Nous sommes reçus chez des amis, face à la mer, par une belle soirée du milieu du printemps. Le Champagne Henriot en magnum 1996 nous fait une énorme impression. Sa couleur commence à s’ambrer, son parfum est raffiné et en bouche il est généreux, confortable et de belle soif. Il se boit avec un immense plaisir, au point qu’à trois buveurs sur quatre nous finirons presque le magnum à l’apéritif. Il faut dire que les journées sont longues en cette période de l’année. Les poivrons grillés ne sont pas franchement des amis du champagne, alors que la sauce aux anchois, prise sur un peu de pain, excite bien le champagne chatoyant. Le dos de cabillaud vapeur sur poireaux, gingembre et citron se mange sur un Quintessence, « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2004. L’année dernière, j’avais jugé brutal ce vin puissant. Il a gagné en rondeur et son âpreté, caractéristique des bons Côtes de Provence, trouve un écho dans la chair râpeuse et typée du cabillaud. Le vin est très appréciable, et l’on mesure encore plus sa réussite lorsqu’apparaît le Rimauresq, Côtes de Provence 2006. Trop jeune, fougueux, il joue dans la douceur et n’a pas encore trouvé la « râpe » que j’aime dans ces vins de soleil.
Nous testons des fromages variés sur les vins rouges et le dessert est une subtile crème au romarin du jardin. Ce dessert raffiné va repousser le Champagne Dom Pérignon 2000 par une opposition qui stérilise le champagne. Le goût du romarin est tellement prégnant que le champagne est noyé. Il reste dans une coupe un peu du Henriot qui s’est réchauffé. Cela permet de constater que le champagne Henriot accepte le romarin et n’est pas bridé alors que le Dom Pérignon, habituellement floral et romantique, est effrayé et tétanisé par la plante aromatique. Ce sont deux comportements opposés. Ce fut une belle soirée qui préfigure les plaisirs de l’été.