Dîner de famille aux beaux vins blancs mercredi, 19 décembre 2018

Ma fille vient dîner à la maison avec ses enfants. Elle ne savait pas que mon fils serait là et la surprise est belle. J’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1995. Ce champagne est étonnant d’accomplissement. Il est plein, volumineux, ensoleillé, de bonne mâche. Il est très au-dessus de ce que j’attendais alors que j’attendais du bon. Sur les petits gâteaux d’apéritif que l’on grignote et sur du foie gras, ce blanc de blancs est un régal.

Nous déjeunons simplement d’un poulet au riz saupoudré de pignons. Nous allons boire des restes ce qui est devenu une habitude. Le Château Grillet 1982 a encore profité de son aération. Il est solide, carré, impressionnant d’équilibre. Je continue à penser qu’il n’est pas assez canaille et un pru trop bon élève.

Le Vin de l’Etoile Philippe Vandelle 1964 a lui aussi profité d’avoir été ouvert il y a deux jours. Il est plus vif et plus incisif que le vin de la région de Condrieu. J’ai un faible pour ce vin expressif et frais.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1945 est toujours aussi serein et équilibré, puissant mais sans forcer. Il trouve son bonheur sur un Comté de dix-huit mois remarquable de qualité. Le fait d’avoir eu ensemble quatre vins blancs aussi disparates est une belle expérience, car les comparer est enrichissant. Si je devais voter, ce serait : 1 – vin de l’Etoile 1964, 2 – Comtes de Champagne 1995, 3 – Château Chalon 1945, 4 – Château Grillet 1982. Mais chacun des quatre est de très haute qualité dans son appellation.

Il restait encore suffisamment du vin de Chypre 1870 et du Malaga 1872 pour que ma fille puisse goûter à ces vins divins. Comme mon fils et moi, ma fille a préféré le Malaga. Elle a été éblouie par la longueur de ces vins. Les restes sont finis. Noël apportera d’autres découvertes.

centre de table

Dîner dans un salon du Pré Catelan mercredi, 19 décembre 2018

Un ami, qui l’est devenu depuis plus de cinquante ans – ça existe – fête son anniversaire dans un salon du Pré Catelan. Le lieu est d’une grande beauté, la salle est d’une belle décoration. Le Champagne Lenôtre est assez simple mais de bonne soif. Sur de très bons canapés, il se comporte bien.

Le menu du dîner est : le tourteau et tartare de mangue, quinoa soufflé / le homard en pétales de radis blancs, brunoise de céleri et jus de truffe / le filet de bœuf aux cèpes, cannelloni de cèpes et foie gras / géométrie d’une tarte au chocolat, l’alliance subtile des chocolats Tanzanie, Ghana et Sao Tomé, glace au foin, et sauce au chocolat. On peut faire confiance au groupe Lenôtre de réaliser un dîner de grande qualité.

Le Chablis Jean Pierre Grossot 2016 est très agréable à boire et le Château des Fougères, Graves 2009 est une solide valeur. On peut aussi faire confiance aux choix d’Olivier Poussier, meilleur sommelier du Monde, qui gère la cave du groupe Lenôtre.

Le dessert au chocolat est accompagné d’un Maury Mas Amiel en bouteille trapue dont je n’ai pas vu l’année mais qui est d’un charme fou et d’une belle densité. De belle longueur il donne un rayon de soleil au chocolat. Ce fut une belle célébration, familiale et amicale.

Dîner au siège de Grains Nobles après la dégustation des DRC mercredi, 19 décembre 2018

Dans la jolie salle voûtée du siège de Grains Nobles, la dégustation des 2015 du domaine de la Romanée Conti est suivie d’un dîner d’amitié avec Aubert de Villaine, Michel Bettane, Bernard Burtschy, d’autres amis et Pascal Marquet, dirigeant de la société Grains Nobles qui fait aussi restaurant. Le dîner est simple mais goûteux, avec un bœuf bourguignon qui se dévore avec plaisir. Les vins sont les apports des uns et des autres, sans schéma déterminé.

Le Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires blanc de blancs 2004 est d’une grande solidité. C’est un grand champagne qui défie le temps. Le Puligny-Montrachet Les Réferts Louis Carillon 1988 a un peu souffert et apporte peu d’émotion.

Le Coteaux Champenois Ambonnay rouge Cuvée des Grands Côtés Vieilles Vignes Egly-Ouriet 2005 est magnifique. J’adore ce rouge assez inhabituel et de forte personnalité. Je me régale.

Le Volnay Clos des Chênes Michel Lafarge 1990 en revanche a peut-être eu un problème car je ne trouve pas en ce vin ce qu’il pourrait être.

J’ai apporté un Vin de l’Etoile Philippe Vandelle 1964 et je ne peux pas être objectif avec ce vin du Jura que j’adore. Il a tout pour lui, profond, vif, complexe et en même temps charmant.

Comme il se fait tard, je pars avant la fin, en emportant le vin que j’ai apporté pour que mes enfants puissent le goûter. Chaque année, cette dégustation des vins de la Romanée Conti est un plaisir car la présentation des vins par Aubert de Villaine est d’une hauteur de vues que j’apprécie, et écouter les remarques de Michel Bettane et Bernard Burtschy est un enchantement. Comment est-ce possible qu’ils aient une telle culture du vin ? Je suis émerveillé et l’accueil de Grains Nobles est amical. Ces moments sont précieux.

Dégustation des 2015 du Domaine de la Romanée Conti dimanche, 16 décembre 2018

Chaque année au siège de la société Grains Nobles, Aubert de Villaine présente les vins du domaine de la Romanée Conti qui viennent d’être mis en bouteille. Nous goûterons les 2015. Il commence par un exposé sur la climatologie de l’année 2015 en disant que tout s’est joué en un seul acte marqué par une harmonie tout au long de l’année. C’est l’inverse de ce qui s’est passé en 2018, année aux scénarios très contrastés. L’hiver du début 2015 a été humide avec beaucoup de pluies, qui ont constitué de très précieuses réserves d’eau. Il y a eu beaucoup de grappes. Le vent du nord a été déterminant pour ce millésime. Le printemps a été sec avec deux fortes pluies qui sont arrivées au moment opportun. La floraison a été précoce et très homogène, sans coulure ni millerandage avec des baies très homogènes. En juillet il y a eu très peu d’eau avec une semaine de canicule. Un peu de pluie est apparue dans la première quinzaine d’août. Il a fait plus frais. La chaleur est revenue dans la deuxième quinzaine d’août et le 31 août la récolte a commencé, avec des grains aux petites peaux épaisses. On a commencé par le Corton puis le Montrachet. Le 3 septembre on a vendangé à Vosne Romanée puis La Tâche, puis le Richebourg, jusqu’au 14 septembre.

Les rendements ont été moyens, avec des vinifications faciles en fin de fermentation. Les sucres sont apparus en fût, ce qui a donné de l’onctuosité. C’est un des millésimes les plus parfaits, chaud et précoce, qui n’a rien à voir avec le 2003.

La dégustation commence par le Corton Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée-Conti 2015. Il est fait de trois climats, Clos du Roi, Bressandes et Renardes. Aubert de Villaine aimerait faire trois cuvées lorsque le travail en vigne aura été définitivement accompli mais Michel Bettane n’est pas de cet avis, car le Clos du Roi a encore des vignes de qualité moyenne. Le vin a une belle couleur fraîche. Le nez est profond avec un peu de tabac. La bouche est un peu lactée et le finale un peu trop opulent. Le vin est plus riche que fin. Michel Bettane dit qu’il est déjà très Domaine de la Romanée-Conti. Il y a 70% de vendange entière. Le vin devient plus gourmand car il s’élargit dans le verre. Personnellement je ne reconnais pas le style Domaine de la Romanée-Conti. Il y a 50% de futs neufs et en 2018 on est passé à 100%.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une couleur plus violine. Le nez est plus flatteur et plus subtil. Là aussi, il y a beaucoup de richesse et de générosité ce qui n’est pas ce qui me plait le plus, car il est trop charmeur pour moi. Il a un belle texture et 100% de grappes entières. Il gagne en complexité. Il devient nettement meilleur, Michel dit qu’il y a du soleil dans ce vin.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une belle couleur et un nez très fin et très noble. La bouche ne me semble pas très assemblée. Il y a une lutte entre la gaieté et l’amertume. Il est un peu trop doux. C’est un vin à garder pour qu’il devienne cohérent. Il devient plus amer quand il se réchauffe. La douceur disparaît alors. Il est urgent d’attendre.

La Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une couleur plus profonde et un nez assez retenu et discret. La bouche est plus dynamique, avec un soupçon de perlant. Le nez s’exprime plus. Le vin est riche et tonique. Il y a un peu de suavité en plus du caractère rêche. C’est lui aussi un vin qu’il faudra attendre. Aubert dit que le nom du vin correspond à son caractère. Romanée, c’est le côté bon vivant. Saint-Vivant, c’est le côté cistercien de l’abbaye de Saint-Vivant. Le finale est vert, rêche, très rafle. Il est viril et évoluera bien.

Le Richebourg Domaine de la Romanée-Conti 2015 est un vin dont Michel dit qu’il revient en forme car il est mieux fait. La couleur est belle et le nez superbe. Voilà enfin un vin qui se montre grand, fabuleux, épanoui. Il est tellement bien assemblé, joyeux, au finale poivré délicieux. Ce vin riche est surtout d’une cohérence totale. Il est à la fois aérien et puissant. Il ne fait pas guerrier, il se montre serein, accompli, énorme, parfait. Quelle belle bouteille !

La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une belle couleur et un nez charmeur. La bouche est suave. Contrairement au Richebourg qui se boit bien maintenant, il faudra attendre longtemps avant que La Tâche 2015 atteigne le niveau qu’il promet. Il est charmant, au finale rêche mais noble. La franchise et la noblesse sont là. Il faudra juste attendre. C’est la noblesse qui m’impressionne.

La Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une belle couleur, un nez très subtil et une bouche subtile et raffinée. Il est fermé mais grand. Il ne donne pas encore le plaisir qu’on devine mais le vin s’épanouit. Il marie douceur et complexité. Il est plus une promesse qu’un plaisir. Puis la grandeur arrive. La trace en bouche devient superbe comme le parfum. Aubert dit que la parcelle de la Romanée Conti n’est pas solaire mais résiste bien à la chaleur. Il dit que le caractère chaud du millésime se percevait il y a un an, mais qu’il a disparu, le vin allant plus vers l’élégance.

Le Montrachet Domaine de la Romanée-Conti 2015 a été vendangé très tôt, juste après le Corton. La couleur est très claire et le nez est incroyable. C’est pour moi le nez parfait. La bouche est sublime, d’un plaisir total. Il est fluide tout en étant puissant. Sa puissance est contrôlée, avec beaucoup de poivre. Il est d’une profondeur incroyable. Sa longueur est folle, sa densité gigantesque. Les raisins sont totalement sains, sans botrytis. Je me demande comment ce vin pourrait devenir meilleur tant il a tout ce qu’on attend d’un montrachet parfait. Je suis subjugué par ce vin.

Des huit vins que nous avons bus, il y en a deux qui sont à cet instant précis dans un état exceptionnel, le Montrachet et le Richebourg. Les six autres sont de belles promesses, mais des promesses seulement aussi par exemple, ai-je beaucoup moins ressenti l’émotion de la Romanée-Conti que je ne l’ai fait en d’autres séances de dégustation au même endroit et au même stade d’évolution. Il est certain que nous sommes en face d’une très grande année et que c’est un privilège de déguster ces vins commentés par celui qui dirige le domaine avec tant de talent. Comme à l’accoutumée, la jolie salle voûtée se vide et nous nous retrouvons à quelques-uns pour un dîner d’amitié avec Aubert de Villaine, Michel Bettane, Bernard Burtschy, d’autres amis et les dirigeants de Grains Nobles.

Lunch in my cellar with Krug executives and unconventional wines samedi, 15 décembre 2018

1 – Lunch in my cellar with Krug people

The president of the Krug champagne house, Marguerite Henriquez, sends me a message telling me that she wishes to offer a gift to her oenology team. His idea would be a cellar visit with « special » tasting. The use of the word « special » opens the door to all the follies, so, without hesitation, I say yes. The idea that comes to me then is to treat this visit with the spirit of my dinners with a particularity: in my dinners, the bottles that I choose are among the most beautiful and the most healthy of my cellar. I try to exclude the risk. As there will be oenologists to whom I want to show « my world » of wine, I will be able to choose bottles at risk, since I have the opportunity to open others when I’m in my cellar.

What excites me also is to be able to show that bottles that almost all sommeliers would discard and refuse to serve possess unexpected charms. The chance smiles on the daring and also adds two good news: Olivier Krug will be visiting, and it is Arnaud Lallement, the three-star chef of the Assiette Champenoise, who will provide picnic meal in my cellar.

I want to make a program of madness and this is the unique opportunity to fill a gap. I have drunk all the vintages since 1885 until 2017 except one, the vintage 1902. The opportunity is beautiful to make this series continuous.

The eight executives of the Krug house arrive early with the very chic wicker baskets of a competition picnic. The tour begins with a presentation of my vision of wine and what I want them to discover in a wine world that is not their usual world. I announce that there will undoubtedly be tasting of possible dead wines, but that this must be part of the course. After the cellar visit, which allows us to check that I have cellared some Krug (phew), everyone settles at the table. The dishes are spread out like a feast, diced ham, smoked salmon, foie gras, pâté croute pie, cheeses including camembert and epoisses, apple pie.

We start with a Champagne Krug Private Cuvée from the 50s / 60s which has lost 20% of its volume. The choice of such a bottle is voluntary. The color is amber with a little gray. There are two levels in this wine. On the attack, we feel bitterness that signs the age, but from the middle of the mouth, it is as if the sun rose, the wine is round, happy, with a smiling fruit. Its final is unquenchable. And what is exciting is that very quickly it no longer has any defect.

I announce that the first two whites could be to throw, because at the opening of the wines at 9 o’clock, they were not encouraging. The Meursault Patriarche 1942 at very low level and dark color is the ideal candidate for the sink. At the opening anyone would have rejected and I expected the worst. What a surprise to see that it is round, balanced, discreet no doubt, but very endearing. It is even drinkable and the most surprising is that it is consistent. The slow oxygenation has done its work.

The Meursault-Perrieres Mrs. Lochardet 1929 to the lighter color and the higher level has more presence and depth. It is more strict with a nice acidity, which makes it possible to hesitate between 1942 and 1929, between roundness and righteousness. The two possible candidates for the sink have shown tastes that interest oenologists.

The Meursault Goutte d’Or the grand son of Henri de l’Euthe 1945 is very beautiful and juicy, with great consistency. He has a beautiful fruit. It looks like he’s thirty, it would not shock anyone. There are beautiful rays of sun in this wine.

For foie gras, I want to present now a wine planned later, Château Grillet 1982 which, like the Coulée de Serrant, is one of the five great whites for Curnonsky. The level is perfect, the color is clear and immediately, we are in front of a well built wine, solid, square. He is quite esoteric because we know he is great, but we would like to know why. Because he is a colossus who does not want to show his emotions. We love him because he is rich and square but not because we are moved.

Chablis J. Faiveley 1926 creates a shock for everyone. How is it possible that a wine of 1926 that is 92 years old can have the crazy youth of a wine of twenty years? In addition, it is fresh, light, primesautier, ready to all the follies. So, it’s a real shock. With this wine we enter ‘my’ world of wine, ‘my’, not because it belongs to me, but because I live there.

For Bordeaux, I did not play the ease. Château Durfort-Vivens 1916 had surprised me by its nose of raspberry and currants at the opening, just like the Beychevelle 1916 of the Academy of ancient wines. It still has those intonations of raspberry and currant, which could be a marker of 1916. The wine has a nice acidity, and a nice strength. It’s a great wine like the 1895 Durfort I had drunk at Bern’s Steak House in Tampa.

Château Latour 1902 is the first wine I drink of 1902 that allows me to have a chain without discontinuity from 1885 to 2017, to which is added fifty older vintages, but with breaks in this older chain. The nose was engaging. When I serve, oh surprise, the wine is depigmented. The first contact is quite watery. But, it is the magic of the wine, the Latour assembles, is structured. It is not really typical Latour, but we feel its nobility. It’s with my son that I’ll see how the bottom of the over-pigmented wine behaves.

For Burgundy I wanted to make an association without competition of two wines of the same climate. The Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 at the very beautiful level is a beautiful and opulent wine, serene, solid, built with a lot of charm. It is an exceptional wine of seduction. Its parcel of Saint-Vivant is next to Romanée Conti.

The Romanée Saint-Vivant Domaine Romanée Conti 1983 is from a weak vintage. Also its thundering scent is a big surprise. The nose is captivating and in the mouth the signature of Domaine, rose and salt is a force that I did not suspect of this wine drunk several times. This wine is brilliant.

For lack of Comté, it is with the epoisses that we drink the Château Chalon Jean Bourdy 1945. What strikes is that it is all in equilibrium. The nut is discreet, the wine is dosed and accomplished. It is easy to understand because everything in it is measured and elegant.

I had planned to finish with a Yquem 1970 but the atmosphere is so nice that I say to myself: let’s be crazy and go back a century. I will look for (and it is the advantage to have a meal in my cellar) a 1870 Cyprus Wine. This wine is the Arabian Nights. It explodes with pepper and liquorice but it is especially a perfect wine. While it is supposed to be soft it is dry and while it is supposed to be heavy, it is airy. Its aromatic persistence is infinite. He will have a banana republic vote.

We are voting for our five favorite among twelve wines. We are nine to vote. Ten out of twelve wines receive a vote. The two excluded are the Krug of the beginning but I think it was out of politeness that my guests did not vote for the wine of their house, and the Meursault 1929 yet appreciable. There are only three wines named first because Cyprus has cannibalized six first votes, the wine of Romanée Conti has two first votes and the Meursault 1945 has a vote of first.

The ranking of the consensus would be: 1 – Wine of Cyprus 1870, 2 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929, 4 – Chablis J. Faiveley 1926, 5 – Meursault Goutte d’Or the grandsons of Henry of Euthe 1945, 6 – Château Latour 1902.

My classification: 1 – 1870 Cyprus Wine, 2 – Romanée Saint – Vivant Domaine de la Romanee Conti 1983, 3 – Romanée Saint – Vivant Les Quatre Journaux 1929, 4 – Chablis J. Faiveley 1926, 5 – Château Grillet 1982.

I greatly appreciated the listening attitude of my guests. They entered a world they practice little or not and have discovered that the life of a wine has no limit. The atmosphere of dinette to the good franquette, but franquette three stars anyway, allowed exciting conversations. I was delighted to receive those who make a champagne that I love. This form of meal where we give to bottles at risk the possibility of expressing themselves pleases me a lot. Thank you Maggie for allowing this moment of sharing and warm friendship.

2 – the wines, the day after, with my son

The day after the reception of Krug executives for a picnic in my cellar, I drank with my son, who was not expecting it, the remains of the wines of the lunch, plus two wines that remained from dinner in Yquem, that I absolutely wanted him to discover. My wife has planned scallops with thin slices of fried black radish, a veal cooked at low temperature with a truffle purée, cheeses and meringue hemispheres sprinkled with chocolate chips that once evoked frizzy heads.

Champagne Krug Private Cuvée 50/60 was finished yesterday, which proves that we liked it. The Meursault Patriarche 1942 still has a gray amber color. Immediately I feel that he is clearly better than yesterday, broad and happy, with good fruit. What a surprise when we know that this wine would have been ignored by amateurs who would not have known that it was necessary to wait.

The Meursault-Perrieres Mrs. Lochardet 1929 is also wider than the day before but it still kept its strict character. Yesterday we could hesitate between 1942 and 1929 but today doubt is no longer allowed, the 1942 is much more generous than the 1929 yet a great year.

I serve the Meursault Goutte d’Or the grand sons of Henri de l’Euthe 1945 and I see the face of my son who is transformed. He is as if paralyzed. He tells me he never drank that. He finds this wine absolutely perfect. I agree with his analysis even if I do not have such a strong emotion. The wine is now imperial, powerful, broad and opulent. It is properly named because every drop of this wine is gold. This wine is just happiness with a rare depth. Here are three wines that are better than yesterday.

The Château Grillet 1982 is wider than yesterday, solidly camped. He gives more emotion, but still remains on his reserve. Solid, he is brilliant, without delivering yet what time will give him one day.

Chablis J. Faiveley 1926 is a surprise as big as yesterday. He is of a youth that cannot be imagined. Like father such sons, because yesterday I told my guests that if it was said that this is a 1988 wine nobody would contradict and here is my son who says: we would give him twenty years. This wine is an enigma, fluid, delicate, crazy youth. He is at the same level as yesterday, crazy charm.

The Château Durfort-Vivens 1916 has lost some of its red fruits, even if you feel them, and it has become stricter with a small hollow in the middle of the mouth. I cannot say that the night has improved it.

The reaction of my son on the Meursault 1945, I will have with the Château Latour 1902. First of all I expected that the depigmentation of the beginning of bottle would give for what remains a black wine loaded with all the pigments, but this is not the case. It is only at lees level that the liquid will be black. But I am absolutely overwhelmed by this wine that has become a monster of charm and delicacy. Yesterday, I was looking for his soul Latour and today I have in front of me one of the greatest Latour I had the chance to drink, all lace and suggestion. I enjoy this moment and my son is more reserved on this wine. So we had our moments of grace on two different wines. This Latour is clearly above yesterday.

The Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 is a racy wine, noble and powerful. He is a lord. He is exactly in line with what he said yesterday. It is a grand and flourishing wine. What a shame that there was so little left, but all the better for my guests yesterday.

The Romanée Saint-Vivant Domain Romanée Conti 1983 is significantly less brilliant than yesterday. It was pink and salt. It is still salt, but has lost the flower for a rather roasted taste. He lost his freshness and got a little stuck. He is good of course but does not have the spark of genius that I had perceived yesterday.

We do not drink Château Chalon Jean Bourdy 1945 that we keep for a future meal, because I wish we would now taste three exceptional liquoreux.

There remains a small part of the 1891 Chateau d’Yquem from the dinner at Yquem. One can feel a tiny trace of evaporation that has extinguished some fires, but this Yquem is still splendid, with evocations of orange zest extremely delicate. He is always so well structured. My wife drinks what makes me happy. We turn the page of a historic wine of the most beautiful nobility.

The following exercise excites me to the highest point. Because it is very rare that I put together so old muscatés sweet wines. I put one at the end of the meal and I do not remember to have put two.

The 1870 Cyprus Wine is lively, very dry, with a very nice little bitterness and its markers are pepper and licorice.

The 1872 Malaga I had included in the dinner at Yquem is a little rounder and fat. It has more sun and its markers are coffee and cocoa. So here are two wines that I have each ranked first in the meal where he was who are face to face. They are very different and I must say that, as for my son, the Malaga is my favorite because it has more joy of life and depth. Both wines are marvels, with endless aromatic persistence, and deserve the first places they had in my votes, in the two meals where they were placed, in final bouquet.

This second tour of the wines of the day before leads me to questions. I opened the wines yesterday at 9 o’clock and they may not have had enough time to assemble. They were served and stirred, moved in my car in the cave-house route, and a majority of them are better today than yesterday. Does this mean that I should have opened them the day before? Or would a carafe after slow oxygenation have brought them to the state they had today? This is a subject that I will have to dig. In addition, the youngest wine, 1983 Romanée Conti is the only one that has regressed frankly when he was brilliant yesterday. Does this extra day only benefit old wines? In addition, it was the wines that had the lowest levels in the bottle that benefited the most from additional oxygenation.

These are some questions that I will have to solve. Because it is fascinating to see how much the elected representatives of the day of my son and me, Meusault 1945 and Latour 1902 have progressed, beyond all expectations.

Wine is a mystery and I’m never at the end of its surprises.

(see pictures of this lunch two articles below)

Les vins du 231ème repas le lendemain samedi, 15 décembre 2018

Le lendemain de la réception des cadres de Krug pour un piquenique dans ma cave, j’ai bu avec mon fils, qui ne s’y attendait pas, les fonds de bouteilles du déjeuner, plus deux vins qui restaient du dîner à Yquem, que je voulais absolument qu’il découvre. Ma femme a prévu des coquilles Saint-Jacques avec de fines tranches de radis noir poêlées, un veau cuit à basse température avec une purée à la truffe, des fromages et ces hémisphères de meringue saupoudrés de copeaux de chocolat qui évoquaient jadis des têtes crépues.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 50/60 avait été fini hier, ce qui prouve qu’on l’avait aimé. Le Meursault Patriarche 1942 a toujours une couleur d’un ambre grisé. Immédiatement je sens qu’il est nettement meilleur qu’hier, large et joyeux, au beau fruit. Quel étonnement quand on sait que ce vin aurait été ignoré par des amateurs qui n’auraient pas su qu’il fallait attendre.

Le Meursault-Perrieres Mme Lochardet 1929 est lui aussi plus large que la veille mais il a quand même gardé son caractère strict. Hier on pouvait hésiter entre le 1942 et le 1929 mais aujourd’hui le doute n’est plus permis, le 1942 est beaucoup plus généreux que le 1929 pourtant d’une grande année.

Je sers le Meursault Goutte d’Or les petits fils d’Henri de l’Euthe 1945 et je vois le visage de mon fils qui se transforme. Il est comme tétanisé. Il me dit qu’il n’a jamais bu cela. Il trouve ce vin absolument parfait. Je rejoins son analyse même si je n’ai pas une émotion aussi forte. Le vin est maintenant impérial, puissant, large et opulent. Il porte bien son nom car chaque goutte de ce vin est de l’or. Ce vin n’est que du bonheur avec une profondeur rare. Voilà trois vins qui se présentent mieux qu’hier.

Le Château Grillet 1982 est plus large qu’hier, solidement campé. Il donne plus d’émotion, mais reste encore sur sa réserve. Solide, il est brillant, sans délivrer ce que le temps lui donnera un jour.

Le Chablis J. Faiveley 1926 est une surprise aussi grande qu’hier. Il est d’une jeunesse qu’on ne peut pas imaginer. Tel père tels fils, car hier j’avais dit à mes invités que si on disait qu’il s’agit d’un vin de 1988 personne ne contredirait et voici que mon fils dit : on lui donnerait vingt ans. Ce vin est une énigme, fluide, délicat, de folle jeunesse. Il est au même niveau qu’hier, fou de charme.

Le Château Durfort-Vivens 1916 a perdu un peu de ses fruits rouges, même si on les ressent, et il est devenu plus strict avec toutefois un petit creux en milieu de bouche. Je ne peux pas dire que la nuit l’a amélioré.

La réaction de mon fils sur le Meursault 1945, je vais l’avoir avec le Château Latour 1902. Tout d’abord je m’attendais que la dépigmentation du début de bouteille donnerait pour ce qui reste un vin noir chargé de tous les pigments, mais ce n’est pas le cas. Ce n’est qu’au niveau des lies que le liquide sera noir. Mais je suis absolument subjugué par ce vin qui est devenu un monstre de charme et de de délicatesse. Hier, je cherchais son âme de Latour et aujourd’hui j’ai en face de moi l’un des plus grands Latour que j’aie eu la chance de boire, tout en dentelle et en suggestion. Je jouis de ce moment et mon fils est plus réservé sur ce vin. Nous avons donc eu nos moments de grâce sur deux vins différents. Ce Latour s’est montré nettement au-dessus d’hier.

La Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 est un vin racé, noble et puissant. C’est un seigneur. Il est tout-à-fait dans la ligne de ce qu’il exposait hier. C’est un vin grandiose et épanoui. Quel dommage qu’il en restât si peu, mais tant mieux pour mes invités d’hier.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est nettement moins brillant qu’hier. Il était rose et sel. Il est toujours sel, mais a perdu la fleur pour un goût assez torréfié. Il a perdu de sa fraîcheur et s’est un peu coincé. Il est bon bien sûr mais n’a pas l’étincelle de génie que j’avais perçue hier.

Nous ne buvons pas le Château Chalon Jean Bourdy 1945 que nous gardons pour un futur repas, car je souhaite que nous goûtions maintenant trois liquoreux exceptionnels.

Il reste un fond de bouteille du Château d’Yquem 1891 du dîner à Yquem. On peut sentir une infime trace d’évaporation qui a éteint quelques feux, mais cet Yquem est encore splendide, avec des évocations de zestes d’orange extrêmement délicates. Il est toujours aussi bien structuré. Ma femme en boit ce qui me fait plaisir. Nous tournons la page d’un vin historique de la plus belle des noblesses.

L’exercice qui va suivre m’excite au plus haut point. Car il est très rare que je mette ensemble des liquoreux muscatés aussi vieux. J’en mets un en fin de repas et je n’ai pas le souvenir d’en avoir mis deux.

Le Vin de Chypre 1870 est vif, très sec, avec une petite amertume très sympathique et ses marqueurs sont le poivre et la réglisse.

Le Malaga 1872 que j’avais inclus dans le dîner à Yquem est un peu plus rond et gras. Il a plus de soleil et ses marqueurs sont le café et le cacao. Voilà donc deux vins que j’ai classés chacun premier dans le repas où il était qui se trouvent face à face. Ils sont très différents et je dois dire que, comme pour mon fils, le Malaga est mon préféré, car il a plus de joie de vivre et de profondeur. Les deux vins sont des merveilles, avec des persistances aromatiques infinies, et méritent bien les places de premier dans mon vote, dans les deux repas où ils ont été placés, en bouquet final.

Cette deuxième tournée des vins de la veille me conduit à des questions. J’avais ouvert les vins hier à 9 heures et ils n’ont peut-être pas eu assez de temps pour s’assembler. Ils ont été servis et remués, ont bougé dans ma voiture dans le trajet cave – maison, et une majorité d’entre eux sont meilleurs aujourd’hui qu’hier. Est-ce à dire que j’aurais dû les ouvrir la veille ? Ou est-ce qu’un carafage après oxygénation lente les aurait amenés à l’état qu’ils ont eu aujourd’hui ? C’est un sujet qu’il me faudra creuser. Par ailleurs, le vin le plus jeune, le 1983 de la Romanée Conti est le seul qui a franchement régressé alors qu’il était brillant hier. Est-ce que cette journée de plus ne profite qu’aux vins anciens ? Par ailleurs, ce sont les vins qui avaient les niveaux les plus bas dans la bouteille qui ont profité le plus d’une oxygénation supplémentaire. Voilà des questions qu’il va falloir que je résolve. Car c’est fascinant de voir à quel point les élus du jour de mon fils et de moi, le Meusault 1945 et le Latour 1902 ont progressé, au-delà de toute attente. Le vin est un mystère et je ne suis jamais au bout de ses surprises.


Surprise de mon fils quand il voit toutes ces bouteilles à finir !!!

le cul de la bouteille de l’Yquem 1891

Malaga 1872 et Chypre 1870

231ème repas impromptu dans ma cave ! vendredi, 14 décembre 2018

La présidente de la maison de champagne Krug, Marguerite Henriquez, m’envoie un message me disant qu’elle souhaite offrir un cadeau à son équipe d’œnologie. Son idée serait une visite de cave avec dégustation « spéciale ». L’utilisation du mot « spéciale » ouvre la porte à toutes les folies, aussi, sans hésiter, je lui dis oui. L’idée qui me vient ensuite, c’est de traiter cette visite comme un de mes dîners avec une particularité : dans mes dîners, les bouteilles que je choisis sont parmi les plus belles et les plus saines de ma cave. J’essaie d’exclure le risque. Comme il y aura des œnologues à qui je veux montrer mon « monde » du vin, je vais pouvoir choisir des bouteilles à risque, puisque j’ai instantanément la possibilité d’en ouvrir d’autres lorsque l’on est dans ma cave.

Ce qui m’excite aussi, c’est de pouvoir montrer que des bouteilles que presque tous les sommeliers écarteraient et refuseraient de servir possèdent des charmes inattendus. La chance sourit aux audacieux aussi s’ajoutent deux bonnes nouvelles : Olivier Krug sera de la visite, et c’est Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de l’Assiette Champenoise, qui va fournir le piquenique du repas dans ma cave.

J’ai envie de faire un programme de folie et c’est l’occasion unique de combler une lacune. J’ai bu tous les millésimes depuis 1885 jusqu’à 2017 sauf un, le millésime 1902. L’occasion est belle de rendre cette série continue.

Les huit cadres de la maison Krug arrivent en avance avec les paniers en osier très chics d’un piquenique de compétition. La visite commence par un exposé que je fais de ma vision du vin et de ce que je souhaite faire découvrir dans un monde de vins qui n’est pas leur monde habituel. J’annonce qu’il y aura sans doute à la dégustation des vins morts, mais que cela doit faire partie du parcours. Après la visite de cave, qui permet de vérifier notamment que j’ai quelques Krug en cave (ouf), tout le monde s’installe à table. Les mets sont étalés comme en un festin, jambon en dés, saumon fumé, foie gras, pâté en croûte, fromages dont camembert et époisses, tarte aux pommes.

Nous commençons par un Champagne Krug Private Cuvée des années 50/60 qui a perdu 20% de son volume. Le choix d’une telle bouteille est volontaire. La couleur est ambrée avec un peu de gris. Il y a deux niveaux dans ce vin. A l’attaque, on ressent des amertumes qui signent l’âge, mais dès le milieu de bouche, c’est comme si le soleil se levait, le vin est rond, joyeux, d’un fruit souriant. Son finale est inextinguible. Et ce qui est passionnant c’est que très rapidement il n’a plus aucun défaut.

J’annonce que les deux premiers blancs pourraient être à jeter, car lors de l’ouverture des vins à 9 heures, ils n’étaient pas encourageants. Le Meursault Patriarche 1942 au niveau très bas et à la couleur foncée est le candidat idéal pour l’évier. A l’ouverture n’importe qui l’aurait rejeté et je m’attendais au pire. Quelle surprise de voir qu’il est rond, équilibré, discret sans doute, mais très attachant. Il est même buvable et le plus surprenant est qu’il est cohérent. L’oxygénation lente a fait son œuvre.

Le Meursault-Perrieres Mme Lochardet 1929 à la couleur plus claire et au niveau plus élevé a plus de présence et de profondeur. Il est plus strict avec une belle acidité, ce qui fait qu’on peut hésiter entre le 1942 et le 1929, entre rondeur et droiture. Les deux candidats possibles à l’évier ont montré des goûts qui intéressent les œnologues.

Le Meursault Goutte d’Or les petits fils d’Henri de l’Euthe 1945 très beau est juteux, de belle mâche. Il a un beau fruit. On dirait qu’il a trente ans, cela ne choquerait personne. Il y a de beaux rayons de soleil dans ce vin.

Pour le foie gras, j’ai envie de présenter maintenant un vin prévu plus tard, le Château Grillet 1982 qui, comme la Coulée de Serrant, fait partie des cinq grands blancs de Curnonsky. Le niveau est parfait, la couleur est claire et d’emblée, on est en face d’un vin bien construit, solide, carré. Il est assez ésotérique car on sait qu’il est grand, mais on aimerait bien savoir pourquoi. Car c’est un colosse qui ne veut pas montrer ses émotions. On l’aime parce qu’il est riche et carré mais pas parce qu’il émeut.

Le Chablis J. Faiveley 1926 crée un choc pour tout le monde. Comment est-il possible qu’un vin de 1926 qui a 92 ans puisse avoir la folle jeunesse d’un vin de vingt ans ? En plus, il est frais, léger, primesautier, prêt à toutes les folies. Alors, c’est un vrai choc. Avec ce vin on entre de plain-pied dans ‘mon’ monde du vin, ‘mon’, non pas parce qu’il m’appartient, mais parce que j’y vis.

Pour les bordeaux, je n’ai pas joué la facilité. Le Château Durfort-Vivens 1916 m’avait surpris par son nez de framboise et de groseilles à l’ouverture, exactement comme le Beychevelle 1916 de l’académie des vins anciens. Il a toujours ces intonations de framboise et groseille, qui pourraient être un marqueur de 1916. Le vin a une belle acidité, et une belle force. C’est un grand vin comme le 1895 Durfort que j’avais bu au Bern’s Steak House de Tampa.

Le Château Latour 1902 est le premier vin que je bois de 1902 qui me permet d’avoir une chaîne sans discontinuité de 1885 à 2017, à laquelle s’ajoute une cinquantaine de millésimes plus anciens, mais avec des ruptures dans cette chaîne antérieure. Le nez était engageant. Quand je sers, oh surprise, le vin est dépigmenté. Le premier contact est assez aqueux. Mais, c’est la magie du vin, le Latour s’assemble, se structure. Il n’est pas vraiment typiquement Latour, mais on sent sa noblesse. C’est avec mon fils que je verrai comment se comporte le fond du vin sur-pigmenté.

Pour les bourgognes j’ai voulu faire une association sans compétition de deux vins du même climat. La Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 au très beau niveau est un vin magnifique et opulent, serein, solide, construit avec énormément de charme. C’est un vin exceptionnel de séduction. Sa parcelle de Saint-Vivant jouxte la Romanée Conti.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est d’un millésime faible. Aussi son parfum tonitruant est-il une grande surprise. Le nez est envoûtant et en bouche la signature du Domaine, de rose et de sel est d’une vigueur que je ne soupçonnais pas de ce vin bu plusieurs fois. Ce vin est brillantissime.

Faute de comté, c’est avec l’époisses que nous buvons le Château Chalon Jean Bourdy 1945. Ce qui frappe, c’est qu’il est tout en équilibre. La noix est discrète, le vin est dosé et accompli. Il est facile à comprendre car tout en lui est mesuré et élégant.

J’avais prévu de finir par un Yquem 1970 mais l’atmosphère est si sympathique que je me dis : soyons fou et reculons d’un siècle. Je vais chercher (et c’est l’avantage de prendre le repas dans ma cave) un Vin de Chypre 1870. Ce vin, c’est les mille et une nuits. Il explose de poivre et de réglisse mais c’est surtout un vin parfait. Alors qu’il est supposé être doux il est sec et alors qu’il est supposé être lourd, il est aérien. Sa persistance aromatique est infinie. Il aura un vote de république bananière.

Nous votons pour nos cinq préférés des douze vins. Nous sommes neuf à voter. Dix vins sur douze reçoivent un vote. Les deux exclus sont le Krug du début mais je pense que c’est par politesse que mes convives n’ont pas voté pour le vin de leur maison, et le Meursault 1929 pourtant appréciable. Il n’y a que trois vins nommés premiers car le Chypre a cannibalisé six votes de premier, le vin de la Romanée Conti a deux votes de premier et le Meursault 1945 a un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 – Vin de Chypre 1870, 2 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929, 4 – Chablis J. Faiveley 1926, 5 – Meursault Goutte d’Or les petits fils d’Henri de l’Euthe 1945, 6 – Château Latour 1902.

Mon classement : 1 – Vin de Chypre 1870, 2 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929, 4 – Chablis J. Faiveley 1926, 5 – Château Grillet 1982.

J’ai énormément apprécié l’attitude d’écoute de mes convives. Ils entraient dans un monde qu’ils pratiquent peu ou pas et ont découvert que la vie d’un vin n’a pas de limite. L’ambiance de dinette à la bonne franquette, mais franquette trois étoiles quand même, a permis des conversations passionnantes. J’ai été ravi de recevoir ceux qui font un champagne que j’adore. Cette forme de repas où l’on laisse à des bouteilles à risque la possibilité de s’exprimer me plait beaucoup. Comme ce repas a pris la forme de l’un de mes dîners, ce sera le 231ème de mes repas. Merci Maggie d’avoir permis ce moment de partage et de chaude amitié.

Champagne Krug Private Cuvée années 50/60

Meursault Patriarche  1942 (le bouchon émietté est celui qui est juste devant sur la photo accompagné de la capsule blanche)

Meursault-Perrieres Mme LOCHARDET 1929

le bouchon est celui qui est proche de la capsule verte, assez gras

Meursault Goutte d’Or les petits fils d’Henri de l’Euthe 1945

Château Grillet 1982 (on voit que le bouchon était descendu dans le goulot)

Chablis J.Faiveley 1926

Château Durfort-Vivens  1916

Château Latour 1902

Olivier Krug m’a photographié avec le Latour 1902

Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 (il est dit qu’il faut décanter la bouteille; Surtout pas à cet âge). Pour une fois il m’a été nécessaire d’utiliser les deux longues mèches car la première – en haut de la photo – n’a prélevé que le centre du bouchon et la seconde était nécessaire pour décoller le reste, très collé au verre)

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983

Château Chalon Jean Bourdy 1945 (curieusement le bouchon parait attaqué par des vers)

Vin de Chypre 1870 (comme souvent avec ces liquoreux du 19ème siècle, le bouchon a le bas très incliné. Pourquoi, je ne sais pas)

tous les bouchons

les vins dans ma cave dans le programme initial avec Yquem 1970

les bouteilles vides dans ma cave avec le Chypre 1870

les paniers piquenique très chics d’Arnaud Lallement

la table vue du fond de la salle aux bouteilles vides

la table où nous avons déjeuné

Dîner à quatre mains à l’Espadon de l’hôtel Ritz mercredi, 12 décembre 2018

Ma femme et moi, nous aimons les dîners à quatre mains, car mettre en commun les talents de deux grands chefs, cela peut créer des étincelles de génie. Par Instagram, j’apprends qu’Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de Reims vient faire la cuisine à l’hôtel Ritz, à la Table de l’Espadon, aux côtés de Nicolas Sale. Je réagis au plus vite pour obtenir une table et j’ai bien fait car lorsque nous arrivons à l’hôtel, nous apprenons que le restaurant a fait le plein de réservations.

Le Ritz a pris de longues années pour faire sa rénovation et ça ne se voit pas dans ce que nous visitons. La salle à manger aux décors de stucs très chargés fait très Sissi Impératrice. Il ne manque que les crinolines. Au centre de la grande pièce le grand lustre surplombe un énorme bouquet aux couleurs d’automne qui ne va pas du tout avec le lustre. Les tables sont bien espacées ce qui est un luxe appréciable. Le personnel qui nous reçoit est souriant et tout au long du repas nous constaterons qu’ils sont décontractés et ouverts ce qui est agréable. Je revois avec plaisir Estelle Touzet chef de la sommellerie, qui a confié à Victor le service des vins de notre table, qui se révèle d’une très grande compétence.

Lorsque l’on se met à table, on a devant soi une assiette marron sur laquelle sont imprimés des motifs en or assez chargés. Tout-à-coup, deux serveuses arrivent, prennent les deux assiettes devant nous, et par une pirouette les retournent. Nous avons alors une assiette toute blanche joliment dessinée qui sera prête à recevoir les amuse-bouches. C’est amusant.

Pour le menu à quatre mains on peut choisir de suivre les accords mets-vins proposés par Estelle Touzet, mais je préfère choisir sur la carte des vins. Nous sommes au Ritz donc les prix se situent au deuxième ou troisième étage d’une fusée Ariane, c’est-à-dire très haut. Mon choix est un champagne.

Le menu conçu pour les deux chefs plus le pâtissier du lieu est : la potée champenoise, selon la grande tradition de Champagne (Arnaud Lallement) / la langoustine en trois services. L’appât : eau de langoustine, pamplemousse, caramel d’ail – à cru, caviar impérial, citron frais et crème poivrée évolutive – rôties aux agrumes, énoki à la pistache, nage de coco-citron vert (Nicolas Sale) / le turbot breton, oignon Benoit Deloffre confit à la feuille de poivrier, sauce au vin jaune (Arnaud Lallement) / le chevreuil, le dos rôti aux dragées, le fil : le coing confit, croquant et purée acidulée, jus au poivre noir de Kâmpôt (Nicolas Sale) / le chocolat Jamaya, la touche : meringue fondante au cacao, granité au vinaigre de framboise. Le dessert : de Jamaïque en ganache intense, parfait, dentelle croustillante, poivre et sel. La sucrerie : en éclat et légèreté (François Perret).

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est d’une grande délicatesse, mise en valeur par un verre Riedel quasi idéal. Le champagne est raffiné et va accompagner quasiment tous les plats avec brio. J’ai toutefois commandé un demi-verre de Château Ducru-Beaucaillou 2000 servi à l’aide d’un Coravin, outil qui soutire du vin par une longue seringue, sans que l’on soit obligé d’extraire le bouchon. Ce Saint-Julien très lourd et très riche, extrêmement truffé est de grand plaisir et accompagne le chevreuil de façon parfaite.

Les deux chefs et le pâtissier sont de grand talent. Nos émotions sont passées par des hauts et des bas, car certaines saveurs sont enthousiasmantes, comme l’eau de langoustine, la langoustine quasi crue et la chair du chevreuil, mais d’autres sont moins précises comme les morceaux de coing trop vinaigrés ou la mâche du plat est difficile comme la dentelle croustillante de chocolat qui ne serait pas recommandée pour un premier dîner de speed dating. Globalement, le souvenir est très positif car Arnaud et Nicolas sont des chefs de talent et souriants qui sont venus bavarder aimablement à chaque table.

Le service a été de grande qualité. Le lieu est d’un luxe assumé. Le menu a été bien conçu. Vive les quatre mains.

l’assiette qui se retourne et devient blanche – motif

Champagne Contraste Jacques Selosse lundi, 10 décembre 2018

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison. Il y aura du poulet avec des pommes de terre en robe des champs. Pour l’apéritif il y aura une crème à tartiner à la truffe noire et aux olives puis des chips à la truffe. J’ouvre un Champagne Contraste Jacques Selosse dégorgé le 3 octobre 2007. Anselme Selosse le qualifie : « variété d’attitudes et de positions ». Il a assemblé exceptionnellement pour les récoltes 2002 et 2003 les pinots noirs d’Ay et d’Ambonnay pour produire 2500 bouteilles par année. A partir de 2004 chacun des deux crus est présenté séparément. C’est donc un champagne rare.

Le premier contact est assez rude, car l’acidité est forte. Et les blancs de noirs sont généralement plus ardus que les blancs de blancs. Le champagne s’élargit et devient beaucoup plus sociable. Il est même très approprié sur le poulet. Il est vif, cinglant et tranchant. C’est, comme souvent chez Selosse, un champagne sans concession. Ce qui m’a agréablement surpris c’est que mon verre, resté sur table quelques heures, m’a donné un vin sans bulle de bien belle matière, sans aucune amertume. Il faut donc ouvrir les champagnes de ce type très longtemps à l’avance. Malgré sa rigueur, ce champagne est une belle expérience.

31ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo vendredi, 7 décembre 2018

La 31ème séance de l’académie des vins anciens se tient comme à l’accoutumée au restaurant Macéo. Nous sommes 31 répartis en trois tables, avec trois groupes de vins à déguster. Il y a 48 vins au programme, dont 24 de ma cave, mais le décompte précis est impossible tant certains académiciens généreux ont eu à cœur de rajouter des flacons, notamment lors de la cérémonie incontournable de l’ouverture des vins.

C’est à 16 heures que commence l’ouverture des vins. Les vins étaient dans ma cave depuis quelques semaines, emballés en caisses il y a une semaine, et apportés au restaurant par Béatrice, dont l’aide m’est précieuse, avec 128 verres Riedel que je prête pour les séances de l’académie. Il faut déballer les vins enveloppés dans du papier journal, les disposer dans l’ordre de dégustation, faire les photos et le travail commence. J’avais envie d’utiliser le Durand, outil qui combine un tirebouchon et un bilame, mais cet outil déchire les bouchons. Et surtout, dès le premier bouchon d’un Pouilly-Fuissé 1959, un morceau tombe dans le liquide, ce qui me dissuade de continuer ainsi. Je prends mes outils habituels.

Je suis rapidement rejoint par des amis parmi les plus généreux qui viennent m’aider et encourager le moral des ouvreurs par quelques petits flacons. Je dis « petits », mais Romain débouche un jéroboam de Champagne Pommery 1973. Il est fou. Ce champagne accuse son âge, mais il a énormément de personnalité sur une ossature d’acidité convaincante. C’est un champagne ancien qui raconte de belles histoires. Philippe a apporté un Tavel années 40/50 au nez délicieux mais à la bouche un peu plate et un Cramant années 60, délicat et encore pétillant. Mais pendant ce temps-là, je continue à ouvrir, constatant un phénomène que je remarque de plus en plus, le rôle de la météo, qui doit avoir une influence sur le comportement des bouchons. En effet un nombre très important de bouteilles ont des bouchons dont le liège collé au verre ne veut pas se décoller, ce qui entraîne que le bouchon vient en charpie. Avec l’aide de mes amis, l’ouverture d’une quarantaine de bouteilles n’a pris que deux heures, alors que dans d’autres séances on dépasse les trois heures. Aucun des vins ne me semble devoir être écarté. Les nez les plus charmants sont ceux des liquoreux, ce qui est habituel et les nez les plus puissants sont ceux des Gewurztraminer Jean Biecher 1959. Les nez du Pommard 1961 et du F. Lung 1947 sont d’un charme envoûtant.

J’ai le temps de me changer après cette séance d’ouverture très physique, et les académiciens arrivent petit à petit. A l’apéritif il y a le Champagne Le Brun De Neuville Millésime 2003 jeune, classique, qui ouvre bien le bal. Le suivant, le Champagne Pol Roger non millésimé années 80/90 a un nez puissant et joyeux. En bouche le champagne est épanoui, droit, direct et généreux, ensoleillé. On le boit avec beaucoup de plaisir. Le Pommery 1973 en jéroboam complète la série des champagnes d’apéritif et nous passons à table.

Le menu composé par le restaurant Macéo est : Saumon délicatement fumé par nos soins, melba à l’encre de seiche, crème citronnée / Pissaladière au Bleu de Gex, poires & noix de Grenoble / Coq mijoté à la lie de vin rouge, lard fumé & champignons boutons / Fromages variés, dont ceux d’académiciens / Gâteau aux noix façon pain perdu, dattes Mejhoul.

Les vins des trois groupes incluant ceux de l’apéritif sont répartis ainsi.

Groupe 1 : Champagne Le Brun De Neuville Millésime 2003, Champagne Pol Roger NM (années 80/90), Champagne Pommery 1973 jéroboam, Champagne Veuve Clicquot Rare Rosé Vintage 1985, Pouilly-Fuissé Remoissenet P & F 1959, Y d’Yquem 1985, Meursault-Charmes Brunet Bussy 1957, Vieux Château Bourgneuf Pomerol 1976, Château de Sales Pomerol 1976, Château Canon 1962, Château Cantenac-Brown 1949, Clos Fourtet Saint-Emilion 1945, Cahors Clos de Gamot 1918, Château Beychevelle 1916, F. Lung Rouge d’Algérie domaine Frédéric Lung 1947, Royal Kébir Frédéric Lung rosé 1949, Gewurztraminer Jean Biecher 1959, Château Laroque Sauternes 1951, Tokaji Aszu Eszencia 1988.

Groupe 2 : Champagne Le Brun De Neuville Millésime 2003, Champagne Pol Roger NM (années 80/90), Champagne Pommery 1973 jéroboam, Champagne Pommery 1961, Vin Blanc sec du Château Roumieu 1959, Château Pichon Lalande Pauillac 1975 , Château Fonbadet Pauillac 1990, Vieux Château Bourgneuf Pomerol 1976, Château de Sales Pomerol 1976, Château Soutard Saint-Emilion 1962, Château Beychevelle 1959, Amarone Bertani 1961, Gewurztraminer Jean Biecher 1959, Château Mayne Bert Haut Barsac 1939, Château Cantegril Sauternes 1922, Tokaji Aszu Eszencia 1988.

Groupe 3 : Champagne Le Brun De Neuville Millésime 2003, Champagne Pol Roger NM (années 80/90), Champagne Pommery 1973 jéroboam, Muscadet Sèvre & Maine Domaine de Chasseloir 1958, Vin jaune Caveau des Capucins Arbois Rolet P&F 1966, Château Gruaud Larose 1984, Château Talbot 1986, Château Bel Air Marquis d’Aligre Margaux 1970, Vieux Château Bourgneuf Pomerol 1976, Château de Sales Pomerol 1976, Château Carbonnieux rouge 1959, Pommard Jessiaume Père & Fils 1961, Castello di Montalbano, Vino Spanna du Piémont 1947, Gewurztraminer Jean Biecher 1959, Château du Roc Sainte Croix du Mont 1973, Tokaji Aszu Eszencia 1988.

Je suis dans le groupe 1. Le Champagne Veuve Clicquot Rare Rosé Vintage 1985 est très agréable. Dans un dîner normal, il offrirait beaucoup de plaisir. Mais dans un dîner de vins anciens, Il est un peu discret. Il est bon mais ne trouve pas sa place spontanément.

Le Pouilly-Fuissé Remoissenet P & F 1959 a un parfum étonnant de largesse. Le vin a une belle acidité qui porte un beau message. C’est un vin dont on se régale car il fait entrer dans le monde des vins anciens de bien belle manière. Il est aussi très gastronomique. Pour certains nouveaux académiciens, ce premier vin ancien est porteur d’énigmes. Comment un vin de cet âge peut-il créer de telles émotions ?

On a avec l’Y d’Yquem 1985 la même réaction qu’avec le Veuve Clicquot de la même année. Il est d’une année que j’adore pour Y. Il est puissant, il a un beau fruit généreux mais le 1959 est trop entreprenant pour lui laisser la vedette.

Le Meursault-Charmes Brunet Bussy 1957 n’était sur aucune liste de vins des groupes et je ne savais pas qui l’a apporté et j’ai constaté qu’en fait j’en suis l’apporteur. Il règle définitivement la question de la guerre des anciens et des modernes pour les blancs car sa noblesse, sa vivacité et son expression racée le mettent en tête du groupe des blancs. 1959 et 1957 surclassent les deux 1985, du moins en ce dîner. Le saumon est très judicieux, surtout avec le Pouilly-Fuissé.

Chaque table a eu des bouteilles des deux pomerols 1976 que j’ai apportés. Le Vieux Château Bourgneuf Pomerol 1976 est une très heureuse surprise. Alors que l’on attendrait le Château de Sales Pomerol 1976 en tête des deux on constate que la joie de vivre et la douceur sont du côté du Bourgneuf, alors que la charpente et la structure très droite sont du côté du château de Sales. Les deux vins sont très agréables à boire.

Dans la série suivante il y a deux vins très disparates et aussi avec des expressions opposées. Le Château Canon 1962 est dans une belle expression de grâce et de raffinement. Le Château Cantenac-Brown 1949 est plus guerrier, solide, jouant sur la richesse de sa structure. Il a un grain très lourd et truffé. Cette série est plus passionnante que la précédente et plus dans la cible de l’académie.

J’insiste fortement auprès de mes convives de table pour qu’ils mesurent la chance inouïe d’avoir quatre vins exceptionnels servis en même temps : Clos Fourtet 1945 – Cahors Clos de Gamot 1918 – Château Beychevelle 1916 – F. Lung Rouge d’Algérie domaine Frédéric Lung 1947. Cela exauce les rêves les plus fous. Et en plus les vins sont superbes. Le Clos Fourtet Saint-Emilion 1945 se place d’emblée au-dessus des vins rouges précédents, d’une part du fait de son année 1945 qui est exceptionnelle (j’ai bu il y une semaine un Cheval Blanc 1945 glorieux), mais aussi du fait de son extrême subtilité. C’est un vin de méditation tant il expose ses délicatesses en larges brassées, ce qui n’exclut pas une puissance affirmée.

Le Cahors Clos de Gamot 1918 étonne tout le monde car il serait impossible de dire qu’il a cent ans. Il est très équilibré et pur, mais n’est pas d’une extrême complexité. Il est serein, agréable, et très équilibré. Il est consensuel.

Le Château Beychevelle Saint-Julien 1916 avait délivré à l’ouverture un parfum de fruits rouges, surtout framboise que j’avais adoré. Il est maintenant très marqué par les fruits et en bouche ce que je ressens c’est des mûres quand elles sont encore rouges, car l’acidité est magique. Ce n’est pas un vin facile à comprendre mais j’adore sa fraîcheur de fruits délicats. Sa longueur est belle.

Si Romain a apporté le F. Lung Rouge d’Algérie domaine Frédéric Lung 1947 c’est parce qu’il sait que je suis fou des vins de Frédéric Lung. La solidité affirmée de ce vin est spectaculaire. C’est un bloc, c’est un roc, un Springbok (pour la rime). Il a la profondeur d’un Musigny avec la petite touche de café qui signe les vins de la Côte de Mascara. Je suis en pamoison face à un vin qui m’évoque tant de souvenirs, lorsque grâce à Claude Constant, épicier du Perreux-sur-Marne, j’ai été initié à ces vins merveilleux.

Comment classer ces quatre vins éblouissants ? Je voterais ainsi : 1 – Clos Fourtet 1945, 2 – F. Lung 1947, 3 – Beychevelle 1916, 4 – Clos de Gamot 1918, sachant que j’aurais pu intervertir les deux premiers.

Patrice a apporté le Royal Kébir Frédéric Lung rosé 1949 pour les mêmes raisons que Romain, se faire plaisir et aussi me faire plaisir en plus des autres convives. Il n’y a qu’avec des vins de cette trempe qu’un rosé de 1949 peut être aussi expressif et intemporel. Car si on disait qu’il est de 1995 on ne ferait pas d’erreur. Mon voisin de droite, Omar, a des origines d’Afrique du Nord. Il est donc très logique qu’il déclare que c’est le plus grand vin de la soirée. Je le comprends même si les deux premiers rouges précédents me semblent au-dessus. Le vin est très gastronomique et a l’ampleur d’un Montrachet sans en avoir la solidité du parfum. Ce vin est un plaisir d’esthète, profond, affirmé, ample.

Lorsque j’avais ouvert les trois Gewurztraminer Jean Biecher 1959, le parfum de celui de notre table était de loin le plus tonitruant. Il l’est moins maintenant et en bouche, même s’il est bon, il est un peu aqueux et trop calme. Il a cependant les superbes subtilités des Gewurztraminer devenus doux. Il s’accorde aux beaux fromages de bien belle façon.

Le Château Laroque Sauternes 1951 est un très agréable sauternes frais et délicat sans force réelle mais tout en charme. Il ne peut pas lutter cependant avec le Château Cantegril Sauternes 1922 du groupe 2 que ma fille aînée qui participe pour la première fois à l’académie me fait goûter, sauternes qu’elle adore pour sa générosité et un botrytis marqué et équilibré. Quelle douceur charmante.

Nous finissons à chaque table avec un Tokaji Aszu Eszencia 1988 particulièrement réussi qui a une douceur pénétrante qui n’est pas très éloignée de celle des vins de paille. Riche, il sait aussi être mesuré.

Ici et là on m’a apporté des vins des autres tables pour me les faire goûter. Le Vin jaune Caveau des Capucins Arbois Rolet P&F 1966 au nez impérieux est une bombe de noix. C’est le vin idéal pour un comté, extrêmement pénétrant. Le Pommard Jessiaume Père & Fils 1961 est une merveille de délicatesse, suggestif et charmeur. Un bonheur.

Cette 31ème académie a été d’une ambiance très agréable. Il y avait beaucoup de nouveaux participants, désireux d’entrer dans le monde fascinant des vins anciens. Il n’y a eu pratiquement aucun vin à rejeter. Certains académiciens, toujours les mêmes, ont été d’une générosité confondante.

La cuisine du Macéo a été d’une justesse remarquable. On a franchi une étape dans l’adéquation possible des mets avec cette multitude si disparate de vins. Le service des mets et des vins a été parfait avec Gwen et Kévin. Nous avons vécu une très belle séance de l’académie.


rangement des vins dans ma cave pour former les groupes

Les vins rangés au restaurant Macéo pour préparer les groupes. Il y a trois rangées de vins. En prime, on me voit sur la photo !

Le champagne a été prévu pour rafraîchir le palais des ouvreurs, mais il a été affecté à l’une des tables, 2 ou 3.

Romain, le plus généreux des académiciens a apporté un jéroboam de Pommery 1973, pour les ouvreurs, mais en fait chacun des académiciens en a bu à l’apéritif

J’ai voulu utiliser le Durand pour ouvrir plus vite mais les déchirures et brisures des deux premiers bouchons m’ont ramené à mes outils habituels

le Durand au milieu de mes outils

mes mains de travailleur !

les plus beaux bouchons rejoindront ce classement dans ma cave

le repas je n’ai pas photographié les fromages et le dessert

magnifique photo faite par l’un des académiciens