Richard Geoffroy, le chef de cave et compositeur de Dom Pérignon invite une dizaine de journalistes et/ou amis à découvrir le millésime 2006 par une verticale des cinq millésimes successifs finissant par 2006. Le rendez-vous est à l’hôtel Royal Monceau, dans la suite Raffles. Ce n’est même plus le mot de « suite » qui convient mais plutôt « appartement », avec un luxe rare. Il y a même une salle de sport attachée à cette suite ! Nous sommes assis autour d’une table ovale, avec des verres alignés et Richard fait verser tous les vins en même temps, ce qui permettra, tout au long de la dégustation, de revenir plusieurs fois sur les vins, dans l’ordre de son choix..
Richard fait un long exposé sans être interrompu, ce qui permet à chacun de se concentrer sur ce qu’il boit, plutôt que de se lancer dans des échanges qui distrairaient de l’exercice auquel nous sommes conviés. J’ai pris des notes et comme je suis revenu plusieurs fois sur chaque vin, il y a forcément des redites.
Richard dit qu’avoir millésimé cinq millésimes de suite est très rare. Il nous invite à faire le point sur ces champagnes, en toute simplicité. Nous allons goûter les Dom Pérignon de 2002 à 2006, d’une décennie la plus solaire de l’histoire de la Champagne. La maturité des années solaires fait partie du projet Dom Pérignon,
Richard dit qu’une dimension importante de son rôle est celle d’une prise de risques, pour que la marque Dom Pérignon reste à son niveau. Il aime le titre d’un article d’Antonio Galloni, « No guts, no glory », qu’il trouve le plus adapté pour définir comment se fait Dom Pérignon : il n’y a pas de gloire sans prise de risque. Richard considère qu’à chaque millésime, il y a une réinvention, en mettant tous les compteurs à zéro. Il souhaite que le vin donne l’image de chaque année et du fait du réchauffement climatique qui profite à la Champagne il pense envisageable que tous les années donnent lieu à un Dom Pérignon. Il y a bien sûr parfois des impossibilités comme 2001 et l’année 2007 est encore en question car elle est faible.
Champagne Dom Pérignon 2006 son nez très élégant de jolie vinosité est le plus glorieux des parfums de cinq vins. Le vin est d’une belle acidité, les fruits sont roses et citron, il y a un peu de brioche, le vin est vif et va s’arrondir mais il est déjà très noble. Je ressens un peu de café dans le finale. Ce champagne est très frais. Je suis assez fasciné par le nez du 2006. Ce vin sera grand dans le futur.
Champagne Dom Pérignon 2005 a un nez de citron vert, avec un amer joli. La bouche est ample, joyeuse. C’est un Dom Pérignon joyeux et sûr de lui, très agréable. La bouche est vineuse avec un soupçon de pâtisserie dans le finale qui est un peu moins joyeux que le milieu de bouche.
Champagne Dom Pérignon 2004 a un nez qui évoque un peu plus la pâtisserie. La bouche est plus classique, il a beaucoup d’équilibre et un caractère salin, typique de Dom Pérignon. Un premier 2004 est carré et solide. Michel Bettane détecte un petit problème et fait changer. Une deuxième bouteille donne un vin plus floral et plus romantique. C’est un dandy assez sûr de lui.
Champagne Dom Pérignon 2003 a un nez très élégant mais aussi très intense, une attaque ample et le vin est marqué par l’élégance, aussi bien par ses fleurs blanches que par son finale. Sa fluidité est belle. Il y a un caractère féminin dans ce champagne.
Champagne Dom Pérignon 2002 a un nez un peu fermé. La bouche est ample comme le 2003. C’est un très beau vin de belle matière, au fruit solide et finale de grande beauté. C’est le Dom Pérignon le plus accompli à ce stade de sa vie, comparé à ses plus jeunes frères.
Ma synthèse faite en sens inverse serait que le 2002 est d’une élégance majeure, le 2003 plus étrange et « exotique », le 2004 très beau demandant plus d’âge, le 2005 très gracieux et élégant et le 2006 au parfum le plus intense, un Dom Pérignon plus calme, mais qui reste très Dom Pérignon.
Tous ces Dom Pérignon sont très élégants et vineux. Il ne jouent pas sur la puissance mais sur le grain, la « glisse », la fluidité. Centrés sur le fuit, ils sont, selon Richard, « glorieusement et fièrement réducteurs », conçus pour une maturation très lente.
Les discussions démarrent avec parfois des petites joutes entre les journalistes qui défendent leurs visions. J’aime celle de Michel Bettane qui a le recul et la sérénité.
Richard Geoffroy nous dit que 2007 sera un peu mince ainsi que 2014. 2008 et 2012 seront superbes et 2009 superlatif.
Cette dégustation est très intéressante mais pas discriminante dans la mesure où chacun de ces millésimes a ses propres qualités. Il aurait fallu un millésime qui se démarque un peu de ce schéma pour mettre encore mieux en perspective le travail créatif fait par Richard Geoffroy et salué par tous.
Nous quittons la table de dégustation pour aller trinquer sur le 2006 en grignotant des petits canapés d’une extrême pertinence. Nous bavardons et je fais la connaissance d’un ami de Richard, homme de presse, qui est mon conscrit. Richard nous retient et nous allons tous les trois déjeuner au restaurant du Royal Monceau où Richard est connu comme le loup blanc.
Nous choisissons un « Black Cod » (défense de la langue française oblige) mariné, riz noir étuvé au gingembre et citron. Le plat légèrement miellé est excellent Richard choisit sur la carte des vins un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin rosé sans année fort judicieux pour le plat, avec une belle pertinence.
J’en profite encore avec un macaron Ispahan de Pierre Hermé, gourmandise suprême par le génie du litchi et de la rose, qui crée un accord couleur sur couleur avec le champagne.
Richard Geoffroy est un être exquis et un esthète innovant. Ce déjeuner sur le pouce n’est que bonheur.
la broderie des serviettes méritait une photo
le « travail » commence
les petits-fours
au rez-de-chaussée ce fauteuil d’enfant
au restaurant