Dîner au restaurant Pages avec des musiciens vendredi, 22 février 2019

Tomo accueille régulièrement des musiciens de l’orchestre philharmonique de Berlin lorsqu’ils se produisent à Paris. Ils sont des passionnés de vin, ce qui permet de belles fêtes. Tomo a privatisé pour le dîner le restaurant Pages. On a installé devant nous sur des plateaux une profusion de mets que l’équipe du chef Teshi va cuisiner à la demande. Il y a des poissons crus, des viandes, des légumes des homards, et tout donne envie.

Le Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum 2007 est très agréable, simple, accueillant, assez dosé mais de grand plaisir.

Le Champagne Veuve-Clicquot Ponsardin magnum 1985 est un peu plus racé mais je suis gêné par l’insistance lactée de son goût. Il manque de précision.

Le Champagne Moët & Chandon Grand Vintage Collection magnum 1985 a une belle maturité et un bel équilibre. Les Moët âgés sont toujours réussis. Sur des poissons crus, c’est un réel bonheur.

Pour le homard cuit à la perfection, j’ai envie que l’on goûte le vin que j’ai apporté, le Château La Mission Haut-Brion magnum 1971. Il est profond, incisif, à la trace charbonnée qui est un marqueur des vins de Haut-Brion. Ce vin intense est un régal. Lorsque j’ai vu les asperges blanches, j’ai demandé qu’on les prépare cuites dans un bouillon puis séchées pour qu’elles apparaissent croquantes. Et à la grande surprise de mes voisins de table, dont Tomo, l’accord de l’asperge avec le vin de Graves est saisissant, donnant une énergie au vin qui est spectaculaire.

Nous goûtons en même temps le Château Margaux magnum 1966 qui est d’une grande pureté. Il joue beaucoup sur son charme et séduit, alors que le Mission Haut-Brion est tout en profondeur. Ce sont deux bordeaux à maturité de grand niveau et très différents.

Le Vosne-Romanée Les Beaux Monts Domaine Leroy 2009 a une énorme force de conviction. C’est un fonceur si déterminé qu’il évoque à s’y méprendre un Vega Sicilia Unico, ce lourd vin espagnol si expressif aux fruits noirs très riches. Tout est fait pour que l’on aime ce vin de Leroy, mais je trouve qu’on a un peu perdu de la délicatesse bourguignonne. Les plats se succèdent et tout est tellement bon qu’on succombe à la tentation.

Le Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau Cuvée da Capo 2000 est solide et droit mais il a un peu de mal à passer après le vin de Leroy.

Sur le dessert Tomo nous verse un Château Filhot 1919 à la couleur claire qui a perdu son sucre. Il est sec, voire un peu trop sec même si j’aime les expressions des sauternes au botrytis quasi absent. L’accord avec le délicieux dessert fait par la talentueuse pâtissière est parfait.

La femme de Tomo a soufflé les bougies d’un gâteau d’anniversaire. L’assistance était à majorité japonaise mais aussi d’une autre majorité musicienne. Partager des vins en bonne compagnie est un régal. Tomo a été d’une générosité extrême. Mon classement serait : 1 – Mission Haut-Brion 1971, 2 – Château Margaux 1966, 3 – Moët 1985, 4 – Vosne Romanée 2009.

Une cuisine fondée sur des produits de qualité joue gagnant. Ce fut une très belle soirée. Demain, c’est au tour des musiciens de jouer.

la préparation des sushis

Repas de famille et un vin étonnant mardi, 19 février 2019

Ma fille cadette annonce sa venue à la maison avec ses enfants. Le dîner est organisé sur l’instant et nous mangerons des tagliatelles aux oignons. J’ouvre un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cave Privée rosé 1989. La couleur est d’une grande beauté. Le champagne est vif, plein et surtout il montre une aptitude gastronomique extrême. On le voit volontiers rivaliser avec de belles viandes roses. Nous nous réjouissons de ce beau champagne généreux, raffiné et gourmand qui laisse une longue trace en bouche.

Le lendemain midi, le cercle s’élargit à ma fille aînée et ses deux filles. De tôt matin j’ai ouvert deux vins rouges assez inhabituels que j’ai envie de goûter avec mes filles, « pour voir ». Pour l’apéritif qui consiste en des petits crackers pimentés puis deux belles quiches lorraines, j’ai ouvert un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème qui a plus de vingt ans. La bulle est grosse, mais c’est sans doute lié au verre qui est un verre plutôt fait pour les rouges. La couleur est légèrement et joliment ambrée. D’emblée, l’attaque du champagne vif est noble. C’est un chevalier paré de son armure étincelante qui entre en lice pour emporter le cœur de la dame de ses pensées. Il est puissant, racé et complexe mais il est rassurant. Le champagne accompagne ensuite un cœur de saumon fumé gras et délicieux, mais il était plus à son aise sur la quiche. C’est un champagne de grand raffinement et intense.

Les deux vins rouges ont été pris dans ma cave à l’instinct. Pourquoi eux, je ne sais pas. Je les ai carafés pour ne pas influencer l’opinion de mes filles. Le Beaune Hospices de Beaune Cuvée Brunet de R. Raveau 1980 a un nez discret et pur. Il annonce une belle subtilité. En bouche on sent un goût légèrement salé très agréable. Il n’est pas très large, mais il est plaisant.

A côté de lui est servi un Châteauneuf-du-Pape Vin fin d’Origine Vini-Prix à Charenton sans année que l’on peut situer dans les années 60 ou à la fin des années 50. Pourquoi ai-je acheté cette bouteille, je ne sais pas, sans doute dans un lot disparate. Le nez est très engageant, riche et profond, et ce dès l’ouverture il y a près de quatre heures. Le vin bu à l’aveugle par mes filles leur plait beaucoup et elles pensent à un vin du sud. Il m’apparaît comme une évidence que ce vin est un Châteauneuf-du-Pape qui a été fortifié par un vin d’Algérie, car il est riche et lourd et il y a des accents de café très caractéristiques. Et ce vin est très agréable à boire, car on ne lui demande pas son pedigree.

Je suis content que mes filles aient bien réagi sur ces deux vins, avec un esprit ouvert. Cette petite expérience était amusante, et le vin de Vini-Prix s’est bien comporté aussi sur un gâteau au chocolat réalisé par la plus jeune de mes petites-filles. C’est un beau déjeuner de famille avec des vins hors des sentiers battus.

le bouchon était enfoncé dans le goulot. le tirebouchon n’a tiré que des miettes. Il a fallu cureter pour enlever toutes les miettes de bouchon.

Dinner in restaurant Garance with an emotional Romanée Conti jeudi, 14 février 2019

My friend Tomo receives offers from wine sellers many of which are the same ones that I receive. An offer from a Romanée-Conti appeals to me but the price seems to me dissuasive. I would like to buy this bottle for drinking and I suggest Tomo that we buy it for two to share. Tomo had also decided not to follow the offer for himself and I propose the joint acquisition, which is still a madness.

We decide to be crazy. The bottle is delivered by the merchant to the restaurant Garance where we will have dinner, Tomo and me. Tomo offers me to add a Montrachet and I propose to add a white Musigny. The cause is heard and at 6 pm we meet at the restaurant to open the bottles.

The wines are young and the opening does not cause any problem. The perfume of Montrachet Domaine Ramonet 2008 is a bomb of rich fragrances. This wine explodes with generosity. The White Musigny Domaine Comte Georges de Vogüé 1990 has a calmer and more intense scent. He promises beautiful things. The Romanée-Conti Domaine Romanée-Conti 1991 has a discreet perfume of a beautiful nobility. The three wines seem consistent with what we can expect. Everything is fine.

Guillaume Muller director of the restaurant offers glasses of Champagne Dhondt-Grellet extra brut non vintage. This champagne is a very happy surprise because it does not have the character sometimes ungrateful champagnes ultra brut. He is very precise and well done.

I meet Alexis Bijaoui, the new chef who replaces Guillaume Iskandar. He is 29 years old and recently worked at Arpège. He is extremely friendly.

We have time to prepare our menu. We will take two common dishes, the first and the third, and we will differ on the choice of the second. My menu will be: Scallops served in shells, black truffle and juniper wood sauce / Pork square, pressed potato, simmered and hazelnut sabayon / smoked duck then lacquered, risotto of turnip golden ball and buckwheat.

Before dinner Tomo wants to taste the two whites and the chef prepares foie gras toasts with excellent toast, gourmet buns and beetroot pies. These small nibbles of aperitif show the beautiful sensitivity of the chef. The Montrachet Domaine Ramonet 2008 is still an olfactory bomb. It is so young that it smells petrol, which will fade with the enlargement of the wine in the glass. On the palate the wine is round, generous, full and rich and has a communicative joie de vivre. It is really a generous Montrachet like certain years of the Montrachet of the Romanée Conti of which it has the power.

The White Musigny Domaine Comte Georges de Vogüé 1990 has a racy and deep nose. In the mouth what strikes is that it is incisive and sharp, leaving a very long trace in the mouth. It is deep when the Montrachet is round. They are extremely dissimilar. Because of the age, the Musigny is more gastronomic and interesting, but the Montrachet in his youth is catchy.

Tomo says he has never eaten such good scallops and it is true that they are succulent, almost raw, barely cooked, so that the sweetness of the shell is still present. The agreement with the truffle is relevant and on the shell alone, the Montrachet is perfect. On the shell associated with truffles, Musigny is the most relevant.

The pig and its generous fat are succulent. It is the Musigny that is most relevant and the preparation of the potatoes tastes too strong for wines that require more sweetness. We feast with these two disparate white wines that flourish in glasses, taking more roundness for the Musigny and more mature for the Montrachet.

Tomo is so eager to taste the Romanée Conti that he stamps. So, although our glasses of white are not empty, we go to the discovery of red. The Romanée-Conti Domaine Romanée-Conti 1991 has a clairette color for the top of the bottle, always clearer. The level in the bottle was as high as possible, which weighed in my desire to acquire it. The nose is all in refined suggestion, it’s Aramis, the elegant mousquetaire. On the palate the wine is of a rare distinction. So we listen to it. And it’s a madrigal festival. He tells the map of the Tendre. It is, I think, one of the best of the young wines of the Domaine that I had the chance to drink. The advantage of being only two to drink a bottle is that you can come back to the wine and listen to it to infinity.

The duck has a superb flesh. The sauce is not suitable for wine because it is heavy. It would have taken a blood sauce but it must be said that we had not prepared this dinner at all. On the flesh alone, the Romanée Conti is a romance of love, strumming its subtleties with infinite grace. What happiness!

Salt, the usual marker of the Romanée Conti finding a particular resonance on thin slices of raw turnip, I ask to have a small plate of these raw slices to titillate the red wine, but they bring me slices of turnip and truffles soaked with an oil, which makes the agreement impossible. Too bad, it does not matter.

It remains in the three glasses of what to drink and the experience to which we will work is interesting. A saint-nectaire is a perfect ripening. It is delicious and plays to perfection the role of resetting our palates. It’s incredible. We drink one of the white wines, we eat a little saint-nectaire and the palate is like new and we can switch to red and vice versa. I never imagined such an efficient passage through the cheese box to allow travel between wines.

From this trip it appears that the Musigny is much more complex and deep than the Montrachet when this difference was not so sensitive at the beginning of meal and the second observation is that the Romanée Conti is transcendental compared to the two white wines.

Romanee Conti like this are moments of absolute grace.

The seller of this bottle, which we know well had brought with the bottle a small tiny bottle announced as containing a Moscatel of the 19th century. The liquid we drink is of infinite delicacy. There is greasiness, creaminess, but there is above all a coherence and an accomplishment that only belong to sweet wines of more than a century. It could be from the Porto area, but I would see it from Madeira as well. It was a nice end to a meal that will remain long in our memories as this Romanée Conti was so beautiful.

Guillaume Muller manages his restaurant with pertinence and Alexis shows a great talent in cooking. We cannot blame him for the temporary inadequacies with the wines, because we had not prepared anything and asked.

At 29 Alexis will quickly bring a star to the restaurant Garance. So, let’s buy some crazy wines!

 

Dîner au restaurant Garance avec une sublime Romanée Conti jeudi, 14 février 2019

Mon ami Tomo reçoit des offres de vendeurs de vins dont beaucoup sont les mêmes que celles que je reçois. Une offre d’une Romanée-Conti m’interpelle mais le prix me semble dissuasif. J’aimerais acquérir cette bouteille pour la boire et je propose à Tomo que nous l’achetions à deux pour la partager. Tomo avait lui aussi décidé de ne pas suivre l’offre pour lui-même et je lui propose l’acquisition commune, ce qui est quand même une folie.

Nous décidons d’être fous. La bouteille est livrée par le marchand au restaurant Garance où nous dînerons, Tomo et moi. Tomo me propose d’ajouter un Montrachet et je lui propose d’ajouter un Musigny blanc. La cause est entendue et à 18 heures nous nous retrouvons au restaurant pour ouvrir les bouteilles. Les vins sont jeunes et l’ouverture ne cause aucun problème.

Le parfum du Montrachet Domaine Ramonet 2008 est une bombe de fragrances riches. Ce vin explose de générosité. Le Musigny blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 1990 a un parfum plus calme et plus intense. Il promet de belles choses. La Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 1991 a un parfum discret d’une belle noblesse. Les trois vins semblent conformes à ce que l’on peut en attendre. Tout va bien.

Guillaume Muller directeur du restaurant nous propose des verres de Champagne Dhondt-Grellet extra brut sans année. Ce champagne est une très heureuse surprise car il n’a pas le caractère parfois ingrat des champagnes ultra bruts. Il est très précis et bien fait. Je fais la connaissance de Alexis Bijaoui, le nouveau chef qui remplace Guillaume Iskandar. Il a 29 ans et a travaillé dernièrement à l’Arpège. Il est extrêmement sympathique.

Nous avons le temps de préparer notre menu. Nous prendrons deux plats communs, le premier et le troisième, et nous différerons sur le choix du second. Mon menu sera : Saint-Jacques servies en coquilles, truffe noire et sauce au bois de genièvre / Carré de cochon, pressé de pomme de terre, mijoté et sabayon de noisette dont j’ai fait enlever l’oignon grillé / Canard gras boucané puis laqué, risotto de navet boule d’or et sarrasin, dont j’ai fait enlever la sauce aux algues.

Avant le dîner Tomo a envie de goûter aux deux blancs et le chef nous prépare des toasts au foie gras dont le pain grillé est excellent, des brioches gourmandes et des petites tartes à la betterave. Ces petits grignotages d’apéritif montrent la belle sensibilité du chef.

Le Montrachet Domaine Ramonet 2008 est toujours une bombe olfactive. Il est si jeune qu’on le sent pétrolé, ce qui s’estompera avec l’élargissement du vin dans le verre. En bouche le vin est rond, généreux, plein et riche et a une joie de vivre communicative. C’est vraiment un montrachet généreux comme certaines années du montrachet de la Romanée Conti dont il a la puissance.

Le Musigny blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 1990 a un nez racé et profond. En bouche ce qui frappe, c’est qu’il est incisif et tranchant, laissant une trace très longue en bouche. Il est profond quand le montrachet est rond. Ils sont extrêmement dissemblables. Du fait de l’âge, le Musigny est plus gastronomique et intéressant, mais le montrachet dans sa jeunesse est entraînant.

Tomo dit qu’il n’a jamais mangé d’aussi bonnes coquilles Saint-Jacques et c’est vrai qu’elles sont succulentes, presque crues, à peine cuites, de telle façon que la sucrosité de la coquille est encore présente. L’accord avec la truffe est pertinent et sur la coquille seule, le Montrachet est parfait. Sur la coquille associée à la truffe, c’est le Musigny qui est le plus pertinent.

Le cochon et son gras généreux sont succulents. C’est le Musigny qui est le plus pertinent et la préparation des pommes de terre a un goût trop fort pour les vins qui demandent plus de douceur.

Nous nous régalons avec ces deux vins blancs si disparates qui s’épanouissent dans les verres, prenant plus de rondeur pour le Musigny et plus de maturité pour le montrachet.

Tomo a tellement envie de goûter la Romanée Conti qu’il trépigne. Alors, bien que nos verres de blancs ne soient pas vides, nous passons à la découverte du rouge.

La Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 1991 a une couleur clairette pour le haut de la bouteille, toujours plus clair. Le niveau dans la bouteille était au plus haut possible, ce qui avait pesé dans ma volonté de l’acquérir. Le nez est tout en suggestion raffinée, c’est Aramis. En bouche le vin est d’une rare distinction. Alors on l’écoute. Et c’est un festival de madrigaux. Il raconte la carte du Tendre. C’est, je pense, l’un des tout meilleurs des vins jeunes du domaine que j’ai eu la chance de boire. L’avantage de n’être que deux à boire une bouteille, c’est qu’on peut revenir sur le vin et l’écouter à l’infini.

Le canard a une chair superbe. La sauce n’est pas adaptée au vin car elle est lourde. Il eût fallu une sauce au sang mais il faut bien dire que nous n’avions pas du tout préparé ce dîner. Sur la chair seule, la Romanée Conti est un roman d’amour, pianotant ses subtilités avec une grâce infinie. Quel bonheur !

Le sel, marqueur habituel des Romanée Conti trouvant une résonnance particulière sur de fines tranches de navet cru, je demande que l’on me fasse une petite assiette de ces tranches crues pour titiller le vin rouge, mais on m’apporte des tranches de navet et de truffe imbibées d’une huile, ce qui rend l’accord impossible. Tant pis, ce n’est pas grave.

Il reste dans les trois verres de quoi boire et l’expérience à laquelle nous allons nous livrer est intéressante. Un saint-nectaire est d’un affinage parfait. Il est délicieux et joue à la perfection le rôle de remise à zéro de nos palais. C’est incroyable. On boit un des vins blancs, on mange un peu de saint-nectaire et le palais est comme neuf et l’on peut passer au rouge et vice versa. Jamais je n’aurais imaginé une telle efficacité du passage par la case fromage pour permettre de voyager entre les vins.

De ce voyage il apparaît que le Musigny est nettement plus complexe et profond que le montrachet alors que cette différence n’était pas aussi sensible en début de repas et la deuxième constatation est que la Romanée Conti est transcendantale par rapport aux deux vins blancs. Des Romanée Conti comme celle–ci sont des moments de grâce absolue.

Le vendeur de cette bouteille, que nous connaissons bien avait apporté avec la bouteille une petite fiole annoncée comme contenant un Moscatel du 19ème siècle. Le liquide que nous buvons est d’une délicatesse infinie. Il y a du gras, de l’onctuosité, mais il y a surtout une cohérence et un accomplissement qui n’appartiennent qu’aux vins doux de plus d’un siècle. Ce pourrait être de la région de Porto, mais je le verrais aussi bien de Madère. Ce fut un joli point final à un repas qui restera longtemps dans nos mémoires tant cette Romanée Conti fut belle.

Guillaume Muller gère avec pertinence son restaurant et Alexis montre un grand talent dans les cuissons. On ne peut pas lui imputer les inadéquations passagères avec les vins, car nous n’avions rien préparé et demandé. A 29 ans Alexis apportera très vite une étoile au restaurant Garance. Alors, achetons vite des vins de folie !

La couleur des vins : Musigny / Montrachet / Romanée Conti

Le Moscatel

233th dinner in restaurant Le Beaulieu – Le Mans samedi, 9 février 2019

A participant of three of my dinners wanted to organize one in his city, Le Mans. He suggested the restaurant run by a chef who has one Michelin star. I like these challenges and after email exchanges and telephone discussions, the project has been put on track.
Two days before dinner, I come to deliver wines to the restaurant Le Beaulieu that has the chef Olivier Boussard, which has one Michelin star for 16 years. We take the opportunity to develop all the dishes.
Two days later I’m back in Le Mans for the dinner at the restaurant Le Beaulieu. The menu was developed with Olivier Boussard, who has agreed to adapt his recipes to the needs of ancient wines.
I arrive at 4 pm to open the wines, in front of Olivier and Guillaume, very attentive. No perfume seems to me to pose any particular problem and the operation is conducted in an hour and a half for 8 corks, as the champagnes will be opened later. Many plugs broke, but were healthy. The only one to have its blackened surface is that of the Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952. It remains for me to wait for the guests with a glass and then a second draft beer and small things to nibble including a delicious pie. I have time to answer the telephone questions of a journalist from a local newspaper who was informed of the dinner by the chef.
There are eight of us, including one woman, the wife of the initiator of the dinner. All are from Le Mans, from various professions including trade, finance, building or wine.
Champagne Dom Pérignon 1993 is a very nice surprise, because this year long considered in the small years has developed now. It is a champagne of charm, of beautiful enjoyment. If the bubble has almost disappeared the sparkling is active. It is full on the palate, wide and welcoming.
Olivier Boussard is generous so we are filled with toasts with foie gras, toasts with foie gras and truffle, pâtés and other flavors and the bottle is rapidly dry. As other small canapés are announced, I decide that the champagne that was to be served at the table will be served as an aperitif.
Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1982 is the opposite of the previous one. He is lively, deep, chiseled, and younger than Dom Pérignon when he is eleven years older. It is difficult to know which one is preferred, as they are different. I have a weakness for the vivacity of 1982 while others succumb to the charm of Dom Pérignon.
The menu created for this dinner by chef Olivier Boussard: appetizer around duck foie gras and inspiration from the chef / slice of Saint-Jacques d’Erquy and black pearl Aquitaine caviar / the market’s noble fish with black truffle melanosporum and celery mousseline / Breton lobster braised with crustacean juice / fillet of doe roasted Sarthe black truffle melanosporum and fricassee cepes / duck foie gras poached au naturel / Stilton / roasted mango and pink grapefruit / financier licorice.

The scallops are associated with two white wines. The Château Haut-Brion Blanc 1952 is very impressive because it is of absolute purity, fluid, complex and of great length. He is almost sweet. It’s an archetypal white Haut-Brion, in the definition of what this wine should be, but in a slightly botrytised version, as we sometimes see for the Yquem Y’s. Its color is very clear. I had talked about my vision of the wine that I consider eternal as long as the cork plays its role and here is a white wine of 66 years is dashing like a wine of twenty years. Many « certainties » about old wines will fall tonight.
The Bienvenues-Bâtard-Montrachet Bouchard Père & Fils 1960 is a bit amber. His nose was racy at the opening. It is so now and the wine is well balanced and courteous. He does not try to seduce or show his strength but it is devilishly effective. This very serene wine is pleasant and its acidity is well dosed. I love him very much, but the Haut-Brion is so noble and racy that my heart will go to Bordeaux.
The saint-pierre is accompanied by two red Bordeaux. The Chateau Beychevelle Saint-Julien 1928 seems to me the best of those of 1928 that I have drunk, for the simple reason that it is perfect. Its color is pigeon red blood of a beautiful youth and his mouth is so perfect and balanced that one could not imagine that it can be bigger. This wine is greedy, lively and joyous, with nice truffle notes, but its essential quality is that it is full in the mouth.
The compliments that can be made in Beychevelle are worth, word for word, for the Grand Vin de Léoville of the Marquis de Las Cases Saint-Julien 1945, because it is also perfect. Its color is a little less bloody than that of 1928 and seems a little younger. It is more fluid but with incredible finesse. Perfect wine and racy, this dazzling wine will be the first in my vote. Having two bordeaux at the peak of their craft to the point that one can speak of perfect wines is unexpected. My guests make the accounts: a 90-year-old wine and a 73-year-old wine are livelier and richer than recent wines. All received ideas fall.
The lobster is served and Guillaume, the excellent waiter and sommelier will serve the Volnay Pierre Léger 1937. I realize with amazement that we have shifted the dishes compared to the wines having served the second champagne as an aperitif instead of accompany the scallops, because the lobster was intended for the two Bordeaux. We have to order a wine for the doe, because the Grands Echézeaux would not go with this dish. I consult the wine list and I order a Peyre-Rose Syrah-Léone Coteaux du Languedoc 2005 which will be served thereafter.
The lobster is delicious and the Volnay Pierre Léger 1937 is a very happy surprise. This wine is much more racy and rich than I imagined and it has a beautiful personality. It has a beautiful Burgundy wine grater and is lively, with no trace of age. A very nice simple wine goes with lobster when it had to accompany the doe. The agreement is relevant anyway.
The Peyre-Rose Syrah-Léone Coteaux du Languedoc 2005 Marlène Soria is a wine that I particularly like. Anachronistic in this dinner it makes aware, despite its real interest, the gap that exists between young wines and the complexity of ancient wines. It goes very well with the delicious truffled doe.
The planned program resumes its course with the foie gras that accompanies the Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952. The level in the bottle was quite low but acceptable for old Burgundy. The nose at the opening was promising and flourished and it is in the mouth that things are not as good. We recognize an aerial wine and Romanée Conti by finesse and delicacy, but the wine is quite roasted, which removes a lot of charm. The agreement with the liver is sensible, but this wine is the only one of the meal which is of a lower level than one could hope for.

The Château d’Arche-Lafaurie Sauternes 1925 has a very dark color. At the opening the nose had accents of caramel which pushed the chef Olivier to pan the slices of mango and lighten the proportion of pink grapefruit. For the moment he cohabited with a superb stilton to produce a first-rate chord. The wine is rich and full, merry, fat, beautiful greed. My neighbor is impressed by the change of Sauternes’ tone between his cheese association and his cronyism with mango, as if they were two different wines. Both combinations work perfectly and this sauternes of good length is a great sauternes.
The cork of the 1870 Cyprus Wine was so stuck to the glass of the neck that I was afraid of pulling too hard to crack the very fine glass. So I cleaned the top of the cap which unfortunately dropped the cap in the liquid. So that there is no pollution of the liquid, I decanted the wine and I then removed the bottle cap from the bottle, and put the wine back into the bottle. This rapid oxygenation had no effect on the wine, which is incredibly rich. It is a pepper bomb, also marked by a strong presence of liquorice, which makes the agreement with the liquorice financier is the best gift there is. This infinitely long wine is extremely dry like a sherry while keeping the creamy liquoreux. He is infinitely racy. I love it because of its wild and uncompromising nature.
Of the ten wines, nine were at the top of their game. We are eight to vote for the four wines that we prefer over the ten wines of the dinner (the 2005 will not be noted). Five wines had the honor of being named first, which is a remarkable performance, the 1952 White Haut-Brion three times first, the Léoville Las Cases twice, and the Bienvenues-Batard-Montrachet, Beychevelle and Cyprus each once first. The votes are very curious. Thus the White Haut-Brion was only four times in the votes but three times first while the Beychevelle received eight votes, being retained by everyone, with only one place of first and six places of second. As for the Cyprus wine, he had seven votes, four of which were fourth.
The vote of the consensus is: 1 – Beychevelle 1928, 2 – Léoville Las Cases 1945, 3 – Wine of Cyprus 1870, 4 – Château Haut-Brion White 1952, 5 – Bienvenues-Bâtard-Montrachet Bouchard Père & Fils 1960, 6 – Volnay Pierre Léger 1937.
My vote is: 1 – Léoville Las Cases 1945, 2 – Beychevelle 1928, 3 – Château Haut-Brion Blanc 1952, 4 – Cyprus Wine 1870.
For a first experience with Olivier Boussard, it’s a real success because the combinations food and wine were superb, even if the program was not perfectly followed, because the recipes were perfectly readable. The most natural are the financier with the Cyprus wine and the stilton with the sauternes. The most successful dishes are the poached foie gras in its refined simplicity and the deer with cepes, gourmet dish par excellence. The talent of a chef exists, even when the recipes are simplified.
The ideas about the old wines of my guests were turned upside down. They will never look at old wines again with the same eyes. It is quite possible to see me again at Le Mans for other adventures.

(pictures can be seen in the article in French about this dinner)

233ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Beaulieu au Mans vendredi, 8 février 2019

Deux jours plus tard je suis de retour au Mans pour le 233ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Beaulieu. Le menu a été mis au point avec Olivier Boussard, qui a accepté d’adapter ses recettes aux besoins des vins anciens.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins, devant Olivier et Guillaume, très attentifs. Aucun parfum ne me paraît poser de problème particulier et l’opération est menée en une heure et demie. Beaucoup de bouchons se sont brisés, mais se sont montrés sains. Le seul à avoir sa surface noircie est celui du Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952. Il me reste à attendre les convives avec une puis une deuxième bière pression et des petites choses à grignoter dont un délicieux pâté en croûte. J’ai le temps de répondre au téléphone aux questions d’un journaliste d’un journal local qui a été informé du dîner par le chef.

Nous sommes huit, dont une seule femme, celle de l’initiateur du dîner. Tous sont du Mans, de métiers divers, de la finance, du bâtiment ou du domaine du vin.

Le Champagne Dom Pérignon 1993 est une très belle surprise, car cette année longtemps rangée dans les petites années se découvre maintenant. C’est un champagne de charme, de belle jouissance. Si la bulle a presque disparu le pétillant est actif. Il est plein en bouche, large et accueillant.

Olivier Boussard est généreux aussi sommes-nous comblés de toasts au foie gras, de toasts au foie gras et truffe de pâtés et autres saveurs et la bouteille est vide asséchée. Aussi comme d’autres petits canapés sont annoncés, je décide que le champagne qui devait être servi à table sera servi à l’apéritif.

Le Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1982 est à l’opposé du précédent. Il est vif, profond, ciselé, et fait plus jeune que le Dom Pérignon alors qu’il est plus vieux de onze ans. C’est bien difficile de savoir lequel on préfère, tant ils sont différents. J’ai un faible pour la vivacité du 1982 alors que d’autres succombent au charme du Dom Pérignon.

Le menu créé pour ce dîner par le chef Olivier Boussard : mise en bouche autour du foie gras de canard et inspiration du chef / émincé de Saint-Jacques d’Erquy et caviar d’Aquitaine Perle Noire / le poisson noble du marché à la truffe noire melanosporum et mousseline de céleri / homard breton braisé au jus de crustacés / filet de biche de la Sarthe rôtie truffe noire melanosporum et fricassée de cèpes / foie gras de canard poché au naturel / Stilton / mangue rôtie et pamplemousse rose / financier à la réglisse.

Les Saint-Jacques sont associées aux deux vins blancs. Le Château Haut-Brion Blanc 1952 est très impressionnant car il est d’une pureté absolue, fluide, complexe et de belle longueur. Il est presque doux. C’est un Haut-Brion blanc archétypal, dans la définition de ce que doit être ce vin, mais dans une version légèrement botrytisée, comme on le voit parfois pour les Y d’Yquem. Sa couleur est très claire. J’avais parlé de ma vision du vin que je considère comme éternel tant que le bouchon joue son rôle et voilà qu’un vin blanc de 66 ans se montre fringant comme un vin de vingt ans. Beaucoup de « certitudes » sur les vins anciens vont tomber ce soir.

Le Bienvenue-Bâtard-Montrachet Bouchard Père & Fils 1960 est un peu ambré. Son nez était racé à l’ouverture. Il l’est aussi maintenant et le vin très équilibré est courtois. Il ne cherche pas à séduire ni à montrer sa force mais il est diablement efficace. Ce vin très serein est agréable et son acidité est bien dosée. Je l’aime beaucoup, mais le Haut-Brion est si racé et noble que mon cœur ira vers le bordelais.

Le saint-pierre est accompagné de deux bordeaux rouge. Le Château Beychevelle Saint-Julien 1928 me semble le meilleur de ceux de 1928 que j’ai bus, pour la simple raison qu’il est parfait. Sa couleur est d’un rouge sang de pigeon d’une belle jeunesse et sa bouche est si parfaite et équilibrée qu’on ne pourrait pas imaginer qu’il puisse être plus grand. Ce vin est gourmand, vif et joyeux, avec de belles notes truffées, mais il s’impose surtout car il est plein en bouche.

Les compliments que l’on peut faire au Beychevelle valent, mot pour mot, pour le Grand Vin de Léoville du Marquis de Las Cases Saint-Julien 1945, car il est lui aussi parfait. Sa couleur est un peu moins sanguine que celle du 1928 et paraît un peu moins jeune. Il est plus fluide mais avec une finesse incroyable. Vin parfait et racé, ce vin éblouissant sera le premier dans mon vote. Avoir deux bordeaux au sommet de leur art au point que l’on puisse parler de vins parfaits est inespéré. Mes convives font les comptes : un vin de 90 ans et un vin de 73 ans sont plus vifs et plus riches que des vins récents. Toutes les idées reçues tombent.

Le homard est servi et Guillaume, l’excellent serveur et sommelier va servir le Volnay Pierre Léger 1937. Je me rends compte avec stupeur que nous avons décalé les plats par rapport aux vins en ayant servi le deuxième champagne à l’apéritif au lieu d’accompagner les Saint-Jacques, car le homard était prévu pour les deux bordeaux. Il faut vite commander un vin pour la biche, car le Grands Echézeaux n’irait pas avec ce vin. Je consulte la carte des vins et je commande un Peyre-Rose Syrah-Léone Coteaux du Languedoc 2005 qui sera servi par la suite.

Le homard est délicieux et le Volnay Pierre Léger 1937 est une très heureuse surprise. Ce vin est beaucoup plus racé et riche que ce que j’imaginais et il a une belle personnalité. Il a une belle râpe de vin bourguignon et se montre vif, sans trace d’âge. Un très beau vin simple se marie au homard alors qu’il devait accompagner la biche. L’accord se montre pertinent quand même.

Le Peyre-Rose Syrah-Léone Coteaux du Languedoc 2005 de Marlène Soria est un vin que j’aime particulièrement. Anachronique dans ce dîner il fait prendre conscience, malgré son réel intérêt, du fossé qui existe entre les vins jeunes et la complexité des vins anciens. Il accompagne très bien la biche truffée délicieuse.

Le programme prévu reprend son cours avec le foie gras qui accompagne le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952. Le niveau dans la bouteille était assez bas mais acceptable pour des bourgognes anciens. Le nez à l’ouverture était prometteur et s’est épanoui et c’est en bouche que les choses vont moins bien. On reconnait un vin clairet de la Romanée Conti par la finesse et la délicatesse, mais le vin se présente assez torréfié, ce qui lui enlève beaucoup de charme. L’accord avec le foie est judicieux, mais ce vin est le seul du repas qui se montre d’un niveau inférieur à ce que l’on pouvait espérer.

Le Château d’Arche-Lafaurie Sauternes 1925 a une couleur très foncée. A l’ouverture le nez avait des accents de caramel ce qui a poussé le chef Olivier à poêler les tranches de mangue et d’alléger la proportion de pamplemousse rose. Pour l’instant il cohabite avec un superbe stilton pour produire un accord de première grandeur. Le vin est riche et plein, joyeux, gras, de belle gourmandise. Mon voisin est impressionné par le changement de ton du sauternes entre son association au fromage et son copinage avec la mangue, comme s’il s’agissait de deux vins différents. Les deux accords fonctionnent à merveille et ce sauternes de belle longueur est un grand sauternes.

Le bouchon du Vin de Chypre 1870 était tellement collé aux parois du goulot que j’ai eu peur en tirant trop fort de faire craqueler le verre très fin. Aussi ai-je cureté le haut du bouchon ce qui hélas a fait tomber le bouchon dans le liquide. Pour qu’il n’y ait aucune pollution du liquide, j’ai carafé le vin et j’ai ensuite retiré à la ficelle le bouchon de la bouteille ce qui a permis de remettre le vin dans la bouteille. Cette oxygénation rapide n’a eu aucune conséquence sur le vin qui est d’une richesse incroyable. C’est une bombe de poivre, marquée aussi par une forte présence de réglisse, ce qui fait que l’accord avec le financier à la réglisse est le plus beau cadeau qui soit. Ce vin à la longueur infinie est extrêmement sec comme un Xérès tout en gardant l’onctueux d’un liquoreux. Il est infiniment racé. Je l’adore du fait de son caractère sauvage et sans concession.

Sur les dix vins, neuf ont été au sommet de leur art. Nous sommes huit à voter pour les quatre vins que l’on préfère sur les dix vins du dîner (le 2005 ne sera pas noté). Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premier, ce qui est une performance à signaler, le Haut-Brion blanc 1952 trois fois premier, le Léoville Las Cases deux fois, et le Bâtard-Montrachet, le Beychevelle et le Chypre chacun une fois premier. Les votes sont très curieux. Ainsi le Haut-Brion blanc n’a été que quatre fois dans les votes mais trois fois premier alors que le Beychevelle a reçu huit votes, étant retenu par tout le monde, avec une seule place de premier et six places de second. Quant au vin de Chypre, il a eu sept votes dont quatre de quatrième.

Le vote du consensus est : 1 – Beychevelle 1928, 2 – Léoville Las Cases 1945, 3 – Vin de Chypre 1870, 4 – Château Haut-Brion Blanc 1952, 5 – Bienvenue-Bâtard-Montrachet Bouchard Père & Fils 1960, 6 – Volnay Pierre Léger 1937.

Mon vote est : 1 – Léoville Las Cases 1945, 2 – Beychevelle 1928, 3 – Château Haut-Brion Blanc 1952, 4 – Vin de Chypre 1870.

Pour une première expérience avec Olivier Boussard, c’est un vrai succès car les accords ont été superbes. Les plus naturels sont le financier avec le vin de Chypre et le stilton avec le sauternes. Les plats les plus réussis sont le foie gras poché dans sa simplicité épurée et la biche aux cèpes, plat gourmand par excellence. Le talent d’un chef existe, même lorsque les recettes sont simplifiées.

Les idées sur les vins anciens de mes convives ont été chamboulées. Ils ne regarderont plus jamais le vin ancien avec les mêmes yeux. Il est assez envisageable que l’on me revoie au Mans pour d’autres aventures.


Les bouteilles en cave

les bouteilles au restaurant

Déjeuner au restaurant Le Beaulieu au Mans mercredi, 6 février 2019

Un participant de trois de mes dîners a eu envie d’en organiser un dans sa ville, Le Mans. Il m’a suggéré le restaurant tenu par un chef qui a une étoile au guide Michelin. J’aime ces défis et après des échanges de mails et des discussions téléphoniques, le projet a été mis sur les rails.

Deux jours avant le dîner, je viens livrer les vins au restaurant Le Beaulieu que possède le chef Olivier Boussard, qui est étoilé depuis 16 ans. Le restaurant est en centre-ville, dans une zone piétonne aussi Guillaume l’aimable serveur et sommelier du restaurant m’aide à porter la caisse de ma voiture jusqu’à la cave du restaurant qui est au premier étage. On accède au restaurant par un escalier assez étrange et c’est un bonheur de découvrir une salle joliment décorée.

Il y a à côté de cette belle salle deux salons privatifs. Nous en occuperons un. Olivier le chef est souriant et en attendant Jérôme, l’organisateur du dîner, nous parlons du menu et des plats que nous allons essayer ce midi. Le monde est petit car nous allons occuper un des salons et c’est un ami participant de mes dîners qui va déjeuner dans l’autre.

Jérôme arrive et le déjeuner commence par des coupes de Champagne Billecart-Salmon Brut sans année à la bulle assez grosse mais au goût franc et facile à vivre. Les petits canapés à grignoter sont simples et de bon goût. Le pain entier et prédécoupé est superbe, et le beurre est gourmand.

L’amuse-bouche est très cohérent. J’ouvre le vin que j’ai apporté, un Vega Sicilia Unico 2002. Son parfum est à se damner, bombe de fruits noirs comme la mûre et le cassis. En bouche chaque gorgée est un Etna de bonheur. Je ne m’en lasse pas et je glousse presque, tant mon plaisir est grand. Je sers un verre pour le chef Olivier et aussi pour l’ami qui déjeune dans le salon voisin.

Il faut beaucoup d’ouverture d’esprit au chef pour accepter la simplification des recettes afin d’avoir le goût le plus pur du produit. Je ne remercierai jamais assez Olivier d’avoir accepté de jouer le jeu, car son foie gras poché est divin. Pour le homard, la sauce devra être plus réduite et on préfèrera un couteau à viande pour découper sa chair. La biche est parfaite, truffée à souhait, et sera présentée un peu plus rosée. Les cèpes sont excellents. Le stilton est idéal pour un sauternes ancien et le dessert à la mangue sera fait selon les suggestions que le chef a faites lorsque nous avons commenté la réalisation des plats.

Le Vega Sicilia Unico 2002 s’est montré brillant à tout moment, sauf bien sûr sur les mangues. C’est un vin d’une folle jeunesse et d’une incroyable richesse. Il combine vivacité et velours et la fraîcheur du finale est la signature de son génie.

La mise au point était nécessaire même si nous nous sommes compris à demi-mot. Le 233ème dîner est sur des rails et ce sont de bons rails.

même si c’est utile, la taille de cette étiquette est un peu excessive

232nd dinner at Cave d’Exception Hotel de Crillon lundi, 4 février 2019

A dinner is held at the Cave d’Exception of the Hotel de Crillon. The design of the menu should have been done with Christopher Hache whose talent I appreciate, but along the way it is with Boris Campanella who oversees the kitchen of the Ecrin that the development of the menu was made. Having had lunch at L’Ecrin, the hotel’s gastronomic restaurant, to try a few dishes, I could check that dinner will be in good hands.

At 4 pm I am greeted by Xavier, the nice sommelier who had officiated at a dinner that I made in this same place. He put all the bottles up yesterday, so that the possible lees are deposited. I start opening the wines in the service order. The 1951 Laville has an intense nose, the 1961 Charlemagne Corton has a generous fragrance. The 1971 Petrus has a rather imperfect nose, but there is no indication that he will keep it. Latour 1947 is a bomb of fragrances. It is absolutely incredible that the cork of Chambertin 1911 comes with a normal corkscrew. It is of extreme density and what is crazy too is that the level in the bottle is two centimeters from the cork. We can read on the cap: « decantage cap ». What does it mean, I do not know. The 1969 Richebourg’s nose is typical of the Romanée Conti estate. This wine promises. The German Moselle wine of 1959 has a delicate nose that does not allow to know if the wine is a dry wine turned sweet or a sweet wine. We will see this in due course. The Yquem 1918 has a reconditioning plug in 1986. Its scent is between the Yquem become dry and the Yquem remained soft. There are exotic fruits in its discreet perfume. The shape of the bottle of Solera 1836 questions: is it a port or a Madeira? We smell with Xavier and the doubt does not exist, it is a Madeira with the perfume of a crazy freshness. This is the most incredible scent of all open wines. In the perfume stage alone, without having tasted the wines, the classification would be: 1 – Solera 1936, 2 – Latour 1947, 3 – Richebourg 1969, 4 Chambertin 1911. But this classification does not prejudge in any way the performance of the wines at the table. Pétrus 1971 is the only wine for which there may be a slight doubt.

There are so many beautiful surprises by opening that I will rest quietly in a lounge of the hotel, with a craft beer suggested by Xavier. I had asked Xavier to open the champagnes in advance. He brings me the plug of Dom Pérignon 1988 disgorged in 2002 which smells cork. The cork as it appears seems more like 1988 than 2002 and as I had recently drunk a 1988 with a nose of cork, here is an enigma. Is the Oenothek not an Oenothek? This is the only wine I will taste before the dinner. In the mouth we do not feel the cork and we wonder if it’s Oenothek.

We are eleven, including four women. There are seven newbies for four regulars including me. The new ones are in the majority. Two Swiss came specially for this dinner. A regular came from Bordeaux and had to undergo yet another blackout at Montparnasse station. An Asian couple had canceled for fear of Parisian riots amplified on global television. One of the newbies warned me shortly before 8 pm that he will not join us until 10 pm. He was kept most of the meal and wine.

I added to the program a Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 to start the appetizer on pleasant notes and easy access. This merry champagne is a good introduction, with a nice chew.

The menu created for this dinner by chef Boris Campanella is: aperitif around winter vegetables / raw Saint-Jacques de Bretagne, Sologne caviar / saint-pierre from our coasts, celeriac from Ile de France / rouget single-sided, beef marrow, juice with giblets / lobster pudding, carapace floret / milk-glazed veal fillet, tuberous chervil / duck foie gras poached au naturel / Stilton blue cheese / roasted and marinated mango with saffron pistils / financier hazelnut liquorice.

Champagne Dom Pérignon enoteca 1988 (disgorged in 2002) has a slight nose cap that everyone feels. Fortunately the mouth is not deviated. He does not have the liveliness that one would expect from an oenotheque. It neighbors on the scallops with Champagne Dom Pérignon 1964 which has few bubbles but a sparkling which is present. This champagne is round, greedy, charming and fulfilling. It is full of sun and full in the mouth and very curiously, the 1964 highlights the 1988 so that it expands. The 1988 is gaining momentum. The raw shell is delicious, but a small blow of torch has burned slightly, which deviates its taste.

Château Laville Haut Brion 1951 is incredibly fresh and intense. He is upright, clear, lively and deep. It would be impossible to give him an age. Beside him, the Corton Charlemagne Rapet Father and Son 1961 is all round and charming. It’s a wonderful generous wine and choosing the preferred one of these two beautifully made wines is very difficult. One would be tempted by the charm of the Burgundy, but the sharp freshness of the Bordeaux brings us back to him. Both wines are at the top of their art and Saint-Pierre with celery is a delicious dish.

All the guests are amazed by the way the red mullet beautifully treated with its sauce and marrow enhances the Pétrus 1971. It’s fascinating. Pétrus is rich, truffled grain, long and racy without being thundering. It is a great wine, according to its legend.

The lobster pudding is very unexpected but remarkable. Château Latour 1947 has an intense fragrance. He is imposing and everything seems easy to him. It has a nice acidity and its length is endless. If the Petrus is a distinguished and elegant noble person, Latour is Fanfan la Tulipe by Gerard Philipe. He has an amazing charm.

The bottle of Chambertin Chauvenet merchant at Nuits Saint Georges 1911 is of rare beauty. The veal is an incredible fondant. This is the ideal dish to highlight the wine of 107 years that has no wrinkles. What certainties fall on the longevity of wines! I imagined by composing the list of wines that this 1911 would be the winner. I was right. Straight, perfect, balanced like a forty years old wine, this wine is a lesson about how wines were made over a century ago. The terroir earthy character of this wine is exciting.

The poached foie gras is one of my coquetries to accompany the wines of the Romanée Conti estate. This one, composed by Boris Campanella is superb and its simplicity cannot hide an immense talent. The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 has a scent that moves me to the highest point because it is at the top of the perfumes of the estate’s wines. The wine is very emotional and despite so many other great wines it will be the first in my vote, because its delicacy is the typical example of the refinement of the estate’s wines. What a great wine with delicate suggestions of subtle roses and discrete salt!

The Piesporter Eremitenglöckchen Bansa and Sohn N. Fromm Mosel 1959 is a wine that I added. I do not know anything about it. It seems most likely that it is a dry wine that has taken sweetness. It is way above what I imagined because it has a charm and balance of great precision that make it an ideal stilton partner. His delicacy and strangeness delight us.

The stilton will continue on its way with the 1918 Château d’Yquem which has obviously eaten its sugar, as they say. It is very dry and a little withdrawn. It has great lightning especially on delicious mangoes, but it is the only wine that I consider below what can be expected.

The financiers are a rare greed. There are only two per person, and we would like a thousand! La Soléra 1836 is a Madeira that combines a luxuriant generosity with a very dry taste that we love on its part when we regretted it with the Yquem. This wine is the thousand and one nights, it is the absolute pleasure that I would have willingly put first if the Richebourg had not been so moving.

We vote for five wines out of the eleven (the Henriot added is not on the voting sheets) and we are eleven to vote. Five wines had the honors of being named first, Chambertin 1911 four times, Petrus 1971 three times, Richebourg 1969 twice and Dom Pérignon 1964 and Latour 1947 each once. Nine out of eleven wines received votes which is a good score.

The ranking of the consensus would be: 1 – Chambertin Chauvenet trader at Nuits 1911, 2 – Pétrus 1971, 3 – Richebourg Domain of Romanée Conti 1969, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Soléra 1836, 6 – Château Latour 1947.

My classification is: 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Solera 1836, 3 – Chambertin Chauvenet trader at Nights 1911, 4 – Pétrus 1971, 5 – Champagne Dom Pérignon 1964.

The classification of the most beautiful chords would be mullet with Pétrus, transcendental, poached foie gras with Richebourg then the lobster pudding with Latour. All the dishes were remarkable like the veal of an infinite accuracy, as the mangoes so well presented melting them too and like these financiers to die for.

The atmosphere could not be more smiling, teasing, and I felt that it seemed to all of them almost natural that all the old wines were so perfect. We quickly get used to excellence! During the meal several plans have been developed so that we can see each other around beautiful bottles. So, let’s do it soon!

(to see pictures, please go to the article in French)

232ème dîner de wine-dinners à la Cave d’Exception de l’hôtel de Crillon samedi, 2 février 2019

Le 232ème dîner de wine-dinners se tient à la Cave d’Exception de l’hôtel de Crillon. La conception du menu aurait dû se faire avec Christopher Hache dont j’apprécie le talent, mais en cours de route c’est avec Boris Campanella qui supervise la cuisine de l’Ecrin que la mise au point du menu s’est faite. Ayant déjeuné à L’Ecrin, le restaurant gastronomique de l’hôtel, pour essayer quelques plats, j’ai pu constater que le dîner sera en de bonnes mains.

A 16 heures je suis accueilli par Xavier, le sympathique sommelier qui avait officié lors du 226ème dîner en ce même lieu. Il a mis toutes les bouteilles debout hier, pour que les éventuelles lies se déposent. Je commence l’ouverture des vins dans l’ordre de service. Le Laville 1951 a un nez intense, le Corton Charlemagne 1961 a un parfum généreux. Le Pétrus 1971 a un nez un peu imparfait, mais rien n’indique qu’il le gardera. Le Latour 1947 est une bombe de fragrances. Il est absolument incroyable que le bouchon de Chambertin 1911 vienne entier au limonadier. Il est d’une densité extrême et ce qui est fou aussi, c’est que le niveau dans la bouteille est à deux centimètres du bouchon. On peut lire sur le bouchon : « bouchon de décantage ». A quoi cela correspond, je ne sais pas. Le nez du Richebourg 1969 est typique du domaine de la Romanée Conti. Ce vin promet. Le vin de Moselle allemand de 1959 a un nez délicat qui ne permet pas de savoir si le vin est un vin sec devenu doux ou un vin doux. Nous verrons cela en son temps. L’Yquem 1918 a un bouchon de reconditionnement en 1986. Son parfum est entre les Yquem devenus secs et les Yquem restés doux. Il y a des fruits exotiques dans son parfum discret. La forme de la bouteille de Solera 1836 interroge : est-elle un porto ou un madère ? Nous sentons avec Xavier et le doute n’existe pas, c’est un madère au parfum d’une fraîcheur folle. C’est le parfum le plus incroyable de tous les vins ouverts. Au seul stade des parfums, sans avoir goûté les vins, le classement serait : 1 – Solera 1936, 2 – Latour 1947, 3 – Richebourg 1969, 4 Chambertin 1911. Mais ce classement ne préjuge en rien de la prestation des vins à table. Pétrus 1971 est le seul vin pour lequel il peut y avoir un léger doute. Il y a tellement de belles surprises que vais me reposer tranquillement dans un salon de l’hôtel, avec une bière artisanale suggérée par Xavier.

J’avais demandé à Xavier qu’il ouvre les champagnes à l’avance. Il m’apporte le bouchon du Dom Pérignon 1988 dégorgé en 2002 qui sent le bouchon. Le bouchon tel qu’il se présente me semble plutôt de 1988 que de 2002 et comme j’avais bu récemment un 1988 au nez de bouchon, voilà une énigme. Est-ce que l’Œnothèque n’est pas Œnothèque ? C’est le seul vin que je vais goûter. En bouche on ne sent pas le bouchon et on se demande si c’est Œnothèque.

Nous sommes onze, dont quatre femmes. Il y a sept bizuts, pour quatre habitués dont moi. Les nouveaux sont majoritaires. Deux suisses sont venus spécialement pour ce dîner. Un habitué est venu de Bordeaux et a dû subir une énième panne d’électricité à la gare Montparnasse. Un couple d’asiatiques avait annulé par crainte des émeutes parisiennes amplifiées sur les télévisions mondiales. Un des bizuts m’a prévenu peu avant 20 heures qu’il ne nous rejoindra qu’à 22 heures. On lui a gardé l’essentiel du repas et des vins.

J’ai ajouté au programme un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 pour démarrer l’apéritif sur des notes agréables et d’accès aisé. Ce champagne joyeux est une bonne entrée en matière, avec une jolie mâche.

Le menu créé pour ce dîner par le chef Boris Campanella est : apéritif autour des légumes de l’hiver / Saint-Jacques de Bretagne à cru, caviar de Sologne / saint-pierre de nos côtes, céleri rave d’île de France / rouget à l’unilatéral, moelle de bœuf, jus aux abats / boudin de homard, fleurette de carapace / filet de veau de lait glacé au jus, cerfeuil tubéreux / foie gras de canard poché au naturel / le fromage Stilton bleu / mangue rôtie et marinée aux pistils de safran / financier noisette à la réglisse.

Le Champagne Dom Pérignon œnothèque 1988 (dégorgé en 2002) a un léger nez de bouchon que tout le monde ressent. Heureusement la bouche n’est pas atteinte. Il n’a pas la vivacité qu’on attendrait d’un Œnothèque. Il voisine sur les coquilles Saint-Jacques avec le Champagne Dom Pérignon 1964 qui a peu de bulles mais un pétillant présent. Ce champagne est rond, gourmand, tout en charme et accomplissement. Il est tout soleil et plein en bouche et fort curieusement, le 1964 met en valeur le 1988 qu’il élargit. Le 1988 prend de l’ampleur. La coquille crue est délicieuse, mais un petit coup de chalumeau l’a brûlée légèrement, ce qui dévie son goût.

Le Château Laville Haut Brion 1951 est d’une incroyable fraîcheur et d’une grande intensité. Il est droit, clair, vif et profond. Il serait impossible de lui donner un âge. A côté de lui, le Corton Charlemagne Rapet Père et Fils 1961 est tout en rondeur et en charme. C’est un magnifique vin généreux et choisir le préféré de ces deux vins magnifiquement accomplis est très difficile. On serait tenté par le charme du bourguignon, mais la fraîcheur tranchante du bordelais nous ramène à lui. Les deux vins sont au sommet de leur art et le saint-pierre avec son céleri est un plat délicieux.

Tous les convives sont émerveillés par la façon dont le rouget magnifiquement traité avec sa sauce et sa moelle met en valeur le Pétrus 1971. C’est fascinant. Le Pétrus est riche, au grain truffé, long et racé sans être tonitruant. C’est un grand vin, conforme à sa légende.

Le boudin de homard est très inattendu mais remarquable. Le Château Latour 1947 a un parfum intense. Il est imposant et tout en lui paraît facile. Il a une belle acidité et sa longueur est sans fin. Si le Pétrus est un noble personnage distingué et élégant, le Latour, c’est Fanfan la Tulipe par Gérard Philipe. Il a un charme étonnant.

La bouteille du Chambertin Chauvenet négociant à Nuit Saint Georges 1911 est d’une rare beauté. Le veau est d’un fondant incroyable. C’est le plat idéal pour mettre en valeur le vin de 107 ans qui n’a pas la moindre ride. Que de certitudes tombent sur la longévité des vins ! J’avais imaginé en composant la liste des vins que ce 1911 serait le gagnant. J’avais vu juste. Droit, parfait, équilibré comme un vin de quarante ans, ce vin est une leçon de choses sur la façon dont on faisait les vins il y a plus d’un siècle. Le caractère terrien de ce vin est enthousiasmant.

Le foie gras poché est une de mes coquetteries pour accompagner les vins du domaine de la Romanée Conti. Celui-ci, réalisé par Boris Campanella est superbe et sa simplicité ne peut cacher un immense talent. Le Richebourg domaine de la Romanée Conti 1969 a un parfum qui m’émeut au plus haut point car il est au sommet des parfums des vins du domaine. Le vin est tout en émotion et malgré tant d’autres grands vins il sera le premier dans mon vote, car sa délicatesse en fait l’exemple type du raffinement des vins du domaine. Quel grand vin tout en délicates suggestions de rose subtile et de sel discret !

Le Piesporter Eremitenglöckchen Bansa and Sohn N. Fromm Mosel 1959 est un vin que j’ai rajouté. Je n’en connais rien. Il apparaît très probablement que c’est un vin sec qui a pris de la douceur. Il est très au-dessus de ce que j’imaginais car il a un charme et un équilibre de grande précision qui en font un partenaire idéal du stilton. Sa délicatesse et son étrangeté nous ravissent.

Le stilton va continuer son chemin avec le Château Yquem 1918 qui a manifestement mangé son sucre, comme on dit. Il est très sec et un peu renfermé. Il a de belles fulgurances notamment sur les délicieuses mangues, mais c’est le seul vin que je considère en-dessous de ce que l’on peut attendre.

Les financiers sont d’une gourmandise rare. Il n’y en a que deux par personne, et on en voudrait mille ! La Soléra 1836 est un madère qui combine une générosité luxuriante avec un goût très sec que l’on adore de sa part alors qu’on la regrettait avec l’Yquem. Ce vin c’est les mille et une nuits, c’est le plaisir absolu que j’aurais mis volontiers premier si le Richebourg n’avait été aussi émouvant.

Nous votons pour cinq vins sur les onze (le Henriot ajouté n’est pas sur les feuilles de vote) et nous sommes onze à voter. Cinq vins ont eu les honneurs d’être nommés premier, le chambertin 1911 quatre fois, Pétrus 1971 trois fois, le Richebourg 1969 deux fois et le Dom Pérignon 1964 et le Latour 1947 chacun une fois. Neuf vins sur onze ont reçu des votes ce qui est un beau score.

Le classement du consensus serait : 1 – Chambertin Chauvenet négociant à Nuits 1911, 2 – Pétrus 1971, 3 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Soléra  1836, 6 – Château Latour 1947.

Mon classement est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Soléra  1836, 3 – Chambertin Chauvenet négociant à Nuits 1911, 4 – Pétrus 1971, 5 – Champagne Dom Pérignon 1964.

Le classement des plus beaux accords serait le rouget avec Pétrus, transcendantal, le foie gras poché avec le Richebourg puis le boudin de homard avec le Latour. Tous les plats ont été remarquables comme le veau d’une justesse infinie, comme les mangues si bien présentées fondantes elles aussi et comme ces financiers à se damner.

L’ambiance était on ne peut plus souriante, taquine, et j’ai senti que cela paraissait à tous comme quasi naturel que tous les vins anciens soient aussi parfaits. On s’habitue vite à l’excellence ! Au cours du repas plusieurs plans ont été élaborés pour que l’on puisse se revoir autour de belles bouteilles. Alors, faisons-le vite !

les vins dans ma cave

les vins dans la cave d’exception de l’hôtel de Crillon

la table avant d’être dressée

le repos avant le dîner et après ouverture, avec une bière

j’étais si occupé à bavarder que j’ai raté des photos de plats ! quel dommage.

les bouteilles vides alignées dans la cave

Dégustation des vins récents du groupe Vega Sicilia mardi, 29 janvier 2019

Chaque année la société Les Vins du Monde fait découvrir les vins du groupe Tempos Vega Sicilia. La présentation est faite en français par Gonzalo Ituriaga qui est le directeur de la vinification de l’ensemble des domaines depuis 2015. Elle se tient dans un salon de l’hôtel George V. Ceux qui participent sont surtout des sommeliers et des gens du vin. J’en connais plusieurs. Michel Bettane est présent à cette dégustation.

Gonzalo rappelle quelques éléments d’histoire, la création de Vega Sicilia en 1864 par Eloy Lecanda, qui a planté les premières vignes, l’achat de la propriété par la famille Alvarez, qui a mis Pablo Alvarez à la tête du domaine et dont une des premières décisions en 1983 fut de supprimer les herbicides, ce qui était avant-gardiste.

Pour la première fois, la dégustation sera accompagnée de petits canapés. Elle ne sera pas la même sans plat et avec plat, mais les sommeliers sauront juger dans les deux cas. Le programme est : Mandolas Tokaji dry Oremus 2015 + fraîcheur de gambas à la pomme verte / Pintia 2014 + Alion 2015 + pain soufflé au Manchego / Valbuena 2014 + tartelette au caviar d’aubergines et canard séché / Vega Sicilia Unico 2009 + Vega Sicilia Unico Reserva Especial faite en 2019 (base de 2006 + 2007 + 2009) + bœuf, betterave et sauce vin rouge / Tokaji Late Harvest Oremus 2017 + cheesecake citron / Tokaji Aszu 3 Puttonyos Oremus 2014 + Tokaji Aszu 5 Puttonyos Oremus 2010 + tartelette exotique.

Le Mandolas Tokaji dry Oremus 2015 a une couleur très claire. Le nez est jeune, de miel, et le vin est bien construit. Il est simple, agréable, de belle acidité avec un peu de gras et de citron mais il est un peu court. L’accord avec la gamba est pertinent. Compte tenu d’un prix très abordable, il fera un aimable vin de table.

Le Pintia 2014 a un nez riche et lourd. L’attaque est chaleureuse. Il y a une petite astringence dans le finale. Le vin est généreux mais peut-être un peu trop strict et peu porteur d’émotion. L’accord avec le pain est très porteur pour le vin.

L’Alion 2015 a un nez fort, plus racé que celui du Pintia. La bouche est douce et fluide. Le vin est beaucoup plus intéressant que le Pintia. Je l’aime beaucoup car il me parle. Il est plus fluide et élégant. Gonzalo dit que ces deux vins peuvent vieillir quinze ans mais pas beaucoup plus, sauf pour les grandes années.

Le Valbuena 2014 a un nez droit et intense. Ce vin a beaucoup de velours et un finale très long. C’est un vin très doux. De mémoire je crois que c’est le meilleur Valbuena que j’aie bu. L’accord avec la tartelette donne de la tension au vin qui devient plus vif et moins doucereux. C’est pour moi une très belle surprise que le Valbuena soit à ce niveau. Il faut dire que passant après les deux précédents, cela le met en valeur.

Le Vega Sicilia Unico 2009 a un parfum d’un très gros potentiel mais très retenu. On sent sa richesse. La bouche est toute de fraîcheur. Le grain du vin est fin et le miracle est dans le finale tellement frais, comme pour tous les grands Unico. Mais on ne sent pas encore le finale mentholé. Le vin est plus en devenir que le Valbuena déjà épanoui.

Le Vega Sicilia Unico Reserva Especial est fait en 2019
sur une base de 2006 + 2007 + 2009
, mais Gonzalo nous dit que chaque millésime pouvant avoir quelques pourcents d’autres millésimes, il y a plus de trois millésimes dans cette Reserva. Le nez est très noble et le vin est très doux. Le vin n’a pas de fraîcheur dans le finale. Il est riche et truffé. Je préfère nettement le 2009 qui a beaucoup plus de fraîcheur. Il faudra voir ce que ces deux vins donnent dans quelques années. La betterave s’accorde divinement bien avec les deux et la viande amplifie la noblesse du 2009.

Le Tokaji Late Hervest Oremus 2017 fait un choc assez dur après les vins rouges. Le nez est citronné, Gonzalo dit que c’est un vin assez commercial. Il a la douceur d’un vin de glace. Il est frais mais ses goûts vont dans tous les sens, comme un bonbon anglais.

Le Tokaji Aszu 3 Puttonyos Oremus 2014 a une magnifique fraîcheur, il est très agréable et se boit comme un vin jeune très fluide.

Le Tokaji Aszu 5 Puttonyos Oremus 2010 est beaucoup plus dans l’esprit Tokaji. Michel Bettane préfère de loin le 5 puttonyos qui pour moi mériterait de vieillir avant qu’on ne le goûte. Il dit que le 3 puttonyos pourrait être oublié dans le programme Oremus, mais j’ai apprécié sa fluidité. Le 5 puttonyos profite beaucoup de l’accord avec la tartelette et gagne beaucoup.

Cette dégustation est très intéressante et les plats préparés par le restaurant du Cinq sont absolument délicieux. Gonzalo est très chaleureux et on sent qu’il aime les vins qu’il fait, avec une grande lucidité. Cette dégustation est un régal.

les délicieux canapés d’un grand raffinement

Gonzalo Ituriaga