Dégustation des vins récents du groupe Vega Sicilia mardi, 29 janvier 2019

Chaque année la société Les Vins du Monde fait découvrir les vins du groupe Tempos Vega Sicilia. La présentation est faite en français par Gonzalo Ituriaga qui est le directeur de la vinification de l’ensemble des domaines depuis 2015. Elle se tient dans un salon de l’hôtel George V. Ceux qui participent sont surtout des sommeliers et des gens du vin. J’en connais plusieurs. Michel Bettane est présent à cette dégustation.

Gonzalo rappelle quelques éléments d’histoire, la création de Vega Sicilia en 1864 par Eloy Lecanda, qui a planté les premières vignes, l’achat de la propriété par la famille Alvarez, qui a mis Pablo Alvarez à la tête du domaine et dont une des premières décisions en 1983 fut de supprimer les herbicides, ce qui était avant-gardiste.

Pour la première fois, la dégustation sera accompagnée de petits canapés. Elle ne sera pas la même sans plat et avec plat, mais les sommeliers sauront juger dans les deux cas. Le programme est : Mandolas Tokaji dry Oremus 2015 + fraîcheur de gambas à la pomme verte / Pintia 2014 + Alion 2015 + pain soufflé au Manchego / Valbuena 2014 + tartelette au caviar d’aubergines et canard séché / Vega Sicilia Unico 2009 + Vega Sicilia Unico Reserva Especial faite en 2019 (base de 2006 + 2007 + 2009) + bœuf, betterave et sauce vin rouge / Tokaji Late Harvest Oremus 2017 + cheesecake citron / Tokaji Aszu 3 Puttonyos Oremus 2014 + Tokaji Aszu 5 Puttonyos Oremus 2010 + tartelette exotique.

Le Mandolas Tokaji dry Oremus 2015 a une couleur très claire. Le nez est jeune, de miel, et le vin est bien construit. Il est simple, agréable, de belle acidité avec un peu de gras et de citron mais il est un peu court. L’accord avec la gamba est pertinent. Compte tenu d’un prix très abordable, il fera un aimable vin de table.

Le Pintia 2014 a un nez riche et lourd. L’attaque est chaleureuse. Il y a une petite astringence dans le finale. Le vin est généreux mais peut-être un peu trop strict et peu porteur d’émotion. L’accord avec le pain est très porteur pour le vin.

L’Alion 2015 a un nez fort, plus racé que celui du Pintia. La bouche est douce et fluide. Le vin est beaucoup plus intéressant que le Pintia. Je l’aime beaucoup car il me parle. Il est plus fluide et élégant. Gonzalo dit que ces deux vins peuvent vieillir quinze ans mais pas beaucoup plus, sauf pour les grandes années.

Le Valbuena 2014 a un nez droit et intense. Ce vin a beaucoup de velours et un finale très long. C’est un vin très doux. De mémoire je crois que c’est le meilleur Valbuena que j’aie bu. L’accord avec la tartelette donne de la tension au vin qui devient plus vif et moins doucereux. C’est pour moi une très belle surprise que le Valbuena soit à ce niveau. Il faut dire que passant après les deux précédents, cela le met en valeur.

Le Vega Sicilia Unico 2009 a un parfum d’un très gros potentiel mais très retenu. On sent sa richesse. La bouche est toute de fraîcheur. Le grain du vin est fin et le miracle est dans le finale tellement frais, comme pour tous les grands Unico. Mais on ne sent pas encore le finale mentholé. Le vin est plus en devenir que le Valbuena déjà épanoui.

Le Vega Sicilia Unico Reserva Especial est fait en 2019
sur une base de 2006 + 2007 + 2009
, mais Gonzalo nous dit que chaque millésime pouvant avoir quelques pourcents d’autres millésimes, il y a plus de trois millésimes dans cette Reserva. Le nez est très noble et le vin est très doux. Le vin n’a pas de fraîcheur dans le finale. Il est riche et truffé. Je préfère nettement le 2009 qui a beaucoup plus de fraîcheur. Il faudra voir ce que ces deux vins donnent dans quelques années. La betterave s’accorde divinement bien avec les deux et la viande amplifie la noblesse du 2009.

Le Tokaji Late Hervest Oremus 2017 fait un choc assez dur après les vins rouges. Le nez est citronné, Gonzalo dit que c’est un vin assez commercial. Il a la douceur d’un vin de glace. Il est frais mais ses goûts vont dans tous les sens, comme un bonbon anglais.

Le Tokaji Aszu 3 Puttonyos Oremus 2014 a une magnifique fraîcheur, il est très agréable et se boit comme un vin jeune très fluide.

Le Tokaji Aszu 5 Puttonyos Oremus 2010 est beaucoup plus dans l’esprit Tokaji. Michel Bettane préfère de loin le 5 puttonyos qui pour moi mériterait de vieillir avant qu’on ne le goûte. Il dit que le 3 puttonyos pourrait être oublié dans le programme Oremus, mais j’ai apprécié sa fluidité. Le 5 puttonyos profite beaucoup de l’accord avec la tartelette et gagne beaucoup.

Cette dégustation est très intéressante et les plats préparés par le restaurant du Cinq sont absolument délicieux. Gonzalo est très chaleureux et on sent qu’il aime les vins qu’il fait, avec une grande lucidité. Cette dégustation est un régal.

les délicieux canapés d’un grand raffinement

Gonzalo Ituriaga

Deux vins de 1915 exceptionnels dimanche, 27 janvier 2019

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Le réveil fut difficile et je décide que le nombre de vins pour notre déjeuner serait réduit. Le Veuve Clicquot 1899 en demi-bouteille de Florent et le Heidsieck Monopole sec 1904 en demi-bouteille de ma cave ne seront pas bus ainsi que le Meursault Goutte d’Or Morin Père et Fils 1949 de Florent et le vin allemand du début du 20ème siècle au nom illisible. Il n’y aura que les bouteilles ouvertes hier qui figureront au déjeuner.

La table est mise dans ma cave et sur le reste du Champagne Krug Private Cuvée années 40, nous goûtons un camembert excellent. Le champagne a profité de la nuit et s’est ouvert, avec une joie de vivre plus grande, même si les bulles sont plus rares. Ce champagne est devenu très agréable, même s’il n’a pas vraiment un goût de revenez-y.

J’avais ouvert hier un supposé Château Margaux vers 1910 au parfum incertain. Aujourd’hui, les miracles ne sont pas à l’affiche, car le vin dévié ne paraît pas buvable et ne reviendra jamais à la vie puisqu’il ne s’est pas ouvert en une vingtaine d’heures. Le Meursault inconnu d’une cave de restaurant années 40 a passé une mauvaise nuit car il a perdu son équilibre et n’incite pas à le boire à nouveau. Il a eu son heure de gloire hier.

La bouteille que j’avais rangée loin des autres hier à cause de son odeur désagréable se refuse elle aussi. L’odeur s’est vinaigrée et l’acidité épouvantable empêche de la boire. C’est une journée sans miracle.

Sur le champagne nous mangeons des tranches de saucisson et un joli jambon de Parme. Le rôti de porc froid et les fromages vont accompagner les deux 1915.

Le Corton Geisweiler 1915 de Florent a une très belle couleur fraîche et claire. Le nez est raffiné, peu expansif. En bouche, il est très sauvage, atypique, avec une fraîcheur inattendue. Il a du volume et une belle expression.

Le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915 de ma cave qui avait un superbe bouchon à l’ouverture a une couleur plus foncée que celle du corton. Le nez est profond, intense, ce que l’on retrouve dans le goût puissant. Les deux vins nous offrent ce qui se fait de mieux dans les Côtes de Beaune et dans les Côtes de Nuits pour cette période. Ils sont très dissemblables et ce qui est amusant c’est qu’au début de la dégustation, Florent préfère mon vin et je préfère le sien alors que généralement, il est naturel, surtout pour moi, de préférer son propre apport.

Nous différons aussi sur l’appréciation du fruit dans les deux vins. Florent trouve le Nuits plus fruité et je trouve le corton plus fruité. Nous nous retrouvons tous les deux sur le fait que les deux vins sont exceptionnels et que leurs 103 ans ne correspondent à aucun affaiblissement de leurs qualités. Ils ont puissance et énergie sans aucun bémol. Le Nuits se montre plus grand que le Corton et Florent qui aime les notations donne un écart de 4 points sur 100 en faveur du Nuits. Il est à noter aussi que c’est la douzième fois que je bois le Nuits 1915 (j’en ai bu un ou deux avant de créer les bulletins) et aucun n’a été autre chose que parfait. Ce lot de vins extrêmement sain est incroyable. Mis sept fois dans des dîners où l’on a voté il a été nommé cinq fois premier ou second par le consensus.

Le corton est plus frais, plus aérien au final de jolis fruits rouges. Le Nuits est plus riche et plus profond, incisif et bourguignon sans concession. Je pense volontiers que le grand vin est éternel et que sa mort n’est causée que par la mort du bouchon. Nous avons la preuve qu’avec deux bourgognes de 103 ans dont le bouchon est venu entièrement sain, il n’y a aucune trace de vieillissement mais des évolutions vers des saveurs plus abouties et intégrées.

Florent va reprendre son train. Lafite 1900, Nuits Cailles 1915 et Corton 1915 ont fait de ces deux jours d’amitié un moment exceptionnel.


à gauche le Corton Geisweiler 1915 et à droite le Nuits Cailles 1915

le Corton

le Nuits Cailles

le millefeuille pour le Pedro Ximenez

1/2 Krug Grande Cuvée, Domaine de Chevalier 1962, Meursault années 40, Pichon 1904, Pétrus 1900, Pedro Ximenez, Marc de rosé d’Ott 1929. Belle brochette !

Dîners de vins très anciens à la maison dimanche, 27 janvier 2019

Florent est un ami passionné de vin qui boit des vins antiques. Il pourrait être mon fils. Il habite près de Lyon aussi les opportunités de rencontres sont rares. Il vient passer le week-end chez moi. Il m’annonce un champagne de 1899, un Corton de 1915 et deux autres vins blancs, de 1949 et 1962. Je cherche dans ma cave des vins qui pourraient lui plaire et je choisis aussi des bouteilles de bas niveaux ou qui semblent avoir souffert, car le repas principal devant se tenir dans ma cave, s’il y a des déchets, il est facile de remplacer.

Je vais chercher Florent dans Paris, à son arrivée. Lorsqu’il entre dans ma cave, je lui propose que nous trinquions avec un Champagne Krug Private Cuvée années 40 qui a perdu du volume. Le champagne est ambré, assez sombre et le pétillant est faible. En bouche il a une belle personnalité, avec des amers virils, mais il n’est pas très net. Nous lui laissons du temps pour qu’il s’épanouisse et effectivement, cinq minutes plus tard il est net, droit, avec un fruit agréable et une amertume un peu présente. Curieusement, il ne va pas continuer à s’épanouir et restera dans une forme figée, assez noble mais de moindre plaisir que d’autres bouteilles similaires du même lot.

Comme j’avais choisi une bonne quinzaine de bouteilles possibles, nous avons devant nous une vingtaine de bouteilles qui peuvent être ouvertes. Nous allons les choisir et les affecter aux deux repas que nous ferons ensemble. Nous sommes seulement deux car ma femme est partie dans notre maison du sud. Notre choix dépendra des résultats de l’ouverture des bouteilles les plus incertaines.

J’ouvre une bouteille dont l’étiquette totalement illisible a toutes chances d’être de Château Margaux par sa forme mais aussi parce que Florent croit reconnaitre des lettres de Pillet-Will, ce qui situerait Ce Château Margaux au début du 20ème siècle, disons 1910. Le parfum est incertain. Nous mettons la bouteille de côté. Elle sera peut-être un outsider demain.

Je continue à ouvrir une bouteille de forme inhabituelle au long col dont l’odeur est tellement désagréable que je la pose loin des bouteilles de ma cave, pour que cette odeur ne contamine pas ma cave.

J’ouvre une demi-bouteille qui a la forme d’une bouteille de porto. Le nez m’évoque un porto, ou à tout le moins un vin muté doux. Florent est dubitatif sur mon estimation mais nous ne goûtons pas les vins pour garder l’efficacité de l’oxygénation lente.

Les autres ouvertures se feront à la maison pour le dîner et demain en cave pour le déjeuner.

Le programme prévisionnel qui résulte de nos choix est pour le premier dîner : Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème en ½ bt / Domaine de Chevalier blanc 1962 / Meursault inconnu d’une cave de restaurant années 40 / Château Pichon Baron de Longueville 1904 / Château Lafite 1900 / Bouteille inconnue de format demi-bouteille, probable porto / Marc de rosé du domaine d’Ott 1929.

Et pour le déjeuner demain : Champagne Heidsieck Monopole sec ½ bt 1904 / Champagne Veuve Clicquot ½ bt 1899 / Meursault Goutte d’Or Morin Père & Fils 1949 / Corton Geisweiler 1915 / Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915 / Vin de Moselle Allemagne années 10 avec en supplément possible : Probable Château Margaux vers 1910. Un tel programme nous imposera d’utiliser des crachoirs.

A la maison je commence les ouvertures pour les vins du dîner. Un Meursault inconnu d’une cave de restaurant années 40 a une odeur tellement putride que la cause semble entendue et irrémédiablement compromise, mais comme je professe de ne jamais condamner trop vite, nous la laissons tranquille pour un très improbable retour à la vie.

Le Domaine de Chevalier blanc 1962 à la belle couleur d’un or blond a une odeur très prometteuse. Le Château Lafite 1900 a un parfum porteur de tous les espoirs et le Château Pichon Baron de Longueville 1904 me semble aussi apte à tenir sa place au dîner.

Tout est ouvert sauf celle qui va démarrer le repas, le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème en ½ bt qui doit être des années 90. Je suis frappé par le fait qu’il y a une grande continuité de goût entre ce champagne délicieux et le Champagne Private Cuvée des années 40 que nous avons laissé en cave. C’est un champagne noble, vif, de grande personnalité.

Notre menu sera ainsi composé, après mes emplettes chez un traiteur : foie gras de canard entier / saumon fumé en tranches / rillettes de homard / quiche lorraine / quiche au poireau / saint-nectaire et comté / millefeuille.

Le Domaine de Chevalier blanc 1962 est d’un or blond. Son nez est d’une grande pureté. C’est un vin expressif et puissant, avec une belle minéralité et un gras qui le rend gastronomique. C’est un très beau vin de bordeaux que le saumon met en valeur.

Le Meursault inconnu d’une cave de restaurant années 40 est servi sans illusion et le choc que cela nous cause est incroyable. Ce vin non seulement existe mais il est un vrai meursault. Sur le premier verre, l’attaque est un peu plate, mais le finale est en place. Plus il s’élargit dans le verre plus il devient précis, parfait et gourmand. Alors, nous nous mettons à parler de ce phénomène. Tout d’abord 98% des amateurs de vin auraient immédiatement mis ce vin à l’évier. Ensuite, si nous racontions cette histoire de vin putride qui devient grand, personne ne nous croirait. Et les cas où je suis moi-même persuadé qu’un vin est mort mais revient à la vie comme Lazare ressuscité par Jésus-Christ deviennent assez nombreux. Il y a de quoi alimenter les doutes de ceux qui ne croient pas que ce soit possible. Mais c’est un fait, un vin condamné est devenu bon et même grand.

Je suis aux anges car il y a pour moi beaucoup plus d’émotion de constater qu’un vin ressuscite que de constater qu’un vin attendu comme grand le soit.

Le Château Pichon Baron de Longueville 1904 a une couleur d’un rouge rose d’une grande jeunesse. Le nez est fin et ciselé et en bouche le vin est d’un grand plaisir raffiné. L’acidité est belle, les fruits rouges et roses, légèrement aigrelets sont jolis, composant un vin tout en délicatesse. C’est un grand vin à qui l’on donnerait trois fois moins que son âge. Je l’ai acquis d’un couple de particuliers dont les grands-parents avaient muré une cave avant la guerre de 40.

C’est aussi le cas du Château Lafite 1900 qui provient de la même cave murée. Le nez du vin est d’une noblesse incroyable. Il explose de truffe. Le vin est d’un rouge plus soutenu que le Pichon et sa matière est riche, truffée. Le vin est d’une race très supérieure à celle du Pichon. Nous sommes face à un vin exceptionnel, la perfection du vin de Bordeaux. C’est très probablement le plus grand Lafite que je bois, que je classerais juste derrière le 1844 préphylloxérique et exceptionnel que j’ai bu il y a environ dix ans. Les deux quiches conviennent aux deux rouges.

Nous nous regardons avec Florent et nous pensons l’un et l’autre que personne ne croirait que nous puissions avoir ce soir des vins aussi parfaits, le 1962 dans la plus belle expression des vins de graves, le meursault inconnu, vibrant et authentique meursault épanoui, le 1904 très féminin et le 1900 glorieux et guerrier. Ce n’est que du bonheur.

La bouteille vilaine et inconnue sans étiquette que j’avais ouverte m’avait suggéré un vin muté et dès que je sens et je goûte, aucun doute n’est permis, c’est un Pedro Ximenez des années 10. L’année est évidemment estimée, par le goût, mais surtout par les blessures du temps sur la bouteille et sur le bouchon. La couleur très sombre a des reflets d’or selon l’angle de vision dans le verre. Le liquide est lourd et gras. Le nez intense évoque le café et en bouche, c’est le café, le cacao, les raisins brûlés par le soleil et une combinaison magique de lourdeur et de légèreté. C’est un magnifique vin si pur lui aussi alors que la bouteille paraissait misérable. Décidément, lorsque j’ai choisi des bouteilles à risque, ces vins ont voulu me remercier de les avoir choisies.

Florent ayant lu mes écrits voulait absolument goûter le Marc de rosé d’Ott 1929. Autant dans certaines circonstances ce marc me paraissait doux, autant en ce repas, ce marc semble d’une vigueur extrême et d’un nez de marc puissant. C’est très probablement lié au fait que le marc suit le vin doux très sucré.

Les vins de ce repas ont fait un sans-faute absolu, avec des performances remarquables. Le premier de loin est le Lafite 1900 impérial. En second Florent suggère le Marc de rosé d’Ott 1929 et je vais le suivre dans ce classement. Le troisième serait le Pedro Ximenez car il est d’une pureté et d’une fluidité rare. Les suivants seraient ex-aequo le 1904 et le 1962, le Pichon et le domaine de Chevalier.

Ce dîner d’amitié, avec un ami qui a la même attitude que moi face aux vins anciens est un bonheur total.

Le Pedro Ximenez

le marc d’Ott rosé du domaine d’Ott

Quatre vins bus au dîner.

le Pedro Ximenez et le marc sont à droite sur cette photo

Dîner de conscrits au Relais Louis XIII vendredi, 25 janvier 2019

Parce que nous atteignons un âge qui représente trois quarts de siècle, notre groupe de conscrits décide que cela mérite un dîner, en plus de nos périodiques déjeuners au Yacht Club de France. Le choix se porte sur le Relais Louis XIII de Manuel Martinez, ex chef de la Tour d’Argent et MOF 1986. Nous sommes accueillis par sa charmante compagne qui nous dira lors de la composition de notre menu, que chaque plat choisi est le meilleur de Paris, voire de France, voire du Monde.

J’ai la charge de suggérer les vins, mais sous haute surveillance de mes conscrits. Nous prenons un champagne d’attente car un des amis a eu une panne sur sa voiture et ne viendra que plus tard. C’est le Champagne Initial de Selosse dégorgé en décembre 2010. J’ai prévenu mes amis du fait que c’est un champagne atypique et il l’est. Il combine un caractère vineux avec des évocations de fruits roses un peu compotés. Dans les très efficaces verres conçus par Philippe Jamesse, l’ancien et célèbre sommelier des Crayères à Reims, le champagne s’élargit et devient de plus en plus charmant, le vineux étant compensé par une belle douceur. Mes amis l’apprécient.

Nous changeons de style avec le Champagne de Souza Cuvée des Caudalies extra brut blanc de blancs sans année. Ce champagne est d’une grande pureté. Il est précis, franc et a toutes les qualités des chardonnays d’Avize. Il est élégant et appréciable aussi nous en reprenons un pour accueillir notre ami en panne de voiture. Les petites choses à grignoter sont exquises, dont un pâté en croûte particulièrement bon.

Mon choix de plat sera : quenelle de bar abondamment couverte de truffe / ris de veau / comté trente mois / millefeuille. Le Château de Beaucastel Roussanne Vieilles Vignes Châteauneuf-du-Pape 2015 est tonitruant. Son nez est incroyable de puissance, comme celui d’un Montrachet qui aurait connu du botrytis. Les vieilles vignes se sentent dans le caractère fumé du vin. Ce vin est impérial. La quenelle est la plus exquise que Dieu ait donnée. Elle est gourmande et l’accord est idéal. La deuxième bouteille a un peu moins d’énergie que la première.

Pour le ris de veau qui est magnifiquement bien traité Nous buvons le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 2005. Le vin est puissant, riche, entraînant. Il est facile à vivre car il est direct et compréhensible. La deuxième bouteille sera nettement meilleure que la première, avec plus de pureté et de précision. Le comté trente mois découpé en fines lamelles est parfait.

Le millefeuille est d’une légèreté incroyable. Il n’est peut-être pas le meilleur du Monde, qui sait, mais il nous ravit tant on le mange avec bon cœur, après tant de richesse dans les plats précédents. Sur le dessert nous buvons le Champagne Amour de Deutz Brut 2009 qui est fort agréable même si l’accord avec la vanille n’est pas spontané.

Le restaurant a une décoration avec des boiseries anciennes et des tableaux résolument modernes. Dans la petite salle qui nous a été réservée, les deux tableaux de Combas ne plaisent pas à plusieurs amis. Des goûts et des couleurs … La femme du chef est dynamique et joyeuse, et vendrait du pain à un boulanger ! J’ai pu bavarder avec le chef sur des souvenirs communs. On se sent bien dans ce restaurant rassurant, à la cuisine traditionnelle généreuse mais tellement bien exécutée. Champion du monde, dirais-je pour faire plaisir à notre hôtesse.

La carte des vins est de belle variété et les prix sont très acceptables tant qu’on ne va pas sur le terrain des vins recherchés par des amateurs étrangers. Lorsque j’avais discuté avec Yannick Alléno lors du dîner à Kaviari, il m’avait vanté les qualités du relais Louis XIII. Il avait bien raison, cette table mérite qu’on s’y rende au plus vite.

Préparation du 232ème dîner à la Cave d’Exception de l’hôtel de Crillon jeudi, 24 janvier 2019

Le 226ème dîner avait eu lieu à la Cave d’Exception de l’hôtel de Crillon et j’avais apprécié la cuisine de Christopher Hache, chef du Crillon. J’ai donc réservé en novembre le même beau salon pour faire avec Christopher Hache le 232ème dîner fin janvier. Et j’avais réservé une table pour faire un déjeuner de travail avec le chef et son équipe une semaine avant le dîner. L’ennui, c’est que des mouvements de personnel ayant eu lieu au sein de l’hôtel, mon mail de réservation, confirmé par la responsable, s’est perdu, faute de réelles passations de pouvoir. Un silence étonnant régnait autour de ma réservation pour le déjeuner de travail, comme si on n’osait pas me dire certaines choses.

Le déjeuner est reporté au lendemain de la date prévue et c’est Boris Campanella, nouveau chef de la restauration du Crillon qui est mon interlocuteur. Je dois donc comprendre que Christopher Hache n’est plus dans le circuit de la mise en place de mon dîner. Boris a travaillé aux côtés de Yannick Alléno à Megève au 1947 Cheval Blanc qui a obtenu trois étoiles. Je pensais à un déjeuner de travail, mais en fait je vais déjeuner seul à l’Ecrin de l’hôtel de Crillon, tout en ayant des séances de travail très productives.

D’emblée, Boris Campanella est ouvert, précis et collaboratif. Nous travaillons sur le menu du dîner et nous nous comprenons. Le menu se construit en un temps très court car questions et réponses s’enchaînent logiquement. Je demande au chef quels plats pourraient me permettre d’apprécier sa cuisine ce midi et il me suggère les coquilles Saint-Jacques et le veau.

La coquille Saint-Jacques à la truffe noire se présente dans sa coquille lutée très jolie. On présente les deux coquilles dans une assiette qui contient les légumes et le jus de cuisson est rajouté sur les coquilles. Le plat est absolument délicieux et on mange le lut comme une pâtisserie.

Le veau glacé à la truffe est d’une tendreté agréable. J’avais commandé au verre un Champagne Pierre Péters extra-brut blanc de blancs sans année de belle personnalité. Avec le plat, il perd le côté abrupt de l’extra-brut et avec la sauce seule, divine et un peu salée du fait de la réduction, le champagne devient d’un charme envoûtant. La sauce féconde le champagne de bien belle façon.

Le directeur de salle me fait remarquer que l’on m’entend glousser tant je me régale de cette cuisine. Le dessert à la pomme et au coin est un plat qui est tellement abouti qu’on ne pourrait pas le concevoir autrement. Il est divin et correspond à un niveau de trois étoiles. J’ai félicité Boris pour la qualité de cette belle cuisine. J’étais tenté de remplacer des plats du dîner par ceux que je venais de manger, tant je les ai aimés, mais l’équilibre de ce que nous avions composé en souffrirait.

Le sympathique sommelier m’a proposé une liqueur de yuzu au saké qui est rafraîchissante et digestive.

L’amitié ne se conçoit que si elle est fidèle. Je suis désolé de ne pas avoir été informé de l’indisponibilité de Christopher Hache que j’apprécie et avec qui j’ai une belle complicité. Mis devant le fait accompli, c’est avec Boris Campanella que l’aventure continue. J’ai vérifié que le dîner de fin janvier est en de bonnes mains.


un lustre du salon de thé

la salle de l’Ecrin, le nouveau restaurant gastronomique.

inutile de dire que je regrette l’ancienne salle où se tenait le restaurant gastronomique à la belle décoration de vrai et faux marbre, façon 18ème siècle, qui accueille maintenant le bar.

Visite des champagnes Henriot et déjeuner au restaurant Le Millénaire mercredi, 23 janvier 2019

C’est la première fois que je visite la maison de champagne Henriot, à l’invitation de son président, Gilles de Larouzière, qui est aussi président de la maison Bouchard Père & Fils et des autres domaines de son groupe. Nous visitons les salles où d’immenses cuves inox de 46.000 litres ou plus contiennent des vins en vieillissement, dont la fameuse Cuve 38 qui contient des champagnes de 1990 jusqu’à la dernière vendange et qui est soutirée selon les années de 3 à 20% de son contenu. C’est dans le même esprit que la technique de la solera par laquelle on ajoute dans un fût le vin de l’année qui compense ce que l’on vient de soutirer.

Béatrice, la responsable des relations extérieures, nous propose de goûter un verre du vin tranquille de la Cuve 38. Le nez est celui du champagne, alors que la bouche montre un peu de fleurs blanches mais surtout un caractère lacté. Tenant en main chacun notre verre, nous descendons dans les caves à 18 mètres sous terre. C’est toujours impressionnant et la réserve des vieux millésimes est ce qui fait battre mon cœur un peu plus fort.

Nous remontons et dans la jolie salle de dégustation j’ouvre le vin que j’ai apporté, Un Vin de l’Etoile de la Coopérative Vinicole de l’Etoile 1973, car j’aimerais que nous puissions vérifier s’il y a une fécondation possible entre ce type de vin et l’un des champagnes Henriot. Béatrice ouvre un Champagne Henriot Cuvée Hemera 2005 qui est le premier millésime de la cuvée phare de la maison Henriot et se substitue à la cuvée des Enchanteleurs. Cette cuvée est à parts égales en chardonnay et pinot noir, et composée uniquement de grands crus. Son ambition est d’être un vin lumineux comme la déesse Hemera est la déesse de la lumière du jour. Le champagne est frais, précis, mais je le trouve sacrément guerrier pour un vin lumineux. Il est d’une très belle expression, tendu, vif, et sera un vin de haute gastronomie.

Le Vin de l’Etoile de la Coopérative Vinicole de l’Etoile 1973 a une attaque curieuse, évoquant la pierre ronde d’un cours d’eau de montagne et des saveurs iodées. C’est dans le finale qu’il s’anime le plus, avec de beaux fruits jaunes mais aussi un peu de fruits rouge clair. Lorsque l’on revient au champagne, on s’aperçoit que le champagne est plus large, plus ample et la fécondation que j’aime se produit. Dans le sens inverse, lorsque l’on retrouve le vin du Jura, il n’y a pas de fécondation et le champagne n’arrive pas à rendre plus aimable l’attaque de ce vin qui brille surtout par son finale joyeux.

La neige vient de tomber sur Reims et nous allons déjeuner au restaurant Le Millénaire de Laurent et Thibault Laplaige. Nous avons pris la bouteille du 1973 avec nous et demandons la permission de la boire à notre table de deux, Gilles et moi.

Le menu que je choisis est : langoustines à la plancha, velouté de lentillons de Champagne aux châtaignes, espuma jambon de Reims / le turbot rôti, ravioles de poireaux ricotta et citron vert, émulsion champagne / tarte amande-mirabelle, poire pochée, gel tonka et sorbet mirabelle.

Gilles avait fait livrer une bouteille dont la forme m’est connue mais dont je ne vois pas l’année. Nous sommes servis et nous goûtons et Gilles me demande quelle est l’année. Je réfléchis et le premier chiffre que je propose est 1964. Gilles me tape dans la main : c’est 1964. Je ne suis pas peu fier. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1964 combine une très grande vivacité avec une sérénité accomplie, toute en douceur. Le champagne est à la fois rond et profond et d’une personnalité extrême. Bu seul, on sent son dosage agréable et prononcé. Dès qu’il accompagne un plat, il gagne en tension.

Le vin du Jura lui aussi prend de l’étoffe avec les plats délicieux. Les langoustines sont d’une cuisson parfaite, les raviolis mettent en valeur la belle chair du turbot et le dessert convient idéalement au champagne. C’est une cuisine de très haut niveau. Le cadre est agréable et joli. Le service est un peu austère mais cette table me fait une excellente impression. Le patron dont Gilles me disait qu’il sort rarement de sa cuisine est venu nous saluer deux fois en cours de repas en souriant. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1964 est un champagne de très haut niveau dans une gamme de goûts généreux qui correspondent à ce que j’aime le plus. Plus gourmand, je crois qu’il n’y a pas. Faudrait-il le garder à côté de la Cuvée Hemera ? Je ne dirais pas non, si c’est possible.

Les discussions ont été riches. Ce repas est un grand repas illuminé par un champagne d’exception dans une de ses plus belles années.


visite en cave

la fameuse cuve 38

la salle de dégustation

Déjeuner du dimanche avec un Vieux Château Certan mardi, 22 janvier 2019

Le repas du dimanche midi réunit mes deux filles et trois des quatre petits-enfants. A l’apéritif il y aura des petits fours préparés par une des petites-filles et du jambon Pata Negra. Je sers le Champagne Dom Pérignon 1988 que nous avions ouvert il y a deux jours et dont le défaut de bouchon avait disparu très rapidement. Qu’en est-il aujourd’hui ? La surprise est belle. La couleur est joliment ambrée comme l’autre jour, la bulle est beaucoup plus rare mais le goût est particulièrement bon. Il y a des fruits dorés de miel mais aussi des suggestions de fruits rouges et le tout combine charme romantique avec un message virilement affiché. Ce champagne est grand. Je n’en attendais pas autant.

Ma femme ayant annoncé des harengs marinés au curry et d’autres à la moutarde, le choix d’un vin était délicat aussi ai-je ouvert un Meursault Charmes Hospice de Beaune 1960 dont le vigneron est illisible. Je l’ai choisi en cave car la couleur est très claire, à travers la bouteille, et le niveau est parfait. A l’ouverture, dès que j’ai voulu piquer le bouchon avec la pointe du tirebouchon, il est immédiatement tombé dans la bouteille. J’ai rapidement carafé, mais un petit morceau du bas du goulot est tombé dans la carafe. Allait-il souiller le liquide ? Fort heureusement non. La couleur du vin est plus ambrée dans le verre que dans la bouteille et elle est jolie. Le nez est très pur et le liquide est bien intact. C’est un parfum très précis, de belle personnalité, qui annonce un vin de qualité. En bouche il y a une acidité très présente, ce qui va permettre au vin de se comporter très pertinemment avec les harengs aux goûts très forts. Après avoir mangé du hareng et apaisé son palais, on constate que l’acidité s’est apaisée et le meursault devient riche et élégant. C’est un vin fort agréable et qui tient bien sa place rafraîchissante et de belle longueur linéaire (on peut penser qu’une longueur serait linéaire, mais il arrive avec certains vins qu’elle fasse l’école buissonnière). Ce n’est pas le cas pour ce joli meursault.

Le plat principal est un agneau fourré avec un ail très présent, cuit à basse température, et un gratin dauphinois et des petits légumes. Le Vieux Château Certan Pomerol 1967 était emballé dans un fin papier bleu gris très foncé ce qui fait que l’étiquette est comme neuve. Le niveau est dans le goulot, sans la moindre perte de liquide. Le bouchon vient comme il faut même s’il se fend un peu et en le levant, je pensais que bouchon est neutre, ce qui n’est pas normal, mais en fait les impressions sont conformes et se sont affadies. A l’ouverture le nez était exceptionnel, promettant un vin de très haut niveau. Au service, le nez est impérial et impérieux. C’est un très grand vin. En bouche il est noble et ample, large, insistant, avec des notes de belles truffes. Mes filles se rendent compte qu’elles sont en face d’un vin qui a atteint un niveau de perfection rare. L’accord avec le plat est naturel.

Pour la galette des rois qui nomme roi mon petit-fils, je sers le Xérès La Merced Solera Sherry semi-dulce Bobadilla probablement des années 60 que j’avais ouvert à Noël et qui n’a pas perdu la moindre parcelle de son charme doucereux. Ce repas a été illuminé par un Vieux Château Certan 1967 de très haut niveau.

le meursault mis en carafe

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France sans vin mardi, 22 janvier 2019

Une de mes petites-filles est seule avec ses grands-parents. Ma femme souhaite qu’elle découvre le restaurant l’Ecu de France, ce relais de poste à la décoration aux fleurs de lys et chargée d’histoire. Les repas cette semaine ont été tellement nombreux que je décide de ne pas boire, malgré l’intérêt de la carte des vins. Je vais saluer Peter Delaboss, le souriant chef d’origine haïtienne. J’adore l’exubérance que l’on sent dans ses plats.

L’amuse-bouche est un essai du chef à base de daurade crue, d’huître et de mille autres saveurs savamment jetées sur l’assiette. Il y a du peintre Matthieu dans sa création dynamique. C’est ce plat que ma femme préférera.

L’entrée est une soupe à l’oignon revisitée, avec de magnifiques coquilles Saint-Jacques. Le plat principal est pour chacun une sole de grande taille préparée de façon classique. Sagement nous n’avons pas pris de dessert car la cuisine du chef est généreuse.

En partant nous avons bavardé avec les propriétaires, la famille Brousse, père, mère et fils, et avec Peter toujours aussi souriant et inventif qui rêve en permanence à de nouvelles recettes. L’Ecu de France est un lieu où nous nous sentons bien.

ce plat est un comme un tableau du peintre Matthieu

Dîner de famille, champagne et alcools samedi, 19 janvier 2019

Mon fils et une de mes filles dînent à la maison. Le programme est de différentes préparations de harengs, au curry, à la moutarde et à la crème qui ne sont pas des amis naturels des vins. Il y aura ensuite un cœur de saumon fumé et du caviar osciètre que ma femme a achetés avant notre dîner à la Manufacture Kaviari.

J’ouvre un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin rosé Brut Cave Privée 1978 dont la couleur rose est très prononcée. Ce rosé a une très belle personnalité. Il s’impose, carré, solide et percutant. Il accompagne à l’apéritif un tarama à l’oursin et l’accord se trouve bien. Avec les harengs, si l’on prend soin de calmer son palais avant de boire, on s’aperçoit que le champagne donne beaucoup de plaisir. C’est un rosé plus solide que charmeur. Il est grand.

Pour le caviar, un choix naturel est un Champagne Dom Pérignon 1988. Le nez du champagne est bouchonné, ce qui n’arrive quasiment jamais, et la bouche est aussi marquée par le bouchon, mais sans que ce soit rebutant. Le bouchon ne sent pas le bouchon, ce qui donne une lueur d’espoir. En une dizaine de minutes le parfum et le goût n’ont plus la moindre trace de bouchon. Alors, peut-on dire qu’il s’agissait de bouchon, qui est généralement un défaut très tenace ? Le champagne devient agréable sans être transcendant, alors que son année est l’une des plus belles.

J’ai rapporté pour ma fille, mais aussi pour nous quelques fonds de bouteilles. Il y a le Vin de Chypre 1870 d’un précédent dîner, large, puissant, à la belle acidité et au poivre affirmé.

Après lui, ce sont les restes du Marsala 1872 qui avait été servi aussi au château d’Yquem. Il est tout en douceur et évoque des fruits légers et variés. J’adore sa complexité car il est insaisissable. Il me plait beaucoup par la diversité de ses fruits suggérés.

Il restait beaucoup du Marc de rosé d’Ott 1929 qui se montre différent de ce qu’il avait montré à Rhône Vignobles et au Taillevent. Il paraît plus fort, plus marc avec beaucoup de charme. Lorsque les trois petits verres sont vides, on remarque à quel point les parfums de ces trois alcools sont forts, entêtants et vraiment différents. C’est très difficile de les hiérarchiser car le Malaga 1872 est le plus discret mais subtil. C’est sans doute le Chypre 1870 qui est le plus glorieux. Ces vins doux et alcools très anciens sont fascinants.

Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier samedi, 19 janvier 2019

Au dîner au château de Beaune qui précède la vente des Hospices de Beaune, j’avais rencontré un amateur de vin qui souhaitait que nous puissions continuer nos discussions autour du vin. Il suggère un déjeuner avec l’un de ses amis qui a eu un parcours professionnel ayant des étapes similaires aux miennes. Nous discutons du lieu et je propose le restaurant Le Petit Sommelier qui a l’une des plus belles cartes de vins de Paris.

Etant en avance j’ai le temps de consulter la carte des vins et le nombre de bonnes pioches est très important. Nous discutons à trois et l’accord se fait très vite sur deux vins. Nous choisissons nos plats. Pour moi ce sera : pâté en croûte et entrecôte.

L’ Hermitage Jean-Louis Chave Blanc 2002 a une jolie couleur de miel clair gorgé de soleil. Le nez m’évoque du fumé alors que pour mon ami c’est le tabac qui est en avant-scène. Le vin est riche, ample, gras, et le fumé lui apporte une force de conviction. C’est un grand vin gastronomique, solide et indestructible. Avec le pâté en croûte l’accord est une évidence. Ce vin a une très belle longueur.

Le Nuits Saint Georges Clos des Forets Saint-Georges 1er Cru Domaine de l’Arlot 1999 a une couleur à peine violacée. Le nez est d’un charme confondant, car tout est suggéré, subtil comme un nocturne de Chopin. En bouche, le vin est délicat, élégant, et c’est un vin qui fait aimer la Bourgogne, si riche en subtilités. Le vin est si jeune qu’on ne peut imaginer qu’il a un peu plus de 19 ans. C’est un régal. Il vit sa vie sans chercher à copiner avec l’entrecôte.

J’ai pris dans ma musette le reste de la bouteille du Vin de Chypre 1869 que j’avais fait goûter au Taillevent à un groupe de grands professionnels du vin. Le dessert avec des fruits délicats convient magiquement à ce vin qui éblouit mes convives. Ils n’imaginaient pas qu’à 140 ans un vin puisse avoir cette puissance et cette présence. L’acidité du vin est très forte et sa persistance aromatique est infinie. Pour un vin doux, il est sec comme un Xérès et frais. C’est une apparition divine. La délicieuse Manon qui a fait le service des plats et des vins mérite de goûter ce breuvage qu’elle décrit avec pertinence.

Déjeuner au Petit Sommelier, c’est un plaisir assuré.