Les bouteilles de la guerre qui ont une couleur bleue
J’avais entendu dire, et je le croyais, que les bouteilles de vin au verre bleuté que l’on voit pour les années de guerre devaient leur couleur à l’absence de plomb, que la rumeur publique attribuait à la priorité donnée aux munitions plutôt qu’au verre de bouteille.
Or un lecteur fidèle de mes bulletins et grand expert en verres m’écrit ceci :
Cher ami,
Fervent lecteur de vos bulletins et de vos rencontres toujours nouvelles avec les vins anciens et aussi quelquefois des bouteilles anciennes, je me permets de vous contacter au sujet de la couleur légèrement bleue de la période de la guerre dont vous parlez au sujet de la Laville Haut-Brion 1943. Tout d’abord on n’a jamais mis dans les compositions de matières premières des bouteilles, du plomb. Cette couleur peut provenir de différentes causes, à cette époque:
-le manque de soude pendant la guerre faisait que la composition des matières premières étaient sous dosées en soude,
-une mauvaise recuisson de la bouteille avec ouverture intempestive des portes d’accès de l’arche pouvait aussi provoquer cet effet thermo-physique.
-enfin dans certaines circonstances passées, alors que les matières premières utilisées étaient en grande partie d’origine naturelle et non pas chimique, le potassium en surplus dans le sable de carrière pouvait aussi provoquer cette couleur.
A titre anecdotique je vous joins une lettre adressée par Mr de Colnet, Maître de la Verrerie de Quicquengrogne dans le Nord adressée à la Maison de Champagne Clicquot-Fourneaux en 1806.
Bien cordialement
Lettre du : 21/08/1806
M. de COLNET ,maitre de Verrerie de la Verrerie de QUIQUENGROGNE
à M.FOURNEAUX négociant à REIMS , Maison CLICQUOT-FOURNEAUX
Je réponds de suite à votre dernière :vous vous plaignez que les bout. que je vous envoye ont le col bleu et qu’elles sont peu cuites; je vous dis avec vérité Mr , et avec connaissance de cause que c’est la forte cuisson qui les bleuys ,c’est-à-dire qui leur donne la couleur GORGE DE PIGEON. Il faut un milieu à tout cela. il ne faut pas que cela domine trop,ce n’est pas que la bouteille en serait plus cassante au contraire , mais elle ne serait pas aussi belle ; je vais faire soigner pour que le bleu ne domine pas trop.
Quand au poids elles sont portées au plus haut degré, plus forte on ne pourrait pas les fabriquer, d’ailleurs elles ont de 27 28, les 3 quart de 28 , au lieu qu’avant , nous ne traitions que de 26 à 24 et peu de 28. Je compte bien que vous ne perdrez pas 4 par cent ds les tirages que vous ferez de ces bout. car il est impossible de mettre plus de précaution à la manutention des bout. qui se fabriquent pour vous , rien est épargné .
Anciennement Mr Ruinart père qui prenait à la Verrerie 100.000 b. par an et quelquefois plus s’est plaint aussi de trop de bleu, Mr d’Hennezel maître de cette Vie dans Cetius La Luy a proposé de venir voir par lui-même l’expérience et Mr Ruinart a reconnu que plus une bout. était cuite, plus elle était bleue au cou. Il est venu à Anor lui-même et a reconnu son erreur. Je désirerais bien Mr, que vous veniez vous-même sur les lieux , cela me procurerait le plaisir de vous recevoir , et je vous convainquerai que les bout. de ma Verrie sont recuites 36h ,à Anor elles ne le sont qu’à 24-28 et que ds toute autres verries qui fournissent à Reims elles ne le sont que 12h . C’est tout simple, cela suit la Fonte, à ma verrie 25h de fonte d’affinage+13h de travail, à Anor 18h et dans les autres verries 12h, .Cela est connu et la cuisson suit la longueur des travaux et affinage.
Voilà une légende qui tombe. La couleur bleue créée par l’absence ce plomb a du plomb dans l’aile !