Nous allons dîner en ville, ma femme et moi. C’est elle qui a choisi un lieu que je ne connais pas, le restaurant Akrame. Le format ressemble à celui de Yamt’cha ou l’Astrance : petite cuisine, petit nombre de tables, menu imposé. Il y a un petit et un grand menu, mais on nous fait comprendre que si l’on veut s’imprégner du talent créatif du chef, il serait bon de prendre le grand menu.
Je demande la carte des vins et je constate qu’elle est fort intelligente. Ne sachant pas ce qu’il y a au menu, je m’oriente vers les champagnes. Le maître d’hôtel sommelier pointe un vin sur la liste. J’en pointe un autre et cela produit la réaction suivante : « hors carte des vins, j’ai des Selosse ». Voilà quelqu’un qui sait parler à mon cœur. Je commande le Champagne Selosse millésime 2002 dégorgé en 2012. Le serveur a marqué des points.
Le menu, dont les intitulés ne sont donnés qu’à la fin du repas est : mini chou-fleur au beurre noisette / papier à l’encre de seiche / anguille fumée, croquant olives noires / yaourt / tomates noires de Crimée et litchi / coques, fenouil au Campari, beurre aux agrumes / cœur d’agneau, feuille d’huître, hareng / homard, citron, sel de homard / lotte au foin, courgettes, abricots / sorbet citron confit / ris de veau, oignon des Cévennes, émulsion pomme de terre / Ossau Iraty, champignons / ananas au charbon en monochrome tout chocolat, figue, badiane, crème anglaise citronnée.
Le chef est talentueux et c’est un festival de créativité, d’ingéniosité et de réalisation. Le chef est d’Oran aussi reconnaît-on les besoins d’épices et de citron comme soutien permanent. Mais le chef veut aller très loin et il y réussit. La lotte est un plat de première grandeur. Le dessert à l’ananas est un chef-d’œuvre d’inventivité. A côté de ces plats, certains sont parfois extrêmes. Les coques sont délicieuses, mais trop marquées par le pamplemousse. Le ris de veau, à force de vouloir bien faire, limite l’émotion. Mais l’on retient surtout le côté positif des choses. Voilà une cuisine enlevée, innovante, qui va progresser et devenir brillante avec la maturité.
Le service est attentionné et veut bien faire. On ne peut que l’encourager. La vedette, c’est le Selosse 2002. Son attaque est incroyablement fruitée. Il est généreux, droit comme un ‘i’, époustouflant de diversités aromatiques. Quel bonheur. Je n’ai jamais bu un 2002 de Selosse aussi joyeux que celui-là. Il faut dire que l’ADN des plats du chef étant imprégné de citron, le champagne s’en régale. Heureux que j’étais, j’en ai donné un verre à la table voisine où un américain d’origine asiatique et une japonaise vivant tous les deux à Hong-Kong fêtaient leur voyage de noces. Nous avons conversé avec l’envie commune de mieux nous connaître.
C’est un restaurant que l’on peut chaudement recommander. Le lieu va progresser, le chef va conserver son talent avec une moindre volonté de prouver à tout prix qu’il est grand. Il n’en a pas besoin. Longue vie à Akrame, restaurant chaleureux de grand talent.
le lieu étant très sombre, les photos sont imparfaites
très belle idée de joindre les représentations graphiques des plats