Un déjeuner de presse est organisé par le Château Guadet, un Saint-Emilion. Guy-Pétrus Lignac dirige le domaine avec son épouse et son fils Vincent qui a pris la direction de la vinification. Il a engagé la démarche en biodynamie et profite de son expérience acquise dans les vignobles des quatre coins de notre planète.
Nous sommes reçus dans un minuscule jardin niché dans l’hôtel Royal Monceau maintenant Raffles. La presse du vin est représentée par des français bien sûr mais aussi par des chinois, belges, japonais et des coréens. On trinque sur le Château Guadet 2011 très plaisant, très pur et authentique. C’est la pureté qui est la qualité principale de ce vin. Le Château Guadet 2010 est un joli vin, qui a pris un peu de muscle. Même si l’année 2010 est plus étoffée aujourd’hui, je préfère la pureté du 2011.
Deux carafes nous sont annoncées comme recelant de plus vieux vins. Le premier qui est servi trahit une certaine fatigue. L’amertume est trop prégnante et le bois n’est plus maîtrisé. Je le dis aimablement à madame Lignac qui en convient. Voulant imaginer le millésime je pense aux années quarante, mais Nicolas de Rabaudy lance 1964 qui est la bonne réponse. L’idée des années quarante correspond à la fatigue excessive du vin. Heureusement la deuxième carafe du Château Guadet 1964 est nettement meilleure. L’attaque est belle, fruitée. L’amertume est toujours là, ainsi que l’astringence, mais elles sont mesurées. Je demande à Manuel Peyrondet, le sympathique sommelier du lieu, de me garder quelques pincées de ce nectar.
Nous passons à table dans la magnifique salle à manger de l’hôtel, relookée par Philippe Starck avec une réussite certaine. Sous un plafond aux peintures très modernes et tendance, les décorations sont vives et rassurantes. On se sent bien. Nous sommes répartis en trois tables, ce qui est toujours frustrant, mais j’ai la chance d’être assis à côté de Guy-Pétrus qui est de la cinquième génération des propriétaires de Guadet.
Le menu mis au point par le chef Laurent André est : risotto aux morilles, jus de viande, fromage râpé de fromage « Primo sale » / selle d’agneau de Lozère rôtie, sacre de légumes de printemps / tarte feuilletée aux fraises, menthe fraîche (dessert de Pierre Hermé). On ne peut pas rêver de meilleurs plats pour mettre en valeur les vins.
Le Château Guadet 1998 a la même astringence que le 1964. On sent la continuité historique. C’est un vin « ancienne école » un peu serré.
Le Château Guadet 2001 est un peu trop strict. Le Château Guadet 2005 est un vin parfait. Il est charmant, équilibré, naturel, sans chichi, mais précis. J’adore.
Le Château Guadet 2006 est très riche, fruité, plus généreux que le 2005. Je me demande si je préfère le 2005 ou le 2006 plus dynamique. Mon cœur penchera pour le 2005.
Le Château Guadet 2007 a beaucoup de charme même si la matière est plus faible que celle des deux années qui précèdent. C’est à ce moment que Guy-Pétrus me dit que Stéphane Derenoncourt conseille le château depuis novembre 2005.
Le Château Guadet 2008 est bien fait mais un peu râpeux. Je ne le trouve pas totalement équilibré. Je suis assez surpris par la couleur noire du Château Guadet 2009. Pour moi ce vin n’est pas Guadet. Il est un peu trop moderne pour mon palais, alors que j’ai aimé le 2011. Il se peut que le 2009 soit dans une phase ingrate.
Je suis curieux de revenir au 1964. Le nez est somptueux. L’attaque est magistrale et exprime l’âme de Guadet. C’est un grand vin et il faut oublier l’astringence qui raccourcit le final.
De cette dégustation je retiens quatre vins : le 1964, splendide expression de l’âme de Guadet, malgré un final un peu restreint. Le 2005, le plus épanoui et brillant. Le 2006 très joyeux, et le 2011 dont la pureté m’a impressionné.
Le vin a évolué vers plus de précision. J’ai l’impression que sur quelques années on s’est un peu écarté de la trace historique, pour un travail mieux fait mais plus moderne. L’année 2011 avec Vincent marque sans doute une recherche de la trace historique de ce beau château.
Le1964 montre que tout existe pour tenir le ticket gagnant.
Nicolas de Rabaudy, le chef Laurent André, Guy Pétrus Lignac, Vincent Lignac et sur laphoto de droite, madame Lignac.