Cette journée de mai est certainement la plus chaude depuis le début de l’année. Nous sommes invités chez des amis, et ce que nous avons proposé, c’est que je prenne en charge les vins et que ma femme compose tous les mets de l’apéritif. C’est la première fois de l’année que nous dînons dehors, face à la mer.
Le Champagne Henriot magnum 1996 a une magnifique couleur dorée. Le nez est intense, et comme souvent le goût est celui de la couleur, c’est-à-dire des fruits jaunes. Sur des petits toasts au foie gras poêlé, le champagne est d’une grande douceur. Et il épouse le foie gras en trouvant une belle longueur. Sur une pâte brisée aux sardines broyées, le champagne prend de la hauteur. Il gagne en intensité et en richesse mais perd un peu de sa longueur. Sur des palets au parmesan, c’est sans doute ainsi que le champagne trouve sa personnalité, combinant la densité et le doucereux. Un camembert Jort coulant est mangé à la petite cuiller. L’accord est intéressant sans être vibrant. Une tarte à l’oignon est assez excitante, car l’oignon est à la fois sucré et salé. Il titille bien le champagne. Je dirais que dans tout ce qu’a préparé ma femme, la complémentarité avec le champagne Henriot est, selon mes préférences, la sardine, le foie gras et le parmesan.
Notre ami Claude a préparé deux beaux vivaneaux roses, pour lesquels j’ai apporté Château La Conseillante 1981. Ce millésime est souvent considéré comme neutre et limité, aussi la vivacité de ce vin est surprenante. La couleur du vin est d’une folle jeunesse, d’un rouge rubis et le niveau est haut dans le goulot. Le nez est typique de pomerol, et il se confirme une fois de plus que les pomerols épousent les poissons roses à la perfection. Je suis très étonné de la richesse et de la matière de ce vin de 1981, qui est mis en valeur par le poisson de façon saisissante.
Le vin qui est prévu pour la suite est Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 1998. Nous l’essayons sur le poisson et c’est évident qu’il y a un rejet très net. C’est sur les fromages que nous jouissons de l’extrême fruité de ce vin, dont je n’attendais pas autant de fruits rouges et noirs. Encore jeune, ce vin est joyeux, de belle mâche. C’est sur un fromage de brebis des Pyrénées très jeune, donc faiblement typé, que le vin s’est délicieusement épanché.
Le dessert qui m’avait été annoncé était une glace de chez Ré à Hyères, sans qu’on me dise le parfum. Ma femme avait préparé de délicieux palets au sucre. La glace est à la vanille, traitée de façon très légère.
Le Coteaux du layon Village Domaine Lecomte 1990 met un sourire sur tous les visages. Ce vin est délicat. Il est doux, et tout en finesse. Tout est suggéré, raffiné, enveloppant de douceur romantique. C’est un vin éminemment agréable, un vrai vin de dessert.
Alors qu’il était bien tard, le froid humide de la nuit est tombé d’un coup, nous obligeant à mettre de chauds pull-overs. Nous n’avons pas voté pour les vins mais il est tentant de les classer non pas sur la valeur intrinsèque, qui mettrait Le Corton en premier, mais sur l’adéquation des vins au moment et au repas. Et cela donne : 1 – Coteaux du Layon Village, 2 – La Conseillante, 3- Champagne Henriot et 4 – Le Corton. Ce repas préfigure avec brio les futures fêtes de l’été.