Pour l’entretien de ma maison, nous utilisons très souvent les services d’un serrurier électricien qui a tout du titi parisien. Expert en argot, il a la gouaille d’un Michel Audiard. Un plaisir à entendre, car on se croit immergé dans le monde des Tontons Flingueurs. Il a travaillé toute la journée, se lave les mains et me lance : « eh, alors, le patron, y sort pas son pinard ? ». Je descends en cave et je prélève une bouteille de Château Moulinet Pomerol 1976. La bouteille est belle et le niveau est dans le goulot. Avec un tirebouchon limonadier le bouchon se brise aux trois quarts et j’extraie le reste avec ma mèche miracle. Le nez est particulièrement expressif, profond, riche en alcool.
Si l’on comprend que le plaisir d’un vin est influencé par ce qu’on en espère, force est de constater que je suis stupéfait. J’attendais un honnête pomerol et je trouve un vin plus que surprenant. Je ne pense pas que La Conseillante de cette année serait plus complet. Le vin est très pomerol, avec une astringence et un râpeux qui n’appartiennent qu’à cette appellation que j’adore. Le vin est riche, creuse en profondeur un sillon de richesse dans le palais, et son final est construit sur des bases de grand vin. Et le plaisir est plus grand parce que je n’attendais pas ce niveau.
Plus tard, quand le vin s’ouvre, il est plus amène mais moins surprenant. On peut alors chercher ce qui le distingue des plus grands, mais si l’on ne pinaille pas, je dois avouer qu’il m’a donné du bonheur. C’est un vin bien plein, riche et profond, à la longueur plaisante, dont la râpe rappelant la sécheresse de l’année m’a beaucoup plu.