Lors d’une visite à Paris, je fais un crochet pour faire quelques emplettes au magasin de vente de Kaviari. Un cœur de saumon est prévu pour ce soir. Le saumon s’accommode mieux d’un vin blanc que d’un champagne aussi vais-je chercher en cave un Bienvenues Bâtard-Montrachet Tasteviné par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin dans les caves de Bouchard Père & Fils 1960 dont j’avais noté dans mon inventaire qu’il faudrait le boire au plus vite. Il a en effet une baisse de niveau de l’ordre de dix centimètres et une couleur très foncée, vue à travers le verre de la bouteille.
Il me semble qu’il faut l’ouvrir très en avance aussi est-ce à 15 heures que j’ouvre ce vin. Dès que j’ai découpé la capsule, une odeur très forte envahit la pièce, franchement peu engageante. J’arrive à sortir le bouchon entier et le bouchon sent mauvais. L’odeur dans la pièce est de serpillière ou de caniveau. Mais quand je mets mon nez juste à l’aplomb du goulot, je sens comme au fond d’un puits un parfum d’un beau montrachet. L’espoir est donc permis.
Au moment du dîner, je sers le vin pour qu’il accompagne un tarama aux œufs de cabillaud. Sur cette crème forte et salée, le vin offre un parfum qui n’a plus aucune mauvaise odeur. Toute mauvaise senteur a disparu. Et on perçoit que le vin est botrytisé car son parfum est suave. En bouche, le botrytisé est sensible et le vin est fort agréable.
Sur le cœur de saumon bien gras, le vin change de cap à 180 degrés. Il a perdu le botrytis et devient résolument sec, très sec. Quel changement ! Plaisant, direct, le vin n’est pas très complexe et manque un peu de largeur. On ressent que ce vin a un peu souffert et a rétréci son message, mais on le boit avec plaisir.
Il aurait fallu le boire il y a longtemps, mais il était là, avait envie qu’on le boive et il s’est montré fort agréable. Tant mieux.
Le lendemain, la couleur du vin a changé, tendant vers des couleurs de thé. Le parfum s’est resserré, refermé et n’a plus de charme. Même si le vin est de belle fraîcheur, il s’est refermé comme un bernard-l’hermite coincé dans sa coquille. Il avait livré la veille les derniers feux de sa vie. C’est ainsi.