Le fils d’un ami de mon père est le premier adjoint du maire du Croisic, adorable petit port que l’on peut rejoindre de nos jours en trois heures de TGV. Jacques, que je connais depuis des lustres m’invite à faire une conférence sur ma vision du vin. L’idée de revoir mon ami en cette si belle région bretonne me plait beaucoup. Avec ma femme nous prenons le TGV qui nous amène à la petite gare du Croisic. Jacques nous attend et nous conduit chez lui pour une petite collation. Sa maison est à l’extrémité du port et de son jardin on peut voir tout le port en enfilade.
Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel L’Estacade situé le long du port, nous nous rendons à la salle Jeanne d’Arc où se tiendra la conférence. Une annonce de ma venue a été faite dans le journal Ouest France et dans le journal de La Baule. Jacques comptera 65 participants à ma conférence. Il attendait plus et n’avait pas anticipé qu’il s’agit du week-end de Pâques qui pousse certains à quitter leur région.
Le nombre de 65 ne me pose pas de problème mais il m’interdisait d’apporter des vins que l’on aurait dégustés pendant mon exposé. Bien sûr, beaucoup de personnes n’ont jamais bu de vins très anciens mais j’ai pu mesurer aux questions qui m’ont été posées la volonté de comprendre ce monde et l’intérêt qu’ils ont porté à mes explications. Les échos que Jacques a pu recueillir vont dans ce sens.
Nous dînons le soir même au restaurant de l’hôtel L’Estacade. Nous sommes invités bien sûr, mais voulant participer je décide d’offrir un vin. Ce sera un Champagne Dom Ruinart 2004 qui va accompagner avec bonheur des huîtres fraîches, iodées, délicieuses. Pour le turbot cuit avec pertinence nous buvons un Muscadet Sèvre et Maine le Fief du Breil de Jo Landron 2016. Franc et sans histoire ce Muscadet se boit avec le plaisir d’être ensemble.
Le lendemain matin, Jacques nous conduit sur un lieu de pèlerinage, la villa que mes grands-parents louaient dans les années 30 et ont reloué dans les années 60 pour les vacances de mon enfance. La région de la Baule, le Pouliguen et Pornichet s’est incroyablement peuplée, chaque décimètre carré devant être occupé par de l’immobilier. Mais le quartier Bonne Source de Pornichet a gardé son caractère calme et humain. J’ai cherché longtemps la villa « Roche aux Mouettes » qui a changé de façade et de nom. Des millions de souvenirs heureux me sont revenus en mémoire.
Nous déjeunons chez Jacques et Brigitte et j’ai apporté un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964. La couleur est d’un bel ambre doré. Il n’y a pas eu de pschitt. Le champagne est divin, rond et fruité et d’une longueur inextinguible. Il est merveilleux et nos hôtes se rendent compte à quel point le monde des champagnes anciens est irréel et inconnu. Sur des palourdes apportées par un pécheur et sur un bar pêché par Jacques la veille, le champagne est brillant.
Avec Jacques nous avons fait une promenade dans la ville élégante, authentique et qui plus est d’une propreté à signaler. L’église du Croisic est imposante pour une si petite ville, et pousse au recueillement.
Le soir nous invitons Jacques et Brigitte au restaurant le Lenigo situé à la pointe du port qui ouvre sur la mer, que nous fréquentions ma femme et moi lorsque nous étions fiancés. Le restaurant a bonne réputation, mais nous allons assister à un festival de tout ce qu’il ne faudrait pas faire dans la restauration. Nous sommes placés et nous attendons. Une jeune serveuse moldave nous apporte des amuse-bouches et l’on comprend que son champ d’initiative est limité à cette seule fonction. Le temps qui passe me fait penser que le restaurant a perdu par sa lenteur la possibilité de nous vendre un vin de plus. La commande de l’eau est irréelle. Nous demandons de l’eau que nous nommons. Quelques minutes plus tard on nous demande si nous avons commandé de l’eau. Puis quelques minutes plus tard, on nous apporte une eau qui n’est pas celle que nous avons commandée.
Derrière le comptoir il y a un homme qui s’occupe des boissons. Il gesticule avec une absence de cohérence. Les verres vides s’amoncellent sur le comptoir au point qu’un client, venant payer sa note, en a renversé un. Le désordre sur le comptoir est disgracieux. Nous avons contemplé comme au théâtre le spectacle d’une inefficacité majeure.
A côté de cela, les langoustines sont délicieuses et le cabillaud que j’ai pris est fort honnête. Le Chablis Premier Cru Les Fourneaux Dampt Frères 2017 n’est pas aussi brillant que ce que j’attendais, mais il se boit.
Nous sommes repartis le lendemain, heureux d’avoir revu cette si charmante ville portuaire et d’avoir retrouvé des amis attentionnés.
déjeuner chez mon ami
en ville, avec Notre-Dame des Vents
le dîner au Lénigo