L’amie que nous devions recevoir nous rend visite deux jours plus tard. Il n’est plus question d’épaule d’agneau. Ce sera un poulet. J’ai l’humeur à ouvrir de grands vins. L’apéritif se prendra avec un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème sans année, qui a été commercialisé, si ma mémoire est bonne, dans les années 90, avec des vins sur des années des décennies 90 et 80. Il y aura des olives de Kalamata, des chips à la truffe, du fromage Jort, une rillette parfaitement adaptée au champagne, mais le meilleur accord, surprenant, sera de petits toasts à la confiture de fraise et des copeaux de stilton. Le champagne avait été ouvert une heure avant le repas et son bouchon très court était venu sans problème, délivrant un pschitt discret. Dans le verre la bulle est active et la couleur légèrement ambrée est jolie.
Ce champagne est un voyage sur une autre planète car aucun champagne récent ne pourrait offrir de telles subtilités. Ce champagne complexe est insaisissable comme un félin. Quand on croit avoir compris son message, il en change, délivrant une nouvelle palette de complexités. Il est d’un charme raffiné. C’est un grand champagne que j’adore.
Il se trouve que sur Instagram un grand amateur avait raconté sa dégustation d’un Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 et il l’avait trouvé parfait au point de lui accorder une note de 100 points sur 100. Ça m’a donné l’envie d’en goûter un que j’ai ouvert ce matin vers 9h30. J’ai cru pouvoir utiliser le tirebouchon limonadier pour remonter le bouchon mais le bas du bouchon, imbibé, n’est pas remonté. Je l’ai doucement levé avec la mèche que j’aurais dû utiliser avant la levée complète du bouchon. A l’ouverture la complexité du parfum annonçait un vin très riche. Au moment du service, dès le premier nez, je me suis senti comme le héros d’un film de cambriolage de banque, au moment où la combinaison du coffre, enfin découverte, libère une lourde porte et laisse montrer un trésor incommensurable. Car ce vin est une expression de la perfection du vin.
L’émotion n’est pas aussi vive que celle que j’avais eue en buvant l’Hermitage La Chapelle 1961, qui trône en haut de mon Panthéon, mais je ressens l’émotion que me donnent les vins parfaits, ceux dont on sait qu’ils ont atteint une forme totalement aboutie. Alors, je jouis de ce vin merveilleux, plein, riche, velouté, à l’amertume magiquement dosée. C’est du bonheur pur. J’imagine très bien que 1990 est le grand successeur de 1961 parmi les plus grands vins de ce domaine. Sa cohérence et sa longueur sont de vrais bijoux.
Le repas s’est conclu sur une galette des rois qui comportait une fève et un santon. Ce devait être un jour particulier pour moi, car j’ai eu la chance de trouver sur mon assiette à la fois le santon et la fève. Tout en ce jour était bonheur.
mes fèves