Un membre de l’Académie des Vins Anciens fanatique de vins chenus ayant lu sur le blog les adresses où je me rends et partageant les mêmes eut l’idée que nous nous rencontrions. Ce fut fait. Nous allons déjeuner chez Yvan Roux ce rugbyman chaleureux aux poissons délicieux. Nous arrivons pour déjeuner, et la beauté du panorama découverte à travers l’immense baie de la salle où nous serons installés nous stupéfie. La maison est harmonieusement dessinée. Le nombre d’or a dû être utilisé dans toutes les proportions. La piscine intérieure émeraude, la mer d’un bleu azur de fin d’été, la terrasse immense où des sofas profonds attendent des rêves, la vue californienne, la table unique qui fait de nous les maîtres de l’espace, tout porte au plaisir gastronomique.
muscat de Samos Jarrousse datant très probablement de la fin des années 50 est chaleureux, délicat, avec des notes de vanille et une finale de café. Une belle tranche d’un Pata Negra onctueux, dont le gras et le sel sont harmonieux fait sourire le muscat. Les bouteilles que j’ouvre proviennent d’une excursion qu’il avait faite en Languedoc. Une étiquette manuelle indique « vin rouge 1920 ». Tout indique que c’est 1920 et que c’est mort. Ce vin aigrelet ne reviendra pas à la vie. Nous l’essayons sur des beignets d’anémones de mer au goût très expressif, mais ça ne le réveille pas, alors qu’avec le Samos, la combinaison se fait bien si on prend bien soin de ne pas laisser l’alcool dominer en bouche, l’anémone prenant un léger goût d’artichaut. Le « demi doux 1948 » lu sur une étiquette de la même écriture est éblouissant. Ce vin a des inflexions de vieux Maury, a une complexité aromatique rare. Sur les seiches cuites élégamment, le demi-doux exprime son talent. J’avais apporté un Laville Haut-Brion 1983 au nez impérial qui fonctionne aussi bien sur les seiches mais imprime sa forte personnalité au chapon à la chair intense. Nous essayons un Bagnard, Côtes de Provence rouge 2004 du Château des Valentines. Ce jus sur-travaillé est manifestement hors sujet. Une glace vanille éteint le feu de la passion gustative de ce moment de grand bonheur. Je retiens surtout le demi-doux 1948 comme surprise absolue, tant l’élégance et la complexité aromatique étaient insoupçonnables dans ce banal flacon perdu dans le recoin d’une cave ignorée.
J’ouvre les reliques apportées par mon ami. Un
Le sourire d’Yvan, son talent à trouver les poissons les plus beaux, sont un appel à revenir… Ce fut fait, pas plus tard que le lendemain, ma fille me conviant à cette adresse que j’avais vantée. Les vins de la veille étaient toujours là, le niveau restant indiquant ceux que nous avions aimés. Le rouge 1920 est toujours mort, mais serait devenu presque buvable. Le Samos est éblouissant, alors que le demi-doux 1948 montre des signes de fatigue, tout en gardant sa jolie complexité. Le Laville Haut-Brion 1983 est impérial de sérénité. J’en ai encore plus goûté le charme exquis que la veille. Ce vin est éblouissant. Je m’attendais à ce que ma fille aux tendances parkériennes apprécie le Bagnard 2004, mais j’avais l’arme fatale, un Mas des Baguiers, Bandol 1989 qui lui fit oublier le jeune vin brutal pour des saveurs subtiles adaptées aux calamars aux seiches et à la langouste. Pour la petite friture de rougets et le Pata Negra, la Cuvée Grand Siècle de Laurent Perrier est l’accompagnement idéal. Une nouvelle belle soirée dans un cadre enchanteur chez un artiste des poissons.