Rencontre de plusieurs amis du forum comme en savane au point d’eau : chez Sherry Lehman, invraisemblable boutique de vins qui compte 7.000 références, ce qui est énorme. Pour la première fois de ma vie, je vois une impériale de Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2000. A 8.500 dollars, il vaut mieux avoir de bons amis pour partager. Cette impériale porte le numéro 3, sur une production de 2000 bouteilles. D’autres flacons rares s’étalent sous nos yeux. Une boutique rare, avec la profusion américaine qui met en valeur le talent de producteurs français.
Déjeuner dans un petit restaurant français à la cuisine lyonnaise, à base d’omelettes. Bien agréable et sans prétention. Dîner à l’une des brasseries de l’hôtel, où tout est faux : service qui ressemble à un guichet de la Sécurité Sociale, toasts tenant du pain d’épices, coquilles Saint-Jacques trop salées, surcuites, au caviar incertain, et tenant de l’éponge. L’adresse où l’on ne va que si l’on est forcé. Ou, comme moi, ignorant.
Réveil sur un New York pluvieux, et déjeuner avec le fondateur du forum, Jim Howaniec au restaurant La Goulue, à l’atmosphère de brasserie française, comme ont été Bofinger ou Flo, du temps de leur vraie période brasserie. Personnel très sympathique, composé de français qui sentent avec intérêt la bouteille de Château Chalon 1921 (le reste de l’autre soir) que je partage avec Jim. Les discussions se font à un rythme lent, car Jim a eu une soirée où 10 personnes ont partagé un menu de 15 plats et 30 bouteilles jusqu’à 3 heures du matin. Ils ont goûté Lynch Bages 1989, Haut-Brion 1989, très bon mais encore jeune, et Grands Echézeaux DRC 1996 déjà bien ouvert. Jim a donc bu très peu de ce 1921 qui est son plus vieux vin. Il a pu mesurer la longueur invraisemblable de ce Château Chalon. Il a ri abondamment quand j’ai bloqué un serveur qui voulait enlever son verre vide : je voulais qu’il sente le verre vide et prenne conscience de la persistance aromatique de ce vin.
Réunion dans la grande salle à manger de l’Union League Club, un club privé très select. La dégustation est conduite par Allen Meadows, un expert en vins de Bourgogne. Il parle avec une justesse extrême, mais le propos se perd parfois dans une technique qui éloigne trop des désirs simples du palais.
Chablis les Vaillons 1er Cru René et Vincent Dauvissat 1995 – très parfumé, mais peut-être trop parfumé au début. Après s’être réchauffé dans le verre, il dégage des parfums larges et envoûtants. Pas trop caractéristique de Chablis, mais vraiment intéressant.
Puligny Montrachet Folatières Domaine Leflaive 1992 très gras, très caractéristique beau et rond, mais assez facile. Mais quand même une belle réussite
Chassagne Montrachet Ramonet 1992 1er cru Boudriotte. Quelle finesse, tout en subtilité quand le Puligny explose de sa générosité. Un très bon vin. Celui que je préfère des trois blancs.
Hautes Cotes de Nuits Jayer-Gilles 1993. Très désagréable à ce moment, et avec les fromages accompagnant, même si on imagine que provoqué par une viande, il serait agréable, du fait de son coté animal. Amertume pas assez contrôlée. Et trop moderne.
Gevrey Chambertin 1er Cru Clos St Jacques Louis Jadot 1993. Plus agréable, bien construit et bien complexe.
Musigny Joseph Drouhin 1993. Vin pas encore accompli, rugueux. Mais prometteur. Une belle structure qui apparaîtra dans quelques années.
Musigny Louis Jadot 1993. A l’inverse, remarquable, rond, accompli, généreux et extrêmement agréable. Un vin qui fait plaisir. Très beau. Le meilleur des quatre rouges.
L’assemblée se disjoint. Certains se joignent à des dîners organisés. Je me joins au groupe créé par l’initiateur de la dégustation, dans un appartement privé.
Echézeaux F & A Gros 1991. Si beau, si bien fait, si différent des vins précédents par une rondeur extrême, plus sensible au nez qu’en bouche. Un vin magnifique.
Beaucastel 1983 : ouvert trop vite et servi trop tôt. Un nez animal de gibier fatigué. Agréable sans doute, mais il faut ouvrir ces vins longtemps avant. On n’en profite pas comme il faudrait.
Richebourg DRC 1973 : un bouchon qui pue. Stockage trop chaud. Le vin renaît. L’odeur disparaît. Les qualités extrêmes se montrent, mais la blessure reste. C’est toutefois un intéressant témoignage que je garde longtemps dans mon verre.
Le généreux donateur de ces vins ayant une diction qui s’empâtait de plus en plus avait sans doute précipité le service de ses vins, pour pouvoir opérer une retraite nécessaire.
1989 Maximin BrunHauser Abstberg Auslese 133 von Schubert Mosel Riesling citronné et pas assez accompli. J’ai eu un peu de mal.
1998 Haut Brion blanc magnifique mais gâché, car présenté trop chaud, et sans la nourriture qu’il nécessiterait. Alors qu’il a le potentiel du 1994 bu peu avant, il se révèle à peine. Je n’ai même pas goûté le 1995 proposé en même temps.
1971 Wiltinger Kupp Beeren auslese Graf zu Hiensbroech très chaleureux vin bien rond. Un intéressant passage, particulièrement plein de subtilités, à la couleur déjà orangée.
Vouvray le Haut Lieu 1924 Huet était la vedette attendue. Belle bouteille ancienne et mise en bouteille récente. Le message est trop monolithique. C’est citronné, assez flatteur, mais trop simple. On n’en profite pas vraiment. Il y a même une certaine déception, tant un 1921 récent m’avait enthousiasmé.
Je reviens sur un Bonnes Mares Comte de Vogüé 1988 absolument accompli, au nez superbe et à la bouche ronde. Je reste longtemps à seulement le sentir. Grand.
Je finis sur La Conseillante 1994 que j’aime tant. Un vin délicieux.
Profusion de vins, générosité extrême, mais quel désordre dans la présentation. Les vins sont deux fois moins bons que si on s’en occupait comme il convient. On sent que c’est la profusion et la générosité qui sont surtout encouragées. On ne peut que les en remercier.