un très beau repas d’été samedi, 31 juillet 2010

Nous recevons des amis dans notre maison d’été. Notre boucher recherche les produits d’exception. La viande de bœuf fumée coupée en tranches fines est fondante et goûteuse. C’est un vrai plaisir qui met en valeur un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 en magnum, beaucoup plus vibrant que le précédent que j’avais ouvert. Le champagne est goûteux, de belle personnalité sans en faire trop, et il se boit avec un plaisir extrême. On se sent bien en le buvant. Avec un Pata Negra de grande qualité, au gras qui respire la noisette, le champagne est heureux.

Nous passons à table, et pour le foie gras poêlé sur de fines tranches de poires, d’une combinaison absolument pertinente (j’avais servi de cobaye pour d’autres associations moins convaincantes), c’est un Champagne Krug Grande Cuvée qui entre en scène. Le champagne est très adapté à cette entrée, la poire et le foie titillant le Krug avec bonheur. On voit bien que la trame du Krug est de première grandeur. C’est un grand champagne, beau de complexité et d’une forte personnalité, qui mériterait de vieillir encore un peu en cave.

Ma femme a préparé une joue de bœuf aux carottes confites. La viande est fondante et c’est un plat que j’adore. Nous commençons par un Terrebrune, Bandol 1998. Ce vin met un sourire sur toutes les lèvres car il est joyeusement bon. Une réflexion vient à tous mes amis, y compris ceux qui vivent sur place : ce vin est fait pour être bu dans sa région. Ici, tous ses aspects, dont celui de la truffe d’été et de l’olive, sont naturels. Transporté à Paris, ce vin ne nous donnerait pas le même bonheur. Alors, ne boudons pas la chance de le goûter au sommet de son art. Le 1998 est d’une grande jeunesse, d’un bel équilibre, et son parfum inimitable de vin du sud est conquérant.

C’est la place maintenant sur le même plat à deux bouteilles de Côte Rôtie La Turque Guigal 2003. Avec la première des deux bouteilles, nous avons touché la perfection du vin. Ce vin est tout en surprise, confondant d’originalité. Puissant et de grande fraîcheur, je lui ai trouvé des notes mentholées charmantes et rafraîchissantes. Le vin évoquant la verdeur végétale, j’ai pu compter le fenouil, la barbe d’artichaut, l’anis, dans son panier de saveurs. Quel grand vin à la forte personnalité ! Le premier est un fou chantant comme Charles Trénet dans sa jeunesse, alors que le second est plus civilisé, plus policé. Il est certain que mon cœur balance en faveur du premier, plus brigand.

Sur deux tartes Tatin, nous avons bu deux bouteilles de Champagne Salon 1997. Ce champagne est, à ce stade de sa vie, absolument magique. La comparaison au Krug qui reste dans mon verre est sans conteste en faveur du Salon, car c’est mon goût. Ce champagne est délicieusement floral, d’une expressivité folle. Il est fleurs blanches, fruits blancs, et la cohabitation avec la Tatin, même si elle n’est pas naturelle, fonctionne correctement. La chaleur estivale m’a poussé à éviter les sauternes, naturels compagnons de la Tatin.

Ma femme a réussi un repas de haute qualité, avec des produits remarquablement traités. La vedette de la soirée est La Turque 2003, vin impérial, suivi du champagne Salon 1997.

Déjeuner au Yacht Club de Monaco mercredi, 28 juillet 2010

A la suite d’un de mes dîners, un participant m’a proposé que j’organise pour lui et ses amis un dîner au Yacht Club de Monaco. L’idée pique mon intérêt, cela se conçoit. Par une chaude journée de fin juillet, je me rends à Monaco, où je n’ai pas mis les pieds depuis au moins quarante ans. L’accès à la ville est plus que difficile au plus fort de l’été. Les beaux bateaux que l’on voit lors des retransmissions de courses de Formule 1 sont là, et sont assez impressionnants lorsqu’on les voit de près. L’accueil par le staff du Yacht Club est particulièrement chaleureux. Je rencontre les deux chefs qui officient en cet endroit pour leur dire que je ne viens pas juger leur cuisine, car je ne me sens pas le droit de la juger, mais plutôt pour affiner les plats en fonction des désirs des vins que j’ai prévus pour le futur repas. A notre table, il y a le Président du Yacht Club de Monaco, la responsable de la communication de ce club, un ami du donneur d’ordre, car celui qui me commande ce repas ne peut être là, s’étant malencontreusement blessé sur son bateau la veille.

Nous déjeunons, et c’est fort bon. C’est évidemment simple, mais j’ai senti la volonté de favoriser la clarté et la lisibilité des plats, comme je l’avais indiqué avant de venir. Les bases sont là pour faire un beau dîner, que nous avons composé après le repas avec les deux chefs, réglant tous les points d’organisation avec la directrice de la restauration. Alors que j’avais prévu de ne boire que de l’eau, le maître d’hôtel, pour nous faire plaisir a ouvert un vin de Ladoucette que j’ai trouvé extrêmement précis ; je n’ai pas demandé l’année qui doit être récente. Et nous avons goûté ensuite un Petit Village 1995 que j’ai extrêmement apprécié, pomerol que j’aime en toutes circonstances. Un joli tannin, une belle expression et une longueur plaisante m’ont conquis.

Après le repas fort joyeux, l’ami de l’ami m’a emmené au Café de Paris pour continuer à bavarder autour d’une boisson rafraîchissante. Autour de nous les Rolls-Royce, Ferrari, Aston Martin et Maserati sont aussi nombreuses que les Vélib à Belleville. Monaco donne l’image d’une prospérité invraisemblable, du moins dans la partie qui s’expose. Lorsque je rentre dans ma maison du sud, mon petit bateau ressemble à la demi coque de noix que l’on fait flotter sur l’eau d’un lavabo.

énigme d’un Montrachet 1943 mardi, 27 juillet 2010

Montrachet 1943 Lupé Cholet.

La photo de ce vin est visible ici :

http://www.academiedesvinsanciens.org/archives/2329-137eme-diner-de-wine-dinners-les-vins.html

La photo de son bouchon est visible ici :

http://www.academiedesvinsanciens.org/archives/2350-diner-au-Crillon-photos.html

L’insciption sur le bouchon étant une énigme, j’ai demandé aux lecteurs du bulletin 385 de m’éclairer. J’ai reçu plusieurs réponses dont une très complète.

François DENIS, Directeur Commercial, Export Manager de la maison LUPE-CHOLET me transmet cette information sur le Montrachet 1943 Lupé Cholet dont le bouchon portait l’inscription : "Boillereault de Chauvigny".

Je me permets de vous faire passer ce mail afin de répondre à votre interrogation sur la mention "Boillereault de Chauvigny" sur le bouchon. Ce nom est en fait le nom de la famille propriétaire de la parcelle de Montrachet d’où est issue cette bouteille.

Selon le livre Montrachet de Jean-François Bazin édité par Jacques Legrand, je le cite: "il s’agit d’une des propriétés familiales les plus anciennes en Montrachet. Son origine remonte au début du XIX siècle. Ces vignes faisaient partie du Domaine Bouchard. Née en 1820, Anne-Marie Bouchard hérita d’une partie du vignoble. Épouse de Félix Cellard, médecin à Meursanges, elle eut plusieurs enfants dont Lucie, née en 1851, qui épousa Ferdinand Boillerault à Volnay en 1875. C’est ainsi que le Montrachet est entré dans cette famille, Lazare Boillerault (1876-1930) épousant Geneviève de Chauvigny de Blot (1889-1969). Ils vivent au château de Meursanges. Lors de la cette succession, la plus récente, une division parcellaire a eu lieu entre les héritiers de Geneviève Boillerault."

Cette parcelle est aujourd’hui sous la responsabilité du Comte René-Marc Regnault de Beaucaron.

Voilà qui explique l’énigme du bouchon de ce merveilleux Montrachet.

Mais il y a des suites !

Un autre élément de réponse :

"Boillereault de Chauvigny". Il s’agit d’une très vieille famille de Volnay, qui autrefois commercialisait son vin par l’entremise de Charles Noellat. Actuellement, leur caveau situé rue d’Amour (!) à Volnay est mis à la disposition de M. Nicolas Rossignol qui commercialise sa propre production.

Un autre élément de réponse :

mr lazare boillereault de chauvigny était propriétaire jusqu’en 1980 environ d’une parcelle de montrachet de 0ha7998, entre les parcelles ramonet et marquis de laguiche, donc côté puligny cette parcelle a été partagée entre ses héritiers ( familles guillaume, de surville et regnault de baucaron) qui vendent leur production en raisin à louis latour, louis jadot et olivier leflaive la bourgogne est décidément compliquée, c’est ce qui en fait son charme…

Un autre élément de réponse :

Lupe Cholet, qui appartient maintenant à Bichot, n’est pas proprietaire de Montrachet. Il leur faut donc acheter des vins en vrac, dont des vins dits « sur pile » pour les revendre. C’est ce qui s’est passé dans ton cas. Les vins ont été achetés à la famille Boillereau de Chauvigny, proprietaire de 0.80 ha de Montrachet , depuis le début du XIXeme !

Un autre élément de réponse :

Les Boillerault de Baucaron sont propriétaires au Montrachet, j’ignore le lien avec le nom Boillerault de Chauvigny mais c’est une bonne piste et ils auraient vendu leurs raisins à la Maison de négoce Lupe Cholet, négociants à Nuits, reprise par Bichot il y a une trentaine d’année

C’est facile la Bourgogne !!!

Un beau champagne, pas dans l’atmosphère samedi, 24 juillet 2010

Aimant beaucoup le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs, j’ai pris avec moi quelques magnums de 1990. Il fait chaud, il fait soif, un ami est de passage. Quoi de plus naturel que de trancher de fines tranches de saucisson sur un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1990 en magnum. Le champagne est frais, précis, appréciable, mais par ces fortes chaleurs, une impression de sécheresse empêche de développer sa grâce. On aime sa personnalité, mais le climat n’y était pas. C’est un essai à refaire vite (ce sera fait avec succès six jours plus tard).

restaurant sur mer à Hyères mercredi, 21 juillet 2010

La baie d’Hyères est une des plus belles qui soient. En face de nous le fort de Brégançon, l’île du Levant, l’île de Port Cros, l’île de Porquerolles et la presqu’île de Giens forment un cercle qui entoure cette baie comme si elle avait été créée par un météorite. Sur cette baie plus belle que celle de Cannes, la haute gastronomie n’est pas représentée. Cherchez l’erreur ! Sur une plage où le sable a été importé, mais qui s’en soucie, il y avait un restaurant, le Day, où nous venions goûter des poissons de pêche, en buvant du champagne Dom Pérignon, lorsque le restaurateur avait la trésorerie pour en approvisionner. A force de ne pas payer son loyer, le local devint vite vacant, remplacé aujourd’hui par « Côté mer », qui annonce : « resto plage – transat, food & music ». Nous choisissons une table les pieds dans le sable, à quelques mètres d’une mer totalement calme. Le site est magnifiquement joli. Une serveuse particulièrement dégourdie et attentive a satisfait nos désirs de façon professionnelle, même si elle est stagiaire.

Je commande une salade niçoise « déstructurée » au thon frais et un wok de poulet et nouilles sautées aux épices orientales, car il n’y a aucun poisson de pêche locale. La jeune serveuse me montre une ardoise qui fait carte des vins. Si les lettres sont grosses, le choix est petit. Je repère un vin du domaine d’Ott, dont le prix est deux fois plus cher que le plus cher après lui. La serveuse se demande s’il en reste encore et hélas, il n’en reste plus. Le lieu semble voué aux problèmes de trésorerie. C’est donc avec un rosé de Provence du domaine de la presqu’île de Giens 2009, cuvée lou Pitchoun, dont il est précisé que les vendanges sont manuelles, que je me régale de tapenade. Et rosé plus tapenade, c’est sacré. La cuisine n’est pas mauvaise mais n’est pas bonne. On est ici pour la vue merveilleuse et certains ont dû imaginer que cela induit que l’on doit cibler assez bas.

Dès le soleil tombé, l’espèce humaine présente en ce lieu prend des attitudes simiesques car tout le monde s’agite, en se frottant les aisselles. Les moustiques sont de sortie, avec l’envie de montrer qu’il n’y a pas que les humains qui festoient. Comme dans certains jeux, nous avons tous gagné au grattage. Le vrai gagnant de cette soirée, c’est notre petit-fils de six ans, qui a joué dans le sable, et a profité d’une sortie nocturne sur l’une des plus belles baies de la méditerranée.

un nouveau Richebourg 1996 ! dimanche, 18 juillet 2010

Lorsque nous étions allés dîner chez Yvan Roux, invités par Jonathan, jeune ami français qui prépare son avenir en Australie, il nous avait demandé s’il pourrait coucher chez nous pour prendre son avion tôt le matin. Jonathan arrive dans l’après-midi et lorsque l’heure de l’apéritif sonne, il est temps de terminer le magnum de champagne Salon 1997 commencé avec mon gendre la veille. Le champagne a un peu perdu de sa bulle, mais il est toujours aussi brillant. Quelle prestance, quelle intelligence ! Nous nous régalons sur de la poutargue, qui donne au champagne plus de rectitude. Des toasts au foie gras donnent au champagne plus d’opulence et un charme capiteux.

Tout cela est si bon que le Salon s’assèche. Un Champagne Krug 1982 lui succède et il est intéressant de comparer l’incomparable. Le Krug est infiniment plus complexe, développant ses mille saveurs par vagues imprévues. Mais le Krug est beaucoup moins accueillant que le Salon. Il est comme une diva à qui tout est dû. Ainsi, il ignore la poutargue alors qu’il se complaît avec le foie gras. Au bout du compte, si la complexité du Krug est spectaculaire, mon cœur penche – ce soir – pour le Salon, plus flexible, plus adaptatif, et plus « champagne de soif ».

Nous avions bu la veille un Richebourg Anne Gros 1996 absolument magnifique. Il était tentant d’ouvrir un Richebourg 1996, lisible sur le bouchon, d’une bouteille sans étiquette ni capsule. C’est forcément un vigneron qui me l’a donnée, mais qui. Le souvenir me revient, et le bouchon le confirme, que je n’avais pas suffisamment examiné : il s’agit d’un Richebourg Anne-Françoise Gros 1996, offert lorsqu’elle est venue dîner dans notre maison du sud.

Chose curieuse, le bouchon se brise lorsque j’ouvre la bouteille, ce qui ne devrait pas arriver pour un vin aussi jeune. Nous goûtons, et le premier contact, aussi bien au nez qu’en bouche met des sourires sur nos lèvres. C’est un beau et joyeux Richebourg, solide dans sa structure. Mais plus le temps passe et plus il apparaît que la bouteille a dû connaître un problème de chaleur à un moment où à un autre. Le vin est plaisant, avec de belles évocations, mais il y a une légère amertume qu’il ne devrait pas avoir. Le poulet avec un risotto convient bien au vin que nous buvons avec plaisir.

Lorsque vient le moment du dessert, au lieu de rester à la table installée sous un toit de tuile, nous allons à une table en plein air où l’atmosphère est infiniment plus fraîche. Le vin s’est un peu rafraîchi et une tarte aux abricots, avec l’acidité prononcée des abricots, redonne un tel coup de fouet au Richebourg qu’il a totalement perdu les défauts qu’il avait il y a seulement quelques instants. Qui pourrait croire que l’acidité de l’abricot donnerait cet effet ? Nous finissons le vin avec la joie d’avoir retrouvé un Richebourg éminemment charmant, riche et profond comme nous les aimons.