Ouverture dominicale d’un Ruchottes-Chambertin Grand Cru Domaine Mugneret 1990. Presque aussi long d’écrire ce vin que de le boire, tant il est gouleyant. Une belle expression de Bourgogne, et un léger début d’acidité qui est signe de longévité. Mon hôte me demande si ce vin mérite de vieillir. Et je réponds : « non ». Ce vin va rester dans cet état accompli pendant de longues années, mais pour au moins vingt ans, il ne va rien gagner. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’il va prendre cette rondeur qui va estomper toutes les rugosités et donner ces Bourgognes vieux si attachants et si différents. Or, aujourd’hui, qui a la patience de garder un vin plus de vingt ans ? Dans tout horizon visible ce vin sera aussi bon. Autant en profiter à son gré, et boire les vins anciens avec wine-dinners.
A la Grande Cascade, ce restaurant si attachant, au charme Belle Epoque, un vin jaune Domaine de la Pinte 1976. Sur une crème aux morilles, c’est classique, mais quel plaisir. J’ai fait découper quelques tranches de Comté de deux ans de leur si merveilleux plateau pour finir ce vin jaune sur les notes qui l’embellissent. Je suis réellement amoureux de ces vins qui sont si étranges, lunaires, dérangeants de beauté énigmatique. Domaine de Chevalier rouge 1996. C’est évidemment jeune, donc dans le fruit, mais quel beau vin, fait avec les méthodes ancestrales et authentiques. J’aime ces vrais Bordeaux, même quand ils sont jeunes.
Chez Laurent, où se tiendra le 2 mai le prochain dîner de wine-dinners, un Collioure, Domaine du Mas Blanc Docteur Parcé et Fils 1994. C’est du pur grenache. Lorsqu’on le découvre seul, c’est une explosion de fruit, mais dans un strict habillage. Puis le plat le transcende. Sur de merveilleux pieds de porc, ce vin prend une générosité extrême. Un vrai vin de plaisir. Patrick Lair, le sommelier que j’ai déjà vanté dans un précédent bulletin m’a apporté un verre de vin. Il ne m’a pas laissé chercher longtemps : Latour 1988. Vin d’une très grande complexité au nez, et malgré dix heures d’oxygénation, il est encore fermé. Il a un potentiel de garde extraordinaire, et contrairement au Ruchottes cité ci-dessus, il va gagner en génie année après année. Intéressant de voir qu’un Collioure peut ravir le palais, mais quand on côtoie le summum du vin, on aperçoit les trésors de richesse et de complexité qu’offrent les plus grands crus. Une petite remarque. Lorsque des experts s’ingénient à trouver des goûts ou des saveurs bizarroïdes, cela me fait sourire, même si j’en comprends la nécessité : il faut savoir décrire un vin. Dans ce bulletin, je ne décris que la musique. Je n’éprouve pas le besoin de solfier. Mais sur ce Latour 88, je dois dire que j’ai été ébloui par les senteurs de fleurs de printemps. « Flower power » chez Latour.
A l’Hôtel Raphaël, discrète étape parisienne très « cosy », un Rully Joseph Drouhin 1999. Mon hôte, comme moi, aime le Rully, cette discrète appellation qui réserve de bonnes surprises. Honnête vin un peu acide, mais qui accompagnait bien un homard fort bien préparé. Un Beaune Grèves Vignes de l’Enfant Jésus Bouchard 1997. J’ai choisi ce vin en pensant que nous allons déguster des Bouchard le 2 mai. Petit clin d’œil « d’avant match ». C’est un vin classique, mais un peu trop standard à mon goût. Il allait parfaitement avec un Saint-Pierre bien interprété. Juliette Gréco disait : « étonnez moi Benoît ». On dirait à ce vin : « étonnez moi Bouchard », car on aimerait un peu plus. Mais je n’ai pas boudé ce vin fort classique. Je dis cela car je suis un « fan » de Bouchard, qui sera à l’honneur le 2 mai.