Un dîner de famille. Il faut préparer les vins dans l’après-midi.
Comme il fait un peu soif, j’ouvre pour mon fils une demie bouteille de Château Lafite Rothschild 1969. Comment se fait-il que toutes les fois que je l’ai essayé, ce vin est constamment bon ? Il exprime toute la grâce de Lafite, sa densité, et ne se voit limité ni par l’âge, ni par la valeur de l’année. Avec des petites tartines de foie gras, on se plait à préparer les bouteilles du soir.
Le dîner commence sur Moët &ChandonBrut Impériale NM (non millésimé). Il a nettement plus de vingt ans, et cela lui va si bien : un fumé, une densité, une trace qui l’améliorent sensiblement. Un Chambolle Musigny les Amoureuses, P. Misserey et Frère 1981 se présente fort agréablement : typé, il a encore l’amertume de la jeunesse, cette caractéristique de râpeux si plaisante que l’on voit généralement sur des vins plus jeunes. Ici, la rondeur s’ajoutant au fruit donnaient une bien agréable titillation. Le menu prévoyant du melon et jambon, ce qui est le calvaire du vin, je décidai d’ouvrir un Banyuls soleira hors d’âge Parcé domaine du mas blanc NM, le même que celui que j’avais goûté chez Lucas Carton. Peut-être un peu plus vieux. A noter qu’il se mariait beaucoup mieux avec le melon qu’avec le jambon, ce qui est assez paradoxal. Le clou du dîner, c’était un magnum de Smith Haut Lafitte 1937 que j’aurais aimé boire avec la famille Cathiard qui a donné tant d’efforts pour ce grand vin, mais il fallait l’ouvrir, car le niveau venait de baisser. Sur l’étiquette il y a la mention « Martillac » et « appellation contrôlée ». A l’ouverture à 17 heures, un très beau nez. Au service, un nez charmant. Mais malgré de belles qualités, je fus un peu gêné par l’acidité. Bel accord sur un filet de bœuf en croûte. Sur les desserts chocolatés le Banyuls était à son aise, mais le Chambolle Musigny brillait au moins autant. Le lendemain, le Banyuls se mariait très bien, malgré sa force, avec un foie gras, ce que je n’aurais sans doute pas imaginé.