Comme par un fait exprès, j’ai pu appliquer ces principes lors d’un repas impromptu fait à domicile. Je ne sais pas par quel hasard j’ai pu acquérir un champagne Pâques Gaumont brut. Il est d’une année que je situe vers 1960 tant son enveloppe de papier argenté se disloque au moindre contact, et tant le bouchon s’est rétréci. J’acceptais le risque de l’ouvrir.
La surprise fut bonne : belle couleur légèrement dorée, la bulle est un peu épaisse mais fournie. Le goût est d’un agréable champagne bien fait avec une bonne densité.Sur un foie gras, le Savennières Domaine des Baumard 1969 forme un délicat mariage. Couleur d’un or vert. Nez presque similaire à celui du Clos Sainte Hune, et en bouche un bon équilibre entre les saveurs citronnées d’une belle jeunesse et une rondeur quasi grasse. Très intéressant vin qui laisse une longue trace en bouche.
Sur un canard au miel, le magnum de La Mission Haut-Brion 1972 commence par présenter un aspect fermé, poussiéreux qui me fait craindre que cette petite année délivre un vin incomplet. Or, très rapidement, le vin s’ouvre, quitte l’amertume initiale pour s’arrondir fort agréablement. Ce n’est évidemment pas une grande année, mais tous mes convives ont adoré, sachant ce qu’ils buvaient. Le vin a brillé sur le canard mais aussi sur un chèvre très dur et très pur. Le vin jaune Château d’Arlay 1986 est d’une aridité de jeunesse. Agressif, insolent, brutal, il forme avec un Comté de 36 mois un choc gustatif qui crée – une fois de plus – un de ces accords si excitants. J’aime ces étrangetés qui ont ravi et conquis mes hôtes.
Sur un gâteau au chocolat plutôt sec dans sa présentation, je risque un Golsener Strohwein (vin de paille) 1998 de Neusiedlersee en Autriche. Ce vin titre 11°. Il a des saveurs de mangue, de fruit de la passion, mais aussi de caramel. Son sucre est du plomb fondu. Dense, avec une longueur infinie, il est d’un charme étonnant.
Lors de ce repas on a exploré cinq régions : Champagne, Loire, Bordeaux, Jura et Autriche, avec des saveurs d’une rare diversité, avec des vins qui ne sont pas des phares, mais présentent de belles originalités. Le lendemain le Savennières s’est encore amplifié. Un Volnay Taillepieds Domaine d’Angerville 1997 titrait 13,5° comme le vin jaune. Alors que le Volnay paraissait léger, aérien et fort agréable vin de soif, le vin jaune paraissait largement plus alcoolique.
Je suis revenu aux vins qui sont dans l’esprit de mon ami en ouvrant un champagne Salon 1988, mais je l’ai fait sur des sushi. Ce champagne est capable de s’adapter à toutes les situations. Ici il devenait sucré à cause de cette sauce d’encre si salée. Il accompagna même très bien un Brie de Meaux.
Le débat sur les vins à faire briller dans des repas est évidemment ouvert. Je persiste à penser qu’il faut explorer tous les niveaux et toutes les périodes pour réellement rendre hommage au travail des hommes qui ont fait l’histoire du vin. C’est ce que j’ai dit sur TF1 dans « Histoires Naturelles » baptisé « In vino.. » qui mérite d’être regardé pour les jolis témoignages de vignerons attachants. S’il est rediffusé, ne le manquez pas.