Une journée particulièrement "vineuse"
1 – présentation de vins de Bourgogne 2008
Chaque année "Les Domaines Familiaux de Tradition" de Bourgogne présentent un nouveau millésime. Aujourd’hui c’est 2008. Alors que j’arrive assez tôt, la grande salle du rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen est noire de monde. Il faut dire que cette présentation de vins est "le" grand moment du monde du vin. Voici quelques impressions picorées de-ci, de-là.
Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 2008 est comme toujours un vin précis et de grande sécurité. Le Corton Grand Cru rouge Bonneau du Martray 2008 est un vin que j’apprécie beaucoup. Il va falloir qu’il s’ouvre encore pour montrer la forte personnalité que j’aime.
J’ai beaucoup apprécié le Morey-Saint-Denis 1er cru Les Monts Luisants domaine Dujac 2008, alors que le Clos de la Roche domaine Dujac 2008, plus grand dans l’absolu est dans une phase un peu ingrate. Le Mazis-Chambertin domaine Faiveley 2008 est d’une belle fraîcheur. C’est un vin que j’aime pour son élégance. Le Pommard 1er Cru Grands Epenots Michel Gaunoux 2008 est bien agréable. Le Clos Vougeot du Château de la Tour 2008 est solide et relativement classique.
Les trois blancs du domaine Comte Lafon le Meursault, le Meursault Clos de la Barre et le Meursault Charmes 2008 sont de solides gaillards, en pleine possession de leurs moyens. Par contraste la puissance des vins du domaine Leflaive est assez spectaculaire : le Puligny-Montrachet, le Puligny-Montrachet Clavoillons et le Puligny-Montrachet Pucelles 2008.
Le Clos Vougeot Méo Camuzet 2008 est un beau vin bien construit. Le Pommard Les Rugiens domaine de Montille est un vin dont j’aime la délicatesse qui ne cède à aucune mode.
Tous les vins du domaine Georges Roumier sont des modèles de précision, même s’ils ne sont pas tous dans le même état d’épanouissement. Le Chambolle Musigny est bon, le Morey-Saint-Denis Clos de la Bussière est un peu en dedans, j’aime beaucoup de Chambolle Musigny les Cras et le Bonnes Mares Georges Roumier 2008 est très prometteur.
Tout me plait dans le domaine Rousseau, même le Gevrey-Chambertin villages qui est très gourmand. J’aime beaucoup le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques de beau caractère, un peu moins le Charmes-Chambertin moins épanoui, et j’adore -évidemment – le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 2008.
Sur les fromages de la fromagerie Loiseau, j’ai goûté un Beaune Clos des Mouches Jospeh Drouhin 2006 fort plaisant.
Autour de moi les commentaires étaient mitigés, plusieurs personnes critiquant les rouges de ce millésime. Mon impression est plutôt que les vins sont remarquablement faits, car tous ces domaines travaillent merveilleusement bien, mais que plusieurs vins sont encore dans une phase ingrate et s’épanouiront progressivement. Il me semble qu’on se félicitera naturellement de ce millésime en blancs, mais que ce sera aussi le cas pour les rouges dans quelques années.
2 – déjeuner au restaurant laurent
Sortant du Pavillon Ledoyen je vois des vignerons qui se demandent où ils vont déjeuner. Un groupe est prêt à se former. Nous pensions être cinq, mais en fait nous ne serons que trois à déjeuner au restaurant Laurent.
Je choisis la palette de légumes raves relevés d’huiles aromatiques et épicées et un dos de cabillaud cuit au naturel, brandade truffée. L’un des vignerons voulait choisir un Saint-Joseph 2009 mais voyant ma moue devant la jeunesse du millésime il porte son choix sur une Côte Rôtie R. Rostaing Côte Blonde 2004. Personne ne dit rien, mais le vin est assez décevant. On dirait un vieux bourgogne qui a mal vieilli. Il n’a franchement pas grand-chose à dire, manquant de précision et relativement amer. Les légumes sont bons mais la sauce assez vinaigrée n’est pas l’amie des vins, alors que le cabillaud est magistral et cohabite bien avec le vin rouge qu’il réveille. Nous avons évidemment parlé de vins, et ce fut un bien agréable déjeuner impromptu avec deux grands vignerons.
3 – présentation des vins du domaine Antinori
A peine sorti du restaurant je me présente à l’hôtel Royal Monceau où Piero Antinori présente les vins de son domaine, le domaine Antinori. La décoration de l’hôtel est toute récente, et comme dans beaucoup d’hôtels nouveaux, ce sont les tons de bois marron qui dominent, les éclairages créant les atmosphères recherchées. De sculpturales hôtesses sont vêtues de marron pour que seul le rouge de leurs lèvres illumine le chemin à suivre vers les salles de réception. Leurs stilettos rehaussés de semelles épaisses les font apparaître encore plus grandes. Indépendamment de la présentation générale des vins, les V.I.P. du monde du vin sont reçus dans une salle de dégustation où chaque place est dotée de nombreux verres de dégustation très efficaces et très coûteux. L’atmosphère est studieuse.
Piero Antinori explique qu’il représente la 27ème génération de sa famille à la tête du domaine Antinori. Cette constance familiale vaut à son entreprise d’être classée parmi les Hénokiens, mais il m’explique qu’il s’en est un peu écarté car il s’occupe d’autres organisations de vignerons.
La première dégustation porte sur les Tignanello situés au cœur du Chianti Classico. Nous goûtons 1997, 2001, 2004 et 2007 après avoir bu un blanc, un Castello Della Sala 1999 de la région d’Ombrie. Le vin blanc a un nez très riche, très "vieilles vignes". Ce vin lourd au fort alcool est typé et très minéral. L’âge lui donne de l’équilibre.
Pour les rouges, ma préférence va vers le plus jeune, vin gourmand, marqué par la douceur.
Alors que nous étions en train de déguster les vins, Philippine de Rothschild vient s’asseoir à l’une des tables pour participer à la dégustation. Elle nous explique qu’elle est venue pour témoigner son amitié à Piero Antinori. C’est une attention toute particulière et d’une grande amitié et c’est assez surprenant de voir la baronne assise comme une écolière, puisque la disposition des tables donnait l’ambiance d’une salle de classe.
On nous demande de prendre une pause d’un quart d’heure pour permettre la mise en place de la salle pour la deuxième dégustation, celle des Solaia. Ne pouvant pas rester puisque le devoir m’appelle, je triche en me faisant verser un Solaia 2001. Quel grand vin ! Le saut qualitatif est immense et ce vin me plait. Il fait partie des grands vins italiens.
4 – présentation de vins d’Alsace
Ayant promis d’aller à une présentation de vins d’Alsace, je me précipite à l’hôtel d’Evreux, sur la place Vendôme, magnifique bâtisse. Dans une grande salle, le nombre de vignerons est très important. Et, comme seuls les alsaciens savent le faire, les victuailles typiquement alsaciennes sont de grande qualité.
Il est d’une évidence criante que le riesling est un vin blanc d’une immense noblesse. Sa précision et sa fraîcheur en font un vin de plaisir. Les variations selon les terroirs sont considérables, mais il faut absolument succomber à ce cépage divin.
Jean-Michel Deiss est toujours aussi passionnant à écouter parler avec passion des vins de son domaine. J’ai butiné rapidement sur quelques stands, saluant des vignerons que je connais.
5 – conférence dégustation à l’Institut Supérieur du Marketing du Luxe
Et très vite, je quitte une assemblée joyeuse et nombreuse pour aller à l’Institut Supérieur du Marketing du Luxe pour animer une conférence dégustation sur les vins anciens.
Le directeur a fait les choses avec un grand sérieux, car les 25 élèves présents ont dû, pour être acceptés à cette séance, justifier leur motivation à y participer. Les étudiants se sont présentés, et il y a dans cette assemblée très cosmopolite beaucoup de beaux projets et d’expériences. La semaine précédente, j’étais allé à la Maison du Chocolat pour choisir deux chocolats, un plus amer et un plus typé. Et j’ai présenté deux vins, un Rivesaltes 1974 et un Maury 1947 des vignerons de Maury. Et l’idée de l’expérience est de comparer les deux vins bus seuls, puis bus avec chacun des chocolats.
Il est apparu que bus seuls, c’est le Maury qui plait le plus du fait de l’équilibre que lui donne son âge, le Rivesaltes évoquant le pruneau, quand le Maury évoque la griotte. Le Rivesaltes s’associe bien avec le premier chocolat et profite de cette association. Le Maury s’associe mieux avec le second chocolat, mais n’en profite pas tant que cela, car nous préférons le Maury seul. Une grande unanimité est apparue sur chaque vote, ce qui n’est pas si fréquent.
J’adore converser avec des jeunes qui représentent des forces d’avenir, et ont envie de réussir. Certains d’entre eux participeront à la prochaine académie des vins anciens.