l’heure, le dîner peut commencer.

Le menu du jour préparé par l’équipe du chef Teshi et de Ken est : amuse-bouches : rouleau de printemps croustillant vinaigrette orange / radis Taikon ceviche / artichauts, chèvre frais, Cecina de Leon. Les plats : wagyu Osaki (sud du Japon) / caviar Daurenki (Petrossian) fleuve Amour et Chine, pomme de terre, céleri / raviole de foie gras, morille, ris de veau, menthe / homard bleu, bisque de homard / brioche iodée aux algues / merlan, coques, bouillon de haddock / asperge verte seule / pigeon de Vendée / cromesquis glace au foie gras / bœuf wagyu, vache normande, blonde d’Aquitaine / brioche posée sur table / compote de pomme et saint-nectaire / millefeuille fraise chizo rouge (basilic japonais) / mignardises : tartelette pamplemousse clémentine, pâtes de fruit, chocolat.

Ken sait que j’aime que l’on simplifie les recettes, ce qui donnera ce soir des accords d’une pertinence absolue.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle dégorgement 2018 est un assemblage de 2002, 2004 et 2006. La bouteille était un peu chaude, mais très rapidement nous profitons d’un champagne dont la caractéristique principale est le romantisme. Ce champagne est galant, courtois, tout en évocations de fleurs blanches. Nous trinquons sur le vin de Maxence et je lui demande comment il a trouvé la solution de l’énigme. Il me répond qu’il est un assidu de mon blog et qu’il se souvenait d’avoir lu ma visite au siège de Lanson. Et dans le compte-rendu, je signale les cinq millésimes où l’on a fait ces magnums. Il lui a suffi de les recopier. C’est évidemment moins valeureux que s’il avait fait de longues recherches, mais un jeu est un jeu et je ne peux pas lui reprocher d’être assidu de mon blog.

Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle « La Cuvée » dégorgement 2002 est composé de vins des années 80. Maxence qui travaille dans cette honorable maison de champagne n’avait jamais bu un Grand Siècle ancien et il est subjugué par le saut qualitatif qu’offre le plus ancien, brillant, solaire, glorieux, avec un épanouissement qui paraît tellement naturel. C’est un très grand champagne. Avec le wagyu en carpaccio assez peu gras, l’accord est divin. Le restaurant Pages ferait bien de ne pas présenter cette belle viande sur un grand os de bœuf, ce qui n’est pas très glamour. Il y a peut-être des raisons qui conduisent à cette présentation mais elles mériteraient de ne pas être écoutées. Avec le caviar, les deux Grand Siècle sont très à l’aise.

Pour la morille il est temps de servir le Champagne Lanson Vintage Red Label 1961. Avec ce champagne nous franchissons un nouveau palier, plus élevé que les précédents. On peut parler à son propos, de champagne parfait car son épanouissement, sa largeur, et ses complexités infinies en font un champagne de première grandeur. Je me pâme. La morille, toute simple, est divine et l’accord est sublime, surtout avec la petite sauce qui accompagne ce plat.

Le homard va permettre l’entrée en piste du vin de mon ami, qui poussera l’amitié jusqu’à nous inviter, le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 1998. Malgré sa jeunesse il est très affirmé, rond et juteux, et trouve un bel accord avec le homard si simple et si génial. Mais l’accord majeur est celui de la sauce avec le Lanson. Maxence est subjugué par le fait que la sauce et le champagne puissent ainsi se confondre.

Le merlan et sa sauce au haddock subliment le Grand Siècle le plus ancien, mais si nous n’avions que le plus jeune, il brillerait aussi. Nous naviguons dans des zones de gastronomie de très haut niveau.

Je revendique la paternité de l’accord qui suit. J’ai demandé à Ken que l’asperge soit cuite comme à l’étuvée et présentée seule, sans rien, sans sauce. Elle est croquante à souhait et avec le Beaucastel, c’est un miracle. L’amertume de l’asperge propulse les tannins du vin du Rhône. Nous sommes sur un petit nuage.

Le pigeon est idéal pour le Beaucastel, mais le Lanson ne lui laisse pas prendre toute la place. Il se marie à la sauce et au cromesquis, quand le Châteauneuf courtise la chair rose du pigeon.

Les trois morceaux de bœuf sont un peu forts pour le vin rouge et ce sont les deux plus anciens champagnes qui arrivent à les domestiquer. La cuisine toute simple, sur des produits de qualité, permet des accords majeurs.

Le jeune Grand Siècle est plus à son aise avec le fromage et les desserts et mignardises qui acceptent sa jeunesse.

Maxence n’avait jamais exploré aussi loin la recherche d’accords parfaits et cela lui a ouvert des portes qu’il compte bien ouvrir en d’autres occasions. Le classement des champagnes est en fait celui des âges avec 1- Lanson 1961, 2 – Grand Siècle fait de champagnes des années 80, 3 – Grand Siècle fait de champagnes du début des années 2000. La question est de savoir où classer le Beaucastel. Mes deux complices auraient volontiers mis le vin rouge en troisième position. J’ai été tellement conquis par les accords qui mettaient en valeur le Beaucastel que je le rangerai (par protection) à la deuxième place, même si le « vieux » Grand Siècle est sans doute plus racé.

Le premier Grand Siècle servi est tout romantisme, le deuxième Grand Siècle est aussi romantique mais d’une impériale sérénité et richesse, le Lanson est un champagne parfait, glorieux, intemporel et le Beaucastel est riche et charmeur, le jeune premier parfait. Quel grand repas !

Paulée de Vins anciens à l’Automobile Club de France jeudi, 18 avril 2019

Bruno est un fidèle de l’académie des vins anciens et était un des piliers des ‘casual Fridays’ lorsque nous en faisions. Il anime la section œnologie de l’Automobile Club de France. Il me propose de venir à l’une des « paulées » qu’il organise, dont le format est quasiment le même que celui des séances de l’académie des vins anciens, lorsque c’est une ‘paulée de vins anciens‘. En effet, nous serons 28, répartis en quatre tables et il y aura, en équivalents bouteilles, plus de 30 bouteilles.

J’arrive à 16h30 à l’Automobile Club de France et je suis dirigé vers le salon Concorde où Bruno a déjà rangé les bouteilles apportées par les membres du club. Bruno répartit les bouteilles par table et je détermine l’ordre de service. J’ai apporté deux magnums de champagne qui sont mis au frais et un double magnum de Château Meyney que j’ouvre en premier pour qu’il ait le temps de s’épanouir. J’ouvre ensuite les autres vins dans l’ordre des âges, les plus vieux devant profiter de plus de temps d’aération. Certains vins ont des senteurs désagréables mais qui ne me semblent pas rédhibitoires. D’autres ont des parfums très engageants. Pendant l’ouverture je discute avec des membres venus assister à la séance d’ouverture. L’un d’eux qui lit mes bulletins n’imaginait pas que les gestes soient aussi méticuleux. Un autre, le doyen de cette soirée puisqu’il est de 1930, est truculent et me raconte de belles histoires.

Lorsque toutes les bouteilles sont ouvertes, je vais prendre une bière au bar des membres joliment rénové comme tout l’immeuble. Bruno me montre les terrasses en haut de l’immeuble où la vue sur Paris est époustouflante. Trois membres du club s’entraînent à sonner du cor pour de futures cérémonies.

Il est prévu que je parle de vins anciens à cette noble assemblée et j’ai suggéré de faire ma présentation debout pendant que nous buvons un de mes champagnes. Bruno avait envisagé que je commente la dégustation du Meyney 1967 lors de mon exposé mais j’ai préféré qu’il soit servi aux quatre tables au moment opportun du repas.

Le Champagne Brut Prestige Diebolt Vallois Blanc de Blancs magnum sans année doit avoir au maximum une quinzaine d’années. Il est frais et vif, subtil et j’aime beaucoup sa tension. Il se boit avec plaisir.

Le deuxième champagne que j’ai apporté est un de mes chouchous, le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996. Il est très différent car il est plein de charme et de rondeur, champagne rassurant auquel on ne donnerait jamais 23 ans, tant il est fringant. J’ai senti pendant mon speech qu’il y a des membres très compétents en matière de vins mais tous ont été étonnés de mes remarques sur l’incroyable longévité des vins. J’espère avoir suscité quelques vocations à explorer ce monde fascinant des vins anciens. Les vins répartis aux quatre tables y ont brillamment contribué.

Contrairement aux séances de l’académie des vins anciens, chacun ne boit que les vins de sa table. Le double magnum a été bu à toutes les tables et les liquoreux ont aussi circulé de table en table. Voici les vins bus aux quatre tables :

La table 1 boira : Champagne Pommery 1947 / Martinez Lacuesta – Reserva Especial 1980 – Blanc – Rioja / Château Meyney double magnum 1967 / Château Pavie 1985 – Saint Emilion / Château Ausone 1958 / Château Brane Cantenac – Margaux – 1960 / Richebourg 1933 ou 1934 domaine Gros ? / Cuvée des Bosquets (Frères Pécoul) 1979 – Châteauneuf du Pape / Champagne Pommery 1947 / Château Doisy Daene 1969 / Château Guiraud Sauternes 1959.

La table 2 boira : Champagne Pommery Cuvée Louise 1998 / Réserve de l’Amiral » Saint Julien 1981 / Château Meyney double magnum 1967 / Château d’Issan 1985 – Margaux / Beaune 100 vignes 1969 / Martinez Lacuesta – Reserva Especial 1970 – Rioja / Viña Real – Reserval Especial 1973 – Rioja / Château Doisy Daene 1969

La table 3 boira : Champagne Piper Heidsick 1969 / Château Plagnac 1989 – Médoc / Clos Fourtet 1978 / Pichon Longueville contesse de Lalande 1969 – Pauillac / Château Meyney double magnum 1967 / Cos d’Estounel Saint Esptèphe 1970 / Gruaud Larose 69 / Imperial Gran Reserva 1973 – rioja – Espagne / Château Guiraud Sauternes 1959

La table 4 boira : Champagne Veuve Clicquot 1988 / Meursault Goutte d’or 1985 – Pothier Tavernier / Château Tour du Haut-Moulin 1985 – Haut Médoc / Château Meyney double magnum 1967 / Mercurey 1976 / Federico Paternina 1975 – Rioja / Viña Réal – Reserval Especial 1966 – Rioja / Arbois Vin Jaune Joseph tissot 1988

Le menu mis au point par Bruno avec le chef est : rillettes de lapin, pâté en croûte de canard, salade de champignons de Paris / chou farci de volaille et girolles, grenailles de Noirmoutier / tarte à l’ananas Victoria / café et palets ACF. Le chef a fait un travail de haut niveau. Son chou farci est un régal.

Etant à la table une, voici ce que j’ai bu. Le Champagne Pommery 1947 a une histoire amusante car le membre du club présent à cette table qui l’a apporté, avait acheté un appartement dans Paris et il a trouvé par la suite dans la cave des vins très anciens dont deux bouteilles de ce champagne qu’il a apportées. C’est donc par un hasard pur qu’il en fut propriétaire. Le champagne pourrait rebuter un palais non familier de ces champagnes anciens mais j’ai aidé mes convives à entrer dans ce monde et un fruit magnifique est apparu au bout de quelques minutes, montrant un très grand champagne. Je l’ai adoré tant il est raffiné.

N’ayant pas pris de notes et étant surtout concentré sur les questions qui m’étaient posées, mes souvenirs sont succincts. Le Martinez Lacuesta Reserva Especial Blanc Rioja 1980 est d’une belle couleur claire et se montre très jeune et riche, évoquant un peu les roussanes du Rhône. C’est une curiosité qui n’est pas très porteuse d’émotion même si le vin se boit agréablement.

Le Château Meyney double magnum 1967 est une surprise pour tout le monde car on n’imaginerait jamais qu’un vin de 52 ans ait cette énergie et cette jeunesse. Ce qui le caractérise, c’est l’équilibre et la sérénité. Il offre une évocation de truffe très pertinente et il est gastronomique. Il est la parfaite illustration de mes propos sur les vins anciens.

Le Château Pavie Saint-Emilion 1985 est un très grand vin épanoui. Il a une grande classe et montre que Gérard Perse a bien fait de s’intéresser à ce domaine qui fait des vins nobles.

Le Château Ausone Saint-Emilion 1958 est d’une année moins flatteuse que celle de son voisin de 1985 mais il est meilleur que ce que je pouvais attendre et montre que même sur cette année, il a les qualités d’un des plus grands, sinon le plus grand Saint-Emilion.

Goûtant en premier le Château Brane Cantenac Margaux 1960 j’ai pensé qu’il ne devrait pas être servi car son parfum fatigué n’est pas net. Il a été mis de côté et par curiosité des convives de ma table l’ont servi en fin de repas. Le vin avait retrouvé sa pertinence et méritait d’être bu, prouvant une fois de plus le pouvoir de l’oxygénation.

L’un des convives de notre table est né en 1933. Il avait acheté un vin étiqueté à la main qui doit être un Richebourg de 1933 ou 1934 et très probablement un Richebourg du domaine Gros 1933. Il est absolument charmant et montre toute l’élégance des vins de Bourgogne. Ce vin est chaleureux et émouvant.

Le Châteauneuf du Pape Cuvée des Bosquets (Frères Pécoul) 1979 est un vin franc et facile d’accès qui montre à quel point ces vins du Rhône sont accueillants. Il n’a pas la finesse du Richebourg mais il est convivial.

Le Viña Real Reserva Especial Rioja 1959 est un solide vin espagnol plutôt riche mais qui ne me parle pas beaucoup. En revanche, avec le Valbuena 5° Ribeira del Duero año 1978 qui appartient au groupe Vega Sicilia, j’ai eu, sur un instant, un flash, le sentiment d’un petit miracle, avec un fruit étonnant. Cet éclair n’a pas duré longtemps mais je l’ai eu.

Le deuxième Champagne Pommery 1947 a bénéficié d’une aération supplémentaire. Il est aussi intéressant que le premier. C’est un grand champagne avec de belles complexités et un fruit très plaisant. Sa longueur est extrême.

Les deux sauternes ont été bus à plusieurs tables. Ils sont glorieux l’un et l’autre et très différents. Le Château Doisy-Daëne 1969 est plus sec mais très précis et délicat. Le Château Guiraud Sauternes 1959 a un botrytis plus important. Il est plus sauternes avec du gras, et les deux donnent du plaisir. Le Guiraud, c’est le plaisir et le Doisy-Daëne, c’est le raffinement.

Mes convives ont été impressionnés par l’équilibre et l’épanouissement que donne l’oxygénation lente d’une ouverture précoce des vins. Il me semble que des horizons nouveaux se sont ouverts pour beaucoup des participants. Il est prévu que cette paulée des vins anciens ait des suites. Tant mieux.

 

Dons pour Notre Dame de Paris jeudi, 18 avril 2019

Un ami, participant fidèle de mes dîners, me transmet cette information :

La Fondation Avenir du Patrimoine à Paris fait partie des 4 vecteurs de collecte signalés par un communiqué du ministère de la culture (« Fondation Notre Dame / Avenir du Patrimoine à Paris », une manière de résumer « Fondation Avenir du Patrimoine à Paris, sous l’égide de la Fondation Notre Dame »).

CHEQUE
Ordre : Fonds Notre-Dame de Paris
Adresse : Fondation Avenir du Patrimoine – 10 rue du Cloître Notre-Dame – 75004 Paris

DON PAR CARTE BANCAIRE
https://don.fondationnotredame.fr/fapp-notre-dame
ou bien (si le 1er ne fonctionne pas)
https://www.commeon.com/fr/projet/urgencenotredameparis#COBA

Ci-joint le RIB :

RIB FND FAPP NOTRE DAME DE PARIS compte euros

Dîner à la manufacture Kaviari avec le chef Hideki Nishi mardi, 16 avril 2019

Il est des moments où tout est sombre. J’avais réservé trois places pour un dîner de chefs à la Manufacture Kaviari. Appelant moins d’une heure avant, on m’informe que l’on avait noté deux places seulement. Et la configuration de la table ne permet pas de rajouter un couvert. Ma femme décide de se sacrifier et je serai seul avec ma fille qui vient à Kaviari par ses propres moyens.

Je suis seul dans le taxi et je lis un message de ma femme : Notre-Dame de Paris brûle. Je lève la tête sur l’autoroute et je vois un énorme nuage de fumée dans le ciel. Cette embrasement sera suivi d’un vrai cauchemar car le feu grandit au point que la flèche s’est effondrée. Quelle tristesse, quelle douleur. Pendant mes années de math-élem, d’hypo-taupe et de taupe, je me rendais à pied au lycée Louis-le-Grand depuis la station de métro Pont Marie. Matin et soir je traversais la Seine et je longeais le parvis de Notre-Dame, impressionné et vivifié par l’irradiante beauté de cette cathédrale. Ma douleur est extrême.

J’arrive à la Manufacture Kaviari. Le sujet de conversation est celui de l’effroi que cause le terrible incendie de la cathédrale. Nous serons douze à table pour profiter de la cuisine de Hideki Nishi, le chef du restaurant Neige d’Eté. Le chef est venu avec toute son équipe et aussi avec le chef du restaurant Pilgrim dont il est aussi propriétaire.

Parmi les participants il y a beaucoup de personnes qui viennent pour la première fois et un couple qui est fidèle de tous ces dîners. Les conversations seront séparées entre les deux côtés de la table. Nous bavarderons ma fille et moi avec deux couples qui sont des habitués du restaurant Neige d’Eté dont ils nous font l’éloge.

L’apéritif debout est au Champagne Billecart-Salmon Brut sans année toujours aussi agréable et facile à vivre, joli champagne de soif dont nous serons servis chichement à table puisqu’il fallait toujours réclamer. Alors que cette maison de champagne est le partenaire de Kaviari pour ces repas, la réserve de bouteilles était insuffisante et il nous a fallu boire un autre champagne en fin de repas.

A ce détail près, le repas fut un enchantement. Le menu composé par Hideki Nishi est : beignet de ventrèche de thon et tartare de thon, caviar Kristal / Shabu shabu de wagyu, caviar osciètre / gratiné de homard, caviar Kristal / grain de chocolat noir et mousse vanille.

Dès le premier plat on prend conscience du talent du chef car les saveurs sont précises et la mâche est gourmande. Les chefs japonais s’imposent de plus en plus dans le panorama gastronomique de Paris et proposent une cuisine élégante, cohérente et talentueuse. Le thon est délicieux et les petits légumes traités en petits dés de la taille des grains de caviar sont particulièrement agréables à manger.

Le wagyu mariné dans une soupe est servi froid alors qu’il pourrait aussi être servi chaud, comme l’explique le chef du Pilgrim. L’accord avec le caviar est d’un grand naturel et c’est pertinent pour l’accord que le wagyu soit froid.

J’ai été très impressionné par le troisième plat car je n’aurais jamais parié sur un accord entre homard et oursin, car mon intuition est qu’ils ne peuvent pas s’entendre. Or la crème d’oursin très douce et le homard à peine cuit, donc divinement cuit, se sont entendus à merveille. Le caviar Kristal apporte une petite note salée sans prendre le devant de la scène laissé à ce merveilleux accord homard et oursin.

La très jolie pâtissière de Neige d’Eté est aussi jolie et souriante que la pâtissière du restaurant Pages. Son dessert représentant un nid où trônent des grains de chocolat qui ressemblent à des grains de caviar est un très joli clin d’œil et en plus le dessert est bon.

Ce dîner donne envie d’aller au restaurant Neige d’Eté. La Manufacture Kaviari a créé des dîners qui sont du plus grand intérêt.

Déjeuner à la Brasserie Bofinger lundi, 15 avril 2019

C’est un déjeuner de travail avec des financiers. J’ai choisi d’inviter à la Brasserie Bofinger qui fut, il y a un demi-siècle, un lieu qu’avec ma jeune épouse je fréquentais. Le cadre est d’un charme suranné que j’adore. Etant arrivé le premier je commande sans attendre un Champagne Dom Pérignon 2009. Des bretzels arrivent sur la table et je les grignote. Ce champagne est d’un accomplissement qu’on attendrait d’un champagne beaucoup plus ancien. Son équilibre est impressionnant. C’est le champagne simple parfait. Les huîtres n° 3 de Gillardeau sont comme le claquement d’une vague qui éclabousse le chemin d’un phare que l’on a l’envie de visiter en bravant la tempête. Il y a les embruns qui picotent ma peau. Le pain n’est pas exceptionnel, le beurre pas beaucoup plus et les bretzels non plus mais dans cette ambiance brasserie, je ne suis pas d’humeur à critiquer, car brasserie, c’est brasserie, avec ses pleins et ses déliés, ses forces et ses faiblesses. Les filets de bar sont à la fois bons mais aussi banals, mais qu’importe, on ne touche pas aux brasseries de mes souvenirs. Et le Dom Pérignon 2009 illumine ce repas au cours duquel nous avons réussi à travailler.

très joli panneau en sous-sol

Conférence dégustation à l’école Cordon Bleu lundi, 8 avril 2019

Il m’est arrivé plusieurs fois de faire des conférences dégustation pour les élèves de la célèbre école Cordon Bleu qui forme aux métiers du vin et de la gastronomie. C’est grâce à l’amitié qui me lie à Franck Ramage, directeur des études. Le Cordon Bleu est depuis deux ans et demi dans un nouvel immeuble le long de la Seine où on peut accueillir plus de 3000 élèves par an, de toutes nationalités. Franck me fait monter en haut de l’immeuble où je trouve un jardin potager immense où toutes les herbes culinaires poussent. Il y a aussi des ruches. J’ai apporté des vins de ma cave pour sensibiliser les élèves au monde des vins anciens que leurs études ne leur donnent pas l’occasion de connaître. Je fais cela bénévolement pour essayer de faire passer mes idées sur l’importance que représentent les vins anciens.

Dans une magnifique salle de dégustation 18 élèves de toutes nationalités vont goûter les vins qui sont presque tous largement plus vieux qu’eux. Je suis venu une heure et demi avant la conférence pour ouvrir les vins, ce qui m’a permis ensuite de déjeuner dans la superbe cafétéria de l’école.

Nous commençons la dégustation par un Château Bel Air Canon Fronsac 1978 qui a une acidité assez forte mais qui se montre d’une très belle énergie. Pour eux c’est un vin ancien alors que pour moi c’est encore un gamin.

Le Château Léoville Poyferré Saint-Julien 1975 a beaucoup plus de corps et un fruit étonnant de largeur. Il est charmeur et, comme je le souhaitais, il fait vaciller toutes les idées préconçues que l’on a sur les vins anciens. Car son énergie est immense.

J’ai voulu ensuite que l’on goûte ensemble deux vins séparés de plusieurs décennies. Le Châteauneuf du Pape Clos de l’Oratoire 1999 est d’un équilibre parfait. Autant le 1978 faisait jeune, quasi un bambin, autant le 1999 montre des signes de belle maturité. Il est d’un équilibre rare.

Au premier contact avec le Châteauneuf du Pape Château de Vaudieu 1964, j’ai tendance à préférer le plus jeune Châteauneuf, mais dès que le 1964 s’épanouit dans le verre on jouit d’un vin plein, doux, agréable et d’une cohérence extrême. On voit donc que l’on peut aimer aussi bien le plus jeune que celui qui a dépassé le demi-siècle. Encore une fois, les idées préconçues tombent.

Le Maury La Coume Du Roy 1925 est d’un charme confondant. Il est suave, doux, charmeur mais d’une force qu’aucun élève n’aurait imaginée. Un vin de 94 ans qui a ce charme et cette vivacité, comment est-ce possible pour cette jeune assistance captivée ?

Nous avons longuement bavardé et j’ai reçu ensuite des messages où certains élèves m’annoncent que désormais ils vont s’intéresser aux vins anciens. J’ai offert la possibilité à six d’entre eux de venir à la prochaine séance de l’académie des vins anciens. Grâce à de telles rencontres internationales, la cause des vins anciens sera mieux défendue. Il y a encore beaucoup à faire, mais petit à petit l’oiseau fait son nid. Longue vie au Cordon Bleu et longue vie aux vins anciens.

déjeuner à la cafétéria

A dinner with 1937 Romanée Conti and some other rarities vendredi, 5 avril 2019

A dinner with 1937 Romanée Conti and some other rarities

My friend Tomo and I are getting offers from the same wine supplier. He sends an offer for a Romanée-Conti 1937. Alone, I would not buy it, but if we are two, it seems possible to me. Tomo agrees to share it because we are used to buying together. The supplier proposes to join us for drinking. It is agreed that everyone brings an extra bottle and the friend supplier pulls the first on the trigger by offering a rare bottle of Champagne Billecart-Salmon 1949. I propose to bring Yquem 1937, the year of the Romanée Conti and as Tomo hesitates to his contribution, I propose that he brings Yquem 1937 since he has it and I will bring a Corton-Charlemagne JF Coche-Dury 2003. We agree and Tomo launches: ‘I will bring no doubt a surprise’. This is the door open to unreason because obviously we will all have a surprise.

I propose to do dinner at the Taillevent restaurant. At the date, at the same time as Tomo, I arrive at 17 hours to open the bottles and I have the chance to meet on my arrival the chef David Bizet with whom I will build the menu. We understand each other very easily.

The nose of the Corton-Charlemagne does not have the power of the olfactory bombs of the wines of Coche-Dury but it has an extreme elegance. It promises to be great. The bottle of Romanée Conti is absolutely illegible. How did our friend supplier find the name and year? Tomo gives me clues. There is the little crescent label that says it’s a monopoly. One can read in very small letters the word « French », which can only correspond to Richebourg, but it is not monopoly or to Romanée Conti. The year is found thanks to a 7. There is no Romanée Conti 1947, the choice is between 1937, 1927 or 1917. Everything indicates that 1937 is the most realistic, especially as we guess the top of number 3.

The wax is completely removed on the top of the neck so that the cap is bare at the top of the neck. It comes in a thousand pieces because it sticks so much to the glass wall that it is necessary to tear small pieces that the tirebouchon cannot lift. Pieces fall into the wine and I have to catch most of it. The smell of wine is very compatible with that of a Romanée Conti but I am embarrassed by the fact that it is roasted. The wine has most likely been hit hot in a cellar. For wines as prestigious as this one, it’s a pity because the sensible roasting will deprive us perhaps of the emotion of this masterpiece.

As if destiny wanted to make us a snub, the fragrance of Chambolle-Musigny Amoureuses Faiveley Negociant 1929, the surprise of Tomo, is to die for. For me, it is the absolute perfection of the perfume of a Burgundy wine and it is the perfection also of a perfume of 1929. Then this wine could make shade to the star of this dinner. We will see. The fragrances offered by Château d’Yquem 1937 are divine. This wine is a count, what do I say it is a prince, what do I say it is an emperor! Its amber color is of a divine beauty. The ‘surprise’ wines of our friend and mine will not be open for now.

The opening operation being finished around 18 hours we have Tomo and I chatting while waiting for our friend.

The menu designed with chef David Bizet is: glazed veal sweetbreads, steamed morels with champagne / lobster in navarin, return of kitchen garden with pimpernel / pigeon with roasted blood with wild garlic, truffled black olive confit fillet of mature beef, morels with appetites, soufflé apples / cheese / mango pavlova with raw cream / salted butter financiers.

Half an hour before our friend arrives, I open his champagne. What a nice surprise to hear the sound of gas escaping. Pschitt is significant and very important for a champagne of this age. At the time of service we note that the Champagne Billecart-Salmon Brut 1949 has the color of a young champagne. The bubble is rare and small but the sparkling is tasty. Champagne does not have a great tension but it is of a rare balance. It takes us to countries where we have no landmark. What is striking is ease, balance and charm. It’s a very big champagne. I had asked that the sweetbread be calm and light. What is served to us is a beautiful dish as a dish, but too strong for the subtle champagne.

The Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003 does not have the usual power of the Corton-Charlemagne of this famous house. It is of a rare complexity and amazes me by its subtle evocations. We thought we were meeting an athlete and we are facing a young poet. What a charm, what infinite complexities! I think I have never drunk a Corton-Charlemagne Coche-Dury so exceptional. All the subtlety registers are surpassed. The deal with lobster is ideal but we should have done without vegetables that bring consistency to the dish but add nothing to wine.

For the two dishes of meat, pigeon and beef, we will drink together the two red wines. Before the dish of pigeon is served, the Chambolle-Musigny Amoureuses Faiveley Negociant 1929 with the ideal perfume is dashing. We immediately feel that it is a Premier Cru and that it does not have the stature of a Grand Cru, despite the fact that it is very exciting to drink, juicy and bloody. Beside him, the Romanée Conti Domain of the Romanée Conti 1937 still has a roasted nose and its heavy and powerful mouth makes this side appear a little burnt which does not prevent to be pleasant, because, one feels it well, the wine is big.

We are served the pigeon. What happiness that none of us is dogmatic! Because there is a small miracle. The magnificent flesh of the pigeon and especially its sauce completely erase the roasted appearance and we discover a true Romanée Conti, vibrant. I even find the salt so beautiful that was hiding until then. We have the demonstration that the wines need to rub to a suitable dish to shine. And we are happy because our fears no longer exist. Although the mature meat is excellent, it is especially the supreme of the pigeon that gives the Romanée Conti its true grandeur. The 1929 is very small next to the 1937 whereas before the dishes it was much more pleasant and distinguished, as it must be a great wine of 1929.

We wanted so much to share a great Romanée Conti that we take full advantage of this rare moment. But there is a sign that does not deceive. Usually one finds in the dregs a supplement of soul because it concentrates all the personality of the wine. But I found the dregs of Romanée Conti less frisky than the wine itself. It is enough, however, that we have had a beautiful moment of grace to make us happy.

What was left of Corton-Charlemagne was very suitable for mature meat and also for excellent cheeses, in my case, a saint-nectaire.

It is now the arrival of the Château d’Yquem 1937. Like the Corton Charlemagne this wine is not thundering, which develops even more its elegance. It’s a huge Yquem, probably the best of the seven Yquem 1937s I’ve drunk. What a great wine of infinite magic, without too much botrytis and good acidity. Wines like this give the image of perfection.

Enter the surprise of our friend, a Champagne Pommery rosé 1934. Its color is very beautiful and very young, the bubble is weak but the sparkling is there. What fascinates me is that it is possible to switch from Yquem to champagne rosé and vice versa without the slightest problem, as if they were playmates. I had asked financiers pastries for this rosé. They are probably the best financiers I have ever tasted. The mango dessert is only for the Yquem and sweet pavlova is not necessarily its best friend. The Yquem well supports the financiers planned for the champagne.

Now comes my surprise that will be one for me too. I had bought Marc de rosé bottles from Ott 1929 and found this marc of immense interest. During a second order of this marc, I received bottles with pink liquid and at the same time two bottles with liquid so clear that I imagined that it was water. When I opened the bottle before the meal, the water hypothesis no longer existed. It was the surprise of my surprise! This Ott Marc Blanc 1929 has no charm at all. It looks more like a slightly bitter grappa. He is very manly compared to his pink cousin. We do not insist.

We are three to vote for our five favorite wines on six wines, the alcohol not being in competition. For Tomo, his winner is the Billecart Salmon and for the friend and me it is the Corton-Charlemagne who is our number one. I almost got scraped when I ranked Pommery rosé before Billecart Salmon but I was very impressed by the Pommery’s ability to coexist with the Yquem.

The consensus ranking would be: 1 – Corton-Charlemagne JF Coche-Dury 2003, 2 – Champagne Billecart-Salmon Brut 1949, 3 – Château d’Yquem 1937, 4 – Romanée Conti Domaine Romanée Conti 1937, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Faiveley Negociant 1929.

My classification is: 1 – Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Romanée Conti Domaine of Romanée Conti 1937, 4 – Champagne Pommery rosé 1934, 5 – Champagne Billecart-Salmon Brut 1949.

 

The appetizers at the beginning of the meal are of a certain refinement which shows the talent of the chef, promised to the most beautiful destinies. All dishes were outstanding but the first two, sweetbreads and lobster were treated more as dishes than as wine guides. On the contrary the following dishes were ideal for the wines.

Anastasia, the sommelier who accompanied us on this magical trip did an excellent service. One of the great qualities of Taillevent is its ability to adapt to all situations. This meal was exemplary, with memorable wines. And the Romanée Conti 1937 will be a great memory.

dîner au restaurant Taillevent avec une Romanée Conti 1937 vendredi, 5 avril 2019

Mon ami Tomo et moi recevons des offres du même fournisseur de vins. Il envoie une offre pour une Romanée-Conti 1937. Tout seul, je ne l’achèterais pas, mais à deux, ça me semble possible. Tomo est d’accord de la partager car nous avons l’habitude de ces achats en commun. Le fournisseur propose de se joindre à nous pour la boire. Il est convenu que chacun apporte une bouteille supplémentaire et l’ami fournisseur tire le premier en proposant une rarissime bouteille de Champagne Billecart-Salmon 1949. Je propose d’apporter Yquem 1937, de l’année de la Romanée Conti et comme Tomo hésite pour son apport, je propose qu’il apporte Yquem 1937 puisqu’il en a et j’apporterai un Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003. Nous sommes d’accord et Tomo lance : ‘j’apporterai sans doute une surprise’. C’est la porte ouverte à la déraison car bien évidemment nous aurons tous une surprise.

Je propose de faire le dîner au restaurant Taillevent et compte-tenu de la forme que prend ce dîner il sera compté comme le 235ème dîner de wine-dinners, même si les apports ne proviennent pas tous de ma cave, ce qui est l’usage pour ces dîners.

Le jour dit, en même temps que Tomo, j’arrive à 17 heures pour ouvrir les bouteilles et j’ai la chance de rencontrer à mon arrivée le chef David Bizet avec lequel je vais bâtir le menu. Nous nous comprenons très aisément.

Le nez du Corton-Charlemagne n’a pas la puissance des bombes olfactives des vins de Coche-Dury mais il a une élégance extrême. Il promet d’être grand. La bouteille de la Romanée Conti est absolument illisible. Comment notre ami fournisseur a-t-il pu trouver le nom et l’année ? Tomo me donne des indices. Il y a la petite étiquette en forme de croissant qui indique que c’est un monopole. On peut lire en toutes petites lettre le mot « française », ce qui ne peut correspondre qu’au Richebourg, mais il n’est pas monopole ou à la Romanée Conti. L’année est trouvée grâce à un 7. Il n’y a pas de Romanée Conti 1947, le choix est donc entre 1937, 1927 ou 1917. Tout indique que 1937 est la plus réaliste, d’autant qu’on devine le haut du chiffre 3.

La cire est entièrement enlevée sur le haut du goulot ce qui fait que le bouchon est nu en haut du goulot. Il vient en mille morceaux car il colle tellement à la paroi de verre qu’il faut déchirer des petits morceaux que le tirebouchon ne parvient pas à lever. Des morceaux tombent dans le vin et je dois en repêcher la plus grande partie. L’odeur du vin est très compatible avec celle d’une Romanée Conti mais je suis gêné par le fait qu’elle est torréfiée. Le vin a très probablement subi un coup de chaud dans une cave. Pour des vins aussi prestigieux que celui-ci, c’est dommage car la torréfaction sensible nous privera peut-être de l’émotion de ce chef-d’œuvre.

Comme si le destin voulait nous faire un pied de nez, le parfum du Chambolle-Musigny Amoureuses Faiveley Négociant 1929, la surprise de Tomo, est à se damner. Pour moi, c’est la perfection absolue du parfum d’un vin de Bourgogne et c’est la perfection aussi d’un parfum de 1929. Alors ce vin fera-t-il de l’ombre à la star de ce dîner. Nous verrons.

Les fragrances qu’offre le Château d’Yquem 1937 sont divines. Ce vin, c’est un comte, que dis-je c’est un prince, que dis-je c’est un empereur. Sa couleur ambrée est d’une beauté divine. Les vins ‘surprises’ de notre ami et la mienne ne seront pas ouverts pour l’instant. L’opération d’ouverture étant finie vers 18 heures il nous reste Tomo et moi à bavarder en attendant notre ami.

Le menu conçu avec le chef David Bizet est : ris de veau laqué, morilles étuvées au champagne / homard de casier en navarin, retour de potager à la pimprenelle / pigeon au sang rôti à l’ail des ours, confit d’olive noire truffé / filet de bœuf maturé, morilles aux appétits, pommes soufflées / fromage / mangue en pavlova à la crème crue / financiers au beurre salé.

Une demi-heure avant que notre ami n’arrive, j’ouvre son champagne. Quelle belle surprise d’entendre le bruit du gaz qui s’échappe. Le pschitt est significatif et très important pour cet âge. Au moment du service nous constatons que le Champagne Billecart-Salmon Brut 1949 a la couleur d’un jeune champagne. La bulle est rare et petite mais le pétillant est savoureux. Le champagne n’a pas une grande tension mais il est d’un équilibre rare. Il nous emmène dans des contrées où nous n’avons pas de repère. Ce qui frappe c’est l’aisance, l’équilibre et le charme. C’est un très grand champagne. J’avais demandé que le ris de veau soit calme et léger. Ce qui nous est servi est un plat magnifique en tant que plat, mais trop fort pour le subtil champagne.

Le Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003 n’a pas la puissance habituelle des Corton-Charlemagne de cette grande maison. Il est d’une complexité rare et me stupéfie par ses évocations subtiles. On pensait rencontrer un athlète et l’on est face à un jeune poète. Quel charme, quelles complexités infinies. Je crois n’avoir jamais bu un Corton-Charlemagne de Coche-Dury aussi exceptionnel. Tous les registres de subtilité sont surpassés. L’accord avec le homard est idéal mais on aurait dû se passer des légumes qui apportent une cohérence au plat mais n’ajoutent rien au vin.

Pour les deux plats de viande, de pigeon et de bœuf, nous boirons ensemble les deux vins rouges. Avant que le plat de pigeon ne soit servi, le Chambolle-Musigny Amoureuses Faiveley Négociant 1929 au parfum idéal est fringant. On sent tout de suite que c’est un premier cru et qu’il n’a pas la stature d’un grand cru, malgré le fait qu’il soit très passionnant à boire juteux et sanguin. A côte de lui, la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1937 a toujours le nez torréfié et sa bouche lourde et puissante fait apparaître ce côté un peu brûlé qui n’empêche pas de se faire plaisir, car, on le sent bien, le vin est grand.

On nous sert le pigeon. Quel bonheur qu’aucun de nous ne soit dogmatique ! Car il se produit un petit miracle. La magnifique chair du pigeon et surtout sa sauce effacent totalement l’aspect torréfié et nous découvrons une vraie Romanée Conti, vibrante. Je retrouve même le sel si beau qui se cachait jusqu’alors. Nous avons la démonstration que les vins ont besoin de se frotter à un plat adapté pour briller. Et nous sommes heureux car nos craintes n’existent plus. Bien que la viande maturée soit excellente, c’est surtout le suprême du pigeon qui donne à la Romanée Conti sa vraie grandeur. Le 1929 se fait tout petit à côté du 1937 alors qu’avant les plats il se montrait beaucoup plus agréable et racé, comme le doit être un grand vin de 1929.

Nous souhaitions tellement partager une grande Romanée Conti que nous profitons pleinement de ce rare moment. Mais il y a un signe qui ne trompe pas. D’habitude on trouve dans la lie un supplément d’âme car elle concentre toute la personnalité du vin. Or j’ai trouvé la lie de la Romanée Conti moins fringante que le vin lui-même. Il suffit cependant que nous ayons connu un bel instant de grâce pour que nous soyons heureux.

Ce qui restait du Corton-Charlemagne s’est montré très adapté à la viande maturée et aussi sur d’excellents fromages, dans mon cas, un saint-nectaire.

C’est maintenant l’arrivée du Château d’Yquem 1937. Comme le Corton Charlemagne ce vin n’est pas tonitruant, ce qui développe encore plus son élégance. C’est un immense Yquem, très probablement le meilleur des sept Yquem 1937 que j’ai bus. Quel grand vin d’une magie infinie, sans trop de botrytis et à la belle acidité. Des vins comme celui-ci donnent l’image de la perfection.

Entre en piste la surprise de notre ami, un Champagne Pommery rosé 1934. Sa couleur est très belle et très jeune, la bulle est faible mais le pétillant est là. Ce qui me fascine, c’est qu’il est possible de passer de l’Yquem au champagne rosé et inversement sans le moindre problème, comme s’ils étaient des compagnons de jeu. J’avais demandé des financiers pour ce rosé. Ce sont probablement les meilleurs financiers que j’aie goûtés. Le dessert à la mangue n’est fait que pour l’Yquem et la pavlova sucrée n’est pas forcément sa meilleure amie. L’Yquem supporte bien les financiers prévus pour le champagne.

Vient maintenant ma surprise qui en sera une aussi pour moi. J’avais acheté des bouteilles de Marc de rosé d’Ott 1929 et j’avais trouvé ce marc d’un immense intérêt. Lors d’une deuxième commande de ce marc, j’ai reçu des bouteilles au liquide bien rose et en même temps deux bouteilles au liquide si clair que j’ai imaginé qu’il s’agisse de l’eau. Quand j’ai ouvert la bouteille avant le repas, l’hypothèse de l’eau n’existait plus. C’était la surprise de ma surprise ! Ce Marc blanc d’Ott 1929 n’a pas du tout le charme des marcs de rosés. Il ressemble plus à une Grappa légèrement amère. Il est très viril par rapport à son cousin rosé. Nous n’insistons pas.

Nous sommes trois à voter pour nos cinq vins préférés sur six vins, l’alcool n’étant pas en compétition. Pour Tomo, son vainqueur est le Billecart Salmon et pour l’ami et moi c’est le Corton-Charlemagne qui est notre numéro un. J’ai failli me faire écharper lorsque j’ai classé le Pommery rosé devant le Billecart Salmon mais j’ai été très impressionné par la faculté du Pommery à coexister avec l’Yquem

Le classement du consensus serait : 1 – Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003, 2 – Champagne Billecart-Salmon Brut 1949, 3 – Château d’Yquem 1937, 4 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1937, 5 – Chambolle-Musigny Amoureuses Faiveley Négociant 1929.

Mon classement est : 1 – Corton-Charlemagne J.F. Coche-Dury 2003, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1937, 4 – Champagne Pommery rosé 1934, 5 – Champagne Billecart-Salmon Brut 1949.

Les amuse-bouches en début de repas sont d’un raffinement certain qui montre le talent du chef, promis aux plus belles destinées. Tous les plats ont été remarquables mais les deux premiers, le ris de veau et le homard ont été traités plus comme des plats que comme des accompagnateurs des vins. Au contraire les plats suivants ont été idéaux pour les vins. Anastasia, la sommelière qui nous a accompagnés dans ce voyage magique a fait un excellent service. Une des grandes qualités du Taillevent c’est sa capacité à s’adapter à toutes les situations. Ce repas fut exemplaire, avec des vins mémorables. Et la Romanée Conti 1937 sera un grand souvenir.

les couleurs des deux rouges, le 1929 et le 1937