Le dîner du lendemain du 15 août se tient chez des amis qui ont participé au dîner du 15 août et au déjeuner au Mirazur. Notre groupe de six est le même. Des carottes et tiges de maïs se trempent dans une goûteuse anchoïade, des petites gaufres, des tranches passées au four de bananes plantain et de patates douces, des tempuras de fleurs de courgettes et autres beignets forment un apéritif gourmand.
Le Champagne de Souza Cuvée des Caudalies Blanc de Blancs sans année mis en bouteille en 2014 et dégorgé en octobre 2018 est d’une grande vivacité. J’aime son entrain, sa pertinence, et sa belle énergie. C’est un grand blanc de blancs très cinglant.
Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle sans année est très différent. Il est plus subtil et romantique évoquant de belles fleurs blanches. Il est de pure séduction.
Sur une plancha électrique des langoustes cuisent, traversées par de longues piques. Et quand nous passons à table, la pique pend à la place de chaque convive, soutenue par une potence. Ce qui permet à la maîtresse de maison de faire suinter sur chaque queue de langouste une sauce complexe à la vanille et d’autres épices. C’est du plus bel effet et la langouste est parfaitement cuite et assaisonnée.
Le Corton Charlemagne Domaine Rapet Père & Fils 1988 est joyeux, large sans être opulent comme les plus grands Corton Charlemagne. Il joue bien son rôle et l’accord langouste vanillée et ce beau blanc épais fonctionne bien.
La lotte est présentée en papillotes et lorsqu’on dénoue le lien, le parfum qui exhale est entraînant. La cuisson de la lotte est divine, ce que nous n’avions pas trouvé au Mirazur. C’est le fenouil qui permet que le plat accueille un vin rouge. Le Chambertin Clos de Bèze Adrien Pierarnault 1984 est d’une année discrète et cela lui va bien, car il joue sur sa subtilité délicate. Le vin ne cherche pas à jouer en puissance et cela nous permet de l’aimer. L’accord est pertinent.
La viande de bœuf présentée en tournedos et accompagnée de pommes de terre passées deux fois au four est associée à deux bordeaux. Le Château Mouton-Rothschild 1990 a un nez un peu imprécis mais sa mâche est belle. Ce n’est pas un des plus grands Mouton, mais il est agréable. La difficulté pour lui, c’est d’être servi en même temps qu’une merveille. Le Château Latour 1975 est magnifique. Lorsque mon ami a voulu l’ouvrir vers 16 heures, il a observé une chose curieuse : le bouchon a été comme aspiré par la bouteille et est tombé dans le vin sans réaction possible. Le vin a été carafé et offre un parfum brillantissime. Et le vin fait comprendre en quoi des vins comme Latour sont au-dessus de tous les autres. Ce vin est divin, tout velours, subtil, riche, élégant et aussi délicat.
J’avais raconté aux amis la grande surprise lorsque j’avais constaté qu’un kouign amann pouvait être associé avec un château d’Yquem, ce qui va à l’encontre de toutes les préconisations pour Yquem. Nous avons voulu faire l’essai et nous nous sommes tous mis en chasse de kouign amann, ce qui en Provence est difficile. Nos recherches nous ont procuré ces pâtisseries de trois origines, que nous avons essayé d’associer à un Château Rieussec Sauternes 1990. Aucun des trois kouign amann ne ressemble au vrai kouign amann breton, offrant profusion de beurre et de sucre. De ce fait l’accord n’est que poli. Heureusement la maîtresse de maison avait prévu des pamplemousses roses et des tartelettes au citron, ce qui a mis en valeur le beau sauternes, très différent d’un Yquem. Sa couleur est très sombre, son nez très subtil. Il est plus vif et incisif qu’un Yquem mais moins large et moins kaléidoscopique. Il m’a procuré beaucoup de plaisir. Et le prolongement que donne le pamplemousse rose crée une longueur infinie.
Je me suis amusé à classer ensemble les vins et les plats et mon choix est : 1 – la langouste pour son extrême originalité, 2 – la lotte pour sa cuisson idéale, 3 – Château Latour 1975, vin de qualité exceptionnelle, 4 – Château Rieussec 1990 pour sa grâce.
Ce repas est une réussite absolue au plan de la cuisine. Nous avons refermé le livre de nos aventures, contents que ce rite des événements du 15 août nous apporte autant de plaisirs et d’amitié.
on voit les potences à chaque place, pour les langoustes