C’est le Sociando-Mallet de ce soir qui m’inspire l’envie de parler du guide. Le guide Michelin est une institution. Outil indispensable avec des cartes remarquables, une précision dans la description des moyens de rejoindre un établissement, ce guide est très complet. Il ne joue pas l’aventure. Or notre monde veut du sensationnel, du sang à la une. Si le guide ose changer un classement, on le lui reproche. Si le guide ose le conserver, on le lui reproche aussi. S’il est conservateur, il agace. S’il innove, il agace également. L’habitué des plus grandes tables se soucie peu de voir le guide faire des pirouettes. La date à laquelle Eric Fréchon et Yannick Alléno auront leur troisième étoile importe peu, car l’amateur les adore déjà. Et quand l’Astrance vient briller au firmament de la gastronomie, des journalistes avisés en ont déjà parlé. Le guide est un peu comme le classement des vins de Bordeaux de 1855. Il est solide mais n’intègre pas toutes les nouveautés. C’est cela qui crée le lien avec Sociando-Mallet. Cet aimable vin ne fait pas partie du Panthéon. Un gourou écouté, faiseur d’opinion, dit que le 1990 est éblouissant et lui donne une note maximale. Je n’ai pas réagi à cette nouvelle fièvre. J’ai bien fait. C’est comme cela que je considère le Michelin : s’il n’a pas l’information qu’il « faut absolument » avoir, ce n’est pas gênant. Il a les autres. Alors bien sûr, la rétrogradation de la Tour d’Argent au moment où Claude Terrail est malade est aussi fâcheuse que l’incident belge. Mais la fonction remplie par le guide est indispensable. L’avant-garde est traitée par d’autres, les brusques apparitions sont traitées par la presse. L’accoutumé des grandes tables est bien informé. La sécurité du Guide lui va bien.