Après la verticale de Pingus Amelia et celle de Pingus au restaurant Spago, j’ai retenu Peter Sisseck et Emanuel Berk son importateur, pour un verre de l’après-match. C’est sur un Dom Pérignon 2002 que nous avons trinqué au « The Boulevard » de l’hôtel Berverly Wilshire où j’avais dîné la veille. Nous avons bavardé de sujets de vins et l’heure du marchand de sable a sonné, car demain d’autres dégustations nous attendent.
A midi, notre groupe qui s’est un peu réduit se retrouve au restaurant Valentino de Santa Monica. Piero Selvaggio le propriétaire fort sympathique bavarde avec nous. Sa curiosité pour les vins est extrême. Il est enthousiaste et a fait beaucoup de dégustations avec Bipin Desai que nous attendons, car son taxi s’est trompé de chemin, avec un Champagne Deutz Brut Classic, très plaisant champagne de soif. Piero me montre une photo datant de trente ans où il est en compagnie de Bern Laxer, le fondateur du Bern’s Steak House à Tampa où j’étais allé en janvier.
La dégustation va porter sur deux vins de Peter Sisseck, le PSI et Flor de Pingus. Le projet de PSI est né en 2007. Peter avait constaté que depuis 1995, la superficie plantée en vignes était passée de neuf mille à vingt-deux mille hectares dans la Ribeira del Duero, et que parallèlement, la surface plantée en vieilles vignes s’était réduite de six mille à quatre mille hectares. Persuadé que ce sont les vieilles vignes qui font les meilleurs vins, il a convaincu ses voisins de lui vendre leurs grappes, pour faire un vin selon la méthode ancestrale. Il avait en effet remarqué que des vignerons faisaient des vins pour eux, non destinés à la consommation, et que ces vins ordinaires étaient très bons, et faits sans bois neuf, en cuves en ciment. L’idée est d’acheter des grappes, de montrer à ces vignerons que l’on peut faire de bons vins avec ces grappes et de les entraîner progressivement vers la biodynamie. Sur l’étiquette de PSI il y a un vieux cep qui a la forme de la lettre grecque. J’ai hasardé que PSI voulait dire « Peter Sisseck initiative ». Peter ne m’a pas contredit, mais je ne sais pas si c’est ça.
Flor de Pingus a démarré comme Pingus en 1995, mais si Pingus était en pleine propriété, Flor de Pingus a commencé avec des achats de raisins, comme PSI en 2007.
Le menu préparé par le chef Nico Chessa est : Stuzzichini dello chef / l’Ippoglosso in padella with medley of funghi and peperoncini / La carbonara di pasta oro con fonduta di parmigiano / Venison Chop with Tuscan marinade and fruit mostarda / il fromaggio : castelmagno, Buffalo blue cheese / La pannacotta.
La première série est PSI 2007, 2008, 2009, 2010. Ce sont des vins 100% vieilles vignes. Le 2010 n’est pas encore en bouteille. Nous buvons un prélèvement de fût.
Le 2010 a un nez d’une extrême pureté. Tout est élégant. Le 2009 a un nez un peu moins pur. On sent le fenouil sur un fond d’acidité. Le 2008 a beaucoup de charme et de douceur. Le 2007 a un parfum absolument charmant.
En bouche, le 2007 est fabuleux. Il y a du cassis, du fenouil et des tannins d’un équilibre énorme. Le 2008 est un peu plus strict. Le 2009 a légèreté et élégance, avec un très joli final. Le 2010 est encore plus élégant. Il se boit très facilement et prend conscience de l’effet « vieilles vignes ».
Le 2007 a un fort poivre. On sent que c’est un vin de gastronomie. Le 2008 est très élégant avec une fraîcheur mentholée. Les 2009 et 2010 sont plus légers et élégants que les 2007 et 2008. Le fruit de ces vins est spectaculaire. Mon classement : PSI 2007, 2010, 2009, 2008.
C’est difficile de juger lorsque les vins ne sont pas ensemble, mais j’aurais tendance à préférer les PSI aux Pingus. En goûtant à nouveau, je constate que les vins évoluent et s’améliorent. Mon classement final sera : PSI 2007, 2010, 2008, 2009. Mais cela pourrait changer encore.
Nous passons maintenant à Flor de Pingus. 1995 est la première année. Mais Peter ayant envoyé mille caisses aux USA, celles-ci se sont perdues, aussi le plus vieux que nous boirons est 1996. Peter a commencé à acheter des grappes, et en 1998, deuxième incident, le producteur principal lui annonce qu’il a tout vendu à un autre vigneron. Il n’y a donc pas de 1998. Depuis, il a sécurisé ses approvisionnements. Il achète de 18 parcelles différentes et intervient dans le contrôle de la croissance des vignes. Ses achats sont depuis 2004 à 100% de vieilles vignes. La production est d’environ 50.000 bouteilles et l’alcool est autour de 14°.
La deuxième série est Flor de Pingus 2007, 2008, 2009, 2010.
Le nez du 2010 est élégant et discret. Celui du 2009 est élégant mais plus strict. Le 2008 a un nez incroyablement fruité, presque trop. Il y a de la framboise et du fruit confit. Le 2007 est très élégant. Le 2008 me dérange par son parfum hors norme.
En bouche, le 2010 est un peu trop flatteur. Il est épais. Le 2009 est beaucoup plus élégant. Il a un joli fruit et de la légèreté. C’est un joli vin, pas très complexe. On sent le fenouil. Le 2008 est curieux. Il a beaucoup de menthe, de fenouil et de fruit en compote. C’est une curiosité sympathique mais qui n’est pas dans la ligne des vins de Peter. Le 2007, un peu comme le 2010 est très doux, inhabituel. En revenant sur le 2010, je le trouve trop doux. Le 2009 est élégant, le 2008 est en train de s’assembler. Peter adore le 2008 et pense qu’il vieillira bien. Le 2007 progresse aussi. Ces vins auraient dû être ouverts avant, car tous progressent. Je classe 2009, 2007, 2008, 2010. Mais quand le plat est là, qui fait disparaître tout aspect doucereux, je classe : Flor de Pingus 2009, 2008, 2010, 2007. Ces vins sont un peu lourdauds et trop « modernes » pour moi.
La troisième série est Flor de Pingus 2003, 2004, 2005, 2006.
Le nez du 2006 est élégant. Le 2005 est profond. Le 2004 est entre les deux, et le 2003 est plus doux. Après tout ce qu’on a bu depuis hier, mes commentaires deviennent de plus en plus succincts.
En bouche, le 2006 est bon, doux, mais un peu rêche. Le 2005 manque d’équilibre. Le 2004 a beaucoup plus d’équilibre et de grâce. Le 2003 est un peu râpeux. On a envie de les juger avec un plat. Les vins y gagnent énormément. Le 2006 est superbe, le 2005 est un peu moins intégré et plus lourd. Le 2004 est élégant et le 2003 très élégant. Mon classement : Flor de Pingus 2003, 2004, 2006, 2005.
Ces vins sont flatteurs, mais lourds et manquent de précision. Peter à qui je m’en ouvre dit que la raison pourrait être qu’il s’agit de vins de mélange, puisqu’il achète des grappes de plusieurs parcelles. Mon classement final est : Flor de Pingus 2004, 2003, 2006, 2005.
La quatrième série est Flor de Pingus 1996, 1999, 2000, 2001.
Le nez du 2001 est très fort et l’on sent l’alcool. Le 2000 est plus calme mais imparfait. On sent la structure imprécise. Le 1999 est plus civilisé. Le 1996 est très élégant.
En bouche, le 2001 n’est pas mal, assez calme et assez amer. Le 2000 a un côté vineux et une amertume apparaît. Il est assez dur. Mais il faut dire que je commence à saturer de toutes ces séries. Le 1999 est plus joyeux, plus équilibré. Le 1996 est encore meilleur. Elégant et pur, c’est le plus grand de tous les Flor de Pingus. Mon classement est : Flor de Pingus 1996, 1999, 2001, 2000.
Si l’on combine les trois séries de Flor de Pingus, je retiendrais Flor de Pingus 1996, 2009, 2004, 1999.
Nous finissons le repas avec un Torres Floralis Moscatel 2008 qui, malgré les 15° annoncés fait très fortifié. Il évoque le melon et la menthe traités en ratafia.
Ce qu’on peut retenir de cette dégustation en deux repas, c’est d’abord la grande modestie de Peter Sisseck, son envie permanente d’améliorer ce qu’il fait, et sa volonté d’aider les vignerons de sa région pour la mise en valeur des vins des vieilles vignes et pour l’extension de la biodynamie.
Pour Pingus et Flor de Pingus, les vins les meilleurs sont le plus souvent soit les plus anciens, soit les plus récents. Au début, il devait y avoir la flamme du démarrage auquel s’ajoute maintenant l’effet de l’âge. Pour les plus récents, c’est l’amélioration de la qualité du vin. Ce sont des vins qu’il faut boire soit très jeunes, soit avec une maturité affirmée. 1996 et 1999 sont de beaux millésimes anciens et 2009 et 2010 de beaux millésimes récents.
D’une façon générale c’est l’élégance, la fraîcheur et la précision qui caractérisent les vins de Peter. J’ai eu un faible particulier pour les vins que je ne connaissais pas, le très frais Pingus Amelia et le très original PSI. J’ai beaucoup appris sur ce domaine promis aux plus belles destinées grâce aux qualités d’ouverture d’un vigneron danois passionné de la Ribeira del Duero.
la salle
Peter Sisseck