Déjeuner au restaurant Matsuhisa de l’hôtel Royal Monceau samedi, 24 novembre 2018

Richard Geoffroy, l’homme qui a fait Dom Pérignon de 1996 à 2018 a passé le flambeau à Vincent Chaperon. Avant son départ effectif, Richard est fêté partout dans le monde où il est considéré comme une idole. Nous avions prévu de déjeuner tous les deux ensemble et je suis sensible à cette preuve d’amitié.

Richard me donne rendez-vous au restaurant Matsuhisa au sein de l’hôtel Royal Monceau. Chaque fois que nous nous rencontrons, c’est une débauche de grands vins aussi, sans savoir ce que Richard a prévu, j’ai apporté un Côtes du Jura blanc de 1911. Il y a dans ce choix trois clins d’œil. L’année 1911 a été particulièrement fêtée en 2011 par le groupe Moët & Chandon car le 11 novembre 2011 à 11h du matin dans 11 capitales mondiales on a vendu aux enchères des caisses de 11 bouteilles de Moët 1911. Le deuxième clin d’œil est que le vin a 107 ans ce qui évoque le fait que je ne voulais pas attendre 107 ans avant de revoir Richard. Le troisième clin d’œil est le plus important : lorsque je suis allé à l’abbaye d’Hautvillers pour la première fois, en 2007, à l’invitation de Richard, au moment où nous allions goûter le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1959 dégorgé en 1999, j’ai ouvert un Château Chalon 1947 qui a créé une symbiose unique qui a marqué nos esprits tant elle était irréellement parfaite.

Je suis arrivé en avance et lorsque Richard me rejoint, il me dit : je reviens de Londres où a eu lieu une verticale unique de Dom Pérignon sur plus de vingt ans alors ce midi, je suis désolé mais je boirai de l’eau. Je sors alors ma bouteille, en espérant que Richard va se laisser tenter mais il est inflexible, il boira de l’eau. On peut imaginer ma déception. Nous commandons le menu sushi du déjeuner qui comprend : assortiment de sushis / mesclun de salade, sauce yuzu / crabe des neiges, creamy spicy / soupe miso. Le menu est de bonne qualité mais peut-être pas du niveau que l’on attendrait d’un hôtel qui vise le plus haut dans le domaine du luxe.

Pour tromper ma tristesse, je bois au verre du Champagne Dom Pérignon 2009. Il m’avait conquis il y a un an et il a pris de l’ampleur, du corps et se montre expressif et tout-à-fait dans la ligne historique de Dom Pérignon. Il n’a pas le génie du 2008, mais il est extrêmement confortable. Nous avons longuement bavardé de milliers de choses dont les projets de Richard dans le domaine du saké. Il est enthousiaste comme dans tout ce qu’il a fait jusqu’alors avec succès.

L’avantage de la sobriété de Richard, c’est que je vais garder la bouteille de 1911 pour lui, pour une prochaine rencontre.

le restaurant

la bouteille que je vais garder pour Richard

Dîner de l’Académie du Vin de France samedi, 24 novembre 2018

L’Académie du Vin de France tient son assemblée annuelle au restaurant Laurent. A 18 heures les membres de l’académie sont en assemblée. A 19 heures se tient une sorte de Paulée où les vignerons font goûter aux académiciens et à leurs invités leurs derniers vins mis en bouteille et à 20h30 se tient le dîner de gala. Arrivé en avance, je vois un couple de jeunes personnes qui attendent, un peu effarouchés et dont le dress code n’est pas usuel pour le dîner de gala de l’académie. Ils ont l’air sympathique alors je bavarde avec eux. J’apprends qu’ils vont recevoir le prix Alain Senderens qui couronne un restaurant pour qui les accords mets et vins sont primordiaux. Il s’agit de Christine et Guillaume Viala qui sont restaurateurs à Bozouls dans l’Aveyron, et dont le restaurant s’appelle le Belvédère.

Rosalind Seysses, l’heureuse propriétaire avec son mari Jacques du domaine Dujac vient saluer les deux impétrants et m’explique qu’elle avait découvert ce restaurant il y a longtemps, qu’elle y est allée cinq fois et qu’elle considère ce restaurant comme le meilleur qui soit. Voilà de quoi piquer mon intérêt et la sympathie que dégagent ces deux restaurateurs va me donner des idées de visite.

Nous montons à l’étage du restaurant Laurent pour goûter les vins des vignerons. Tout le monde se précipite vers les vins blancs aussi vais-je commencer par les rouges. Le Corton Prince de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2015 est saisissant. Comment est-ce possible de faire un vin aussi généreux et flamboyant ? Il a survolé la dégustation des rouges.

Je goûte ensuite deux vins de Dujac 2016 un Villages et un Premier Cru. Jacques Seysses qui goûte avec moi préfère le plus capé et il a raison sur la structure, mais la franchise du Villages dans sa simplicité m’a beaucoup plu car il est plus accueillant que le premier cru qui promet plus mais plus tard.

Parmi les rouges de 2016 quelques-uns ont particulièrement attiré mon attention : Corbin-Michotte 2016, Gazin 2016, les deux rouges de Chave dont l’Hermitage Chave 2016 et le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 2016.

En blanc je donnerai des mentions spéciales au Clos Saint Hune Trimbach 2013 d’un équilibre et d’une grande pureté, à l’ Hermitage blanc Chave 2016 et au Châteauneuf-du-Pape Roussanne de Beaucastel 2016 absolument superbe.

En liquoreux, le Château de Fargues 2015 est d’une belle promesse et d’un beau plaisir.

Il y avait beaucoup plus de vins que ce que j’ai goûté. Nous redescendons pour l’apéritif avec un Champagne Louis Roederer Brut sans année bien mis en valeur par les succulents canapés dont un au pied de porc et un autre à l’anguille. Le président Alain Graillot prend la parole pour remettre le prix Alain Senderens à Christine et Guillaume Viala du restaurant le Belvédère à Bozouls dans l’Aveyron. Nous sommes nombreux à ne pas connaître ce restaurant et à avoir envie d’y aller.

Le menu composé par Alain Pégouret en association avec un comité ad hoc de l’Académie est : truite irisée au goût légèrement boisé, gaufrette / homard rôti sur sel, gnocchi, sauce mousseline / pigeon façon bécassine / Chavignol et Cîteaux / Mont-Blanc.

Il est de tradition que les vins soient fournis par de nouveaux académiciens. Ce sera le cas pour les vins de Jean-Laurent Vacheron dans le sancerrois. Le sympathique et célèbre vigneron sarrois, Egon Müller complète le panel des vins.

Sur la truite nous buvons le Riesling Sharzhofberger Kabinett Egon Müller 2015. Michel Bettane nous avait dit que la caractéristique de la Sarre est de faire des vins salins. Celui-ci en est une preuve manifeste. Il allie le sel et une belle acidité et n’existe qu’avec le plat absolument réussi avec des équilibres de saveurs géniaux, car seul, il a la jeunesse assez rude. La truite est magistrale et la gaufre la complète très bien par un croquant délicat. C’est le meilleur accord du repas.

Le Sancerre blanc « les Romains » domaine Jean-Laurent Vacheron 2016 a une forte acidité et une trop grande jeunesse. Il est difficile à boire sans le plat auquel il n’apporte pas grand chose. La chair du homard est délicieuse avec une sauce qui n’est pas aussi noble que lui. Le vin ne crée pas assez d’émotion.

Le Château Gazin Pomerol 2009 à la couleur noire, a une densité extrême et une mâche lourde. C’est un vin qui deviendra grand et se boit bien. L’accord se fait avec le suprême, et la force du vin accepte bien le canapé au foie de pigeon, viril et enthousiasmant.

Les deux Sancerre rouges sont discrets, le Sancerre rouge « Belle-Dame » domaine Jean-Laurent Vacheron 2010 est de couleur plus foncée que le rubis du Sancerre rouge « Belle-Dame » domaine Jean-Laurent Vacheron 2015. Aucun des deux vins n’est réellement porteur d’émotion, mais j’accepterais volontiers si l’on me disait que je suis passé à côté de ces vins, que les formages n’arrivent pas à faire vibrer.

Le Riesling Sharzhofberger Beerenauslese Egon Müller 2005 combine sucre et sel. Le sucre est si fort que j’ai ressenti la mâche d’une Bénédictine, sans en avoir les herbes. Il a beaucoup de charme mais explosera vraiment dans quelques années. Les concepteurs du repas ont essayé un dessert en prolongement du vin alors que j’aurais essayé un accord en opposition, par exemple une soupe de kiwis. Car la crème de marron ne s’accouple pas avec le riche vin lourd et sucré à qui il faudrait laisser une ou deux décennies de plus.

La cuisine d’Alain Pégouret est d’une grande maturité et la truite est un grand plat. Le service est très efficace et rodé. L’ambiance de l’académie est amicale. Jacques Puisais a réussi à faire un speech parfait qui a su se jouer de tous les obstacles et pièges d’interprétation. Du grand art consensuel. Les conversations ont continué après le repas avec des vignerons extrêmement sympathiques.


Quelques vins parmi les très nombreux présentés par des académiciens

Avec Erik Orsenna et Bernard Pivot

Les gaufrettes ont-elles une âme ? lundi, 19 novembre 2018

Je suis un amoureux convaincu de ces gaufrettes au sucre glace. Chacune a un texte, et je suis effondré de voir le niveau de génie des textes :

UNE DERNIERE POUR LA ROUTE

VIVEMENT LA QUILLE (quelqu’un a-t-il dit au responsable des textes que le service militaire a disparu depuis des années, plus de trois Présidents)

ELLE TE PLAIT MA GAUFRETTE : pas une once de vulgarité

PARLEZ-VOUS F ANCAIS : celle-ci m’a stupéfait, car ce n’est pas une lettre un peu effacée mais une lettre carrément manquante dans le moule !!! Une autre gaufrette au même texte manquait d’air elle aussi ! Peut-on parler français sans en avoir l’ « R » ?

Non, non non, malgré l’indigence des inscriptions, je garderai mon amour pour ces gaufrettes.

Dégustation de 2014 et 2013 de Bouchard P&F et dîner au château de Beaune lundi, 19 novembre 2018

Le lendemain, veille de la 158ème vente des vins des Hospices de Beaune, la ville de Beaune fourmille de gens venus de toute la planète pour cette fête du vin. C’est aussi le jour des gilets jaunes. A 18 heures, la maison Bouchard Père & Fils reçoit une cinquantaine de personnes en son siège pour une dégustation de millésimes récents avant le dîner qui se tiendra dans l’orangerie du château de Beaune. D’habitude, pour la dégustation des vins récents, nous sommes assis et nous pouvons prendre des notes. Pour cette fois la dégustation se fait debout, ce qui entraîne que l’on est plus enclin à bavarder avec des invités qu’à juger et de plus écrire sur les papiers qui ont été fournis lorsque l’on est debout avec un verre en main est chose difficile. Aussi mes commentaires sur ce qui a été bu seront très succincts et incomplets.

Le Savigny-lès-Beaune Les Lavières Domaine Bouchard Père & Fils 2014 est très rond, doux, agréable et de belle longueur. C’est le premier vin que je bois et mon avis est positif car je reconnais le talent de la maison Bouchard Père & Fils.

Le Volnay Les Caillerets Ancienne Cuvée Carnot Domaine Bouchard Père & Fils 2014 a un nez strict mais en bouche une belle douceur. Il est un peu plus rêche mais il est grand.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Domaine Bouchard Père & Fils 2014 est un vin que je chéris tout particulièrement à la fois pour son histoire que pour son goût splendide. Ce 2014 est magique, tout doux et grand. Je l’adore.

Le Pommard Les Rugiens Domaine Bouchard Père & Fils 2014 est un peu rêche mais il est ample. Il est puissant et je le considère comme une heureuse surprise par rapport à ce que j’attendais.

Après les premiers crus et avec le Corton Domaine Bouchard Père & Fils 2014 on passe maintenant aux grands crus, et ça se ressent dans ce vin très racé, tout en finesse et très long.

Le Bonnes-Mares Domaine Bouchard Père & Fils 2014 a un nez très doux et une belle mâche. Frédéric Weber, maître de chai, qui présente les vins nous signale les goûts de violette et de myrtille qui sont les marqueurs des Bonnes-Mares.

Le Chambertin Clos de Bèze Maison Bouchard Père & Fils 2014 a beaucoup de charme et de délicatesse. C’est un vin de Bouchard que j’aime particulièrement.

On nous sert ensuite le même vin mais de 2017. Le Chambertin Clos de Bèze Maison Bouchard Père & Fils 2017 est tout aussi délicat, mais l’ambiance étant à discuter, je n’ai pas eu l’occasion d’analyser les différences entre les deux millésimes.

Chez Bouchard on déguste les vins blancs après les rouges et c’est une bonne chose « blanc sur rouge, rien ne bouge, rouge sur blanc, tout fout le camp » dit l’adage. Ainsi le premier blanc paraît délicieux, comme si le palais l’attendait. Le Beaune Clos Saint-Landry Domaine Bouchard Père & Fils 2013 a beaucoup de charme après les rouges et il a un nez très parfumé.

Le Meursault Genevrières Domaine Bouchard Père & Fils 2013 me plait beaucoup il est délicieux et grand.

Le Meursault Perrières Domaine Bouchard Père & Fils 2013 a un nez très soufré, pétrolé. En bouche il a beaucoup de caractère.

Les grands crus viennent maintenant. Le Corton-Charlemagne Domaine Bouchard Père & Fils 2013 n’est pas le plus puissant des Corton-Charlemagne mais il est agréable et très fluide.

Le Chevalier-Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 2013 est puissant et très grand. Le Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 2013 est encore plus grand, il a la majesté d’un vin fabuleux.

Le Chevalier-Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 2017 est un beau vin mais très jeune il est subtil et parfumé.

Après cette dégustation de grands vins au cours de laquelle nous avons plus bavardé que réellement analysé, nous traversons la rue pour nous rendre au château de Beaune. Nous sommes une cinquantaine, tous proches des dirigeants des maisons Henriot et Bouchard. L’apéritif dans le salon intimiste au parquet marqueté en bois précieux se prend avec le Champagne Henriot Cuvée Hemera 2005. La Cuvée Hemera est le nouveau champagne de prestige de la maison Henriot et 2005 est le premier millésime de cette cuvée, appelée à remplacer la cuvée des Enchanteleurs avec une philosophie différente fondée sur la fraîcheur et la légèreté, selon la formule de la maison Henriot : « le temps devient lumière ». Il est fait par moitié de pinot noir et de chardonnay.

Ce grand champagne est encore meilleur après la dégustation que nous venons de faire. Je le sens promis à un bel avenir. Il est délicieux sur les gougères traditionnelles du lieu.

Nous passons à table dans l’Orangerie du château. Le menu est : ravioles de foie gras, consommé de bœuf à la truffe / magret de canard, jus aux baies de cassis / assiette de fromages / saint-honoré.

Sur les ravioles nous avons deux vins. Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Domaine Bouchard Père & Fils 2008 est d’une parcelle, la Cabotte qui est incluse dans le territoire du Montrachet et mériterait d’en avoir l’appellation. C’est un vin que j’adore, complexe, riche et généreux. Le 2008 est encore bien jeune.

Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Domaine Bouchard Père & Fils 1998 a une couleur plus ambrée que le 2008, d’un ambre léger. Le vin montre une belle maturité. Il est beaucoup plus large et puissant que le 2008. L’accord avec le plat délicieux est surtout trouvé sur le consommé subtil et gourmand qui réchauffe les arômes du vin.

Le Corton Domaine Bouchard Père & Fils 1988 me paraît dévié et Frédéric Weber qui est à ma table confirme que la bouteille n’est pas parfaite. On en apporte une seconde qui est bouchonnée, aussi va-t-il va lui-même chercher une bouteille qui soit parfaite, et elle l’est. Le vin est vif, profond, très long. Il est très expressif. La sauce du magret de canard est trop marquée pour le vin rouge et lorsque j’essaie ce plat avec La Cabotte 1998, l’accord se fait plus naturellement.

Le Beaune Clos de la Mousse Bouchard Père & Fils 1918 est le clou de ce dîner, car c’est un vin qui a juste cent ans. Sa couleur est superbe, d’un rouge sang. Le vin est marqué par une belle acidité et les fruits rouges qui apparaissent sont riches. Le vin est gourmand. Autour de la table les avis sont partagés et Sylvain Pitiot l’ancien directeur du Clos de Tart ne met pas ce vin premier dans son classement alors que je le mets premier comme d’autres convives autour de la table. C’est une question de goût. J’ai eu la chance de boire la lie qui est d’une richesse extrême. C’est l’âme du vin et je suis sous son charme.

Le Champagne Henriot Rosé sans année accompagne le dessert superbement exécuté. Mais il n’est pas le mieux adapté au dessert. J’aurais bien vu une cuvée des Enchanteleurs assez ancienne pour soutenir le beau dessert.

Le thème du dîner était les années en 8 pour accompagner la vedette, un vin de cent ans. La générosité de la maison Bouchard et de son président Gilles de Larouzière est extrême. Ce dîner et l’ambiance sont des souvenirs précieux.

La lie du 1918

Dîner au restaurant Le Conty à Beaune vendredi, 16 novembre 2018

Le 17 novembre aura lieu le traditionnel dîner au château de Beaune où la maison Bouchard Père & Fils invite des amis juste avant la vente aux enchères des Hospices de Beaune. C’est la même date qui a été choisie par le mouvement spontané des « gilets jaunes » pour manifester sous une forme encore inconnue contre la politique du gouvernement. N’ayant aucune envie de me trouver bloqué sur les autoroutes par des manifestations non contrôlées j’ai préféré venir la veille du dîner prévu.

Heureusement j’ai une chambre, mais il n’y a rien d’inscrit à mon agenda. Les événements des jours qui précèdent se succédant si vite, je n’ai pas eu le temps de passer les coups de fil qui m’auraient permis de me joindre à des manifestations programmées par d’autres maisons. J’arrive donc à l’hôtel de la Paix vers 16h30 avec un agenda vide jusqu’au dîner du lendemain. Le concierge me dit que tous les grands restaurants vont être complets. Par un froid d’hiver je me dirige vers le centre-ville tout proche. Je passe saluer le patron du restaurant Ma Cuisine qui est très affairé et ne pourra pas m’inclure en passager clandestin à l’une des tables. Je vais alors rendre visite aux délicieux propriétaires de l’hôtel des Remparts où j’ai été maintes fois logé et avec qui j’entretiens des relations très amicales. Une collaboratrice de l’hôtel passe un coup de fil et réserve une table au restaurant Le Conty.

Bien qu’ayant la réservation, et ne connaissant pas du tout ce restaurant, je préfère m’y rendre. Il est autour de 18 heures. Le lieu est simple mais sympathique et je demande la carte des vins. Elle est très fournie et certains vins sont à des prix très convenables. Je scrute et mon choix sera un Clos de Tart 2009. Je demande à Johan de payer tout de suite la bouteille pour qu’on puisse l’ouvrir et je reviendrai dans une heure et demie la boire. Johan ouvre la bouteille et le parfum de ce vin est émouvant. Il y a une race sauvage dans ce vin tellement jeune. Je paie la bouteille et je retourne à mon hôtel heureux d’avoir trouvé ce que j’estime un bon plan.

Les rues de la ville sont très animées car partout c’est la fête. Les stands de dégustation se sont installés dans les rues que l’on a condamnées. Ainsi le restaurant Le Conty qui possède deux entrées distantes de quarante mètres sur la même façade, l’une pour le caveau et l’autre pour le restaurant a installé entre les deux portes, le long de la façade, une broche qui doit bien faire entre quatre et cinq mètres. Sur la broche, on cuit le « bœuf de Beaune » qui a été élevé à la gêne de raisins des hospices de Beaune. Je ne connaissais pas la gêne et on m’explique que c’est l’ensemble des résidus secs résultant du pressurage ou du foulage des raisins. C’est la rafle, mais un peu plus.

Je m’assieds à ma table réservée et décide de prendre douze escargots de Bourgogne, puis le bœuf de Beaune rôti à la broche par le chef Laurent Parra. Le Clos de Tart 2009 servi à la température idéale est un vin de grande race. Il a une belle râpe qui évoque le fait que des rafles seraient restées dans le vin et n’aurait pas été utilisées pour élever le bœuf de Beaune. Il soutient très bien la force convaincante des escargots et même leur tient tête. Pour la viande trois sauces sont possibles heureusement servies dans des pots et ne se mélangent pas à la viande délicieuse, goûteuse et fondantes. Je n’en utiliserai aucune.

Ayant pris pour dîner une très belle bouteille, le chef a ajouté pour moi des lamelles de truffe qui conviennent bien au vin. La générosité a toujours une réplique et j’offre au chef un verre de mon vin. Il est sympathique et bon vivant et passe son temps ce soir à la broche car des passants de passage peuvent eux aussi s’offrir des tranches de cette belle viande.

Ce Clos de Tart est un grand vin magnifiquement fait, précis, droit, généreux et de grande longueur et la râpe lui donne de la noblesse. Je suis aux anges. Etant seul, il reste beaucoup dans la bouteille, aussi je commande un demi-pigeon cuit avec une sauce aux vins de Beaune et avec des giroles. Ce qui arrive sur table n’est pas un demi-pigeon mais un pigeon entier car le chef voulait me gâter. La viande est goûteuse, mais la sauce effarouche le vin. Je finis calmement le vin qui reste sans plat et sans dessert et j’en profite au moins autant qu’avec un plat car le vin est de cette Bourgogne noble et sauvage que j’adore. Sa longueur est la signature d’un très grand vin.

En rentrant à l’hôtel, j’ai un sourire de contentement profond, car le hasard m’a souri. J’aurai très certainement le sommeil des gens heureux.

Les années de Bourgogne que j’ai bues vendredi, 16 novembre 2018

En prévision des ventes des Hospices de Beaune (je suis à Beaune), voici ce que j’ai bu en Bourgogne :

Les millésimes de Bourgogne bus par François Audouze

1790, 1811, 1846 (2), 1850, 1858, 1861, 1864 (2), 1865 (6), 1870, 1874, 1885 (2), 1886, 1887, 1888, 1891 (2), 1893, 1899 (8), 1900 (2), 1904 (4), 1906 (6), 1907, 1908 (2), 1911 (6), 1913 (5), 1914 (3), 1915 (24), 1916, 1918 (4), 1919 (17), 1920, 1921 (3), 1922 (3), 1923 (23), 1925 (3), 1926 (22), 1928 (32), 1929 (54), 1930 (4), 1931, 1932, 1933 (15), 1934 (40), 1935 (13), 1936, 1937 (26), 1938 (4), 1939 (5), 1940 (4), 1942 (12), 1943 (30), 1944 (2), 1945 (32), 1946 (4), 1947 (79), 1948 (5), 1949 (51), 1950 (14), 1951 (3), 1952 (14), 1953 (30), 1954 (5), 1955 (57), 1956 (22), 1957 (24), 1958 (3), 1959 (81), 1960 (13), 1961 (89), 1962 (30), 1963 (4), 1964 (45), 1965 (4), 1966 (35), 1967 (22), 1968, 1969 (44), 1970 (11), 1971 (30), 1972 (28), 1973 (15), 1974 (25), 1975 (7), 1976 (43), 1977 (4), 1978 (46), 1979 (20), 1980 (19), 1981 (21), 1982 (25), 1983 (44), 1984 (11), 1985 (44), 1986 (27), 1987 (11), 1988 (62), 1989 (84), 1990 (79), 1991 (45), 1992 (74), 1993 (39), 1994 (19), 1995 (46), 1996 (77), 1997 (60), 1998 (53), 1999 (102), 2000 (77), 2001 (68), 2002 (113), 2003 (91), 2004 (71), 2005 (102), 2006 (120), 2007 (112), 2008 (98), 2009 (106), 2010 (85), 2011 (78), 2012 (47), 2013 (39), 2014 (39), 2015 (47), 2016, ss A (6), Total (3589), en 123 millésimes

Les années de Bourgogne d’avant 2000 les plus bues ( > 20 fois)

1999 (102), 1961 (89), 1989 (84), 1959 (81), 1947 (79), 1990 (79), 1996 (77), 1992 (74), 1988 (62), 1997 (60), 1955 (57), 1929 (54), 1998 (53), 1949 (51), 1978 (46), 1995 (46), 1964 (45), 1991 (45), 1969 (44), 1983 (44), 1985 (44), 1976 (43), 1934 (40), 1993 (39), 1966 (35), 1928 (32), 1945 (32), 1943 (30), 1953 (30), 1962 (30), 1971 (30), 1972 (28), 1986 (27), 1937 (26), 1974 (25), 1982 (25), 1915 (24), 1957 (24), 1923 (23), 1926 (22), 1956 (22), 1967 (22), 1981 (21), 1979 (20)

Les années du domaine de la Romanée Conti

1919, 1922, 1923, 1928, 1929 (6), 1933 (2), 1934, 1935, 1937 (2), 1938, 1939, 1940 (2), 1942 (5), 1943 (7), 1944 (2), 1945 (2), 1946 (2), 1947 (2), 1948, 1949, 1950 (2), 1951, 1952 (2), 1953 (8), 1954 (3), 1955 (2), 1956 (21), 1957 (8), 1958 (3), 1959 (6), 1960 (4), 1961 (9), 1962 (5), 1963 (3), 1964 (6), 1965 (4), 1966, 1967 (4), 1969 (10), 1970 (2), 1971 (3), 1972 (7), 1973 (5), 1974 (11), 1975 (3), 1976 (3), 1977, 1978 (4), 1979 (3), 1980 (7), 1981 (10), 1982 (7), 1983 (17), 1984 (2), 1985 (3), 1986 (8), 1987 (2), 1988 (5), 1989 (10), 1990 (11), 1991 (7), 1992 (6), 1993 (2), 1995 (5), 1996 (7), 1997 (10), 1998 (7), 1999 (13), 2000 (7), 2001 (5), 2002 (13), 2003 (3), 2004 (5), 2005 (12), 2006 (11), 2007 (13), 2008 (9), 2009 (17), 2010 (25), 2011 (9), 2012 (8), 2013 (9), 2014 (9), Total (480), en 83 millésimes

Dégustation de Mumm et Perrier-Jouët à la Maison Belle Epoque jeudi, 15 novembre 2018

L’histoire qui va suivre commence au 228ème dîner au restaurant Akrame. Nous avions une table dans la cour intérieure et la pluie a arrosé des convives mal protégés par les tentures et parasols. Cela m’avait contrarié car certains ne pouvaient pas profiter au mieux du programme du dîner. J’ai annoncé à tous les convives qu’ils seraient invités pour un dîner de compensation. Cette déclaration a été chaudement accueillie et des convives attachés au groupe Pernod Ricard ont proposé que le deuxième dîner nous réunissant se tienne au siège de la maison de champagne Perrier-Jouët. Là aussi l’accueil à cette idée fut massif.

Pour préparer ce futur dîner mais aussi pour me faire connaître la maison de champagne, je suis invité à venir déguster les vins des maisons Mumm et Perrier-Jouët et à dîner à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët.

Je me présente à 16h30 au siège de Perrier-Jouët et je suis accueilli par Hervé Deschamps, chef de caves et par Séverine Gomez-Frerson qui va prochainement succéder à Hervé. Alexander Staartjes qui dirige des opérations commerciales du groupe Mumm, Perrier-Jouët et Martell arrive en même temps que moi pour suivre la visite.

Nous visitons la Maison Belle Epoque qui a été la demeure du fondateur de la maison Perrier-Jouët en 1811. La décoration est totalement Belle Epoque avec des meubles rares. On croise ici un tableau de Toulouse-Lautrec et là une sculpture de Rodin offerte par le personnel « au patron » comme il est écrit sur l’étiquette en cuivre. On me dit que le lit de la chambre qui m’est affectée vaut une petite fortune. Avant de visiter les caves, on nous offre un verre de Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 2008 qui est particulièrement brillant, doté d’une belle maturité malgré son jeune âge, serein et conquérant, d’une longueur remarquable.

Hervé nous raconte des histoires passionnantes pendant que nous arpentons les kilomètres de cave (en partie seulement). Dans la cave des trésors il y a des bouteilles de la première moitié du 19ème siècle qui me font rêver. Ici ou là il y a des œuvres d’art très modernes dans des impasses voûtées. Nous remontons directement dans la Maison Belle Epoque pour commencer la dégustation. Magalie Maréchal, adjointe du chef de caves de la maison Mumm, nous rejoint.

J’ai apporté avec moi deux bouteilles, une pour la dégustation et une pour le repas, car je voudrais voir avec ces grands œnologues s’il existe une fécondation réciproque entre les champagnes et mes vins. La dégustation commence.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge magnum 1989 a une belle couleur et une belle acidité. Il est très jeune, très toasté et ce qui me gêne un peu c’est la longueur assez courte, ce qui ne semble pas troubler les autres participants, les trois œnologues et Alexander. Le Vin de l’Etoile Paul Comte 1979 est d’une belle couleur légèrement ambrée. Le nez est très typique du Jura avec des notes légèrement torréfiées. Il est sec, très sec même et fluide. Le vin féconde le champagne car il lui donne de la largeur et des notes salines. Le 1989 évoque de beaux fruits et du sel. Il est très distingué, fluide et gastronomique. Il est fait de 70% de pinot noir et 30% de chardonnay. Des notes iodées apparaissent lorsqu’on le boit à la suite du vin de l’Etoile.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge magnum 1976 a un nez très expressif et une belle matière. Il est gourmand. Le champagne n’avantage pas le vin du Jura alors qu’à l’inverse, le 1979 rend le 1976 de Mumm absolument fabuleux. Il lui donne de la longueur ce qui justifie ma remarque précédente sur la longueur du 1989. Il y a dans ce 1976 des notes de safran, une extrême délicatesse avec une attaque toute en douceur. Il a les mêmes proportions de cépages que le 1989.

Le Champagne Mumm de Cramant Blanc de Blancs magnum 1955 est légèrement ambré. Son nez est subtil. En bouche il est d’un raffinement extrême. Ses amers sont superbes. Il est fluide, racé et noble et cohabite bien avec le 1979 du Jura qui en profite et dans le sens inverse, le 1955 ne profite quasiment pas du vin du Jura. Le 1955 est plus à son avantage s’il est seul. Il a été dégorgé il y a un an ce qui lui donne une jeunesse extrême. Il est très difficile de hiérarchiser le 1976 et le 1955. Les deux ont beaucoup de charme. Le 1955 en se réchauffant devient exceptionnel.

Le vin de l’Etoile est magique, de belle acidité. Ce vin sans concession, strict, est de grand plaisir. Cette dégustation de vins de Mumm est extrêmement convaincante. Les 1955 et 1976 sont de très grands champagnes. J’ai écouté avec plaisir les trois œnologues disséquer les saveurs. Ils sont passionnants. La variété des influences entre les champagnes et le vin du Jura dans un sens et dans l’autre a intéressé grandement mes hôtes.

Nous passons maintenant au bar pour l’apéritif avec un Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque Blanc de Blancs 1993 de la première année où l’on a fait pour Perrier Jouët un blanc de blancs Belle Epoque. Alexander est très laudatif pour ce champagne et je ne partage pas tout-à-fait son enthousiasme car je ne trouve pas en ce champagne une complète cohérence. Hervé dit qu’il est assez discret. Les petits canapés sont délicieux, sans chichi, aux saveurs cohérentes. Celui à l’anguille convient au 1993.

Nous passons à table dans la jolie salle à manger. Tout en cette maison est raffiné. Le menu créé par Joséphine Jonot, chef de la Maison Belle Epoque est : langoustines, bouillon thaï / ris de veau, compotée d’oignons rouges / dessert au marron.

Le Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque magnum 1982 est magique. Ce champagne est superbe, accompli. Il est grand. Et c’est avec le bouillon que l’accord propulse le champagne à des hauteurs rares.

Le Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque magnum 1996 a une énergie incroyable. Il est tranchant et lui aussi très grand. Pendant l’apéritif, j’avais ouvert le deuxième de mes apports, un Château Chalon Jean Bourdy 1929. Le bouchon s’était émietté et n’est venu qu’après de longs efforts. C’est un superbe vin jaune à la personnalité très affirmée. Il est tellement puissant et conquérant que champagne et vin se comprennent, mais ne se fécondent pas. Ils vivent très bien ensemble sur un ris de veau parfaitement cuit.

Sur le dessert nous buvons un Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque rosé magnum 1985. Il convient bien au dessert, il est très agréable, mais il n’a pas la force de conviction des deux blancs.

La cuisine de Joséphine Jonot est très lisible, directe, sur de bons produits. C’est un atout certain pour le dîner que nous voulons faire au mois de mai en ce lieu. L’accueil qui m’a été réservé est un honneur auquel je suis sensible. Les champagnes dégustés se sont montrés brillants, avec du côté Mumm le 1955 et le 1976 en vedette et pour Perrier-Jouët le 1982 et le 1996. Mes vins du Jura avaient leur place pour exciter ces beaux champagnes. Et j’ai un petit béguin pour le 2008 Belle Epoque.

Après une nuit de repos le petit-déjeuner ponctue ce court séjour par un niveau de qualité qui place la Maison Belle Epoque au niveau des hôtels les plus luxueux. J’ai eu une bonne idée de proposer un nouveau dîner avec les charmants convives du 228ème dîner.

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A tout cela il y a une suite ! Pensant à mon « musée » des bouteilles vides j’ai demandé si je pouvais garder les flacons que nous avions bus et cette suggestion a été approuvée. Mais tant de bouteilles avaient été ouvertes pour cinq personnes qu’il restait abondamment de chaque vin. C’était le dernier soir de mon fils à Paris aussi l’occasion était-elle belle de boire les « fonds » de bouteilles.

Ma femme a prévu des coquilles Saint-Jacques sur une purée de pommes de terre à la truffe puis des fromages et un Kouign-amann. Nous commençons par les Perrier-Jouët Belle Epoque 1982 et 1996. Le 1982 est devenu tout doux, charmeur et agréable. Le 1996 est d’une vigueur incroyable, d’une énergie explosive. On est forcé d’aimer ce 1996 si passionnant.

Nous buvons ensuite les deux Mumm, le 1976 en Cordon Rouge et le 1955 en Cramant. Les deux sont aussi adorables l’un que l’autre. Le 1955 est plus calme mais a un final de fruits rouges comme s’il avait fauté avec un vieux bourgogne. Le 1976 est très complexe, plus ouvert et plus franc, peut-être un peu moins canaille que le 1955.

La bonne surprise est celle du rosé 1985 Belle Epoque, qui est beaucoup plus typé que la veille. Il a un côté réduit qui le rend plus épais. Il est très agréable.

Il reste un peu de Château Chalon 1929 qui a ce superbe goût de noix et une profondeur inextinguible.

Lorsqu’il faut faire le lendemain, le bilan de tout ce qui a été bu, mon fils me suggère et je suis d’accord, que le gagnant est le Château Chalon 1929 car son empreinte est impressionnante. Ensuite ce sont le 1955 et le 1996 qui sortent du lot. Tant de grands champagnes, c’est rare.

 

le jardin de la Maison Belle Epoque

un monte charge antique

La cave au trésors

des œuvres d’art en cave

un joli mode de stockage des bouteilles pour la dégustation

des œuvres d’art dans la maison

l’apéritif au bar

mes apports

la couleur des vins

le repas

de ma chambre, le jardin mais aussi celui de Moët & Chandon, juste voisin

Toulouse Lautrec et Rodin !

éléments de décoration

ce que je vais rapporter pour boire avec mon fils

le soir avec mon fils

c’est amusant que le deuxième « 5 » de 1955 est une gommette collée sur l’étiquette

 

lancement du Gault & Millau 2019 mercredi, 14 novembre 2018

La parution d’un nouveau millésime du guide Gault & Millau est toujours l’occasion d’une grande fête. Ce soir, c’est le lancement du Gault & Millau 2019. J’ignorais l’existence de la Station F, un immense immeuble parallèle à la Seine dans le 13ème arrondissement. Il sert d’incubateur (c’est comme cela qu’on dit aujourd’hui) à des centaines de start-up. Côme de Chérisey, le dynamique Président de Gault & Millau reçoit à La Felicita, un immense restaurant, plusieurs centaines d’invités, probablement entre six cents et mille selon la police ou les organisateurs. Le seul dress code imposé s’applique aux chefs qui doivent venir en vestes de cuisine.

Dans les allées, on croise la fine fleur de la cuisine française et je salue Guy Savoy, Georges Blanc, Christophe Bacquié et bien d’autres. Il y a tous les métiers de bouche qui sont représentés, de tous âges. Ce qui me plait dans l’approche de Côme de Chérizey, c’est qu’il n’est pas un spectateur mais un acteur. Il est même un facilitateur. Il fait se féconder les approches de différents métiers. Il sait aussi, avec ses équipes, dénicher les talents de demain, les orienter et les aider. Il joue donc un rôle très actif qui lui vaut d’être apprécié et remercié par toute la profession. Dans les très nombreux speechs, il y en a de trois sortes : les nominations ou récompenses, les propos commerciaux des sponsors, et les remerciements émouvants des primés et récompensés. L’enthousiasme qui se sent est très réconfortant.

Dans des versions précédentes il y avait un long apéritif debout qui permettait de parler avec tout le monde. Du fait du nombre, on nous demande de nous asseoir à la table qui nous est assignée ce qui fait que l’on parle surtout avec le petit cercle de sa table. Le repas d’inspiration italienne ne me semble pas du niveau de ce que pourraient imaginer les talentueux chefs présents, mais il est difficile de faire mieux pour tant de monde : charcuteries italiennes, mozzarella, burrata, foccacia, finedor piment d’espelette bridor (recette de Lenôtre professionnel) / risotto radicchio, petit pain caractère et petit pain céréales et graines bridor / tiramisu, gelato, mousse au chocolat.

Je n’ai pas pris les vins prévus, et n’ai bu que les champagnes. Le Champagne Laurent-Perrier La Cuvée non millésimé est très agréable dans cette atmosphère et a bien accompagné les cochonnailles. Le Champagne Laurent-Perrier Brut Millésimé 2007 a beaucoup de fraîcheur et une tension qui convient bien au contexte. Le risotto réussi pour autant de personne, c’est une prouesse.

Le guide Michelin a sa philosophie qui consacre l’expérience. Le Gault & Millau fait bouger les lignes, intervient, soutient et suggère. L’existence de ces deux approches est importante pour les consommateurs de bonne cuisine et de lieux attachants. Vive les guides !

ça swingue au restaurant La Felicita !

des écrans permettent de voir ce qui se passe

les lauréats

Repas dominicaux en famille mardi, 13 novembre 2018

Par une rare conjonction de planètes, mes trois enfants se retrouvent à déjeuner à la maison avec quatre de nos petits-enfants. J’avais suggéré à ma femme de faire un pot-au-feu avec des saucisses de Morteau et l’immense casserole mijotait depuis plus d’une journée. J’avais senti le bouillon et les choux et j’hésitais entre vin blanc et vin rouge, n’ayant pas en cave au domicile de vin jaune qui serait le compagnon idéal du plat.

Il se trouve que peu de jours avant j’avais regardé des vins dans la cave de ma maison, qui n’est qu’un embryon comparé à la cave principale. Je décidai d’essayer deux vins, un blanc et un rouge, ouverts deux heures avant l’arrivée de mes enfants.

L’apéritif se prend avec deux champagnes. Le premier est un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1988. Le pschitt est faible, la couleur est ambrée. Au premier contact, le champagne fait plus de trente ans, selon l’une de mes filles mais on prend conscience de sa rectitude, d’une puissance certaine et d’une grande solidité. C’est un grand blanc de blancs, rassurant et convainquant. Il y a des biscuits salés, des crevettes et des dés de saumon qui se grignotent avec enthousiasme.

A la suite, c’est un Champagne Dom Pérignon 1983 au pschitt absent et à la couleur encore plus ambrée que celle du Taittinger, ce qui fait qu’on pourrait le confondre avec un champagne rosé. Ce qui frappe immédiatement, c’est le charme et la longueur de ce champagne au fruit délicat. Il joue sur son charme et il est évident que le Taittinger est masculin, un Comte en armure sur son destrier, alors que le Dom Pérignon est féminin, lascif, jouant sur un fruit et une fleur des plus délicats. Et je ne peux m’empêcher de penser à tous ceux qui spéculent sur le nombre astronomique de bouteilles vendues sous le nom de Dom Pérignon, car je me trouve en face d’un champagne de l’aristocratie du champagne. Les deux champagnes sont grands, tous deux au sommet de leur art.

Nous passons à table et pour la saucisse de Morteau délicieuse et les légumes qui l’accompagnent, il y a un Clos Fornelli Vin Corse blanc Vermentino 2009 qui a obtenu une médaille d’argent au concours général agricole et qui titre 13,5°. Je n’ai pas de souvenir précis sur l’origine de ce vin qui est très probablement un cadeau. Le vin est jeune, droit, précis, mais manque quand même de vibration.

Le Clos de la Roche Cuvée Vieilles Vignes Domaine Ponsot magnum 2004 a beaucoup de caractère, vin bourguignon subtil, mais il manque un peu de joie de vivre, surtout sur le plat qui n’est pas un faire-valoir pour ce vin. Il retrouve du rythme et de l’énergie sur des fromages bien affinés comme un Brie et un saint-nectaire.

Pour le dessert fait de meringues diverses, nous finissons le Bonnezeaux Yves Baudriller 1937 qui a gardé une belle présence et beaucoup de charme. Ce repas de famille avait un avant-goût de Noël.

Le dîner se fait à trois avec ma femme et mon fils. Le menu sera simple : coquilles Saint-Jacques crues et caviar / caviar seul / meringues aux pépites de chocolat. Le caviar sera l’osciètre prestige de Kaviari. Nous buvons la fin du Dom Pérignon 1983 toujours ambré et toujours aussi fruité et fleuri, de grande élégance.

Vient ensuite le Champagne Substance de Selosse dégorgé en 2013. Il est fait selon la technique de la solera et comprend des champagnes de plusieurs années depuis 1986, avec sans doute une moyenne d’âge aujourd’hui de onze ou douze ans. Il est idéal pour le caviar délicieux au sel magnifiquement dosé. Il est droit, strict, précis, et d’une grande complexité. Il est vif, cinglant et très long. C’est le partenaire parfait du caviar que j’ai préféré associé aux coquilles crues légèrement sucrées plutôt que consommé seul, avec du pain et du beurre Bordier. Nous avons profité de trois belles expressions du champagne avec le Taittinger, le Dom Pérignon et le Selosse.

 

ce matin j’ai pu photographier un martin-pêcheur sur l’étang de ma maison. Une chance inouïe car ce petit oiseau est véloce et toujours en mouvement

la décoration centrale de la table

mon bonheur

le soir

An unforgettable 1911 Corton in a marvelous lunch as I like them jeudi, 8 novembre 2018

In paraphrasing Baudelaire, I would say: « there are blue moments like children’s dreams ». Let’s look at the puzzle pieces of this lunch at the restaurant Pages. Romain is one of the most faithful of the Academy for ancient wines and one of the most generous. He proposes to me to lunch together to share wines. Knowing his generosity, I accept. He proposes a Y of Yquem 1979 and a Corton Charlemagne Louis Latour 1947. To that I answer by a Mesnil Wine Nature Blanc de Blancs Wine originating from the Champagne Wineries which I imagine around 1940 and a Corton H. Cerf Père & Fils in Nuits 1911. Roman is so surprised that I propose a Corton of 1911 that he decides to add a Bonnezeaux Yves Baudriller 1937. It is the act 1. The act 2 is a long-time friend, Luc, great wine enthusiast and generous, wants to celebrate his birthday and asked me where he could do it with his wines. Through me he will have a table in a fortnight at the restaurant Pages and I’ll be there. Since I have to share five bottles with Romain, I propose to Luc to join us. His lunch participation will be my birthday present.

At 11 am, I arrive at the restaurant Pages with my wines to open them. I put the Mesnil wine in the fridge without opening it and I open the 1911. The bottle is from the 19th century with a neck with very thick glass but very narrow center. The cap is overhung by a rather indefinable crust, probably based on wax. The cork is incredibly small, the size of the corks of the Cyprus wines of 1845. It reminds me of the cork of Chambertin 1811 that I drank maybe thirty years ago, which also had a size of the order of the last phalanx of an auricular finger. A hundred years away, we have the same cork markers. The nose of the wine seems promising to me. It has no age and the level in the neck is exceptional.

Romain arrives, opens the Y d’Yquem and I offer him to open the Corton Charlemagne 1947. The cap is incredibly tight in the neck, which requires me extreme efforts to take it out. The nose is still uncertain, but hope is allowed. The cap of Bonnezeaux 1937 comes normally.

According to the tradition, when opening wines is finished, I go with Romain to the bistro which belongs to the restaurant Pages to drink a beer. There will be no edamame beans but chips. Luc joins us here.

We sit down to table. The menu was developed by Romain with Lumi and the team of the restaurant Pages: amuse-bouches / carpaccio de st jacques, caviar and cockles / Turbot, yellow wine sauce / pigeon salmis sauce / figs, mint and milk / pear chocolate Calvados.

When the appetizer arrives, I am struck by the aesthetic quality of the presentation and I warmly congratulate the Italian cook who created this presentation. Romain, the sommelier, with the same name as my friend, opens the cap, split and held by a ring, Mesnil Nature Blanc de Blancs Wine from the Champagne Wineries I imagined around 1940. The cap comes easily. It is very small and the bottom is in the shape of a beret, which suggests more a wine of the 20s than the 40s.

I smell the wine and its subtle fragrance is mesmerizing. I taste and I am conquered. I say to my friends: it is a wine of esthete, which must be accepted to understand it. That’s good, my friends accept it. We drink a wine of gigantic emotion. It is carried by a very strong acidity which gives it an electric force. And all he suggests is refined and delicate. I fully enjoy this wine, which challenges and shows exceptional vivacity. It is on the tuna carpaccio of the appetizers that the wine expresses itself best. Luc finds in the nose that the wine evokes the yellow wines of the Jura. It’s true on the nose but not on the palate because it has a scathing straightness that belongs only to whites of whites of le Mesnil! What a teasing and enigmatic wine!

Romain the sommelier brings the Y d’Yquem 1979 and before even tasting it I propose to my friends to see how the two wines can be fertilized and I suggest to them to drink the Y, then the Mesnil then the Y and see what happens. Y has a nose that explodes with generous botrytis. In the mouth, it has what Y must have, this morganatic union between a dry white wine and an infidelity of botrytis. He is thundering. And what is interesting is that the interlude by the Mesnil wine gives it an exceptional straightness. The wines are fertilized, as I had supposed. I had a good intuition.

On the carpaccio of scallops, if you take the cockles, it is imperative to take the wine of Mesnil which vibrates on the marine flavors of the hull, and if one takes with the shell the delicious caviar of Sologne of an extreme length, the Y expresses himself madly. This white wine is thundering, at an exceptional stage of completion.

For turbot, the Corton Charlemagne Louis Latour 1947 is served. At first contact, the nose seems a little unstructured and in the mouth it is at the level of the final that I note a lack of precision. And we are going to witness an outbreak which I believe is one of the most spectacular I’ve ever known. The wine was opened shortly after 11am. He had only about 90 minutes of ventilation. He will have to make up for lost time and he does it with a unique energy to the point that in the middle of the dish, he marries the turbot in the most beautiful way. His nose has become straight and happy and in the mouth he is totally coherent. A resurrection like this is rare. It is a beautiful Corton-Charlemagne, without the slightest defect, greedy and rich and ageless. Who would’ve believed that? Probably nobody.

If we want to make the point of the three whites, the Y is the quiet and generous perfection, the wine of Mesnil is Michèle Morgan when Jean Gabin says to her: « you have beautiful eyes, you know » (movie : Quai des Brumes), and Burgundy from 1947, it is the newfound confidence, the return of the prodigal son. We feel good.

The pigeon is served and I pour the Corton H. Cerf Father & Son in Nuits 1911. The level in the bottle is exceptionally high. The color of the first glass is pink, an irresistibly young light pink. There is obviously no doubt about the authenticity of the bottle. The second glass is darker but still very pink. The third is the same color and the whole bottle will be as pink, without an ounce of tuilé. The nose is masterly and from the first sip I am stunned by the perfection of this wine. And the coup de grace is given by the association with the lightly smoked pigeon. Because wine ‘is’ the pigeon, but even more, it ‘is’ the smoked pigeon. The wine and the dish merge. It’s the ultimate gastronomy and the taste of the wine is irresistibly charming. Crazily bourguignon with a slight bitterness and a delicate velvet. All in this wine is courteous. There is a French expression which is: « I will not wait 107 years », when one is annoyed by someone’s delay. There, we drink a wine of 107 years, which waited 107 years that we decided to drink it. And he shows us how happy he is that we drink him. I drink the bottom of the bottle, without the slightest dregs, the pink color barely darker than that of the second or third glass. Juicy, easygoing, racy, delicate, velvety, it has everything to please. I’m so happy with the agreement that I’m bringing a glass to Ken, the cook who cooked the pigeons, to let him feel how good the deal was.

The dessert is delicious but the Bonnezeaux Yves Baudriller 1937 stayed too long in a refrigerator too cold. It will take long minutes for him to enlarge. It is marked by roasted notes of coffee, reminiscent of those of a Royal Kebir Frédéric Lung. The wine is sweet, pleasant, but we are a little saturated and still under the spell of the red wine.

This meal was illuminated by a totally exceptional 1911, great eternal wine that shows the wisdom of the winemakers of the time and a sublime accord between this wine and the delicious pigeon. The kitchen team of the restaurant made a wonderful meal. In a friendly atmosphere we lived an unforgettable moment of communion, linked to our common passion for ancient wines that we venerate. So, it was a « blue moment like children’s dreams » (1) …

  1. The original poem of Charles Baudelaire says « There are fresh perfumes like children’s flesh »

(pictures are in the following article in French. See below)