Mon fils n’était pas venu en France depuis cinq mois. Après les programmes fous que j’ai connus où le vin est à l’honneur, je crus prudent d’annoncer une diète pendant la semaine où il serait chez ses parents. Mais il restait un peu du magnum du Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1991 du dîner de vignerons. Nous n’allions quand même pas le laisser !
Sur une quiche lorraine et des fromages, ce beau vin a montré des saveurs ensoleillées de jaune d’or. C’est un grand vin solide et droit, fort plaisant le jour d’après.
Ce soir, ma femme a voulu gâter son fils avec une terrine de foie gras. Ce serait un crime de boire de l’eau. Il faudrait un champagne jeune pour le boudin blanc qui va suivre et les foies gras cuits sur une crème de noix et panais. Mais en cave, le seul champagne au frais, prêt à boire est un Champagne Dom Pérignon 1966. Est-ce bien raisonnable ? Je n’ai qu’un fils et je le vois peu. Allons-y.
Le bouchon est difficile a lever car il est coincé. Je pressens un problème et le bouchon se casse. Le bas monte avec un tirebouchon, délivrant un pschitt discret. La bulle est présente. Le nez fait penser au miel pour ma femme et mon fils. Pour moi c’est plutôt une pâte de fruit. En bouche, c’est un éclat de saveurs complexes et variées. S’il y a des évocations florales, ce sont surtout des fruits délicats que je ressens. Tout au long de la dégustation ce vin saura changer en permanence de visage, offrant du souriant, du profond, de beaux fruits et des bouquets de fleurs. J’avais en tête que 1966 est l’année que je préfère de la prodigieuse décennie des années 60, la plus belle pour Dom Pérignon.
Il est certain que le Dom Pérignon Œnothèque 1969 du dîner récent est transcendantal par rapport à ce 1966, alors que je préfère habituellement les dégorgements d’origine, plus authentiques. Mais ce 1966 est d’une grâce, d’une complexité qui m’enchantent. Avec mon fils nous profitons d’un très grand moment. C’est si agréable de partager avec lui.