Il fait très chaud dans le sud. Yvan Roux a pris la direction des opérations de notre cuisine d’été. Fort curieusement le plat de ce soir sera un bœuf aux carottes. Ce n’est pas un plat régional et pas un plat d’été. Saisissons l’occasion pour vérifier si ce plat accepte du vin rouge ou du vin blanc.
Sur le ring (la table), à ma gauche, dans le coin bleu, un Saint-Véran blanc Maison Bichot 1989. A ma droite, dans le coin rouge, un Terrebrune Bandol rouge 1997. Ce championnat sera arbitré par la famille. Il n’y aura pas de compte debout et trois knock-down dans le même round feront perdre la partie.
La viande est assez ferme, les carottes goûteuses et peu croquantes. Le Saint-Véran se présente le premier sur le ring. Sa couleur est d’un jaune légèrement ambré, son parfum est délicat. En bouche, je suis déjà conquis par son style car j’ai vu ses précédents combats sur notre table les années précédentes et il m’avait chaque fois ravi. Nettement évolué il a pris des notes fumées qui mettent en valeur son chardonnay comme le font les lourds chardonnays américains. Mais il garde une French Touch de grande délicatesse. L’accord avec la viande aussi bien qu’avec les carottes est très convenable. Rien n’enchante mais rien ne choque. La sauce du plat ne brise en rien les élans du Saint-Véran.
Du coin rouge jaillit le Terrebrune 1997. Cueilli d’un uppercut du droit le Terrebrune s’écroule au premier round. Car si le nez ne trahit aucun goût de bouchon, c’est en bouche que la dégradation est forte. Au bout de dix minutes le goût de bouchon s’estompe, mais le vin reste encore déstructuré.
Le combat n’aura pas eu lieu. Les spectateurs dévissent leurs sièges pour les lancer sur le ring en criant « remboursez », car nous n’aurons pas pu ce soir vérifier si un rouge eût été pertinent. La consolation vient de ce Saint-Véran Bichot 1989 que j’ai déjà complimenté et qui se révèle une nouvelle fois charmant, équilibré, avec une forte persistance aromatique dans des tons de fumé. C’est un bien joli vin dont je pense, hélas, avoir asséché le dernier flacon.