18ème dîner des amis de Bipin Desai – 229ème dîner dimanche, 28 octobre 2018

C’est la 18ème année que j’organise un dîner de vignerons que l’on appelle le « dîner des amis de Bipin Desai », car c’est lui qui en a eu l’idée. C’est un grand collectionneur de vins californien d’origine indienne, organisateur de fantastiques dégustations verticales des plus grands domaines, et par ailleurs professeur de physique nucléaire à Berkeley. Ma tâche a été de recueillir, les inscriptions, recevoir les vins apportés par les vignerons et mettre au point le menu, grâce à Ghislain, très compétent sommelier, avec le chef du restaurant Laurent, Alain Pégouret. Le dîner étant organisé comme un de mes dîners sera le 229ème.

Nous sommes dix : Frédéric Barnier (maison Louis Jadot), Philippe Foreau (Clos Naudin), Marc Hugel (maison Hugel), Jean-Luc Pépin (domaine Comte Georges de Vogüé), Rodolphe Péters (champagnes Pierre Péters), Charles Philipponnat (champagnes Philipponnat), Pierre Trimbach (maison Trimbach), Aubert de Villaine (domaine de la Romanée Conti), Bipin Desai et moi.

A 16h30 j’ouvre les bouteilles qui, à peu d’exceptions, sont relativement jeunes. Je constate que presque tous les bouchons sont très serrés dans les goulots, demandant de grands efforts pour les extirper. Est-ce lié aux conditions météorologiques, je ne sais pas. Toutes les odeurs sont encourageantes, voire magiques.

L’apéritif se prend dans la belle rotonde de l’entrée du restaurant avec le Champagne Pierre Péters Cuvée Les Chétillons magnum 2002 dégorgé en 2012. Je l’avais fait ouvrir par Ghislain une heure et demie avant l’apéritif et malgré cela le champagne me paraît engoncé, un peu fermé. Mais il fallait les délicieux amuse-bouches pour le révéler. Ces amuse-bouches sont précis, sans chichi et très efficaces pour élargir le champagne. Rodolphe Péters dit que ce champagne de 16 ans commence à trouver son envol et l’ampleur qu’il doit avoir. C’est un grand blanc de blancs du Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs.

Nous passons à table. Le menu créé par Alain Pégouret est : Saint-Jacques marinées d’une mousseline d’huile d’olive citron caviar et poivre rouge de Pondichéry, gelée de concombre et menthe, tortilla guacamole / Oignon doux confit et caramélisé, crème légère de pomme ‘Charlotte’, truffe blanche d’Alba, parmesan et jaune coulant / Noix de ris de veau caramélisée au vinaigre balsamique de pomme, chips et mousseline de châtaigne, chanterelles et bacon au jus / Carré d’agneau de Lozère cuit sur une marinière, « grenailles » et crémeux d’artichauts et cristalline / Pomme reine des reinettes, yaourt de cassis, crème glacée à la bière / Financiers.

Le plat de Saint-Jacques est aérien. Il est accompagné d’un champagne et d’un vin blanc. Pierre Trimbach pense que le riesling fait un peu d’ombre au Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1996 dégorgé en 2010, mais nous sommes plusieurs à penser que les deux se fécondent mutuellement. Il y a beaucoup de ponts qui se créent entre le champagne et le Riesling Cuvée Frédéric Emile Trimbach magnum 1990. Le champagne fait à égalité de pinot noir et chardonnay a une belle personnalité. Il est vif. Le riesling a un parfum inouï. Ce parfum est conquérant. Le vin réussit ce miracle de paraître guerrier, envahisseur, mais aussi d’une grande élégance. Le riesling me séduit par son extrême précision. Il est frais. C’est un immense vin et Philippe Foreau fait remarquer que l’accord se trouve avec les petites notes de menthe du plat très frais. Je trouve que ce sont les dés de concombre qui créent le pont entre les deux, champagne et vin. Nous sommes ravis de cette belle association.

L’oignon est superbe et la truffe d’Alba dégage des parfums envoûtants. Le plat est accompagné de deux vins très disparates, alors qu’ils sont de la même année. Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Louis Jadot magnum 1999 est comme le riesling un vin guerrier. Quand il est servi, il montre ses muscles, avec un parfum entêtant. Mais dès que le vin s’aère dans le verre, les subtilités apparaissent. Puissance et élégance sont ses deux forces.

Le Bourgogne Blanc Domaine Georges de Vogüé 1999 est en fait un Musigny blanc qui par humilité efface depuis 1991 son appellation tant que les vignes ne sont pas suffisamment vieilles. Il reprend son appellation à partir du millésime 2015. Ce vin plus discret que le Bâtard est d’une rare élégance. Il suggère plus qu’il n’affirme et montre son raffinement. L’accord est très intéressant, le Bâtard affrontant avec succès la truffe blanche alors que le vin de Vogüé se mesure gentiment avec les délicieux oignons et l’œuf très justifié pour la cohérence du plat.

Aubert de Villaine ayant lu le menu s’inquiète de l’apparition d’un vin doux qui risque de nuire aux deux vins rouges qui suivront. Philippe Foreau affirme que son Vouvray demi-sec Clos Naudin 2005 n’aura aucun effet négatif sur les rouges. Je demande en cuisine si l’on peut faire passer le plat des rouges avant le plat prévu, mais le service est lancé aussi je fais ouvrir une deuxième bouteille de Clos des Goisses 1996, que nous boirons après le vin de Loire et avant les rouges. Le vin de Loire fait assez simple au premier contact, mais il est comme une Bugatti qui a besoin de quelques minutes avant que le moteur aux innombrables cylindres ne chante sa symphonie. L’accord que m’avait suggéré Philippe Foreau, avec le ris de veau, est superbe. Le vin subtil est discret, d’un message d’amour courtois, et s’il est doux, il garde la bouche fraîche. Philippe avait raison, le palais n’est pas marqué et nous aurions pu passer aux vins rouges, mais il est plus prudent de ne pas tenter le diable.

La bouteille de Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1996 dégorgé en 2010 est fondamentalement différente de la première alors qu’elles proviennent du même lot. Philippe Foreau suggère que la seconde bouteille serait plus dosée que la première et Charles Philipponnat est catégorique, il est impossible que le dosage soit différent. Le goût de ce champagne est plus riche, plus puissant, avec des fortes évocations d’amandes et de noisettes. Personnellement je préférais la première bouteille servie, mais les avis sont partagés.

Nos palais sont calibrés et arrive le carré d’agneau, choisi pour ne pas heurter les deux grands rouges. A l’ouverture à 17 heures, le Musigny Vieilles Vignes Domaine Georges de Vogüé 1970 m’avait conquis par son parfum d’une rare élégance, tout en suggestion. Or le vin que je bois maintenant fait un peu fatigué, plus évolué qu’il ne devrait. Mais il va faire une remontée fantastique, s’assembler, perdre ses voiles de maturité excessive pour redevenir galant. C’est un vin très charmant. Il est très fin, même dans cette année de petite renommée.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1964 a un fruit très jeune. Il est solide et charpenté et ne découvre que progressivement les complexités propres au domaine. C’est un vin d’une grande palette de saveurs, qu’il décline élégamment. Aucun des deux vins ne nuit à l’autre et nous bénéficions de deux expressions bourguignonnes d’un grand talent. Comme nous buvons de large soif je demande qu’on ne serve pas de fromage car il n’y aura pas assez de vin. Fort opportunément aucun fromage n’était inscrit sur nos menus alors qu’il en était prévu. Malgré quelques souhaits exprimés, nous passons directement au dessert.

Le Riesling Vendanges Tardives Sélection Personnelle de Jean Hugel 1935 est annoncé par Marc Hugel comme étant très sec et bien qu’il soit de vendanges tardives, il est effectivement très sec. Ce vin est une merveille de subtilité. On pourrait faire un repas avec ce vin seul, pour explorer sa capacité enthousiasmante à épouser la gastronomie. Ce vin est un vin de recueillement. Il me procure une émotion très forte.

Le Vouvray Goutte d’Or moelleux Clos Naudin 1947 à la couleur extrêmement ambrée est tout l’inverse du précédent. Il est absolument fantastique dans des notes très fortes où Philippe Foreau trouve des évocations d’une imagination invraisemblable, comme le cheval qui revient à l’écurie, alors que je trouve sous son message très torréfié, presque de mélasse, des notes de thé. Ce vin est un tonitruant prodige de douceurs gourmandes. On peut passer d’un vin à l’autre, chacun offrant des sensations admirables.

J’avais raconté en début de repas que grâce à Etienne Hugel, frère de Marc Hugel, j’avais eu la chance de boire un Constantia d’Afrique du Sud de 1791 appartenant à Jean Hugel. La présence de Marc m’a donné envie d’ouvrir pour mes amis vignerons un Red Constantia J.P. Cloete Great Constantia Afrique du Sud vers 1860, le vins des rois, des empereurs et des tsars, le vin le plus mythique qui soit. A l’ouverture, j’avais été tétanisé par la perfection de son parfum. Ce vin, c’est mon Graal, ma recherche, mon amour. Il est riche, poivré, avec une acidité extrême et porteuse, et il a tenu les 158 ans de sa vie sans prendre une ride. Sa longueur est infinie et sa persistance aromatique l’est aussi. Il est gras/sec. Je jouis de ce vin parfait et je suis particulièrement heureux que mes amis l’aiment, car qui mieux qu’eux pourrait apprécier ces saveurs éternelles ?

Dans la jolie salle à manger du restaurant Laurent nous avons eu une belle table mais la forme a rendu très difficile d’avoir des conversations communes. Trois ou quatre petits groupes de discussion se sont formés sauf quand il fallait adresser un message général et les ailes opposées ne pouvaient se parler. Aussi, quand nous nous sommes levés, les conversations ont continué très tard, tant chacun était heureux de ce dîner d’amitié.

Le chef a fait une cuisine inspirée, d’une grande délicatesse et sans goûts parasites qui heurtent les vins. Le service des plats et des vins a été très attentif et intelligent. Nous nous sommes quittés heureux d’avoir partagé un grand moment d’amitié avec des vins qui sont les plus belles expressions de domaines prestigieux, représentés par ceux qui les incarnent. Chacun n’a qu’une envie, c’est de revenir dans un an.

Comment est-ce possible que ce vin blanc contienne du poisson ?

c’est assez amusant de voir un vin de 1935 avec un bouchon qui porte l’adresse du site web du domaine !

les bouteilles sauf les Vouvray dans ma cave

les bouteilles au complet dans le restaurant

quand on regarde la table, on voit que les viticulteurs boivent jusqu’à la dernière goutte !

Déjeuner au restaurant La Rotonde jeudi, 25 octobre 2018

Comme avec mes conscrits, le déjeuner périodique avec mon frère et ma sœur reprend du service. C’est ma sœur qui invite au restaurant La Rotonde. C’est l’archétype de la brasserie parisienne, avec un service réglé comme une chorégraphie. La décoration semble figée dans les années trente, ce qui lui va bien, et les reproductions de tableaux de Modigliani sont légion.

Nous commençons par un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Brut sans année servi trop froid qui montre une certaine verdeur. Il se boit agréablement sur les huîtres Gillardeau n° 3 délicieuses.

Ayant eu des relations soutenues avec un cousin du Cher de la génération de mes parents, je suis familier des Ménetou-Salon dont j’aime la simplicité et la franchise. Le Ménetou-Salon La Dame de Châtenoy Isabelle et Pierre Clément 2015 est un vin de brasserie qui me rappelle de beaux souvenirs. C’est un coup de fouet de jeunesse.

Le Mercurey Les Caraby Maison Chanzy Jean-Baptiste Jessiaume 2017 vit sur une planète d’âge que je visite peu. Son fruit est franc. Sur un tartare de bœuf d’Hugues Desnoyer et des frites façon bistrot, il joue sur son terrain. Je me suis montré plus attentif à bavarder avec mon frère et ma sœur qu’à disséquer les vins de ce repas.

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France mercredi, 24 octobre 2018

Cela fait plus de trois mois que notre club de conscrits ne s’est pas réuni. Nous nous retrouvons à l’invitation d’un d’entre nous pour déjeuner au Yacht Club de France. Le hors-d’œuvre est toujours aussi copieux et inventif : cochonnailles, Samousa de homard, velouté de panai aux écrevisses, cuisses de grenouille. Le chef Benoît Fleury montre un talent de plus en plus affirmé et la présentation des plats n’a pas grand-chose à envier à certains chefs étoilés.

Le Champagne Pierre Gimonnet & Fils Cuvée Fleuron magnum 2006 m’était apparu un peu dosé lorsque je l’avais bu avant l’arrivée des hors-d’œuvre. Mais avec eux, le champagne offre un chardonnay très agréable et consensuel. Lorsqu’il est fini, le Champagne Pierre Gimonnet & Fils blanc de blancs brut sans année se montre beaucoup plus vif et cinglant que le 2006. Je l’aime beaucoup et j’en profiterai aussi sur les huîtres servies à table.

Le menu conçu par le chef avec Thierry Le Luc, pour les vins de notre ami, est : huîtres fines de claires / petit risotto de Saint-Jacques rôties, jus de crustacés / Bar et grosses gambas, pomme Dauphine, girolles et hollandaise / fromages d’Eric Lefebvre MOF / Paris-Brest maison, glace à la noisette.

Le Meursault Cuvée Maurice Chevalier Remoissenet Père & Fils 2009 est un superbe Meursault au fruit généreux et entraînant. Il réussit l’exploit de s’accorder aux huîtres. C’est un meursault de plaisir.

Le Chassagne-Montrachet Abbaye de Morgeot Louis Jadot 2004 est moins mordant et ample que le meursault mais il s’associe bien au jus de crustacés.

Le Saint-Joseph Les Granits M. Chapoutier 2011 est un vin blanc riche, opulent, de belle présence. Il est suivi par un Hermitage blanc Chante-Alouette M. Chapoutier 2012 large et raffiné, de belle personnalité. Avec ces vins de Chapoutier, notre ami nous à gâtés.

Pour le fromage nous buvons un Château Cantenac-Brown 1995 qui, malgré ses 23 ans, est d’une jeunesse rare. Il faudra attendre encore une vingtaine d’années pour que ses belles qualités s’élargissent comme les pétales d’une fleur.

Notre ami poursuit sa générosité avec un Bas-Armagnac Domaine de la Coste Lacourtoisie 1981 extrêmement élégant et une belle personnalité.

La charmante Sabrina a fait un service de très haute qualité des mets mais surtout des vins. Le chef a réalisé un menu brillant. Décidément, le Yacht de France est un lieu où l’on aime à jeter son ancre.

Déjeuner chez des voisins mardi, 23 octobre 2018

Chaque weekend, quand le temps le permet, je vais acheter mon journal à pied, ce qui me fait une belle promenade, puisque les marchands de journaux disparaissent au fil des projets immobiliers qui fleurissent dans ma banlieue. Je rencontre de temps à autre une voisine. Il fait beau et je propose de lui rendre visite ainsi qu’à son mari avec une bouteille de champagne. Dans leur agréable jardin j’ouvre une bouteille de Champagne Charles Heidsieck 1985. Le pschitt est dynamique, le bouchon est beau et sain. La couleur du champagne est d’un ambre clair ce qui est un signe de jeunesse pour un champagne de 33 ans. Le champagne a un fruit puissant et une ampleur remarquable. Il est racé, de grande personnalité et c’est une belle réussite du millésime 1985 qui est brillant.

Le repas est impromptu puisqu’il a été décidé il y a moins d’une heure. Mon ami ouvre un Château d’Hanteillan Haut-Médoc 2015, vin sans histoire et très jeune. Par un temps splendide pour le milieu du mois d’Octobre, nous avons bavardé longuement dans un beau climat d’amitié.

Un archéologue visite ma cave dimanche, 21 octobre 2018

Il y aura pendant trois mois d’été à Marseille en 2019 une exposition sur le vin du temps des romains, avec l’intention de prouver à quel point tout ce qui tourne autour du vin existait déjà du temps des romains. Un des archéologues du musée d’Arles qui est impliqué dans l’organisation de cette exposition avec qui j’ai eu des contacts par mails et au téléphone me rend visite pour que l’on voie quelles bouteilles vides de ma cave pourraient être prêtées à cette exposition, si elles s’inscrivent dans les thèmes retenus. Avec David Djaoui, nous visitons aussi bien ma cave de bouteilles pleines que celle de bouteilles vides et nous trouvons une dizaine de bouteilles qui correspondent aux thèmes que David avait imaginés.

Il faut bien se restaurer aussi des sushis m’ont été livrés. C’est l’occasion de servir les trois vins de 1951 que j’avais bus il y a deux jours avec Tomo. Le Laville Haut-Brion 1951 est très à l’aise avec les sushis, mais le Château Chalon Bourdy 1951 est plus typé, plus percutant et plus long en bouche.

Sur un dessert au chocolat qui n’a rien de japonais, le Vin de Paille Jean Bourdy 1951 qui a profité de l’aération est exceptionnel. Il est d’un équilibre farouche, muscaté, torréfié et d’une assurance très supérieure à ce qu’on attendrait d’un vin de paille. David est ravi car ces vins correspondent à des goûts qu’il a pu représenter par les textes portant sur des vins de qualité du temps des romains, car contrairement à ce qu’on pourrait croire, il se faisait alors commerce de grands vins. Pendant quelques minutes, par les échanges passionnants liés à l’érudition de David, nous nous sommes imaginés empereurs romains. L’idée que je parle de vins anciens lors d’une conférence a été lancée. Le sort en est jeté.

Dîner au restaurant Akrame jeudi, 18 octobre 2018

Bipin Desai est un collectionneur américain avec lequel j’organise chaque année un dîner de vignerons. Ce sera dans une semaine le 18ème dîner. La tradition veut que le jour de l’arrivée de Bipin en France, nous dînons ensemble. Ce soir, ce sera au restaurant Akrame. Le chef Akrame a la maîtrise de notre menu que nous ne connaîtrons pas à l’avance, aussi le choix des vins dans la carte très courte du restaurant est-il fait sans savoir.

Voici comment le chef Akrame intitule et décrit notre parcours : Picorer : ananas, féta – anguille fumée – cracker betterave framboise / Envol : céleri façon rémoulade / Surprise : raviole champignons / Marin : Skrei, œufs de truite, pomme de terre / Audace : tourteau, carotte, navet / Force : homard barbecue, menthe / Terre : pigeon, Kamut / Jouissance : riz au lait ; riz soufflé, glace au riz, mousse chocolat d’antan, coulis fumé.

L’ananas de mise en bouche est sur une couche de glace et se présente trop froid. Les deux autres amuse-bouches sont superbes. Tous les plats sont d’une grande inventivité. J’adore le céleri magnifiquement traité, cuit entier à la braise. Le tourteau exprime tout le talent du chef qui explore des voies nouvelles. Le homard est saisi à la perfection. La chair du pigeon est tellement goûteuse que l’on pourrait presque se contenter du produit pur. Il y a dans cette cuisine un bouillonnement d’idées.

Le Champagne Billecart-Salmon Le Clos Saint-Hilaire Brut 1998 est un blanc de noirs qui par beaucoup d’aspects me rappelle le Bollinger Vieilles Vignes Françaises qui est lui aussi un blanc de noirs. Il faut accepter une certaine rugosité, une sécheresse et un ascétisme prononcés, et si l’on entre dans le jeu de ce champagne, on est conquis. Il n’est pas toujours gastronomique car il est dur, mais sa personnalité me plait beaucoup. C’est un champagne que j’aime parce qu’il ose être ce qu’il est.

La Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages Hervé Bizeul 2008 est un vin riche et puissant, tout en affirmation. Ce qui me plait, c’est de constater qu’à dix ans, il est en pleine possession de ses moyens et trouve un équilibre élégant. Il est racé et montre une belle élégance sous ses dehors de combattant. Ce serait Porthos parmi les trois mousquetaires, mais un Porthos galant. Il accompagne élégamment le homard, et même avec le pesto (il faut le faire), à condition qu’on le prenne en trace. C’est avec le pigeon à la mâche divine qu’il se livre généreusement.

Il y avait des tables bruyantes, la salle était chaude, le ballet des serveurs était animé dans cette salle toute en longueur et comme Bipin parle doucement, j’ai eu un mal fou à le comprendre. Le service est toujours attentionné. La cuisine d’Akrame, généreuse et inventive est de grand talent et je suis ravi que le vin d’Hervé Bizeul ait tant brillé.

déjeuner au restaurant Taillevent mercredi, 17 octobre 2018

Cela faisait plus de trois mois que je n’avais pas vu Tomo, mon ami japonais, grand collectionneur et grand amateur, avec lequel j’aime partager des vins. Il était temps de nous revoir et je lui propose de suggérer des vins. Il me répond et je m’ajuste à sa proposition. Il y aura au programme, de son côté, Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs Taittinger 1970 et Château Laville Haut-Brion 1951. Le millésime 1951 étant un millésime atypique, je me suis calé sur lui pour proposer un Château Chalon Jean Bourdy 1951 et un Vin de Paille Jean Bourdy 1951. Pour deux, le risque de manquer est relativement faible.

J’arrive en avance pour le déjeuner au restaurant Taillevent et j’ouvre mes deux vins. Tomo arrive alors que je suis encore en opération et j’enchaîne pour ouvrir ses vins. Le Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs Taittinger 1970 émet un pschitt tonitruant qui fait se retourner tout le personnel de salle présent. C’est étonnant d’avoir un champagne aussi explosif à 48 ans. Le niveau dans la bouteille est parfait. Nous nous servons et le champagne est légèrement ambré, sans véritable signe d’âge. En bouche, l’attaque est légèrement lactée. Elle est opulente et le parcours en bouche est plutôt court, ce qui n’est pas une véritable gêne au plaisir. Nous trinquons avec bonheur sur ce beau champagne.

Choisir le menu n’est pas facile, et encore moins lorsque Tomo déclare son envie pressante de goûter au lièvre à la royal du chef David Bizet. Pour le lièvre il faut un vin rouge or les quatre vins blancs (ou champagne) sont déjà ouverts. Tomo me demande si je peux mettre un bouchon sur le vin de paille pour l’exclure du déjeuner, à remplacer par un vin rouge, ce que j’accepte même si je vois mal quand je servirai ce vin ouvert.

Le menu que nous choisissons est le menu « Les 5 de Yann Queffelec », mais sans les accords mets et vins prévus. Nous avons une réserve sur le dessert et nous choisirons plus tard. Le menu est ainsi conçu : poireau en croûte de sel truffé, mimosa de cèpes, essence sauvage poivrée / pomme de terre et Culatello à la crème de truffe blanche / rouget barbet confit concentré, torréfié, butternut, foie gras / lièvre à la royale.

Le choix du vin rouge est fort long car Tomo mettrait volontiers un zéro de plus à la gamme de prix que j’accepterais. Il y a de bonnes pioches dans la carte intelligente du Taillevent aussi le choix final sur lequel j’ai légèrement insisté est le Châteauneuf-du-Pape réserve des Célestins Henri Bonneau 1999. Il convient de dire que Maxime le sommelier a été d’un niveau de compétence et d’excellence absolu.

On nous sert trois petits amuse-bouches pour le champagne, qui révèlent une dextérité évidente. Mais je trouve que l’on est plus dans la virtuosité que dans la gourmandise et notamment l’une des trois saveurs, trop marquée par son acidité effarouche le champagne.

L’entrée en matière est d’anguille et de betterave et bien que je sois un peu sur le ‘reculoir’ en face des accords terre-mer, le goût est excellent. Nous goûtons ensemble les trois blancs qui vont chacun trouver leur territoire d’excellence face à l’un ou l’autre des plats.

Le Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs Taittinger 1970 est un beau champagne tranquille, d’une complexité mesurée, d’un charme certain. Il est gastronomique sans explorer les chemins hasardeux. Il a besoin de saveurs claires. Aussi est-il plus à l’aise avec la pomme de terre.

Le Château Laville Haut-Brion 1951 n’est pas un Laville tonitruant mais c’est un Laville solide. Il est très à l’aise avec l’anguille et avec le poireau. Il a de belles expressions de Laville, avec peut-être une légère sourdine due à l’année. Je l’ai beaucoup apprécié sur des saveurs claires.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1951 était discret à l’ouverture avec un nez calme. Mais c’est de loin le plus gastronomique car c’est le seul qui peut accompagner le rouget. Ce n’est pas un vin jaune explosif mais il est profond et incisif.

Le poireau est superbe. C’est ainsi que j’adore le poireau car il est exactement ce qu’il doit être. Il accepte le Laville comme le vin du Jura.

La pomme de terre a des goûts exquis et la truffe blanche très odorante appelle le Château Chalon. Mais ce plat est difficile à manger, car la pomme de terre en spaghetti ne se saisit pas facilement à la cuillère.

Le rouget est extrêmement viril, trop viril même car la sauce couvre la chair du rouget. Le Château Chalon est le seul à pouvoir subir le choc de ce plat un peu trop poussé, même s’il est délicieux. Tomo a du mal à le manger et je ne suis pas à mon aise.

C’est maintenant l’apparition du lièvre à la royale et il se produit en moi une réaction qui est la même que celle que j’ai eue il y a peu de temps avec un Haut-Brion 1928. C’est comme un coup de marteau qui me frappe sur le crâne. Car la première bouchée du lièvre est comme une apparition divine. Car ce lièvre est « le » lièvre, le lièvre parfait, celui qui résume ce que doit être un lièvre à la royale. Cet instant est un instant de pur bonheur et je cache ma tête entre mes mains pour en jouir totalement.

Sur ce plat, le Châteauneuf-du-Pape réserve des Célestins Henri Bonneau 1999 est absolument divin. On ne pourrait pas imaginer meilleur accord. Bien sûr il lui manque un peu de puissance par rapport au plat, mais quel bonheur. Car le vin est à la fois fruit et sang, grâce, douceur mais aussi largeur et velouté. Nous nous regardons avec Tomo, car ce que nous vivons, c’est exactement ce que nous désirons, un goût irréel et un vin qui magnifie le rêve.

C’est quand même assez cocasse de constater que nous avons ouvert quatre vins pour deux et que nous avons commandé un autre sur la carte. Et en plus le meilleur accord n’est pas avec nos vins mais avec le vin de la cave du lieu. Nous n’avons aucune certitude, nous sommes ouverts à tout et c’est bien ainsi.

Tomo fait attention à ce qu’il mange, mais il nous a quand même poussé à prendre le lièvre à la royale et le voilà qui récidive en demandant des crêpes Suzette flambées au Grand Marnier et au cognac. C’est un péché, mais de tels péchés doivent se pardonner. Maxime nous a offert un verre de Grand Marnier Cuvée des Centenaires délicieux avec le dessert.

Tomo est pervers ! Il a maintenant envie de goûter le vin de paille. Je sers donc trois verres du Vin de Paille Jean Bourdy 1951 qui est d’un flacon plus petit qu’une demi-bouteille. Le troisième verre est pour Maxime et l’équipe de Taillevent. Je dirais volontiers que c’est le plus grand des quatre vins que nous avons apportés, la comparaison au vin du Rhône n’ayant pas beaucoup de sens. Le vin est doux, raffiné, élégant et équilibré, et d’une noblesse rare. C’est effectivement peu fréquent de trouver un vin doux de cette prestance. C’est la douceur même avec une longueur infinie.

Le service du Taillevent est toujours aussi excellent et attentionné. Maxime a été parfait dans sa fonction de sommellerie. Antoine Pétrus n’était pas là et depuis qu’il a pris ses fonctions je ne l’ai quasiment jamais vu. Le chef David Bizet a un talent incontestable qui doit permettre à ce lieu d’aller vers les trois étoiles, car toutes les conditions sont remplies. Son lièvre à la royale est sublime. Avec Tomo, nous avons vécu un déjeuner mémorable.

Déjeuner d’anniversaire avec des vins de grande variété dimanche, 14 octobre 2018

Dix jours plus tard, l’anniversaire de ma fille cadette se souhaite à nouveau avec mes deux filles et leurs quatre enfants. Ma femme a prévu du poulet et une pintade, agrémentés par une purée Robuchon. A l’apéritif, il y aura de l’houmous saupoudré de grains de grenade, que l’on tartine sur des crackers et des petites tomates tardives qui sont délicieuses.

J’ouvre un Champagne Dom Ruinart 1990 qui me subjugue par la constance de sa perfection alors qu’il a 28 ans. Le pschitt est prononcé, la qualité du bouchon est parfaite, la couleur est celle d’un jeune champagne tant il est clair, et en bouche ce n’est que du bonheur. Parmi les quatre des Trois Mousquetaires, c’est Aramis qui me semble lui ressembler le plus, le plus noble, le plus aisé, qui séduit sans le moindre effort. Le champagne est complexe, plein, agile, au finale impressionnant. Il se suffit à lui-même et on le boit avec un infini plaisir.

Le journaliste norvégien qui avait assisté au 228ème dîner m’avait demandé de visiter ma cave et sur place souhaitait me filmer ouvrant une bouteille. Pour me montrer qu’il ne voulait pas me forcer à ouvrir un vin de ma cave, il avait acheté un vin jeune et m’avait demandé de l’ouvrir comme si c’était un vin ancien. J’avais donc ouvert son achat, un Saint-Joseph Les Challeys Selas 2016, filmé par Nina la photographe. Les deux norvégiens prenant leur avion le soir même, ils ont bu de ce saint-joseph qui se retrouve maintenant sur ma table. Il va servir de témoin par rapport au vin que j’ai choisi. Ce vin du Rhône a un nez engageant qui annonce une belle matière. En bouche il est joliment gouleyant et ne souffre pas de sa jeunesse. On le boirait volontiers en d’autres occasions.

Le vin que j’ai choisi et ouvert plus de trois heures avant le déjeuner est un Chambolle-Musigny Les Amoureuses sélectionné par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin dans les caves de Bouchard Père & Fils 1959. Le niveau est superbe, ainsi que le bouchon. La couleur est plus tuilée, évidemment, que celle du 2016, mais cette couleur est franche. Le nez est calme et pur. La bouche est veloutée, calme et douce, et les complexités sont subtiles. Le vin est plus fin que le Rhône, mais il ne l’écrase pas. Les deux existent l’un par sa jeunesse plaisante et l’autre par son charme velouté délicieux.

Le poulet et la pintade cohabitent bien, la pintade plus volontiers avec le 2016 et le poulet avec le 1959. Nous poursuivons avec des fromages achetés il y a une semaine pour mon fils, dont certains ont un affinement à la limite du possible. Nous faisons le plein de flore intestinale.

Ma femme a essayé deux mousses au chocolat, l’une avec le chocolat noir classique de Nestlé et l’autre avec le chocolat au lait de Lindor. Les deux mousses sont très différentes et je préfère de loin la plus classique au chocolat noir alors que ma femme aime les deux.

Il se trouve que lorsque se tenait le 228ème dîner, mon fils dînait seul avec ma femme qui lui avait préparé des pieds-paquets. Pour les faire mijoter, ma femme était descendue en cave sans me demander de le faire et avait rapporté un Riesling Muhlforst Sélection de Grains Nobles domaine Mittnacht-Klack 1989. Si le vin convenait bien à la confection du plat, il ne pouvait pas l’accompagner à la dégustation aussi en restait-il. C’est donc la suite que nous buvons maintenant et l’accord est possible avec les mousses au chocolat, surtout la noire que je préfère. Le vin est riche sans être lourd, a des accents de grains confits brûlés par le soleil et je l’aime beaucoup car il est d’une grande année et offre une belle fraîcheur dans le finale.

Nous avons navigué dans plusieurs régions avec des millésimes variés. Par un des derniers beaux jours d’un été qui n’en finit pas mais qui tire quand même ses dernières salves, ce fut un bel anniversaire.

228th Dinner at Akrame Restaurant vendredi, 12 octobre 2018

The 228th Wine-Dinners Dinner is held at the Akrame Restaurant. I had seen the chef a dozen days ago to develop the menu with him. The wines had been delivered a week ago and put standing up, in cabinets at a good temperature, the day before by Benjamin.

I almost never do dinners with theme on a region, a year or a domain because what interests me is to make « real » dinners, whose theme is the dinner itself. The 150th dinner featured twelve wines from 1947. It was the only time. The desire took me for this dinner to put only 1978 wines, thinking that if it is true that « when we love we are still 20 years old », why cannot we say that « when we love we always have 40 years  » ? As we are eleven instead of ten I added a wine to the program that had been given to the registration of each. By caprice, I added a 1979 instead of a 1978, to escape the constraint of an intangible rule.

When the day arrives, a Norwegian journalist who is attending the dinner is present at 5 pm so that Nina, the photographer who accompanies him, can photograph the opening operation of the wines. At this time when we are almost mid-October, it is 26 ° and a beautiful sun shines. Three of the corks tend to sink as soon as I prick the tirebouchon. I have a little uncertainty about the perfume of Ausone 1978. The three exceptional perfumes are those of Chambertin, Hermitage and Yquem.

In the very narrow room, the table reserved for us is all in length, according to a plan where the number of seats for each side of the rectangle is: 5 – 1 – 5 – 0. Such a plan in length will create three zones of discussion, one wing, the other and the center. As it is interesting that everyone speaks with everyone, why not use the tables that are in the yard to create a much more square table that will be according to a plan: 4 – 2 – 3 – 2. It looks like the construction of the game plan of a team of football but this is the number of seats per side of the rectangle of the table. Benjamin looks at the weather on his smartphone and there is a 30% chance of rain. Benjamin says, « if it is 30% you can take the risk ». So we set the table with four glasses for each place, and the first drops of rain fall. In the yard there is a large sunblind and two large umbrellas. These three shelters do not cover the table and the seats. Chief Akrame arrives and says « dinner inside ». But the shape of the inside table is frankly dissuasive. Benjamin looks again at the weather with Alissa and the waiter Marc who will do a high quality service of the dishes and also the wines and he says to us: «it is the last cloud seen from the sky, and after this cloud there will be an open sky.  » The temptation is great to have dinner outside. But to be sure that everyone is safe under the blinds of insufficient surfaces, it is necessary to rotate the table by 90 °, which will better protect our heads. So the staff has to clear the table and furbish it again. The involvement of the restaurant team is exceptional. While the whole team of the restaurant works I see another weather forecast opened by one of the guests arrived in advance which indicates: « from 20h to 23h, rain ». Change again is no longer possible. We will be in the yard.

Our table is particularly cosmopolitan. There is the Norwegian journalist, a Dutch friend who lived in London and settles in Paris, an American globetrotter who lives in Oregon, an American of Indian origin who lives in California with his American friend, a German of Israeli origin living in London and there are five French. It promises a nice atmosphere.

The aperitif was planned standing but the fine rain also prohibits this. The presentation of the dinner is done while we sit. I had opened an hour before the meal Champagne Dom Perignon 1978 and very curiously a black liquid dirty my hands when I took off the cloak, and the cap itself broke when I shot it to open it. It is with a tirebouchon that I extracted it, without appearance of pschitt. Such a presentation of the bottle should not exist for a champagne of this age. In the mouth, the champagne is pleasant, without being thundering. It has no defect but it does not have enough personality. I said to Akrame for the appetizers « you do what you want, no limit to your creativity ». That’s what he did because we have both eel and red fruit and grapefruit flavors. Everything is nice to nibble.

Chef Akrame Benallal’s menu is: lightly smoked scallop carpaccio fine foie gras leaf / lobster tail and riso’huitre ‘/ marinated eel sauce raspberry matelote / roasted pigeon leaf and fig / fillet and simmered prune prawn almond and pomegranate juice / raw Stilton / avocado grapefruit.

Champagne Mumm Cuvée Rene Lalou 1979 is the intruder of this dinner because of its vintage. It is accompanied on the dish of Saint-Jacques by a Verzellino Pino Zardetto Italy 1978. This wine is the ‘infantryman’ of this meal, Italian table wine that is unknown to me. At the opening his nose was delicately sweet while it is a dry wine. In the mouth it has a sweet discreet and what surprises me is the strong impression of coffee in the finale of the wine. Despite everything, it has little to tell. Champagne has a much more consistent and lively message. I really like this Mumm.

While we dine, the rain is doubling by force. When there is a cloth awning that has a slope, the water flows. And where does it flow? On the shoulder of one of the guests. His neighbor table sponge canvas as does the healer of a boxer between rounds, and I feel helpless since it is excluded that we rebuild the table elsewhere.

Akrame had then planned langoustines but those he received appeared to him of insufficient quality so he chose to make the dish with lobster, absolutely delicious. A particularly gourmet guest noticed that ‘riso’ was calibrated for langoustine more than for lobster, which did not prevent the dish from shining on two beautiful white wines.

The Côtes du Jura white Maison des Vignerons 1978 is slightly cloudy but it does not affect the taste is splendid. It is a sunny and lively Jura white which has many similarities, notably the acidity, with the other white, the Château Haut Brion Blanc 1978. This wine is magnificent of complexity and it plays with happiness. The difference in nobility, in favor of Bordeaux is mainly on the final, particularly affirmed. This Haut-Brion is big.

Now comes the dish and the agreement that has excited me the most. The eel is divine and the trace of raspberry canaille. The Château Bel-Air Canon Fronsac 1978 is happy and without complex. He asserts himself bravely in front of his neighbor. The Chateau Ausone 1978 made me a little scared because the attack has a slight nose cap. But the finale shows that the taste is not affected at all. At times, I had flashes of the nobility of Ausone, but overall the wine did not give the best of itself. It must be said that as we are in October, the 26 ° of the afternoon fade very quickly, and it is really cold now. And since the wines are served cold, their performances are restrained.

A friend has changed places to not be wet anymore. The Dutch friend conscientiously rinses the water flowing from the treacherous cloth, the rain is strong and all this starts to get on my nerves. So I take the floor to say that the whole table will be invited to another dinner in the spring, for which I will bring all the wines, because I cannot stand that my guests cannot drink the wines in the best conditions. A present guest who is from a group of champagne houses announces that he will welcome this future dinner. Promise is made that this dinner will take place.

Thereupon the rain stops, which does not cancel my promise, and we are now entering a second part of the meal where everything becomes miraculous. On the pigeon with the perfect taste to which the fig does not bring much, the Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1978 is at the peak of his grace. It is Burgundy brought to the gustatory firmament. What a treat.

The doe in two services accompanies two Rhone wines also at the top of their glory. The Chateau de Mont-Redon Châteauneuf du Pape 1978 that I know well, is generous, simple but flamboyant. It is the quiet force, serene.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1978
is certainly the best of this wine and this year that I have drunk. It is now reaching an obvious fullness. It is much more complex than Mont-Redon, with accents very similar to those of the Burgundy wine in terms of complexity.

As often, I indicate the procedure that must be adopted to create a superb harmony between the stilton and the Château d’Yquem 1978. The stilton is first quality and the Yquem is a perfect achievement. It’s the Golden Boy of Wall Street.

The dessert is not quite suitable for Sauternes so it finds its way with Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1978 which opens with a beautiful pschitt and is powerful and typed. It is a divine surprise for the Champagne men of our dinner.

The last five wines made it possible to finish this dinner with fanfare as the votes will show since eleven people voted for the four best wines out of a total of 44, of which 36 went to the last five wines, which is more than 80%.

In total, nine out of twelve wines had votes and among them only four had first votes. The Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1978 had five first votes, the 1978 Yquem had four first votes, Ausone and Mont-Redon had a first vote.

The vote of the consensus of these 1978 would be: 1 – Château d’Yquem, 2 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné, 4 – Château de Mont-Redon Châteauneuf du Pape, 5 – Champagne Veuve Clicquot The Grande Dame, 6 – Château Ausone.

My vote is: 1 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau, 2 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné, 4 – Château de Montredon Châteauneuf du Pape.

What to say about this meal? First, the variety of origins and backgrounds of all guests contributed to the quality of the exchanges. Then braving the elements as on a frail tub gave the spice to the experience, putting us in danger permanently. Adrenaline was rising, especially for me because I was boiling to see that we did not taste the wines in the best conditions. It would have been necessary for the ambient temperature to be four or five degrees higher and the wines one or two degrees more for it to be ideal, and that made me sad. Then it is clear that the chef Akrame has a brilliant talent and that the culinary audacity he takes is justified. Then again that the service of wines and dishes can not be provided by one person even if Marc was efficient and clever. Then again, that if global warming is a reality, we must know not to brave the elements.

Finally, that the emails I received from everyone after dinner show that this crazy adventure was lived as a rare moment of friendship and that everyone wants to start again. There are only good memories.

So, if we have to give a title to this dinner, to paraphrase Gene Kelly, it will be: « drinking in the rain« . And the compensation dinner, I commit myself, will be held indoors, whatever the climate of the moment.

(the pictures are in the article in French, just below)

228ème dîner de wine-dinners au restaurant Akrame vendredi, 12 octobre 2018

Le 228ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Akrame. J’avais vu le chef il y a une dizaine de jours pour mettre au point le menu avec lui. Les vins avaient été livrés il y a une semaine et mis debout, dans des armoires à bonne température, la veille par Benjamin.

Je ne fais quasiment jamais de dîners à thèmes sur une région, une année ou un domaine car ce qui m’intéresse, c’est de faire de « vrais » dîners, dont le thème est le dîner lui-même. Le 150ème dîner comportait douze vins de 1947. C’était la seule fois. L’envie m’a pris pour ce dîner de mettre des 1978, en pensant que s’il est vrai que « quand on aime on a toujours 20 ans », pourquoi ne pourrait-on pas dire que « quand on aime on a toujours 40 ans » ? Comme nous sommes onze au lieu de dix j’ai rajouté un vin au programme qui avait été donné à l’inscription de chacun. Par caprice, j’ai ajouté un 1979 au lieu d’un 1978, pour échapper à la contrainte d’une règle intangible.

Le jour venu, un journaliste norvégien qui va participer au dîner est présent à 17 heures pour que Nina, la photographe qui l’accompagne puisse photographier l’opération d’ouverture des vins. A cette heure alors que nous sommes presque à la mi-octobre, il fait 26° et brille un beau soleil. Trois des bouchons ont tendance à s’enfoncer dès que je pique le tirebouchon. J’ai une petite incertitude sur le parfum de l’Ausone 1978. Les trois parfums exceptionnels sont ceux du Chambertin, de l’Hermitage et de l’Yquem.

Dans la salle très étroite, la table qui nous est réservée est toute en longueur, selon un plan ou le nombre de sièges pour chacun des côtés du rectangle est : 5 – 1 – 5 – 0. Un tel plan tout en longueur créera trois zones de discussion, à une aile, à l’autre et au centre. Or il est intéressant que tout le monde parle avec tout le monde. Il fait beau, pourquoi ne pas utiliser les tables qui sont dans la cour pour créer une table beaucoup plus carrée qui sera selon un plan : 4 – 2 – 3 – 2. Ça ressemble à la construction du plan de jeu d’une équipe de football mais il s’agit du nombre de sièges par côté du rectangle de la table. Benjamin regarde la météo sur son Smartphone et il y a 30% de chances de pluie. Benjamin affirme : « à 30% on peut prendre le risque ». On dresse donc la table avec quatre verres pour chaque place, et les premières gouttes de pluie tombent. Dans la cour il y a un grand store et deux grands parasols. Ces trois abris ne permettent pas de couvrir la table et les sièges. Le chef Akrame arrive et dit : « dîner à l’intérieur ». Mais la forme de la table est franchement dissuasive. Benjamin regarde à nouveau la météo avec Alissa et le jeune serveur Marc qui fera un service de grande qualité des plats et aussi des vins et il nous dit : « c’est le dernier nuage vu du ciel, et après ce nuage il n’y aura qu’un ciel dégagé ». La tentation est donc grande de dîner à l’extérieur. Mais pour être sûr que tout le monde soit à l’abri sous ses toiles de surfaces insuffisantes, il faut faire tourner la table de 90°, ce qui protégera mieux nos têtes. Il faut donc débarrasser la table et la dresser à nouveau. L’implication de l’équipe du restaurant est exceptionnelle. Pendant que toute l’équipe s’anime je vois un autre site météo ouvert par un des convives arrivé en avance qui indique : « de 20h à 23h, pluie ». Changer à nouveau n’est plus possible. Nous serons dans la cour.

Notre table est particulièrement cosmopolite. Il y a le journaliste norvégien, un ami hollandais qui vivait à Londres et s’installe à Paris, un américain globetrotter qui vit dans l’Oregon, un américain d’origine indienne qui vit en Californie avec son amie américaine, un allemand d’origine israélienne qui vit à Londres et il y a cinq français. Cela promet une ambiance sympathique.

L’apéritif avait été prévu debout mais la fine pluie l’interdit aussi le discours de présentation du dîner se fait tandis que nous sommes assis. J’avais ouvert une heure avant le repas le Champagne Dom Pérignon 1978 et fort curieusement un liquide noir a sali mes mains quand j’ai décollé la cape, et le bouchon lui-même s’est brisé au moment où je l’ai tourné pour l’ouvrir. C’est donc avec un tirebouchon que je l’ai extrait, sans apparition de pschitt. Une telle présentation de la bouteille ne devrait pas exister pour un champagne de cet âge. En bouche, le champagne est agréable, sans être tonitruant. Il n’a pas de défaut mais il n’a pas assez de personnalité. J’avais dit à Akrame pour les amuse-bouches « tu fais ce que tu veux, tu te lâches ». C’est ce qu’il a fait car nous avons aussi bien de l’anguille que des fruits rouges et des saveurs de pamplemousse. Tout est agréable à grignoter.

Le menu composé par le chef Akrame Benallal est : carpaccio de Saint-Jacques légèrement fumé fine feuille de foie gras / queue de homard et riso’huitre’ / anguille marinée sauce matelote framboise / pigeon rôti feuille et figue / filet et mijoté de biche pruneau amande et jus de grenade / Stilton brut / avocat pamplemousse.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 est l’intrus de ce dîner du fait de son millésime. Il est accompagné sur le plat de Saint-Jacques par un Verzellino Pino Zardetto Italie 1978. Ce vin est le ‘fantassin’ de ce repas, vin de table italien qui m’est inconnu. A l’ouverture son nez était délicatement doucereux alors que c’est un vin sec. En bouche il a un doucereux discret et ce qui m’étonne, c’est la forte impression de café dans le finale du vin. Malgré tout, il a peu de choses à raconter. Le champagne a un message beaucoup plus cohérent et vif. J’aime beaucoup ce Mumm.

Pendant que nous dînons, la pluie redouble de force. Lorsqu’il y a un store en tissu qui présente une pente, l’eau s’écoule. Et où s’écoule-t-elle ? Sur l’épaule d’un des convives. Son voisin de table éponge la toile comme le fait le soigneur d’un boxeur entre les rounds, et je me sens impuissant puisqu’il est exclu que l’on reconstitue la table ailleurs.

Akrame avait prévu ensuite des langoustines mais celles qu’il a reçues lui sont apparues d’une qualité insuffisante aussi a-t-il choisi de faire le plat avec du homard, absolument délicieux. Un convive particulièrement gastronome a remarqué que le ‘riso’ était calibré pour la langoustine plus que pour le homard, ce qui n’a pas empêché le plat de briller sur deux beaux vins blancs.

Le Côtes du Jura blanc Maison des Vignerons 1978 est légèrement trouble mais cela n’a aucune incidence sur le goût qui est splendide. C’est un blanc du Jura ensoleillé et vif qui a beaucoup de points communs, notamment l’acidité, avec l’autre blanc, le Château Haut Brion Blanc 1978. Ce vin est magnifique de complexité et il en joue avec bonheur. La différence de noblesse, en faveur du bordelais se fait surtout sur le finale, particulièrement affirmé. Ce Haut-Brion est grand.

Vient maintenant le plat et l’accord qui m’ont le plus enthousiasmé. L’anguille est divine et la trace de framboise canaille. Le Château Bel-Air Canon Fronsac 1978 est joyeux et sans complexe. Il s’affirme crânement face à son voisin. Le Château Ausone 1978 m’a fait un peu peur car à l’attaque il a un léger nez de bouchon. Mais le finale montre que le goût n’est pas du tout affecté. Par moments, j’ai eu des fulgurances de la noblesse d’Ausone, mais globalement le vin n’a pas donné le meilleur de lui-même. Il faut dire que comme nous sommes en octobre, les 26° de l’après-midi se fanent très vite, et il fait vraiment froid maintenant. Et comme les vins sont servis froids, leurs performances sont bridées.

Un ami a changé de place pour ne plus être mouillé. L’ami hollandais rince consciencieusement l’eau qui s’écoule de la toile perfide, la pluie est forte et tout ceci commence à me porter sur les nerfs. Aussi prends-je la parole pour dire que toute la table sera invitée à un autre dîner au printemps, dont j’apporterai tous les vins, car je ne supporte pas que mes convives ne puissent pas boire les vins dans les meilleures conditions. Un convive présent qui est d’un groupe de maisons de champagnes annonce qu’il accueillera volontiers ce futur dîner. Promesse est faite que ce dîner aura lieu.

Là-dessus la pluie s’arrête, ce qui n’annule pas ma promesse, et nous entrons maintenant dans une deuxième partie du repas où tout devient miraculeux. Sur le pigeon au goût parfait auquel la figue n’apporte pas grand-chose, le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau Père et Fils 1978 est au sommet de sa grâce. C’est la Bourgogne portée au firmament gustatif. Quel régal.

La biche en deux services accompagne deux vins du Rhône eux aussi au sommet de leur gloire. Le Château de Mont-Redon Châteauneuf du Pape 1978 que je connais bien, est généreux, simple mais flamboyant. C’est la force tranquille, sereine.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1978 est certainement le meilleur de ce vin et de cette année que je bois. Il atteint maintenant une plénitude évidente. Il est beaucoup plus complexe que le Mont-Redon, avec des accents très proches de ceux du vin bourguignon en matière de complexité.

Comme souvent, j’indique le mode opératoire qu’il faut adopter pour créer un accord superbe entre le stilton et le Château d’Yquem 1978. Le stilton est de toute première qualité et l’Yquem est d’un accomplissement parfait. C’est le Golden Boy de Wall Street.

Le dessert n’est pas tout à fait adapté au sauternes aussi trouve-t-il sa voie avec le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1978 qui s’ouvre avec un beau pschitt et se montre puissant et typé. Il est une divine surprise pour les hommes de Champagne de notre dîner.

Les cinq derniers vins ont permis de finir en fanfare ce dîner comme le montreront les votes puisque onze personnes votant pour les quatre meilleurs parmi douze vins, cela représente 44 votes dont 36 sont allés aux cinq derniers vins soit plus de 80%.

Au total, neuf vins sur douze ont eu des votes et parmi eux seulement quatre ont eu des votes de premier. Le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1978 a eu cinq votes de premier, l’Yquem 1978 a eu quatre votes de premier, l’Ausone et le Mont-Redon ont eu un vote de premier.

Le vote du consensus de ces 1978 serait : 1 – Château d’Yquem, 2 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau Père et Fils, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné, 4 – Château de Mont-Redon Châteauneuf du Pape, 5 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame, 6 – Château Ausone.

Mon vote est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau Père et Fils, 2 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné, 4 – Château de Montredon Châteauneuf du Pape.

Que dire de ce repas ? Tout d’abord, la variété des origines et des parcours de tous les convives a contribué à la qualité des échanges. Ensuite le fait de braver les éléments comme sur un frêle rafiot a donné du piment à l’expérience, nous mettant en danger en permanence. L’adrénaline montait, surtout pour moi car je bouillais de voir qu’on ne goûtait pas les vins dans les meilleures conditions. Il aurait fallu que la température ambiante ait quatre ou cinq degrés de plus et les vins un ou deux degrés de plus pour que ce soit idéal, et ça me chagrinait. Ensuite il est clair que le chef Akrame a un talent brillant et que les audaces culinaires qu’il prend se montrent justifiées. Ensuite encore que le service des vins et des plats ne peut pas être assuré par une seule personne même si Marc a été performant et astucieux. Ensuite encore, que si le réchauffement climatique est une réalité, il faut savoir ne pas braver les éléments.

Enfin, que les mails que j’ai reçus de tous à la suite du dîner montrent que cette folle aventure a été vécue comme un rare moment d’amitié et que tout le monde a envie de recommencer. Il n’y a en fait que des bons souvenirs.

Alors, s’il faut donner un titre à ce dîner, pour paraphraser Gene Kelly, ce sera : « drinking in the rain ». Et le dîner de compensation, je m’y engage, se tiendra à l’intérieur, quel que soit le climat du moment.


La cour du restaurant

le store et les parasols vont jouer un rôle crucial dans ce dîner :

mes outils

les vins

photo de groupe avant que je n’ajoute le Mumm Cuvée René Lalou 1979

les vins dans la cour du restaurant