Sur la route de Saint-Tropez, en ayant dépassé le Lavandou, le restaurant « Le Sud » est sur le bord de la route. D’amples plantes tropicales marquent la façade. A l’entrée une belle femme brune accueille d’un sourire composé. Sa beauté évite de s’attarder sur une décoration qui n’existe pas. Christophe Petra, chef auteur de « Ma Provence Gourmande », affiche un large sourire heureux et satisfait. On nous propose du champagne en prononçant deux noms qui ciblent l’endroit. Nous choisissons champagne Besserat de Bellefon rosé NM de bien agréable fraîcheur expressive. Ce champagne fait partie du tout petit groupe des bons rosés. Le maître des lieux vient nous réciter son menu, excluant que nous perdions notre temps à lire une carte. C’est une pratique que je n’apprécie pas. La carte des vins en revanche est fort intelligente, car elle a eu la sagesse de ne pas actualiser les prix fous de l’époque présente. J’y détecte des bonnes pioches qu’il faudrait venir exploiter. Comme je suis invité avec mon épouse, je fais un choix mesuré, car le choix pour compte d’autrui est un exercice délicat.
Nous allons être submergés par une cuisine multiforme, où les amuse-bouche s’ajoutent aux pré-entrées, entrées et autres plats, sans que l’impression d’excès n’apparaisse. C’est goûteux, fort goûteux parfois, au point que l’on se demande comment les goûts si prononcés ne sont pas dopés comme cela existe dans un sport qui visite la France sur une selle. Le toast aux truffes d’été ressemble à un toast aux truffes d’hiver, la crème de cèpes et truffes a une intensité rare, le bar est délicieux. Le seul plat qui a joué un peu en dedans c’est le lapin confit de quatre heures, plat fort difficile à exécuter que j’avais pris pour jauger sur un exercice de voltige le talent de Christophe Petra dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Sur ce festin, le Corton Charlemagne Louis Latour 2000 est extrêmement agréable. On est loin de la puissance de certains Corton Charlemagne, mais en ce temps de canicule, c’est plutôt un avantage. Les évocations sont discrètes mais subtiles. Ce vin demande qu’on aille chercher en lui toutes les subtilités qu’il recèle. Et le plaisir vient de cette découverte attentive.
L’Hermitage La Sizeranne Chapoutier 2002 est confortable. C’est un vin rassurant, sans complication excessive, à la trame juste qui n’en fait pas trop. C’est le vin que l’on est content de boire, mais qui ne suscite aucune énigme. Mes amis l’aimèrent pour sa franchise et son confort. Le temps lui donnera sans doute plus de complexité.
Parler du réchauffement de la planète, ça donne soif. Le champagne Louis Roederer, manifestement recommandé par la maison, apaise une dernière soif sans entraîner de bravos d’une foule peu conquise par ce champagne trop gentil et trop bien élevé.
Cette table mérite qu’on s’y intéresse car il y a de l’intelligence et du savoir faire dans cette cuisine généreuse. Le service est un peu conventionnel, la sommellerie plus que discrète, mais c’est un endroit où nous ne sommes pas connus, ce qui change l’atmosphère. La carte des vins vaut le détour. En vacances, n’est-ce pas ce qui convient ?