Pour la troisième fois cet été nous allons déjeuner au restaurant Alexandre Mazzia à Marseille. Nous avons invité notre fille aînée et ses deux filles. L’une d’entre elles suivait depuis longtemps Alexandre Mazzia, avec une admiration et une vénération certaines, mais elle n’était jamais venue en ce lieu.
Nous sommes reçus comme des amis par l’ensemble du personnel, dont Jean-Philippe, Kevin le sommelier et Margot. Nous choisissons le « Premier Voyage » car les deux dernières fois, les voyages plus généreux en plats étaient en fait trop généreux.
Le choix des vins avec Kevin est très agréable, car il est de bon conseil et pertinent. Pour commencer nous aurons un Champagne Jacques Lassaigne Blanc de Blancs 2013. Ce champagne est magique. Dès la première gorgée on ressent à quel point il est grand, racé, élégant et débordant de subtilités. C’est vraiment le champagne idéal. Quel bonheur.
Pour la suite du repas, j’aimerais un champagne qui ait du pinot noir. Comme le Champagne Marguet Verzenay 2016 100% pinot noir m’avait plu, Kevin me suggère de prendre le Champagne Les Beurys Marguet Grand Cru 2016 qui a 71% de chardonnay et 29% de pinot noir, dégorgé en mai 2021 comme le Verzenay précédent.
Kevin me le fait goûter, mais après le Lassaigne, ce n’est pas possible. Il est strict, puissant, mais n’a aucune émotion comparable à celle du blanc de blancs. Kevin, fort gentiment, me propose de changer de choix. J’apprécie ce geste mais la bouteille est ouverte. Je ne veux pas donner suite à son offre généreuse.
Le moment venu, nous dégustons une série de plats différents, et la distance temporelle avec le Lassaigne est suffisante pour que l’on puisse profiter du Marguet qui offre une belle structure complexe, faite pour la gastronomie. Il n’y a pas l’émotion gracile du 2013 mais il y a un solide champagne qui a sa place dans ce repas.
J’avais tellement aimé le Volnay les Caillerets, ancienne Cuvée Carnot, Bouchard Père & Fils 1999 dès le premier repas de juin que je l’avais commandé à nouveau au déjeuner suivant et j’avais une fois de plus considéré que ce Premier Cru joue dans la cour des Grands Crus. J’ai demandé alors à Kevin s’il en restait en cave et il en restait une que j’ai réservée pour ce repas. Comme les fois précédentes, j’ai demandé que le vin soit ouvert au dernier moment. Au nez, il me semble que ce n’est pas ce que j’attendais, mais Kevin a dû vérifier. Assez rapidement il m’apparaît que ce vin n’est qu’une pâle copie de ce que nous avions bu les deux fois précédentes. Kevin a pu confirmer ce que j’ai ressenti.
C’est curieux que lors des trois repas nous avons pu remarquer des différences de prestations très importantes pour trois vins : le Champagne Billecart-Salmon Cuvée Nicolas François 2002 dont une bouteille était moins bonne, les champagnes Marguet dont une est moins brillante, et le Volnay dont une n’a pas le niveau. Est-ce une coïncidence ou un problème de cave, je ne saurais le dire mais cette conjonction est inhabituelle.
Mes petites-filles ont adoré le repas, allant d’émerveillement en émerveillement. Pour ma femme et moi qui avons mangé des plats quasiment identiques sur les trois repas, aucune lassitude, aucune sensation de « déjà vu », car nous sommes enthousiastes du génie du chef et de sa créativité incroyable.
La présentation des plats par Jean-Philippe est remarquable. Le travail de sommellerie de Kevin, fait avec le sourire, est d’un grand professionnalisme. Une fois de plus nous avons vécu un repas mémorable.