La Saint Vincent se fête à Mesnil sur Oger, le fief des plus grands blancs de blancs de champagne. Le regroupement se fait à la mairie, diverses confréries arborant leurs tenues distinctives. Les maîtres du Mesnil sont vêtus de vert. Leur coiffe est à bords arrondis. Un fort contingent du calvados venait en ami et en habit. Ils avaient prévu de partager de redoutables provisions de bouche de leur région, sans doute cachées dans leurs basques. Le maire fait un discours sobre et circonstanciel et le cortège en procession se rend à la magnifique église d’une belle élégance qu’aucune ajoute moderne n’a massacrée. Encore un de ces trésors de notre histoire qui disparaîtra dans peu de temps si l’on ne traite pas rapidement de méchantes fissures. Un jeune prêtre d’origine polonaise va officier. Les références bibliques pouvant être vineuses, il ne manqua pas d’en user, confessant avec candeur que sa position ecclésiastique ne lui avait pas interdit d’explorer les subtilités du Chardonnay local. Une chorale élégante sut mêler en ces lieux bénits le sacré et le discrètement bachique, séparation ignorée par un groupe de jazz de bel entrain aux accents ostensiblement païens.
La confrérie tenait assemblée dans la salle du pressoir de la maison Gonet où moult discours furent égrenés. Je fis partie de la nouvelle promotion, adoubé à l’épée et baptisé au champagne « le Mesnil », champagne de la coopérative locale que j’ai trouvé fort bon. Quatre cents personnes se retrouvent à la salle des fêtes pour un repas goûteux réalisé par un traiteur de la région. L’avantage d’être à Mesnil-sur-Oger est que l’on ne se fait pas de souci pour la boisson. Tout ce qui vient de cette commune est la crème de la crème. Un champagne de la maison Martell trop dosé me parut moins bon que le champagne de coopérative très « nature » que je repris avec plaisir. Un champagne de l’un des Audois était plus floral, joyeux, mais je continuais à préférer le coopératif. Il fallut un champagne Cazals 1998 au nez plus généreux pour que je trouve une intensité supérieure, de nature à m’aguicher. Le champagne Delamotte NM en magnum confirma sa justesse de ton et je remarquai la belle élégance du champagne Gonet proposé. Le groupe de jazz dont le clarinettiste a un talent certain anima joyeusement cette belle assemblée où je rencontrai des personnes sympathiques et enjouées. Le dessert de ce déjeuner n’étant toujours pas servi à l’heure où l’on commence à siffler l’apéritif du soir, je quittai cette confrérie de plus en plus animée, ravi de cette cérémonie au rite collégial et formel qui a l’intelligence de ne pas en faire trop. Le charme de ces blancs de blancs a de nouveau opéré. C’était certainement ce qui était recherché. Ce fut réussi.