Comment est-il possible que j’aie pu vivre tant d’années en région parisienne sans avoir jamais jeté l’ancre au restaurant Benoit. Comme le dit le menu : « chez toi, Benoit, on boit, festoie, en rois ». Dès le seuil passé, l’ambiance est celle d’un bistrot à l’ancienne, dans son jus. Ce n’est pas façon bistrot, c’est bistrot. La brigade est très professionnelle, virevolte à bon escient. Tout me met dans une ambiance sympathique qui conduit à oublier toutes les bonnes résolutions de contrôle des régimes.
La carte des vins est intelligente, donnant à chacun des occasions de trouver de bonnes pioches. Les prix sont musclés, mais l’appartenance au groupe Ducasse y est pour quelque chose. Je suis invité et comme je suis d’humeur à boire grand, je propose d’offrir le vin, ce qui n’est généralement pas refusé. Je ne regarde pas le menu du jour, et je fonce sur la carte pour y trouver du lourd, du sérieux, un truc pour hommes. Ce sera : escargots de Bourgogne en coquilles, beurre d’ail, fines herbes / filet de bœuf au sautoir, sauce bordelaise à la moelle, gratin de macaroni / millefeuille classique à la vanille.
Les escargots sont de vrais escargots, avec de l’ail qui ne joue pas les timides, et ce plat allume des milliers de souvenirs de repas avec mes grands-parents lorsque nous sillonnions la France dans des étapes de ce style. La viande est absolument superbe et goûteuse, une vraie viande, la moelle est abondante et le gratin pourrait être donné à des scaphandriers qui auraient égaré leurs semelles de plomb. Quant au millefeuille, il est aérien, divin, un vrai millefeuille d’antan. Au cas où nous n’aurions pas ingurgité en un repas la ration alimentaire d’un honnête chrétien pour une semaine, on nous tend un plateau de madeleines qui parachèvent ce voyage dans l’ultra haute calorie, mais de haute qualité.
Le vin que j’ai choisi est Château Rayas Châteauneuf-du-Pape rouge 2000. Il arrive à une température de cave de jour et ne sera pas carafé. Ce vin est tout simplement divin. Plus que d’autres 2000 de ce château que j’ai déjà bus, il joue à fond dans le registre bourguignon. Il a une jolie amertume, des accents râpeux très mesurés. Il n’est pas dans des registres de fruits mais dans des notes vineuses extrêmement élégantes. Tout en lui est mesuré et gracieux. Les escargots lui donnent une largeur extrême, ce qui est logique, car l’ail titille merveilleusement ces vins typés. Avec la viande, l’accord est comme celui de deux copains. Le vin et la viande sourient ensemble. Ce vin est joyeux, glorieux, incroyablement équilibré car il reste toujours dans la mesure. Il est juteux, séducteur, et on ne peut s’empêcher d’en reprendre et d’en reprendre. Ce 2000 est vraiment au sommet de l’expression de Rayas, lorsqu’il va sur des tendances bourguignonnes.
Le service est attentif et sympathique, la cuisine traditionnelle est exactement ce qu’elle doit être. Comme le dit le menu chez Benoit, je me suis senti comme un roi.