Enfin nous avons nos trois enfants et leurs enfants ensemble auprès de nous. Il faut qu’un grand flacon marque l’événement.
Les petits enfants courent partout et leurs rires tentent de couvrir l’espace sonore que monopolisent les cigales et la mer. Ils y arrivent parfois.
Le Champagne Bollinger Grande Année 1989 est d’un or superbe et généreux. Il se place bien en bouche, vineux mais aussi confortable. C’est un champagne épanoui, serein, sans histoire. La poutargue moelleuse mais profonde lui rend un écho vibrant.
Vient enfin le tour du Champagne Krug Vintage magnum 1990. Mon gendre me rappelle que c’est ce même champagne que j’avais ouvert pour ses fiançailles avec ma fille cadette. Le choc gustatif est extrême et nous nous félicitons que ce Krug ait été précédé du Bollinger. Car la pureté du 1989 permet de mieux comprendre la fabuleuse complexité du Krug. Il y a du floral, d’une délicatesse rare. Et il y a surtout des fruits rouges, comme en pâtes de fruit. L’intensité de ce champagne est extrême, ainsi que sa vibration. Sur des anchois, sur une anchoïade, sur du foie gras, sur du lomo, il brille chaque fois. Il est imposant sans s’imposer, de longueur extrême et de complexité absolue. S’il n’a pas le romantisme et la gracilité d’un Krug 1982, il a l’aisance d’un champagne accompli.
Le repas est simple, consistant en des chipolatas aux multiples parfums. J’en ai retenu cinq, aux herbes et épices redoutables. Le Terrebrune Bandol 1997 nous déçoit, car après l’invraisemblable Baguiers d’hier, il joue en dedans, et nous soupçonnons qu’il a eu un coup de chaud en cave. Il y a bien sûr tout ce qui fait qu’on aime le Bandol, mais sans relief. Le vin joue « en dedans ».
Il met d’autant plus en valeur un Pibarnon Bandol 1990 superbe, et tellement Bandol ! Il y a la garrigue, le romarin, le thym et le fenouil et cette râpe que j’aime. S’il est grand, il n’arrive pas à nous faire oublier le Baguiers d’hier.
Les enfants se font d’autant plus bruyants qu’ils sont fatigués mais ils rient de si bon cœur. Une salade de brugnons blancs met en valeur le fond du Krug car il fait ressortir son fruit délicat.
Par un beau soir d’été en famille quasi complète, un Krug magistral a fleuri notre plaisir d’être ensemble.