Comme chaque année Aubert de Villaine, qui dirige le domaine de la Romanée Conti vient présenter au siège de la société Grains Nobles les vins du dernier millésime mis en bouteille. Ce sera le 2019. Il devait être accompagné de son neveu Bertrand de Villaine, qui n’a pas pu se libérer de ses obligations.
Aubert de Villaine nous annonce qu’il s’est mis en retrait et pas en retraite, car il continue à s’intéresser à ce qui se passe au domaine. Il présente le millésime 2019 qui peut être considéré comme un grand millésime. C’est un millésime complet, d’une année passionnante que l’on peut qualifier de facile. L’hiver a été peu pluvieux, la chaleur a commencé très tôt, le débourrement a été précoce. Il n’y a pas eu de risque de gel. Il a fait chaud et les travaux ont dû être accélérés, la taille, l’ébourgeonnage, ce qui a posé des problèmes de timing. La floraison a été précoce et il y a eu un manque d’eau. Il y a eu du millerandage conduisant à un avortement partiel des grains de raisin, mais ce qui est aussi un signe de qualité.
Il a fait très chaud en juin, puis en juillet avec des périodes de canicule et une accélération de la maturité. Il y a eu des baies qui brûlent avec le risque que la vigne se mette en mode de survie, mais ça s’est bien passé. Il y a eu une petite pluie le 5 septembre et la maturité est allée très vite. On a évité la sur-maturité. La vendange a commencé le 15 septembre et le Montrachet a été vendangé plus tard.
Le profil de 2018 était très différent avec une vigne plus stressée. 2019 a fait des vins magnifiques avec des raisins juteux aux couleurs magnifiques, comparables au millésime 1865. C’est intéressant qu’Aubert de Villaine mentionne 1865 car dans la revue Vigneron qui vient d’être publiée je consacre un article d’une page au millésime 1865 qui dans plusieurs régions est considéré comme un millésime unique. Voilà une nouvelle convergence que je peux ajouter à celles que j’avais faites.
Aubert de Villaine nous fait méditer sur le fait que 1864 est très proche de 2018 et 1865 très proche de 2019, ce qui semble indiquer que le comportement de la vigne lors d’un millésime influence la vigne lors du millésime qui suivra.
C’est une réflexion que j’ai eue aussi, mais en tant que dégustateur. Pourquoi 1899 et 1900 sont des millésimes mythiques comme 1928 et 1929, 1989 et 1990 et j’y ai ajouté une interrogation qui est la suivante : pourquoi les années mythiques se succèdent d’une année sur l’autre ou bien avec un intervalle d’un an : 1869 & 1870, 1899 & 1900, 1928 & 1929, 1945 & 1947, 1959 & 1961, 1989 & 1990. Un millésime n’est donc jamais isolé dans le fil du temps.
Nous passons maintenant à la dégustation.
Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2019 a donné très peu de bouteilles du fait d’une très grande sélection. Le nez est extrêmement intense et incroyable. La bouche est flatteuse et charmante. Le vin est gourmand et superbe avec une belle fraicheur. Il y a eu 100% de vendange entière ce qui donne une petite touche végétale qui explique la fraîcheur.
J’ai eu la chance de déguster ce Corton depuis la première année qui est 2009. Le progrès de ce vin est éblouissant. La réussite est certaine. Ce vin est impressionnant.
L’Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez d’un raffinement extrême, fait de velours. L’attaque en bouche est forte. Le vin est viril. Il a une puissance inhabituelle. Il aura une longévité extrême. Il a une belle fluidité, il est droit et solide, très concentré. Il a 90% de bois neuf, mais on ne le sent pas, comme pour le Corton je dirai que ce vin est impressionnant.
Le Grands Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez plus calme, mais on sent qu’il annonce une bouche superbe. Et effectivement l’attaque est superbe et plus élégante que l’Echézeaux. Son finale est plus court, mais quelle grâce. C’est un vin de plaisir où l’on sent un peu de chocolat. Aubert de Villaine dit que c’est un vin discret.
La Romanée Saint-Vivant Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un parfum élégant et noble. En bouche le vin est renversant. Il a la douceur, le charme, la noblesse. Je note : c’est fou. C’est un vin immense de qualité. Aucun vin ancien ne pourrait donner l’émotion que porte ce vin jeune. Il y en aura d’autres mais quelle fraîcheur, quelle finesse. Ce vin éblouissant est parfait.
Le Richebourg Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez puissant et élégant. En bouche il combine puissance, équilibre et gourmandise. Il passe en force mais on voit bien qu’il est grand. Il a des petites pointes de poivre.
La Tâche Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 est servi dans de grands verres Riedel qui ont un peu perturbé ma dégustation. Ainsi je trouve le nez fermé et cela subsistera en changeant de verre. La bouche est pleine de grâce. C’est un très grand vin mais qui me semble plus discret que les autres. Il faudra l’attendre et il sera très grand. Sa finesse et sa complexité font qu’il sera très grand mais j’ai senti Michel Bettane et Bernard Burtschy plus laudatifs que je ne l’ai été. Je suis sans doute passé à côté.
La Romanée Conti Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez élégant où je trouve plus de fruit rouge que dans les autres vins. La bouche est tellement agréable, de fraîcheur et de subtilité. Mais c’est surtout le finale qui est d’une largeur aromatique formidable. Le finale fabuleux m’émerveille. Le milieu de bouche est joyeux et gourmand mais c’est vraiment dans le finale que le vin est immense. On s’habitue à sa gourmandise et je sens le cousinage avec la Romanée Saint-Vivant.
Ce que je retiens à ce stade, c’est l’immense progrès du Corton, la grâce de la Romanée Saint-Vivant et le finale de la Romanée Conti. Sans oublier bien sûr que les autres sont superbes, confirmant la qualité du millésime.
Le Montrachet Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 est d’une couleur très claire qui confirme l’absence de botrytis. Le nez est incroyable de force. Il a des pointes de pierre à fusil. C’est le Montrachet absolu. Quelle classe. C’est un régal. C’est un monstre de bonheur, extraordinaire et hors norme. Il est la perfection absolue et on ne peut pas imaginer qu’il puisse devenir meilleur. Il est étonnant et évidemment le premier de cette dégustation. Il est très certainement un des plus grands Montrachet Domaine de la Romanée Conti que j’ai bus.
Si je pense aux émotions ressenties, je dirais : 1 – l’extraordinaire Montrachet, 2 – la grâce divine de la Romanée Saint-Vivant, 3 – le finale entraînant de la Romanée Conti, 4 – la réussite de l’Echézeaux, 5 – le niveau atteint par le Corton.
Selon la tradition nous avons dîné avec Aubert de Villaine, Michel Bettane et Bernard Burtschy, l’équipe de Grains Nobles et deux élèves de Sciences Po qui ont aidé au service des vins et sont passionnés de vins. J’avais apporté un Vega Sicilia Unico 2000 au finale d’une fraîcheur mentholée, qui a accompagné la simple et sentimentale cuisine du lieu que j’apprécie.
Cette soirée fut mémorable avec des vins jeunes au sommet de leurs qualités.
Aubert de Villaine salue un habitué américain
la couleur de la Romanée Conti
le dîner